† 101

Saint Jean, apôtre

Saint Jean à Patmos, Allemagne, ca 1460-70

Apôtre et évangéliste.

Fête le 27 décembre.

Jean-​Baptiste s’était fixé sur les bords du Jourdain, non loin du lac de Génésareth, pour bap­ti­ser les foules qui se pres­saient autour de lui. Un jour, comme il se trou­vait sur la rive du fleuve avec deux de ses dis­ciples, Notre-​Seigneur vint à pas­ser ; Jean-​Baptiste, le leur dési­gnant de la main, dit : « Voilà l’Agneau de Dieu. » Les deux dis­ciples l’entendirent, et ils sui­virent Jésus. Le Seigneur, se retour­nant, vit qu’ils mar­chaient der­rière lui, et leur deman­da : « Qui cherchez-​vous ? » Et ils lui dirent : « Maître, où demeurez-​vous ? » Jésus leur répon­dit : « Venez et voyez. » Ils allèrent, virent où Notre-​Seigneur demeu­rait, et ils pas­sèrent avec lui le reste du jour et la nuit suivante.

« Bienheureuse jour­née, bien­heu­reuse nuit, s’écrie saint Augustin, et qui nous répé­te­ra les célestes entre­tiens dont vous fûtes témoins ! »

L’un des deux dis­ciples s’appelait André ; le récit évan­gé­lique tait le nom de l’autre, car la modes­tie de l’auteur du qua­trième Evan­gile ne lui a pas per­mis d’inscrire son propre nom dans le récit de la pre­mière entre­vue qu’il eut avec le Fils de Dieu.

La famille de saint Jean.

Celui qu’on devait appe­ler un jour « le dis­ciple bien-​aimé » avait, à cette époque, envi­ron vingt-​cinq ans, l’âge où l’homme entre défi­ni­ti­ve­ment dans la car­rière qu’il pour­sui­vra jusqu’au bout de sa vie. Il était né à Bethsaïde, bour­gade située au bord du lac de Génésareth, appe­lé aus­si mer de Galilée, et habi­tée par une rude popu­lation de mari­niers et de pêcheurs. Zébédée, son père, était patron d’une barque ; il exer­çait sa pro­fes­sion sur le lac, en com­pa­gnie de ses deux fils : Jean et Jacques, ce der­nier un peu plus âgé et qu’on appel­le­ra plus tard le Majeur.

Salomé, leur mère, appa­raît deux fois dans le cours de l’histoire évan­gé­lique. D’abord, elle s’y montre comme la femme juive, avec les idées « char­nelles », c’est-à-dire inté­res­sées, qui étaient répan­dues au milieu de sa nation. C’est une mère que l’amour mater­nel rend ambi­tieuse ; elle désire pour ses enfants les deux pre­mières places dans le royaume ter­restre d’Israël. Plus tard, nous la ren­con­trons sur la Voie dou­lou­reuse, à côté de Marie et de Jean, son fils ; puis au matin de la Résurrection ; alors la Galiléenne, mieux éclai­rée, com­pre­nait que le trône du Messie sur la terre était l’infâme gibet où il devait expi­rer pour sau­ver les hommes.

Un lien étroit de paren­té unis­sait Salomé à la famille de Jésus, et Jean avait l’honneur d’être, selon la chair, tout comme l’autre Jean, le Baptiste, le cou­sin de Notre-​Seigneur. C’est là une opi­nion qui a été admise par la plu­part des Pères.

Le fils de Zébédée s’attacha de bonne heure à Jean-​Baptiste, lorsque celui-​ci, quit­tant le désert, vint prê­cher la péni­tence sur les rives du Jourdain. En écou­tant les pré­di­ca­tions du Précurseur, il ache­va de pré­pa­rer son âme à l’avènement pro­chain du Messie. La régu­la­ri­té de sa vie, la pure­té de ses mœurs l’avaient admi­ra­ble­ment dis­po­sé à pro­fi­ter des ensei­gne­ments du nou­vel Elie. Au milieu de la cor­rup­tion géné­rale, Jean avait su res­ter vierge.

Ce miracle de chas­te­té explique l’amour de pré­di­lec­tion que Notre-​Seigneur, l’ami de la vir­gi­ni­té, por­ta tou­jours à cet apôtre, appe­lé dans l’Evangile « le dis­ciple que Jésus aimait ».

La vocation.

Après l’entretien que nous avons rap­por­té, André et Jean avaient quit­té le Maître ; ils étaient retour­nés à leurs barques et à leurs filets. Ils n’avaient pas encore enten­du la parole puis­sante de Jésus qui, en appe­lant les hommes, les rend capables de tout aban­don­ner pour le suivre. Ils l’entendirent bientôt.

A quelque temps de là, Jésus, mar­chant le long de la mer de Galilée, vit André et le frère de celui-​ci, nom­mé Simon, et plus lard sur­nom­mé Pierre, qui jetaient leurs filets dans les eaux du lac, car ils étaient pêcheurs : « Suivez-​moi, leur dit-​il, et je vous ferai pêcheurs d’hommes. » Aussitôt, lais­sant leur barque et leurs filets, ils le suivirent.

Un peu plus loin, il aper­çut les deux fils de Zébédée, c’est-à-dire Jacques et Jean son frère, qui rac­com­mo­daient leurs filets dans leur barque. Il les appe­la. Et ils le sui­virent, lais­sant dans leur barque leur père avec ses ouvriers.

Telle est l’histoire de la pre­mière voca­tion apos­to­lique, type fon­damental de toutes celles qui auront lieu dans la suite des âges. En choi­sis­sant ses apôtres, Jésus leur deman­de­ra tou­jours, comme aux pêcheurs gali­léens, de renon­cer aux pos­ses­sions de la terre et de le suivre.

A l’école de Jésus.

Jean et ses com­pa­gnons n’étaient pas arri­vés, tant s’en faut, au som­met de la per­fec­tion, lorsqu’ils répon­dirent à l’appel de Jésus. Du reste, le Sauveur ne les sépa­rait du monde que pour mieux les pré­pa­rer à l’apostolat. Il fal­lait éle­ver l’esprit et les pen­sées de ces hommes gros­siers, élar­gir leur cœur étroit, cor­ri­ger leur ambi­tion, répri­mer leur zèle mal réglé, en un mot, trans­for­mer ces humbles pêcheurs de pois­sons en sublimes « pêcheurs d’hommes ». Ce fut la prin­ci­pale occu­pa­tion de Notre-​Seigneur durant les trois années de sa vie publique. Dans le même espace de temps, il aurait pu, s’il l’eût vou­lu, conver­tir le monde entier ; il pré­fé­ra faire coopé­rer les hommes à l’œuvre de la Rédemption, et il se conten­ta de for­mer ceux qui devaient renou­ve­ler la face de la terre.

Un jour, Jean, le fils de Zébédée, vit quelques dis­ciples qui, n’étant pas du col­lège apos­to­lique, se per­met­taient de chas­ser les démons au nom de Jésus-​Christ ; son cœur s’en offen­sa comme d’une usur­pa­tion : « Maître, dit-​il à Jésus, nous avons vu quelqu’un qui chas­sait les démons en votre nom ; mais, comme il n’est pas des nôtres, nous l’en avons empê­ché. » Et Jésus lui répon­dit : « Ne l’en empê­chez pas, car celui qui n’est point contre vous est pour vous. » Grandes paroles qui pro­clament la liber­té du bien, et ouvrent un libre champ à l’initiative per­son­nelle des dis­ciples du Christ.

Une autre fois, Jésus, se ren­dant à la Ville Sainte, vou­lut pas­ser par la Samarie, mais les habi­tants de la contrée, enne­mis des Juifs, refu­sèrent de le rece­voir parce qu’il allait à Jérusalem. Indignés de ce refus, Jean et Jacques, son frère, qui avaient un carac­tère fou­gueux, au point de méri­ter le nom de « fils du ton­nerre », deman­dèrent au Seigneur de faire des­cendre le feu du ciel sur la tête des cou­pables. « Vous ne savez pas de quel esprit vous êtes, répon­dit le Maître. Vous ne vivez plus au temps d’Elie, sous la loi de jus­tice et de crainte : les jours du Messie sont arri­vés, et avec lui la grâce et la misé­ri­corde règnent sur la terre. »

Les deux frères ne com­prirent pas sur-​le-​champ la parole du Sauveur, ils conti­nuèrent « d’ignorer de quel esprit ils étaient ». Salomé, leur mère, qui sui­vait le col­lège apos­to­lique avec d’autres saintes femmes pour sub­ve­nir aux besoins de Jésus, par­ta­geait l’ignorance de ses fils.

S’étant concer­tée avec eux, elle vint trou­ver le Seigneur et lui par­la en ces termes : « Maître, nous vou­drions que vous fas­siez pour nous tout ce que nous vous deman­de­rons. -– Que voulez-​vous ? » dit Jésus. Et Salomé : « Ordonnez que mes deux fils que voi­ci soient, l’un à votre droite, l’autre à votre gauche, dans votre royaume. » Jésus, fai­sant révé­ler ain­si les ins­pi­ra­teurs de la requête, ne répon­dit rien à la mère ; mais, se tour­nant vers les deux dis­ciples, il dit : « Vous ne savez pas ce que vous deman­dez. Pouvez-​vous boire le calice que je dois boire ? »

Les deux frères, sans entendre par­fai­te­ment le sens de l’interro­gation divine, mais soup­çon­nant que Jésus deman­dait quelque sacri­fice à leur géné­ro­si­té, répon­dirent : « Nous le pou­vons. » Et le Sauveur, dévoi­lant l’avenir, leur pré­dit le mar­tyre qui les atten­dait. « Vous boi­rez, dit-​il, mon calice. Mais ce n’est pas à moi de confé­rer l’honneur d’être assis à ma droite ou à ma gauche. C’est le par­tage de ceux à qui mon Père l’a destiné. »

Telle fut la leçon que Jean et Jacques reçurent du Maître ; il n’y a pas d’enseignement plus éle­vé, puisqu’elle contient la science de l’immolation com­plète et abso­lue, la science du martyre.

Le disciple bien-aimé.

Au sein du col­lège apos­to­lique, Jean occupe une place à part. Représentant de l’amour, il marche à côté de Pierre qui sym­bo­lise la doc­trine. Les plus tendres effu­sions de son cœur, Jésus semble les avoir réser­vées à Jean.

Saint Jean à la Cène.

Le Rédempteur des hommes mul­ti­plia les occa­sions où il pou­vait mani­fes­ter sa ten­dresse sin­gu­lière envers son cher dis­ciple. Il en fit le témoin des œuvres mys­té­rieuses qu’il vou­lut accom­plir en dehors de la foule, loin même des regards de la plu­part des apôtres. Il le fit assis­ter avec Pierre et Jacques à la résur­rec­tion de la fille de Jaïre, et pour la pre­mière fois, Jean vit ce spec­tacle admi­rable : le Maître, en face de la mort, lui com­man­der comme com­mande un sou­ve­rain et la mort res­ti­tuer immé­dia­te­ment sa proie.

A quelque temps de là, Jésus, pre­nant encore à part les trois apôtres pri­vi­lé­giés, les condui­sit sur le Thabor, où ils virent la gloire du Verbe, comme l’Evangéliste devait l’écrire plus tard.

Mais ce fut sur­tout la veille de la Passion, à la der­nière Cène, que l’amour du Cœur de Jésus débor­da dans l’âme de Jean. Après avoir par­ti­ci­pé au ban­quet eucha­ris­tique, le dis­ciple put dou­ce­ment repo­ser sa tête contre la poi­trine du divin Maître. A cette source de cha­ri­té et de science, il pui­sa la doc­trine et l’amour qu’il répan­dit ensuite sur le monde ; il pui­sa aus­si la fer­me­té et la constance qu’il allait déployer quelques heures après. Seul, en effet, de tous les dis­ciples, il eut le cou­rage de suivre Jésus sans défaillir, depuis Gethsémani jusqu’à la mai­son de Caïphe, et depuis la mai­son de Caïphe jusqu’au Calvaire. Il y res­ta en com­pa­gnie de la Vierge des dou­leurs. Debout au pied de la croix de Jésus, étaient la Très Sainte Vierge, Marie, femme de Cléophas, Marie-​Madeleine, et Salomé, mère de Jean. Jésus, ayant vu Marie auprès de lui, et le dis­ciple qu’il aimait, dit à sa Mère : « Femme, voi­ci votre fils. » Après quoi il dit au dis­ciple : « Voici votre Mère. » Et, depuis cette heure-​là, le dis­ciple, pre­nant à la lettre son rôle de fils, reçut Marie en sa propre demeure.

Il était juste qu’ayant par­ti­ci­pé aux souf­frances de la Passion, Jean goû­tât, un des pre­miers, les joies pures de la Résurrection ; le troi­sième jour depuis la mort du Seigneur, Marie-​Madeleine, qui était allée au sépulcre avec Salomé, vint de grand matin à la mai­son où se tenaient ren­fer­més Pierre et Jean, et elle leur dit : « Ils ont enle­vé le Maître, et je ne sais où ils l’ont mis. » A ces mots, les deux apôtres s’émurent, et ils sor­tirent de la mai­son pour aller au tom­beau. Jean, plus jeune et plus agile, cou­rut plus vite que Pierre, et arri­va le pre­mier au sépulcre ; mais il n’y entra que le second. Alors, il vit et il crut.

Durant les qua­rante jours qui séparent la Résurrection de l’Ascen­sion, les appa­ri­tions de Jésus se mul­ti­plient, afin que les dis­ciples demeurent per­sua­dés de la réa­li­té du miracle. Mais ils ont encore une idée bien vague de leur future des­ti­née. A voir leur manière d’agir, on peut sup­po­ser qu’ils croyaient leur mis­sion ter­mi­née. Ils aban­donnent le Cénacle, Jérusalem même, et reprennent leur ancien métier sur le lac de Génésareth.

Comme ils pêchaient, Jésus appa­rut sur le rivage, mais ils ne le recon­nurent pas d’abord. Le Maître renou­ve­la en leur faveur le pro­dige de la pêche mira­cu­leuse ; alors les yeux de Jean furent les pre­miers ouverts, il dit à Pierre : « C’est le Seigneur ! » La vir­ginité, remarque saint Ambroise, recon­nut la pre­mière ce corps virginal.

Dans cette appa­ri­tion, Jésus, après avoir confié à Pierre le soin de son trou­peau, pré­dit à l’apôtre que lui aus­si mour­ra sur la croix. Puis il annonce, en termes voi­lés, que Jean, tout en buvant le calice du Christ, mour­ra dou­ce­ment et sans vio­lence : « Je veux qu’il demeure ain­si jusqu’à ce que je vienne. »

Après l’Ascension.

Après l’Ascension et la Pentecôte, Jean ne s’éloigna pas de Jéru­salem aus­si promp­te­ment que les autres apôtres. Il y res­ta pour veiller sur le pré­cieux tré­sor que Notre-​Seigneur lui avait confié avant de quit­ter la terre. Il vivait, dit la tra­di­tion, dans sa mai­son du mont Sion, en com­pa­gnie de la bien­heu­reuse Vierge Marie, dont il était le fils ten­dre­ment aimé. Le « fils du ton­nerre », dont le cœur, pétri par le divin Maître, était main­te­nant rem­pli de bon­té et de dou­ceur, accom­pa­gnait cette Mère aimante dans le pèle­ri­nage qu’elle accom­plis­sait aux diverses sta­tions sanc­ti­fiées par les souf­frances de Jésus. Il s’entretenait avec elle des sublimes mys­tères. Il est per­mis de croire que chaque matin Jean offrait le sacri­fice, et Marie, pour atté­nuer les dou­leurs de l’exil, par­ti­ci­pait au corps et au sang de son Fils, en atten­dant l’heureux moment où elle pour­rait s’unir à lui, dans la gloire du para­dis. Sous la direc­tion de la Très Sainte Vierge et de l’apôtre Pierre, Jean tra­vaillait à la conver­sion des enfants de la mai­son d’Israël.

Un jour, Pierre et Jean se ren­daient au Temple pour la prière de la neu­vième heure. Ils ren­con­trèrent, à la porte, un pauvre boi­teux qui leur deman­da l’aumône. Les deux apôtres, jetant les yeux sur lui, dirent : « Regarde-​nous. » Et Pierre ajou­ta : « Je n’ai ni or ni argent ; mais, ce que j’ai, je te le donne : au nom de Jésus de Nazareth, lève-​toi et marche. » Le boi­teux fut gué­ri sur-le-champ.

Le peuple s’étonna du miracle ; il entou­ra les apôtres et écou­ta leur doc­trine : les princes de la Synagogue s’en alar­mèrent, ils se sai­sirent des deux pré­di­ca­teurs et les jetèrent en pri­son. Le len­de­main, les apôtres com­pa­rurent devant le tri­bu­nal ; on leur défen­dit, avec des menaces, de prê­cher au nom du Crucifié. Mais Pierre et Jean répon­dirent : « Jugez s’il est juste de vous obéir plu­tôt qu’à Dieu. » On les remit en liber­té, par crainte du peuple.

Après la mort de la Sainte Vierge et la ruine de Jérusalem, Jean quit­ta défi­ni­ti­ve­ment cette ville et vint s’établir dans la par­tie de l’Asie qui lui était échue lors du par­tage du monde entre les apôtres. Saint Paul l’avait pré­cé­dé dans ces contrées, y répan­dant la semence de la parole divine. Jean ache­va l’œuvre du doc­teur des Gentils ; il fon­da et orga­ni­sa des Eglises, c’est-à-dire des assem­blées de fidèles sous un chef, dans les prin­ci­pales villes de ce flo­ris­sant pays. Il fixa sa rési­dence à Ephèse, d’où il diri­geait tous les chré­tiens d’Orient.

Comment l’apôtre saint Jean but le calice du Seigneur.

Cependant, tout autour de lui, Jean por­tait de rudes coups à l’idolâtrie. Le culte de Diane, si répan­du en Asie, à Ephèse sur­tout, parais­sait à peu près détruit. Les sec­ta­teurs des faux dieux s’émurent ; ils dénon­cèrent l’Evangéliste au pro­con­sul romain qui, l’ayant fait sai­sir, l’adressa à Rome, à l’empereur Domitien, sous la triple accu­sa­tion de magie, de mépris des dieux et de sacrilège.

Nous n’avons plus les actes de l’interrogatoire que le dis­ciple bien-​aimé subit au tri­bu­nal de César ; mais des témoi­gnages irré­cu­sables nous en apprennent les résul­tats. Le prince com­men­ça, dit-​on, par faire cou­per la longue che­ve­lure, que Jean por­tait à la naza­réenne. Il ordon­na ensuite que l’apôtre, après avoir été bat­tu de verges, fût conduit dans un des espaces libres qui se trou­vaient près de Rome, d’après la tra­di­tion, à l’endroit où devait s’élever plus tard la Porte Latine, et condam­né à périr dans une chau­dière rem­plie d’huile bouillante ; mais Jean sor­tit de l’étuve plus vigou­reux qu’il n’y était entré. La fête en est com­mé­mo­rée le 6 mai.

Le miracle fut attri­bué aux arti­fices de la magie, et le pré­ten­du magi­cien condam­né à tra­vailler aux mines de Pathmos, îlot sté­rile du groupe des Sporades, dans la mer Egée ; c’était en g5.

En même temps qu’il tra­vaillait à extraire le fer des car­rières, il s’efforçait de tirer des ténèbres de l’idolâtrie le peuple qui l’entou­rait, mais plus encore peut-​être de pré­ser­ver de l’hérésie la por­tion fidèle de son trou­peau, mena­cée par des inno­va­tions dangereuses.

L’« Apocalypse ».

C’est alors qu’il écri­vit la « Lettre aux sept Eglises » d’Asie, adres­sée prin­ci­pa­le­ment, semble-​t-​il, aux chré­tiens venus de la Syna­gogue. Cette com­po­si­tion ins­pi­rée, d’une cou­leur toute biblique, qui rap­pelle les pro­phé­ties de l’Ancien Testament, a été jointe au livre de l’Apocalypse, que Jean com­po­sa éga­le­ment dans l’exil de Pathmos, et dont elle consti­tue les pre­miers cha­pitres. Dans l’Apocalypse, rem­plie de visions sublimes, l’apôtre ins­pi­ré décrit la série des évé­nements qui devaient s’accomplir depuis la nais­sance de l’Eglise jusqu’au jour du juge­ment. Ce livre contient, en effet, toute l’his­toire, mais enve­lop­pée d’une mer­veilleuse obs­cu­ri­té, qu’il est dif­fi­cile de dis­si­per. Saint Jérôme disait qu’il y trouve autant de mys­tères que de mots ; ses pages ne livrent leur secret qu’à mesure que le réclame le bien de l’humanité.

La litur­gie s’en est appro­prié plu­sieurs pas­sages ; en par­ti­cu­lier ceux qui tiennent lieu de l’Epître dans la messe de la Dédicace d’une église et sur­tout dans la messe de la fête de tous les Saints laissent entre­voir ce que seront les joies de la Jérusalem céleste.

Le quatrième Évangile. – Les Epîtres.

Après la mort de Domitien, le Sénat romain ayant annu­lé les décrets du tyran, Jean put reve­nir à Ephèse en 97.

Or, les dis­ciples pres­saient leur Père dans la foi, avec de longues ins­tances, de leur lais­ser par écrit ce qu’il ensei­gnait tou­chant la per­sonne de Notre-​Seigneur. L’apôtre les invi­ta à un jeûne et une prière de trois jours. Durant ce temps, une vision lui ordon­na d’accéder aux vœux des frères. Il écri­vit alors son Evangile, le der­nier selon l’ordre chro­no­lo­gique, le pre­mier par la gran­deur et la subli­mi­té du récit, d’une impor­tance telle, par la lumière écla­tante de ses aper­çus théo­lo­giques, que les enne­mis du catho­licisme se sont effor­cés avec pas­sion, notam­ment au début du xxe siècle, d’en démon­trer, mais en vain, la non-authenticité.

Les trois autres évan­gé­listes semblent mar­cher sur la terre avec Jésus-​Christ homme ; mais Jean, comme un aigle puis­sant, vole au-​dessus d’eux tous, il s’élève par-​delà les cieux et ne se repose que dans le sein du Père, dont il raconte la mys­té­rieuse fécon­di­té. « Au com­men­ce­ment était le Verbe et le Verbe était en Dieu… Et le Verbe s’est fait chair… » Tels sont les pre­miers mots qui ouvrent son récit ; l’Eglise les répète chaque jour à la fin de la messe ; elle n’a pu trou­ver une page plus belle à lire le jour de Noël, à la messe du jour. En cer­taines régions, le prêtre, tenant l’étole posée sur la tête des petits enfants, lit ce début de l’Evangile de Jean pour appe­ler sur eux la pro­tec­tion divine.

De l’apôtre bien-​aimé, il reste aus­si trois Epîtres, d’une impor­tance inégale. Le pre­mier de ces trois écrits « est une sorte d’encyclique adres­sée… à celles des Eglises d’Asie Mineure avec les­quelles il était en rela­tions plus intimes ; les deux autres ne sont que de petits billets… et furent pro­ba­ble­ment les deux der­niers écrits de saint Jean. » (Fillion.) Le zèle apos­to­lique éclate dans le pre­mier ; les autres sont tout empreints d’une pater­nelle bonté.

Le testament de saint Jean. – Sa mort.

L’apôtre aimait à pré­si­der les réunions chré­tiennes. Quand l’âge ne lui per­mit plus de s’y rendre à pied, il s’y fai­sait por­ter, et là, ne ces­sait de répé­ter : « Mes petits enfants, aimez-​vous les uns les autres. » Les frères, las d’entendre tou­jours la même chose, lui dirent : « Maître, pour­quoi tou­jours les mêmes paroles ? – Parce que c’est le pré­cepte du Seigneur ; si vous l’accomplissez, cela suffit. »

Cette réponse fut comme le tes­ta­ment du dis­ciple bien-​aimé. Le der­nier des apôtres, alors âgé de plus de cent ans, s’endormit dou­cement dans la paix du Seigneur, à Ephèse, selon la tra­di­tion latine, le 27 décembre 101. Après sa mort, des héré­tiques, connus sous le nom de « gnos­tiques », ont répan­du de pré­ten­dus Actes de Jean qui dans l’ensemble ne méritent point créance.

A. F. Sources consul­tées. – Evangile selon saint Jean – Louis Pirot, Saint Jean (Collection Les Saints). – (V. S. B. P., n° 202.)