Dans son encyclique Acerbo nimis du 15 avril 1905 sur l’enseignement de la doctrine chrétienne, saint Pie X remarque que « de nos temps surtout, l’âge plus avancé n’a pas moins besoin d’enseignement religieux que l’enfance » et en conséquence prescrit aux curés et aux autres prêtres ayant charge d’âmes « d’adresser aux fidèles une catéchèse en un langage facile, approprié à leur intelligence », à une autre heure que l’instruction des enfants, et cela, « sans préjudice de l’homélie ordinaire sur l’évangile qui doit se faire tous les jours fériés à la messe paroissiale ». Plus d’un siècle après, la remarque n’a rien perdu – bien au contraire – de sa pertinence et la prescription de son urgence.
Pourtant quel catholique adulte aujourd’hui se sent concerné par le catéchisme, c’est-à-dire par l’enseignement des vérités de la foi ? Mis à part les catéchumènes et tous ceux qui reviennent de loin, beaucoup s’illusionnent, croyant en savoir suffisamment avec ce qu’ils ont entendu autrefois à l’école catholique ou au catéchisme de la paroisse. De bonne foi beaucoup estiment ne pas avoir besoin de catéchisme, alors que leur connaissance de la vérité révélée est souvent parcellaire, superficielle, quand elle n’est pas caricaturale… Sans méconnaître les obstacles réels – les impératifs de la vie familiale et professionnelle comme l’éloignement géographique – qui écartent les adultes du catéchisme, trois raisons toutefois doivent les inciter à reprendre régulièrement les vérités essentielles de la foi pour les approfondir et les rafraîchir.
D’abord le progrès naturel de l’intelligence humaine interdit de réserver le catéchisme aux seuls enfants. Il est évident, en effet, que notre pensée évolue au cours de la vie. Déjà, avant qu’elle n’atteigne son âge de maturité, l’intelligence humaine passe par différents stades, que le catéchisme doit suivre. Laisser un adolescent ou un jeune adulte avec les connaissances élémentaires de l’enfance l’empêcherait tout simplement de grandir et de mûrir dans sa foi.
Même l’âge adulte une fois atteint, le regard de l’homme sur le monde et sur Dieu se modifie peu à peu : la vie familiale et professionnelle, une connaissance plus concrète de l’homme et de ses hommeries, l’expérience de l’épreuve et de la maladie jusqu’à l’approche de la mort : autant de réalités, qui ne cessent d’apporter à l’intelligence humaine de quoi moudre son grain et de mûrir sa pensée. Ici encore le catéchisme s’impose : en enseignant les vérités les plus hautes et les plus nécessaires – qui forment en quelque sorte la colonne vertébrale de notre pensée – il permet d’accompagner et de guider ce développement de l’intelligence, lui garantissant de ne jamais s’écarter de la vérité ; l’empêchant surtout d’oublier Dieu.
Ensuite la profondeur des mystères de Dieu exige que le catéchisme, qui les expose, soit repris plusieurs fois dans la vie. A la différence d’une leçon de calcul ou de grammaire, les vérités sur Dieu et sur notre salut demeurent mystérieuses, au sens où elles dépassent infiniment nos capacités de compréhension. On peut donc toujours les approfondir sans pourtant jamais les épuiser. Pour qui a fait plusieurs fois le tour du catéchisme, certaines vérités apparaissent plus lumineuses ; plus encore la connexion des vérités entre elles devient plus évidente.
Enfin la déchristianisation du monde, dans lequel on vit, oblige à approfondir d’autant plus les connaissances de foi, que ces dernières sont oubliées, quand elles ne sont pas directement ou indirectement niées par les opinions à la mode. Si les deux précédentes raisons ont toujours et partout été vraies, cette troisième raison explique la nécessité et l’urgence pour nos contemporains de renforcer leurs connaissances de catéchisme. L’expérience montre en effet que sans formation chrétienne régulière, la conviction des vérités de foi s’émousse peu à peu, les connaissances claires et distinctes bientôt se brouillent et les mots pour les dire, plus vite encore, s’embrouillent. Ce phénomène s’observe d’autant plus nettement et rapidement, que ces adultes vivent dans un milieu professionnel, social, parfois même familial, étranger à la foi et qu’ils y sont exposés à entendre des opinions parfois invraisemblables, à côté desquelles les simples et fortes vérités de la foi paraissent d’un autre monde ; d’un autre temps : celui de l’éternité.
Certains penseront peut-être trouver sur Internet de quoi revoir le catéchisme, tout en restant chez soi… A vrai dire, d’heureuses initiatives permettent à un grand nombre de recevoir par ce biais la vérité révélée. Il faut toutefois demeurer conscient des limites et des dangers de l’apprentissage en autodidacte derrière son écran. Rien ne vaut le contact humain pour recevoir l’enseignement des vérités de foi : les questions-réponses permettent de s’assurer une compréhension juste et une assimilation personnelle de la vérité ; la discipline et l’ordre imposés par un cours organisé garantissent une bonne pédagogie et une vue synthétique du plan de Dieu
; sans parler de l’insertion dans un groupe, qui assure, outre la persévérance, l’équilibre de l’esprit…facilement déboussolé par des vérités si fortes, après en avoir été si longtemps privé…
Abbé Louis-Marie Berthe, prêtre de la FSSPX
Sources : Apostol n°135 – Octobre 2019