Le synode sur la famille vient de s’achever et, malheureusement, la catastrophe que nous redoutions a été mise sur les rails. Une majorité des évêques du synode a voté l’article 85 du document final, qui ouvre la route à l’admission à la communion eucharistique des divorcés remariés.
Il convient de remarquer tout d’abord l’incroyable hypocrisie du procédé utilisé pour obtenir à tout prix ce vote de la part des prélats un peu traditionnels. En effet, ce paragraphe 85 n’a été voté qu’avec une seule voix de majorité (178 voix, la majorité étant de 177). Pour cela, comme l’écrit candidement Jean-Marie Guénois dans Le Figaro du lundi 26 octobre 2015, « l’article 85 a été laissé volontairement ambigu par la commission de rédaction », car, « s’il avait mentionné « la communion pour les divorcés remariés », il n’aurait jamais passé la rampe ».
Il s’agit pourtant bien de cela. Mais pour dire sans le dire qu’il s’agit de donner le feu vert à cet accès à la communion eucharistique, le document final use d’un incroyable verbiage à base « d’accompagnement », de « discernement », de « réflexion sincère », de « moments de réflexion », etc. Comme le résume Guénois au même endroit : « L’idée du pape et d’une partie du synode est de réintégrer dans une pleine communion avec l’Église un couple remarié qui aurait subi un divorce, en lui accordant, après un temps de « discernement » mené avec un prêtre au simple niveau paroissial, l’accès aux sacrements, dont la confession et la communion », mais il le fait toutefois « sans nommer la communion eucharistique ».
En vérité, ce paragraphe 85 constitue une claire acceptation de la « morale de situation ». Sous cette appellation technique se cache la démarche suivante : même si, en principe, telle action n’est pas moralement bonne, la « situation » de telle personne fait que, dans son cas, cette action devient bonne. Il ne s’agit donc plus de se confronter aux principes objectifs et de régler sa conscience sur eux : il faut, au contraire, étudier la situation de la conscience pour en tirer une norme d’action.
L’article 85 expose clairement ce processus : « Tout en soutenant une norme générale, il est nécessaire de reconnaître que la responsabilité vis-à-vis d’actions ou de décisions précises, n’est pas la même dans tous les cas ». Autrement dit, la norme morale reste intacte dans les hauteurs de la « morale en soi », tandis que chacun, selon l’évaluation qu’il fait de sa « responsabilité », décide souverainement de ce qui est bon ou mal pour lui.
On nous objectera que, toujours selon l’article 85, les personnes concernées devront opérer ce discernement avec l’aide d’un prêtre, en se confrontant à l’enseignement de l’Église et aux orientations de l’évêque, et en examinant de près leur attitude personnelle dans la ruine du premier mariage. Mais il est facile d’imaginer comment les choses vont se passer en réalité.
Les personnes concernées auront évidemment l’impression qu’elles ne sont pour rien dans la rupture du lien conjugal, ou du moins qu’elles ne pouvaient pas agir autrement. D’un autre côté, l’inquiétant laxisme qui règne déjà dans l’Église n’annonce certainement pas une résistance héroïque des prêtres face aux demandes instantes de leurs paroissiens.
Plus alarmante encore est la mention des « orientations de l’évêque ». Elle prépare un nouveau désastre, semble-t-il, après la ruine de la doctrine durant le concile et la ruine de la morale durant le synode. L’idée du pape François, en effet, est de promouvoir à toute force un collégialisme pire que celui que nous subissons déjà. Ainsi, pour contourner l’opposition de certains prélats plus conservateurs sur les questions matrimoniales, entend-il renvoyer la gestion de celles-ci à la responsabilité des évêques locaux, qui auront eux aussi bien du mal à résister à la pression. Par ailleurs, ce collégialisme contribuera à ébranler un peu plus une fonction pontificale déjà sérieusement affaiblie.
Mais même en supposant que ce « discernement » soit mené avec le plus grand sérieux par les personnes concernées, avec l’aide d’un prêtre profondément attaché à la vérité, sous l’autorité d’un évêque vraiment catholique et qui prendrait appui sur les authentiques enseignements de l’Église, il n’en restera pas moins qu’un mariage valide et consommé entre baptisés est absolument indissoluble et qu’une nouvelle union (« remariage »), tant qu’elle existe effectivement, constitue un adultère, une faute contre les commandements de Dieu et un obstacle à la communion eucharistique. Aucune décision d’aucun synode ne pourra jamais changer cette certitude ancrée dans la Révélation et dans toute la tradition de l’Église.
Devant cette ruine de la morale, devant un tel péril pour nos âmes, pour l’Église et pour toute la société humaine, nous ne pouvons rester passifs : il nous faut supplier Dieu qu’il ait pitié de la sainte Église, qu’il éclaire et fortifie le pape dans la foi.
Abbé Christian Bouchacourt †, Supérieur du District de France
Source : Fideliter n°228