Sainte Adélaïde

Saint-Adélaïde impératrice sur un vitrail par Lorin, dans l'Église de Toury. Via wikimedia.

Impératrice d’Allemagne (931–999).

Fête le 16 décembre.

Au milieu des riva­li­tés et des inva­sions, de la dépra­va­tion des mœurs, des scan­dales de tout genre qui déso­lèrent le Xe siècle, Dieu sus­ci­ta une femme forte, sainte Adélaïde, qui sut vivre sans tache par­mi les désordres, et, par son cou­rage et ses ver­tus, conser­ver la foi de ses sujets et les pré­ser­ver de plus grands maux. La vie de cette impé­ra­trice a été écrite par saint Odilon, Abbé de Cluny, qui fut son directeur.

Les ancêtres de sainte Adélaïde. – Sa naissance.

Rodolphe II, roi de la Bourgogne trans­ju­rane, connu dans l’histoire sous le nom de Rodolphe le Belliqueux, appar­te­nait, par sa mère, à la des­cen­dance de Charlemagne. C’était un prince aus­si aven­tu­reux que brave, et ses Etats, sou­vent mor­ce­lés par les princes voi­sins, ne pou­vaient suf­fire à satis­faire son ambition.

Aussi écouta-​t-​il volon­tiers l’appel des Italiens, las de la tyran­nie de l’empereur Bérenger Ier, pour entre­prendre la conquête de la pénin­sule ; cou­ron­né à Pavie roi d’Italie, le 13 jan­vier 922, Rodolphe ne réus­sit pas à gar­der la cou­ronne. En effet, quoique maître de plu­sieurs villes impor­tantes, ayant appris qu’il avait été tra­hi, il repas­sa les Alpes et ne son­gea plus qu’à défendre ses Etats contre les Hongrois. Quant à Bérenger, il avait été assas­si­né à Vérone en 924.

Sept ans après, en 931, la reine Berthe, épouse de Rodolphe, mit au monde une enfant à laquelle on don­na, à son bap­tême, le nom d’Adélaïde, qui signi­fie « noble ser­ment ». Voici le motif qui déci­da du choix de ce nom :

Hugues, comte de Vienne, puis duc de Provence, qui avait suc­cé­dé par le triomphe des armes à Rodolphe comme roi d’Italie, et avait été cou­ron­né à Pavie le 9 juillet 926, se ren­dit odieux pas la dure­té de son gou­ver­ne­ment, l’exagération des impôts, sa vie débau­chée et l’inconstance de son carac­tère. Plusieurs sei­gneurs, conju­rés, firent appel à l’intervention de Rodolphe.

Hugues pré­fé­ra trai­ter avec son rival ; le pre­mier accep­tait de céder à Rodolphe une par­tie de ses Etats, des ter­ri­toires situés dans le royaume de Provence ; en retour, Rodolphe lais­se­rait à Hugues la jouis­sance de la cou­ronne d’Italie. En signe d’alliance, les deux princes fian­cèrent l’un à l’autre leurs enfants, Lothaire, que Hugues son père avait fait pro­cla­mer roi d’Italie, conjoin­te­ment avec lui, en 932, et Adélaïde encore au berceau.

La prin­cesse Berthe, dit son bio­graphe, se plai­sait à visi­ter les nom­breux monas­tères de Provence et de Suisse, à leur faire de grandes lar­gesses. Elle vou­lut, lors du départ de son époux pour l’Italie, pas­ser quelque temps dans le couvent de Quedlimbourg. Elle emme­na avec elle sa jeune Adélaïde, âgée de trois ans, pour la faire ins­truire dans le silence du cloître, jusqu’au moment où Dieu mani­fes­te­rait sa volon­té sur elle.

« Elle était, dit saint Odilon, une mer­veille de beau­té et de grâce. » On remar­qua bien­tôt en elle les marques d’une pié­té solide, et un grand mépris pour les gran­deurs et les pompes du monde. Elle n’avait que six ans quand Rodolphe, son père, mou­rut le 11 juillet 937.

En 945, Hugues, aban­don­né par ses par­ti­sans, avait été for­cé de renon­cer à la cou­ronne d’Italie en faveur de son jeune fils Lo­thaire II ; lui-​même devait mou­rir à Aides, le 10 avril 946. Cet état de choses devait entraî­ner de nou­velles com­pli­ca­tions : Bérenger II, petit-​fils de Bérenger Ier, était le chef de la révolte. Toutefois, il res­pec­ta, au moins nomi­na­le­ment, le titre de roi de Lothaire.

Mariage d’Adélaïde. – Ses épreuves.

Le mariage si long­temps pro­je­té de Lothaire et d’Adélaïde venait d’avoir lieu en 947, lorsque, trois ans après, Lothaire lais­sait son épouse déso­lée : il mou­rut subi­te­ment le 22 novembre 950, d’une attaque de fré­né­sie, assu­rèrent les cour­ti­sans de Bérenger ; d’un breu­vage empoi­son­né, au dire des autres.

Adélaïde n’avait alors que dix huit ans et venait de don­ner le jour à une fille nom­mée Emma, qui plus tard sera reine en épou­sant un roi de France, qui por­tait lui aus­si le nom de Lothaire. Les afflic­tions qui acca­blèrent la reine Adélaïde à la mort de son mari contri­buèrent à l’affermir dans le ser­vice de Dieu et à la déta­cher des biens ter­restres. Ses pos­ses­sions et ses richesses étaient alors immenses ; outre le royaume de son père, elle héri­tait d’une par­tie de l’Italie, mais tout cela ne ser­vit qu’à enflam­mer la convoi­tise des princes voi­sins, enne­mis de son père, sur­tout de Bérenger, le plus puis­sant de tous, qui s’était fait pro­cla­mer roi d’Italie, avec son fils Adalbert, le 15 décembre 950.

Au milieu de ces dif­fi­cul­tés, Adélaïde se trou­va 1out d’un coup sans appui, sans conseil, sans secours ; mais, pleine de confiance en la divine Providence, elle remit tout entre les mains de Dieu, sa per­sonne et ses biens.

Cruauté de Bérenger.

Une nou­velle com­bi­nai­son se pré­sen­ta à l’esprit de Bérenger. Il ne rou­git pas d’offrir à la reine la main de son fils Adalbert. Adé­laïde écar­ta avec une ferme éner­gie cette pro­po­si­tion. Bérenger vou­lut aus­si­tôt s’en ven­ger. Il dépu­ta quelques gens de sa suite qui, sur son ordre, allèrent s’emparer de la sainte veuve. Elle fut enfer­mée dans la for­te­resse de Garda, dépouillée non seule­ment de ses immenses pos­ses­sions, mais aus­si de ses meubles, de ses bijoux, de ses vête­ments de prin­cesse et même frap­pée par Villa, femme de Bérenger.

L’héroïque vic­time, dit Luitprand – qui a racon­té cette scène bar­bare, – souf­frit mille outrages et mille indi­gni­tés ; on lui bri­sa le corps à coups de poing et de pied, on lui arra­cha les che­veux, on lui refu­sa les secours les plus néces­saires. Bérenger la fit ensuite empri­son­ner avec une de ses sui­vantes, res­tée seule fidèle à ses mal­heurs, dans la tour du châ­teau de Garde.

Adélaïde trans­for­ma bien­tôt son cachot en un pieux ora­toire ; mal­gré les pré­cau­tions de Bérenger, la Providence sut bien la tirer de prison.

L’ermite Martin.

Pendant une nuit obs­cure, Adélaïde enten­dit du bruit dans un coin du cachot. Son humble et dévouée com­pagne, d’abord effrayée, s’avança, et vit des pierres se déta­cher de la muraille, puis un vieil­lard mon­trer la tête par cette ouver­ture et les invi­ter toutes deux à quit­ter la pri­son. C’était un saint prêtre nom­mé Martin, qui avait pra­ti­qué une gale­rie sou­ter­raine abou­tis­sant à la pri­son. Il appor­ta aux deux cap­tives un dégui­se­ment pour leur per­mettre de tra­ver­ser la cam­pagne sans éveiller les soupçons.

L’une et l’autre purent sor­tir de la pri­son, mais un nou­veau péril était réser­vé aux fugi­tives. L’obscurité de la nuit était telle, en effet, dit un his­to­rio­graphe, que la prin­cesse tom­ba dans un étang, où elle aurait infailli­ble­ment péri, si Dieu, en qui seul elle avait con­fiance, ne l’eût fait ren­con­trer par un pêcheur, qui vint avec sa barque la reti­rer, elle et sa com­pagne. Tout ce que put faire le pêcheur fut de les réchauf­fer au feu qu’il allu­ma d’un peu de bois ramas­sé à la hâte et de leur faire cuire un pois­son. Peu après, elles vinrent se cacher dans une forêt voisine.

Fuyant devant ses enne­mis, sainte Adélaïde tombe dans un marais et est secou­rue par un pécheur.

Informé de l’évasion d’Adélaïde, Bérenger la fît tra­quer de toutes parts ; lui-​même se mit à la tête d’une bande de sol­dats pour la dé­couvrir. Elle fut donc réduite à se dis­si­mu­ler le jour et à voya­ger la nuit, sou­vent par des che­mins impra­ti­cables et dans des transes conti­nuelles. Un jour qu’elle était cachée dans un champ de blé, elle enten­dit arri­ver der­rière elle une troupe de cava­liers. C’était Bérenger avec son escorte. Ici encore, Dieu pro­té­gea mani­fes­te­ment sa ser­vante, éten­due dans le creux d’un sillon.

L’ermite, ins­truit par une révé­la­tion des dan­gers que cou­raient les deux vic­times des fureurs de Bérenger, s’occupait de leur cher­cher un asile plus digne. Il se ren­dit à Reggio, dont l’évêque Adé­lard avait autre­fois été l’ami de Lothaire et d’Adélaïde.

Le château fort de Canossa. – Othon le Grand en Italie.

L’Eglise de Reggio pos­sé­dait un châ­teau fort à Canossa. Bâti sur un rocher à pic des Apennins, dans une posi­tion inex­pug­nable, Adélard crut que ce serait le lieu le plus sûr pour la retraite de la prin­cesse mal­heu­reuse et de sa ser­vante, en atten­dant des jours meil­leurs. Elles y furent défen­dues par une quan­ti­té d’hommes armés.

Les mau­vais trai­te­ments, les souf­frances qu’endurait Adélaïde, in­dignaient l’Europe. Les feu­da­taires ita­liens se repen­taient d’avoir si aveu­glé­ment accueilli Bérenger, car sa tyran­nie sur­pas­sait celle d’Hugues. Ils réso­lurent d’appeler à leur secours Othon le Grand, roi de Germanie. Ils dépu­tèrent près de lui des ambas­sa­deurs qui s’y trou­vèrent en même temps que l’ermite Martin. Le roi, à la de­mande des mes­sa­gers, lui accor­da une audience par­ti­cu­lière. Martin lui apprit les mal­heurs d’Adélaïde, son éva­sion, le lieu de sa retraite et l’espoir que cette infor­tu­née reine met­tait en son secours.

Depuis quatre ans, Othon avait per­du sa femme, la reine Edith, fille d’Edouard Ier, roi d’Angleterre, et décé­dée le 26 jan­vier 947. Il retint auprès de lui Martin et lui dit sans pré­ci­ser davan­tage ses inten­tions : « Vous ver­rez bien­tôt que le roi de Germanie sait punir les traîtres et pro­té­ger l’innocence opprimée. »

Mariage d’Othon avec sainte Adélaïde.

Peu de temps après, Othon, à la tête d’une armée for­mi­dable péné­tra en Italie. Il fit son entrée solen­nelle à Pavie et char­gea le prêtre Martin de convo­quer en cette même ville la veuve de Lo­thaire. Peu de temps après, il épou­sait la ver­tueuse prin­cesse. En octobre 951, Othon rece­vait à Pavie la cou­ronne des rois d’Italie. Othon retour­na ensuite en Allemagne avec sa nou­velle épouse qui se conci­lia sans peine l’affection de Ses sujets par sa pié­té et sa cha­rité inépui­sable. Bérenger conti­nuait de régner en Italie, mais avec l’obligation de se recon­naître le feu­da­taire du roi de Germanie, Othon.

Othon le Grand, empereur.

Le Pape saint Léon III avait autre­fois réta­bli l’empire d’Occident en la per­sonne de Charlemagne, à la condi­tion que les empe­reurs seraient les défen­seurs titu­laires de l’Eglise romaine contre les infi­dèles, les héré­tiques, les sédi­tieux. Cette situa­tion qui pou­vait offrir des avan­tages sérieux pré­sen­tait aus­si des incon­vé­nients sans nombre par suite de la dépen­dance où se trou­va l’Eglise par rap­port au pou­voir temporel.

Quoi qu’il en soit, Othon Ier deman­da d’abord cette digni­té au Souverain Pontife, le saint Pape Agapit II, et ne l’obtint pas. Le jeune Pape Jean XII la lui confé­ra le 2 février 962 et l’empereur jura « de conser­ver au Pape sa vie, sa digni­té, de ne rien ordon­ner pour le gou­ver­ne­ment de Rome, de réta­blir le patri­moine de saint Pierre, et d’exalter l’Eglise et son chef ». A ce titre, les Romains prê­taient aux empe­reurs un ser­ment de fidé­li­té subor­don­née à la fidé­li­té qu’ils devaient au Pape, leur véri­table roi.

Malheureusement, cette bonne har­mo­nie entre Othon et Jean XII ne dura guère. Les torts étaient du côté de ce der­nier, élu trop jeune au Souverain Pontificat, alors qu’il n’avait pas les qua­li­tés requises pour être inves­ti d’une si émi­nente digni­té. Othon réunit une as­semblée d’évêques plus ambi­tieux que sages, qui pro­non­cèrent contre Jean XII une sen­tence de dépo­si­tion, et élurent un anti­pape, Léon VIII. Assurément, Othon eut tort, et les évêques encore plus ; ils n’avaient pas le droit de juger le Pape. Benoît V, suc­ces­seur légi­time de Jean XII, el élu en 964, fut assié­gé dans Rome et exi­lé à Hambourg, où il devait mou­rir en g65. Ces tristes évé­ne­ments cau­sèrent une grande dou­leur à la pieuse Adélaïde ; elle priait beau­coup pour l’Eglise du Christ, déchi­rée de diverses manières, et pour l’empereur. Elle fut exau­cée. L’antipape Léon VIII étant mort en mars 965, Othon approu­va la can­di­da­ture d’un nou­veau Pontife qui fut Jean XIII. Celui-​ci ayant été chas­sé de Rome par les barons romains, appe­la Othon à son secours. Le prince se hâta d’accourir et punit sévè­re­ment les conspirateurs.

Le jour de Noël 967, le jeune roi Othon II, son fils, déjà roi d’Italie, reçut de Jean XIII la cou­ronne impé­riale, dans la basi­lique de Saint-​Pierre, et fut asso­cié au trône pater­nel. A cette occa­sion, Othon le Grand envoya un ambas­sa­deur à la cour de Constantinople deman­der pour son fils la main de la prin­cesse Théophanie, fille de l’empereur d’Orient Romain II. La jeune prin­cesse s’embarqua avec les ambas­sa­deurs venus d’Occident sur un navire pavoi­sé et cou­vert de fleurs. Quand elle arri­va à Rome, Jean XIII la reçut dans la basi­lique de Saint-​Pierre, et bénit son union avec Othon II. La splen­deur des fêtes don­nées à Rome en cette occa­sion éclip­sa l’éclat de celles que la prin­cesse avait vues à Constantinople. Après quoi, Othon II reprit le che­min de l’Allemagne, où la jeune impé­ra­trice eut bien­tôt conquis tous les cœurs.

Saint Ulric, évêque d’Augsbourg, avait accom­pli le pèle­ri­nage de Rome peu après les fêtes du mariage du jeune empe­reur. Au retour, il pas­sa par Ravenne, où l’empereur Othon le Grand séjour­nait alors avec son auguste épouse Adélaïde. Au moment où on lui annon­ça l’arrivée de l’homme de Dieu, Othon sor­tit du palais pour aller à sa ren­contre, sans prendre garde qu’il n’avait pas ache­vé de se chaus­ser. On vit donc cet empe­reur tra­ver­ser les rues de la ville avec un pied nu pour aller s’agenouiller sous la béné­dic­tion d’un Saint.

La pieuse Adélaïde reçut l’é­vêque comme l’envoyé du Seigneur, et quand le saint vieillard reprit sa route, des offi­ciers impé­riaux furent mis à sa dis­po­si­tion pour l’escorter. L’empereur remit à l’évêque des sommes consi­dé­rables pour les dis­tri­buer en aumônes et atti­rer la béné­dic­tion du ciel sur son royaume. Il récla­mait en même temps les prières des monas­tères pour que ses torts vis-​à-​vis de la Papauté fussent effa­cés. Ulric le lui pro­mit, ain­si que le pardon.

Sainte Adélaïde veuve une seconde fois.

A par­tir de ce moment, Othon, déjà d’un âge avan­cé, se pré­pa­ra à la mort. Fils de sainte Mathilde, frère de l’évêque de Cologne saint Brunon, époux d’Adélaïde, l’empereur se mon­tra géné­ra­le­ment digne d’une telle paren­té. Il fut le tuteur du jeune roi de France Lothaire, auquel il fit épou­ser la prin­cesse Emma. Il mou­rut en mai 973, à Memleben.

Exil de sainte Adélaïde.

Le fils d’Othon Ier suc­cé­da à son père et fut heu­reux sur le trône, tant qu’il s’inspira des conseils de sa mère. Celle-​ci avait pris un grand soin de son édu­ca­tion. Au milieu des délices de la cour, la vie d’Adélaïde était aus­tère et se fai­sait remar­quer par la pra­tique de toutes les ver­tus, par­ti­cu­liè­re­ment par une grande cha­ri­té pour les pauvres.

Othon II ne man­quait ni d’énergie ni de cou­rage, mais d’expé­rience. Les fac­tieux comp­taient sur sa jeu­nesse pour secouer le joug qu’ils avaient por­té sans mur­mure sous le règne de son père. Grâce à leurs intrigues, la dis­corde écla­ta dans le palais impé­rial, et Adé­laïde, après avoir souf­fert toutes sortes de calom­nies et d’ingrati­tudes, dut s’échapper pour sau­ver sa vie. Avec elle, le bon génie de l’empire sem­bla dis­pa­raître, la révolte fut au comble. Othon II, qui avait entraî­né contre le roi de France, Lothaire, le prince Charles, frère de ce der­nier, fut bat­tu par le roi de France ; celui-​ci recon­quit sur lui la Lorraine et pilla Aix-​la-​Chapelle (978).

Réconciliation d’Othon avec sa mère.

A la nou­velle du ban­nis­se­ment de l’impératrice, une vive indigna­tion avait écla­té en Allemagne. On avait don­né à entendre au jeune Othon que sa mère dila­pi­dait les tré­sors de l’Etat, qu’elle s’était mise à la tète d’une conju­ra­tion, dans le but de le détrô­ner. Les princes ger­mains n’osèrent prendre la défense de la pieuse femme qui, voyant l’irritation de son fils, avait dû s’expatrier pour sau­ver sa vie.

Le bien­heu­reux Mayeul, Abbé de Cluny, osa seul rap­pe­ler Othon au devoir de la pié­té filiale. L’empereur se repen­tit et envoya cher­cher sa mère. Autant la Germanie déplo­rait l’absence d’Adélaïde, autant la Bourgogne se réjouis­sait de la pos­sé­der. « La ville de Lyon, dit saint Odilon, cet illustre mère nour­rice de la phi­lo­so­phie ; l’an­tique cité de Vienne, rési­dence des rois, furent tour à tour hono­rées de la visite de notre Sainte. » Quand elle arri­va en Allemagne, Othon se pros­ter­na à ses pieds, lui deman­da par­don ; dès lors, il fut vis-​à-​vis d’elle le plus res­pec­tueux des fils.

Quand, tom­bé gra­ve­ment malade en Italie – on a dit aus­si qu’il devait suc­com­ber des suites d’une bles­sure cau­sée par une flèche empoi­son­née, – il sen­tit qu’il allait mou­rir, il fit par­ta­ger son tré­sor en quatre por­tions ; la pre­mière, pour les églises ; la deuxième, pour les pauvres ; la troi­sième, pour sa sœur, sainte Mathilde, ab­besse de Quedlimbourg ; la qua­trième, pour son armée. Il fit ensuite sa confes­sion à haute voix, devant le Pape et les évêques, en reçut l’absolution et mou­rut le 7 ou le 8 décembre 983. Il fut enter­ré à la porte orien­tale de Saint-​Pierre, appe­lée Paradis, au pied de la sta­tue du Sauveur.

Théophanie refu­sa la régence, qui fut confiée par les sei­gneurs de la Germanie à la pieuse Adélaïde, que la recon­nais­sance publique avait sur­nom­mée la « mère des peuples ». En pos­ses­sion de la puis­sance, elle ne se sou­vint de ses enne­mis que pour les com­bler de bienfaits.

Pour diri­ger sa conscience, elle eut saint Adelbert, arche­vêque de Magdebourg, puis l’Abbé de Cluny, saint Odilon. Elle déploya sa géné­ro­si­té envers les pauvres et les églises. Elle éri­gea, res­tau­ra et dota de nom­breux monas­tères d’hommes et de femmes dans toutes les par­ties de ses Etats, sur­tout en Bourgogne.

Mort de sainte Adélaïde.

Au témoi­gnage de son bio­graphe, Adélaïde visi­ta les monas­tères d’Agaune, de Genève, de Lausanne, mul­ti­pliant par­tout ses lar­gesses impé­riales. Elle fit rebâ­tir le monas­tère de Saint-​Martin de Tours, rui­né par un incen­die ; elle envoya aus­si un man­teau impé­rial pour orner le tom­beau du saint évêque. Au mes­sa­ger char­gé de por­ter ces offrandes, elle fit cette recom­man­da­tion : « Je vous prie, très cher fils, quand vous les dépo­se­rez au tom­beau du glo­rieux saint Martin, de vous expri­mer ain­si : “Evêque de Dieu, rece­vez ces humbles pré­sents que vous offre, par mes mains, Adélaïde, ser­vante des ser­vi­teurs de Dieu, péche­resse par nature, impé­ra­trice par la grâce du Seigneur. Recevez ce man­teau de son unique fils Othon, et priez pour lui, vous qui avez eu la gloire de revê­tir de votre propre man­teau le Christ en la per­sonne d’un mendiant.” »

Saint Odilon vint la visi­ter quand elle était encore en Bourgogne. Le Saint parle ici de lui-​même avec beau­coup d’humilité. « Parmi la foule qui se pres­sait autour de sainte Adélaïde, se trou­vait un reli­gieux indigne du litre d’Abbé qu’on lui décer­nait et qu’estimait la pieuse impé­ra­trice. Ils se regar­dèrent l’un et l’autre et pleu­rèrent. Puis, l’impératrice prit le bord de la robe du moine, étoffe vile et gros­sière, la bai­sa et lui dit : « Mon fils, priez pour moi, ain­si que vos saints religieux. »

Adélaïde vou­lut repo­ser auprès de son époux, Othon le Grand, au monas­tère de Seltz ou Sehl-​sur-​le-​Rhin. Elle s’y ren­dit au com­mencement de décembre 999. La fièvre la sai­sit dès son arri­vée, et elle fut réduite à toute extré­mi­té en peu de jours. Son âme, recueil­lie en Dieu, s’absorbait dans la prière. Ses yeux, levés au ciel, cher­chaient le Christ, unique objet de ses dési­rs. Elle reçut l’Extrême-Onction et par­ti­ci­pa au sacre­ment du corps du Seigneur. A sa prière, les clercs chan­tèrent les psaumes de la Pénitence et les lita­nies des Saints. L’auguste impé­ra­trice mêla sa voix à celle des as­sistants, puis son âme, s’échappant de son corps, alla rejoindre en toute joie et séré­ni­té les chœurs angé­liques, le 16 décembre.

Il est à remar­quer que si sainte Adélaïde figure au calen­drier franc-​comtois (le 11 décembre), à celui de Lorraine (le 16 dé­cembre), etc., le Martyrologe Romain ne la nomme pas. Sa fête est au 17 décembre dans le nou­veau Propre de Strasbourg.

A. L.

Sources consul­tées. – César Cantu, Histoire des Italiens, t. IV (Paris, 1860). – Dom Baudot, Dictionnaire d’hagiographie (Paris, 1925). – Louis Moréri, Le grand dic­tion­naire his­to­rique (Paris, 1759). – (V. S. B. P., n° 303.)