Saint Briac

Saint Briac à Rome, vitrail de l'église Saint-Briac de Saint-Briac-sur-mer, via Wikimedia

Abbé en Bretagne († 555)

Fête le 17 décembre.

Saint Tugdual ou Tughal avait été l’apôtre de la Domnonée ou « val­lée pro­fonde », c’est-à-dire de tout le lit­to­ral Nord de la pénin­sule armo­ri­caine où s’étaient fixés les Domnonii, ou Bre­tons de la Cornouailles insu­laire et du Devon. C’est dans le rayon­nement de son œuvre que saint Briac, humble dis­ciple, déve­lop­pe­ra à son tour les émi­nentes ver­tus et qua­li­tés par les­quelles il appor­te­ra aux tra­vaux de son maître le com­plé­ment nécessaire.

Le disciple de saint Tugdual.

Lorsque Briac (dont la pre­mière syl­labe du nom : Bri ou Bré signi­fie, en bre­ton, à la fois « mon­tagne, hau­teur, élé­va­tion de rang, digni­té) naquit en Irlande, d’une famille noble, il n’apparaissait point comme devant avoir à se pré­oc­cu­per pour l’avenir d’une situa­tion autre que celle que lui pré­pa­re­rait son père, gou­ver­neur d’une place impor­tante. Et s’il fut, de bonne heure, « envoyé aux écolles », selon la jolie expres­sion qu’emploie Albert Le Grand dans une bio­graphie qu’il nous dit tirée des anciens Légendaires de l’Eglise de Tréguier, ce fut uni­que­ment en vue de déve­lop­per en son intel­li­gence pré­coce et son esprit aver­ti les connais­sances humaines néces­saires à une brillante car­rière dans le monde.

Ces « écolles », dont parle l’hagiographe, étaient, on le sait, les monas­tères, véri­tables Cités uni­ver­si­taires du temps, où, par­fois, se pres­saient, com­po­sées de reli­gieux et de laïques, des foules de deux à trois mille indi­vi­dus, comme à Clonard, par exemple, sous la conduite de l’Abbé et fon­da­teur, le célèbre Finnian. L’ensei­gnement y était don­né par des maîtres émi­nents en sain­te­té autant qu’en sciences pro­fanes. A côté de l’étude de l’Ecriture Sainte, fleu­rissait, non moins appro­fon­die, celles des arts libé­raux, ensemble de connais­sances où entraient, avec les sciences exactes, la pein­ture et la musique, et dont les esprits culti­vés tenaient à s’orner. Un saint Colomban les trou­ve­ra même néces­saires à la détente de l’âme qui sen­ti­ra moins ain­si les « amer­tumes du com­bat spi­ri­tuel ». Aussi clercs et laïques luttaient-​ils d’émulation, soit qu’ils fussent déci­dés à pas­ser leur vie dans une humble cel­lule, ou que, loin du cloître, ils aient à mettre à pro­fit l’instruction reçue.

Mais plus encore que vers les sciences ou les lettres, les facul­tés du jeune étu­diant se tour­nèrent vers Dieu, à qui il réso­lut de se consa­crer entiè­re­ment. Cette déci­sion allant à l’encontre des visées pater­nelles, Briac ne vit d’autre moyen de répondre à l’appel de Dieu que la fuite. Il tra­ver­sa donc la mer et vint au pays de Galles où saint Tugdual, pré­ve­nu par révé­la­tion de son arri­vée, le reçut au monas­tère dont il était Abbé. S’il faut en croire le récit d’Albert Le Grand, comme Briac, conduit par Tugdual, péné­trait dans le chœur où se célé­brait la messe conven­tuelle, le diacre chan­tait ces paroles de l’Evangile : « Celui qui ne renonce à tout ce qu’il pos­sède ne peut être mon disciple. »

Briac devait réa­li­ser cette invi­ta­tion dans son sens le plus abso­lu : son humi­li­té le por­tait à se faire attri­buer les vils tra­vaux, les vête­ments les plus pauvres, et son esprit de mor­ti­fi­ca­tion à obser­ver les jeûnes avec une extrême rigueur. Sa nour­ri­ture se com­po­sait, à l’or­dinaire, de pain sec et d’eau, rare­ment tein­tée de vin. Son cou­cher était la terre dure. Encore restreignait-​il son repos à quelques heures, consa­crant une grande par­tie de la nuit à l’oraison ou à l’étude des Ecritures. Ce fai­sant, et de par la volon­té de son supé­rieur, Tugdual, il se pré­pa­rait aux Ordres. D’après son his­to­rien, il n’accéda à la prê­trise qu’avec une cer­taine répu­gnance, ne s’en jugeant pas digne. Tel n’était pas l’avis de l’Abbé, et lorsqu’un ordre du ciel vint déter­miner Tugdual à pas­ser en Armorique, Briac, déjà ordon­né par ses soins, fut l’un des soixante-​dix reli­gieux embar­qués avec lui sur le vais­seau mys­té­rieux qui dis­pa­rut aux yeux de ses pas­sa­gers une fois ceux-​ci débar­qués sur le continent.

« Saint Briac reçoit l’ha­bit monas­tique », vitrail de l’é­glise Saint-​Briac de Saint-Briac-sur-mer

La demande du prince Deroc’h.

C’était natu­rel­le­ment la forêt pro­fonde qui accueillait les arri­vants de ces émi­gra­tions pre­mières au sein d’un pays où, dit M. de La Borderie, « les per­sé­cu­tions du fisc, les ravages et les torches des Barbares » avaient por­té la ruine. La végé­ta­tion avait bien vite recou­vert des lieux jadis habi­tés, et c’était l’étonnement des émi­grants de débar­quer dans ces vastes déserts aux ombrages épais si pro­pices au besoin de vie reti­rée et médi­ta­tive de nombre d’entre eux.

Briac, comme tant d’autres, comme Kirec, l’un de ses com­pa­gnons, et dis­ciple lui aus­si de Tugdual, éta­bli à l’embouchure du Douron, Briac, disons-​nous, goû­ta sur les bords du Trieux la paix de ces retraites silen­cieuses, mais, pas plus que Kirec, il ne devait y demeu­rer long­temps. Si éloi­gnées fussent-​elles du monde, ces soli­tudes y ren­voyaient les échos de la répu­ta­tion de sain­te­té des pieux céno­bites· Des che­mins se tra­çaient vers les humbles cel­lules où s’engageaient malades, infirmes, gens dési­reux de s’édifier et d’imiter de telles ver­tus ou sim­ple­ment curieux de les contem­pler. Kirec prit le par­ti de fuir son petit monas­tère de Loc-​Kirec et de des­cendre en Léon. Mais là, saint Pol, l’ayant décou­vert, en fit son conseiller. Un sort presque ana­logue atten­dait Briac.

M. de La Borderie a bros­sé de saint Tugdual un por­trait sai­sis­sant. Il nous le montre « comme le grand apôtre, véri­table créa­teur de l’organisation reli­gieuse, non pas seule­ment dans le pays de Tréguier, mais dans toute la Domnonée, depuis la rivière de Morlaix jusqu’à la Rance ». Or, sur la Domnonée régnait alors le prince Deroc’h, fils de Riwal II et cou­sin de saint Tugdual. Deroc’h avait éta­bli sa rési­dence, nous apprend encore le même his­to­rien, sur « la lisière sep­ten­trio­nale de la grande forêt de Brocéliande » cette forêt d’où sur­girent les romans de che­va­le­rie du cycle arthu­rien et dont les rameaux cou­vraient une grande par­tie de la Bretagne conti­nen­tale. Sur une butte éle­vée qui se voit encore, Deroc’h avait édi­fié son châ­teau. C’est là qu’il reçut Tugdual lorsque le Saint vint le prier de secon­der son entre­prise, c’est-à-dire de l’aider à étendre, en un vaste réseau, sur le pays tout entier, la reli­gion du Christ. A l’exécution de ce pro­jet gran­diose était néces­saire la col­la­bo­ra­tion du prince et de ses sujets, de ceux du moins qui seraient dis­po­sés à faire des dona­tions pour la construc­tion des monastères.

Cette col­la­bo­ra­tion du prince et des sujets est fré­quente dans la manière de l’apostolat cel­tique. Saint Patrice l’avait adop­tée en Irlande, où ses pré­di­ca­tions visaient d’abord à la conver­sion du chef parce qu’entraînant géné­ra­le­ment celle de tous les indi­vi­dus du clan. Le plus sou­vent en décou­lait aus­si le don du ter­rain néces­saire à la construc­tion de l’église nou­velle, dont ici, Deroc’h sera le donateur.

Deroc’h, pour sa part, ne refu­sait donc pas son aide à l’appel du mis­sion­naire. Mais il y met­tait une condi­tion : celle de voir éri­gé, près de son manoir, un monas­tère où se célé­bre­rait régu­liè­re­ment l’office divin et ce par un dis­ciple même de Tugdual. Parmi les nom­breux moines ame­nés d’Irlande par le grand apôtre qui demeu­rait leur chef, soit qu’ils habi­tassent avec lui dans son monas­tère de Tréguier, soit que Tugdual les visi­tât dans leurs soli­tudes, Briac était son dis­ciple de pré­di­lec­tion, celui dont il avait, avec un soin jaloux, sui­vi les pro­grès dans la ver­tu. Ce « moine très par­fait », selon le mot de M. de La Borderie, l’Abbé pou­vait le don­ner à Deroc’h comme un autre lui-même.

Le monastère de Poul-Briac.

Autant que Kirec, son com­pa­gnon et ami, Briac éprou­va le vif regret de s’arracher à son pai­sible monas­tère de Lan-​Pabu, la pre­mière fon­da­tion de Tugdual sur la terre bre­tonne. Cependant, en vrai reli­gieux, il n’hésita pas à entrer dans la voie nou­velle tra­cée par l’obéissance. Ayant reçu la béné­dic­tion de son Abbé, il se ren­dit à la cour du roi Deroc’h. Celui-​ci lui lais­sa le choix de l’emplace­ment du monas­tère et, tout de suite, Briac éle­va en l’honneur de la Vierge une petite cha­pelle : Notre-​Dame de Bod-​Fao (du Bois de hêtre), autour de laquelle il construi­sit des cel­lules pour les reli­gieux que lui envoyait Tugdual. Elles ne furent bien­tôt plus suf­fi­santes, et Deroc’h lui-​même s’occupa de faire édi­fier de nou­veaux bâti­ments tan­dis que, tout alen­tour, venaient s’abriter les popu­la­tions. Ce fut l’origine de Poul-​Briac, deve­nu par la suite Bourbriac.

« Saint Briac fait construire le monas­tère de Bod-​Fao », vitrail de l’é­glise Saint-​Briac de Saint-Briac-sur-mer

De cet endroit sté­rile, maré­ca­geux – comme l’indique, en bre­ton comme en gal­lois, le mot Poul, – les moines et les colons, ceux-​ci diri­gés par ceux-​là, firent un lieu fer­tile qui, débor­dant l’aggloméra­tion proche, s’étendit sur tout un grand can­ton appe­lé Minihy-​Briac (asile ou domaine de Briac). Au moyen âge ce ter­ri­toire devien­dra la châ­tel­le­nie de Minihibriac, com­pre­nant cinq paroisses : Bourbriac et Saint-​Adrien, Coadout et Magoar, et une par­tie de Plésidy.

Telle fut l’œuvre des moines appe­lés par Deroc’h et diri­gés par Briac, le contem­pla­tif, que l’obéissance avait mué en homme d’action. Ce n’était cepen­dant pas le but qu’il s’était pro­po­sé en sui­vant Tug­dual au-​delà des mers. Aussi soupirait-​il inté­rieu­re­ment en son­geant à la soli­tude qu’il avait dû quit­ter et qu’il sen­tait si proche. Le moment vint où il crut pou­voir la goû­ter à nou­veau, tout étant créé et ordon­nan­cé sui­vant le bon plai­sir de Deroc’h et l’approbation de l’Abbé-prélat du Tregor. Briac, alors, sui­vit l’exemple de Kirec, mais en se reti­rant moins loin et en gar­dant contact avec sa com­mu­nau­té. A une lieue de Bourbriac, il se construi­sit une logette, le Penity (mai­son de péni­tence) encore appe­lée Penity Sant Briac. De là il allait, de temps à autre, voir les reli­gieux de son monastère.

« Prédication de saint Briac », vitrail de l’é­glise Saint-​Briac de Saint-Briac-sur-mer

Quelques miracles de saint Briac.

On raconte qu’au cours de l’une de ces visites, il fut sol­li­ci­té par un men­diant à demi nu de lui don­ner l’aumône et de le gué­rir de la mala­die dont il souf­frait « extrê­me­ment », pré­cise Albert le Grand. Briac ne se juge capable que de la pre­mière action et encore, pauvre lui-​même, n’a‑t-il rien à don­ner. Enlevant alors sa robe, il en revêt le mal­heu­reux et conti­nue son che­min. Mais voi­ci que, tan­dis qu’il est au chœur, entou­ré de ses moines occu­pés au chant de l’Office divin, le pauvre qu’il avait revê­tu de sa robe entre et se jette à ses pieds le remer­ciant de l’avoir gué­ri par le contact de son vête­ment. Briac, inquiet en son humi­li­té, essaye vai­ne­ment de convaincre cet homme de gar­der le silence. Mais son pro­té­gé n’observera pas plus de dis­cré­tion que cet autre déli­vré d’un ser­pent qui le poursui­vait et gué­ri de la mor­sure du rep­tile par l’intercession du pieux Abbé. Pas davan­tage ne tai­ra sa répu­ta­tion de sain­te­té ce démo­niaque hur­lant dans l’église du monas­tère jusqu’à ce que Briac ayant, dit Albert Le Grand, « don­né la chasse au diable », le pos­sé­dé se trou­va libéré.

Un men­diant infirme, à qui saint Briac a don­né sa robe, vient décla­rer devant les reli­gieux réunis au chœur qu’il a été gué­ri à son contact.

De tels miracles ne pou­vaient demeu­rer cachés et ame­naient des foules vers le monas­tère, ce qui déci­da Briac à mettre une dis­tance entre lui et la recon­nais­sance popu­laire. Albert Le Grand le fait par­tir pour Rome ; Dom Lobineau confirme ce voyage qui fut pour Briac l’occasion d’un nou­veau miracle. Comme il atten­dait son embar­que­ment sur la Méditerranée, il aper­çut un vais­seau bal­lot­té par le vent et la tem­pête. Effrayé du péril en lequel se trou­vait l’équi­page, le saint homme se jette à genoux et l’ouragan se calme aussi­tôt. Les marins, alors, de remer­cier leur sauveur.

Cette recon­nais­sance s’est per­pé­tuée à tra­vers les siècles dans le monde mari­nier, puisque sur l’une des faces exté­rieures de l’église de Saint-​Briac, construite en 1671 et rem­pla­çant une pré­cé­dente église du xiiie siècle, se lisait, sous quatre maque­reaux sculp­tés en relief, cette ins­crip­tion : « La cha­ri­té des mari­niers a bâti cette église. » Dans le mur orien­tal de l’église recons­truite de nou­veau, sont encas­trés les maque­reaux de l’ancien édi­fice. De plus, le Pouillé de Saint-​Malo (1739–1767) porte que si « la fabrique de Saint-​Briac n’a aucun reve­nu fixe, les habi­tants font à cer­tains jours la pêche à son pro­fit, ce qui pro­duit assez ».

Le voyage de Rome.

La tem­pête s’étant apai­sée, ain­si que nous l’avons vu, Briac s’em­barque pour l’Italie, sur le vais­seau sau­vé par ses prières, et gagne Rome. Son but était de rece­voir la béné­dic­tion du Pape, et il ne semble pas avoir fait dans la Ville Eternelle un long séjour. Il s’en revint ayant, écrit Albert Le Grand, « visi­té le Saints Lieux et satis­fait à sa dévo­tion ». Au retour il demeure à Arles deux ans. Il y est sol­li­ci­té par l’évêque du lieu, plein d’admiration pour ses ver­tus et ses miracles (notam­ment la gué­ri­son d’un person­nage de marque subi­te­ment sou­la­gé par son inter­ces­sion d’une fièvre per­ni­cieuse dont il souf­frait depuis cinq ans), de ter­mi­ner ses jours dans un monas­tère que ce pré­lat se pro­po­sait d’édifier pour lui. Mais sous le ciel bleu de Provence, le moine bre­ton ne pou­vait oublier son pays, les fils qu’il y avait lais­sés. Il par­tit donc, et la joie de le retrou­ver se mani­fes­ta vive par­mi les moines à la vue de leur père. Pour celui-​ci, il ne devait plus son­ger qu’à se pré­pa­rer à la mort, mais ce ne fut pas sans avoir accom­pli un nou­veau et sublime miracle de la charité.

Derniers jours de saint Briac.

Avant de s’ensevelir dans son monas­tère, Briac eut l’occasion de visi­ter un per­son­nage qui jusque-​là avait mené une vie sainte, mais qui avait fini par en conce­voir de l’orgueil, au point de mépri­ser ses sem­blables. Le châ­ti­ment vint sous la forme d’une mala­die qui le rédui­sit au déses­poir. Dans cette extré­mi­té, Briac essaya d’apaiser le mal­heu­reux. N’y réus­sis­sant point par ses paroles, il se reti­ra pour prier et eut le bon­heur de lui obte­nir la patience et la rési­gna­tion, puis de le confes­ser. Peu après, le ciel, écou­tant les prières de Briac, accor­da au patient la gué­ri­son de son mal.

Dom Lobineau place la mort du saint Abbé vers 555, tan­dis qu’Albert Le Grand donne à ses per­son­nages une avance d’un siècle. Cette mort sur­vint le 17 décembre et Briac fut enter­ré dans son monas­tère où ses reliques et son tom­beau échap­pèrent miraculeuse­ment à l’incendie allu­mé par les Normands envahisseurs.

Culte de saint Briac.

Saint Briac était sur­tout prié pour la gué­ri­son des épi­lep­tiques, des grands ner­veux, des fous, tra­di­tion qui semble quelque peu inter­rom­pue. Le P. Albert Le Grand a vu sous l’autel de l’église abba­tiale de Bourbriac, recons­truite et deve­nue parois­siale, « une cave fer­mée de deux grilles de fer arrê­tées d’une barre de même », où l’on enfer­mait les malades pen­dant qu’on disait la messe à leur inten­tion. Cette cave cor­res­pon­drait bien à la crypte dont la Revue de Bretagne et de Vendée a don­né en 1857 la des­crip­tion et à laquelle on accé­dait du tran­sept de l’église par quelques marches.

D’autre part M. de Kerdanet, dans ses anno­ta­tions à la Vie des Saints de Bretagne Armorique, d’Albert Le Grand (édi­tion de 1837), dit que le jour de la fête « les infirmes se rendent à Bourbriac où on leur fait faire d’abord tout le tour de l’église à l’extérieur, puis on les intro­duit dans l’église où un prêtre en étole les évan­gé­lise et leur met sur la tête les reliques de saint Briac. Quelques-​uns de ces malades, ajoute le nar­ra­teur, poussent alors des cris affreux, mais une fois sor­tis du cime­tière et du bourg ils sont assez tran­quilles pour s’en retour­ner chez eux et ils ne res­sentent presque jamais d’attaque de leur infir­mi­té durant l’année où ils ont visi­té l’église de Bourbriac. Telle est du moins, conclut M. de Kerdanet, la tra­di­tion com­mune. On invoque encore saint Briac pour les migraines et les épi­lep­sies ». En cer­tains endroits on lui offrait des che­veux. Le même auteur nous apprend que l’Office divin se célé­brait dès lors le deuxième dimanche de juillet dans la cha­pelle du Penity, rui­née pen­dant la Révolution mais res­tau­rée en 1825.

Albert Le Grand, qui écri­vait au xviie siècle, parle encore de la fon­taine mira­cu­leuse, coif­fée d’un petit dôme, et du lavoir ali­men­té par une cana­li­sa­tion sou­ter­raine. Ces monu­ments ont dis­pa­ru ; mais l’eau conti­nue à se déver­ser dans la cour du presbytère ;

Saint Briac n’a pas ces­sé d’être en grande véné­ra­tion à Bourbriac. Beaucoup d’enfants reçoivent son nom au bap­tême et deux « Par­dons » sont célé­brés en son hon­neur. L’un, véri­table petit pèle­ri­nage, a lieu le jour de l’Ascension. Déjà le P. Albert notait, de son temps, la pro­ces­sion du jour de l’Ascension comme très ancienne et comme rap­pe­lant la cou­tume du saint de pro­ces­sion­ner solen­nel­le­ment en ce jour com­mé­mo­ra­tif de la fon­da­tion de son monas­tère tout autour des terres don­nées par le roi Deroc’h. Le vieil his­to­rien signale éga­lement que lorsqu’il fut lui-​même à Bourbriac « recher­cher cette his­toire », il y avait appris la mer­veille accom­plie en 1591. Jette année-​là, la ville de Guingamp, toute proche de Bourbriac, étant assié­gée par l’armée royale sous la conduite du prince de Dombes, on remit la pro­ces­sion à cause des bandes de sol­dats que l’on crai­gnait de ren­con­trer. Cependant un vieux piètre, au soir de ce jour, vou­lut suivre seul le par­cours de la pro­ces­sion. A sa grande sur­prise, il trou­va « les fos­sés rom­pus et les champs ouverts, bat­tus et frayés, comme si la pro­ces­sion y eût été à son ordi­naire ». Ainsi, à Locronan, pour la « tro­mé­nie » sexen­nale, ou pro­ces­sion autour de l’asile de Saint-​Ronan, prépare-​t-​on d’avance les champs du par­cours. Et il semble bien que la « lieue de tour » (al leo-​dro) cor­res­ponde assez exac­te­ment à la tro­mé­nie rona­nienne. Elle se fait silen­cieu­se­ment, le cha­pe­let à la main. Le che­min en est varié ; il suit tan­tôt la grande route, tan­tôt un sen­tier, tan­tôt il passe à tra­vers champs. Le tour fait un total de trois kilo­mètres. La tra­di­tion le donne comme étant le cir­cuit du monas­tère de saint Briac lorsqu’il s’établit à Poul-Briac.

Le second Pardon a lieu le troi­sième dimanche de juillet, mais rien ne le dis­tingue des Pardons bre­tons ordi­naires. Cependant, à la fin des Vêpres on « impose » aux enfants les reliques du Saint.

Les reliques.

Les reliques de saint Briac, pré­ser­vées du pillage des Normands, échap­pèrent encore à la muti­la­tion du tom­beau par suite de l’écroule­ment de la nef en 1765 ain­si qu’aux pro­fa­na­tions de la Révolution. Elles ont été recon­nues par Mgr Caffarelli, le 28 août 1807, et plus tard par Mgr Groing de La Romagère, l’un et l’autre évêques de Saint-​Brieuc. Elles sont ren­fer­mées dans une boîte en écaille de tor­tue entou­rée de cercles d’argent. « Exposées, dit M. le cha­noine Thomas, à la véné­ra­tion des fidèles le jour du Pardon (celui du troi­sième dimanche de juillet), elles sont sur­tout visi­tées par les épi­lep­tiques qui viennent deman­der à saint Briac la gué­ri­son de leur ter­rible mala­die. » Ces reliques sont por­tées pro­ces­sion­nel­le­ment au jour de la leo-​dro, durant le par­cours tout entier.

Le tom­beau de saint Briac se trouve à l’intérieur de l’église de Bourbriac. « Ce tom­beau, qui était fort beau, fut rem­pla­cé, écri­vait M. de Kerdanet, après la muti­la­tion dont il a été par­lé, par un autre tom­beau pla­cé au bas de l’église côté du Nord ; la base en est cons­truite de pierre de taille du pays et la tablette, débris de l’ancien sar­co­phage, est for­mée d’une seule pierre blanche sur laquelle repose la sta­tue cou­chée du Saint, dépour­vue de la mitre et de la crosse qui l’ornaient autre­fois. » Cette repré­sen­ta­tion n’en est que plus exacte, la mitre n’ayant com­men­cé qu’à la fin du xe siècle à deve­nir l’attribut des Abbés.

Patronage de saint Briac.

En dehors de Bourbriac, dont il est le titu­laire de l’église parois­siale, saint Briac exerce notam­ment son patro­nage sur la loca­li­té qui porte son nom et située non loin de Saint-​Malo. L’Eglise, nous l’avons vu, est due à la dévo­tion des marins. Dans le chœur exis­taient deux béni­tiers octo­go­naux, en gra­nit, dont le fond était orné de pois­sons sculp­tés. Actuellement, des deux côtés du maître-​autel, l’on voit deux belles sta­tues de saint Briac et de son maître, saint Tugdual.

A un kilo­mètre de Saint-​Briac exis­tait autre­fois une petite cha­pelle dite de Pabu ou de Tugdual, rap­pe­lant le séjour de celui-​ci et de son dis­ciple saint Briac. On retrouve encore saint Briac comme patron de Lanlaff, de Mené-​Briac en Tréguier, et, en outre, d’après M. de Kerdanet, de trois ou quatre cha­pelles situées en Basse-Bretagne.

M. Le Berre.

Sources consul­tées. – Albert Le Grand, O. P., Vie des Saints de Bretagne-​Armorique (Quimper, 1902). – Dom Lobineau, O. S. B., Vie des Saints de Bre­tagne (Rennes, 1725). – Arthur de La Borderie, Histoire de Bretagne, t. I.