Évêque de Constantinople et martyr (+ 449)
Fête le 18 février.
À la mort de saint Proclus qui avait occupé avec beaucoup d’éclat le siège épiscopal de Constantinople, l’ambitieux Chrysaphius, le grand-chambellan, qui de fait gouvernait l’empire d’Orient depuis cinq ans à la place de Théodose le Jeune, voulut qu’on mît à sa place le supérieur d’un monastère de la ville l’archimandrite Eutychès. Ce religieux l’avait tenu sur les fonts baptismaux ; il était déjà célèbre et il le devint encore plus par son hérésie. Au contraire le clergé et le peuple, meilleurs juges, donnèrent leurs suffrages au vénérable prêtre Flavien, chargé de garder les vases sacrés et les reliques de l’église cathédrale.
De la vie de Flavien, nous ne savons rien avant son épiscopat ; toute son histoire tient en trois années, de juillet 446, date de sa nomination, au mois d’août 449, date de sa mort. Mais les éloges qui lui sont donnés et sa glorieuse attitude devant les persécuteurs de l’Eglise témoignent assez combien il s’était préparé à la rude mission que Dieu lui confiait. L’évêque Théodoret, lui aussi grand lutteur pour la foi, le compare à un flambeau donné par Dieu à son Eglise, pour changer les ténèbres qui couvraient l’univers en une très vive lumière. L’historien saint Théophane l’appelle un homme plein de vertu, en qui tout honorait le ministère sacré. Enfin, le Pape saint Léon le Grand, son ami, dit qu’il dut à sa modestie et à son humilité d’être élevé jusqu’à la gloire du martyre.
Un évêque qui déplaît à un ministre.
La nomination de Flavien, faite malgré Chrysaphius et contre son candidat préféré, avait exaspéré le grand-chambellan, qui prit dès lors l’évêque en aversion et mit tout en œuvre pour le perdre. Il réussit tout de suite à le brouiller avec l’empereur. Dès le lendemain du sacre, le tout-puissant ministre faisait demander à Flavien les présents que les nouveaux élus avaient coutume d’offrir au souverain ; l’évêque envoya des fruits et des gâteaux qu’il avait lui-même bénis. Son offrande fut rejetée par Chrysaphius, qui dit à l’envoyé : « Faites savoir à l’évêque que l’empereur a besoin d’or et non de pain. » La réponse du prélat fut très courageuse : « Les biens de l’Eglise sont la propriété des pauvres. Si l’empereur veut un souvenir de ma consécration, je lui enverrai les vases sacrés qui ont servi aux saints mystères ; qu’il les fasse fondre. »
Chrysaphius, irrité, ne poussa cependant pas plus loin et réserva à plus tard le temps de sa vengeance.
Un autre jour, voulant écarter du pouvoir sainte Pulchérie, sœur du faible souverain et protectrice du vertueux évêque, le grand chambellan enjoignit à Flavien d’ordonner Pulchérie en qualité de diaconesse. Se sentant dans l’impuissance matérielle d’opposer un refus, le prélat prévint secrètement la princesse de lui faire interdire l’accès de sa maison, « parce que, lui mandait-il, je serais contraint de faire une chose qui vous serait fâcheuse ». La princesse comprit l’avis et se retira dans un palais impérial, où elle se condamna à la plus sévère retraite. Une fois de plus, les projets du ministre avaient échoué, ce qui ne fît que l’indisposer davantage encore contre l’évêque.
Les erreurs de l’archimandrite Eutychès.
Pendant que ces incidents se passaient à la cour, au dehors tous les esprits étaient préoccupés par de nouvelles controverses théologiques. Plusieurs personnes, conduites par un sentiment de vanité beaucoup plus que par le zèle de la vérité et par la vraie science, prenaient sur elles de réfuter les propositions erronées de Nestorius, que le Concile d’Ephèse avait condamnées en l’année 431 et que le peuple de Constantinople n’avait jamais voulu admettre. Ce zèle indiscret devait entraîner les docteurs importuns dans de fâcheuses erreurs.
Eutychès était du nombre. Dans son grand couvent, où plus de trois cents moines vivaient sous sa discipline, il dissertait longuement sur les questions les plus difficiles de la théologie, tout en les ignorant profondément. C’est ainsi que, sous prétexte de conserver l’unité de personne en Jésus-Christ, il en vint à contester que l’humanité du Christ fût une humanité comme la nôtre. De pareils propos sur les lèvres de ce vénérable vieillard, qui avait lutté contre l’hérésie de Nestorius et qui depuis l’an 440 était le chef moral des moines de la capitale, pouvaient avoir des conséquences redoutables, surtout si l’on se souvient qu’Eutychès était le parrain et le directeur spirituel de Chrysaphius, premier ministre de l’empire.
Aussi, en dépit de sa monstrueuse hérésie, le crédit tout-puissant d’Eutychès à la cour faisait que personne n’osait l’attaquer en face. Toutefois, l’évêque de Cyr, dans la Haute-Syrie, Théodoret, qui était l’homme le plus savant de son temps, eut ce courage et, dans un livre paru en 447, il réfuta les erreurs de l’archimandrite byzantin. C’en fut assez pour que la cour prît ouvertement fait et cause pour Eutychès, et des mesures qui attentaient à la liberté de l’Eglise ne tardèrent pas à être employées contre certains évêques, amis de Théodoret. Saint Flavien, obligé par sa situation officielle à une grande circonspection, attendait l’occasion favorable d’intervenir ; elle ne tarda pas à se présenter.
L’évêque Eusèbe de Dorylée et l’archimandrite.
A ce moment était de passage à Constantinople l’évêque de Dorylée, aujourd’hui Eski-Chéir, en Asie Mineure, celui-là même qui, étant simple laïque, avait démasqué l’hérésie du patriarche Nestorius et avait réussi à le faire déposer de son siège. Ce prélat, très instruit et fort soucieux de tout ce qui touchait à la foi, était lié d’une vieille amitié avec l’archimandrite Eutychès. Il se fit un devoir de lui rendre de fréquentes visites et ne tarda pas à remarquer avec tristesse que les opinions de son ami s’écartaient fort de la vérité catholique. Sous prétexte de mieux réfuter l’hérésie de Nestorius, Eutychès était tombé dans une autre hérésie non moins préjudiciable à la foi que la précédente. L’évêque de Dorylée l’en avertit charitablement, comptant le ramener vite dans la voie de la véritable doctrine, et il multiplia, à cette fin, ses visites auprès de lui. Hélas ! il s’aperçut bientôt que le mal était plus profond qu’il ne pensait. Eutychès défendait ses opinions erronées avec une obstination qui ne cédait devant aucune considération ; il trouvait un peu partout, dans les monastères de la capitale, des amis ou des flatteurs qui se faisaient un devoir de les accréditer auprès des religieux. L’heure était venue de rechercher un autre remède.
Voyant que l’amitié n’obtenait rien contre cet entêtement, l’évêque de Dorylée recourut à des conférences plus solennelles et il finit par amener avec lui trois évêques, qui lui servirent de témoins dans ses discussions avec le vieil archimandrite. Tout fut inutile. Eutychès ne voulut rien abandonner de son système théologique. Force était donc à Eusèbe de rompre avec lui et d’en référer au supérieur hiérarchique du moine. Sa conscience était de celles qui ne reculent ni devant les intérêts d’une longue amitié, ni devant les autres considérations humaines.
Le Concile de Constantinople contre Eutychès.
Un Concile d’une vingtaine d’évêques devait se réunir à Constantinople, en novembre 448, pour régler des différends de mince importance. Eusèbe de Dorylée y assista. Quand les affaires qui avaient motivé la tenue du Concile furent terminées, il porta plainte officielle contre l’archimandrite et lut un long mémoire juridique contre Eutychès, se plaignant d’avoir été accusé par lui de nestorianisme, alors qu’il se faisait fort de prouver qu’Eutychès portait indûment le nom de catholique et ne professait plus la doctrine traditionnelle. Comme cette affaire ne figurait pas à l’ordre du jour et qu’il redoutait les colères toujours à craindre de la cour impériale, saint Flavien aurait désiré que l’on procédât avec plus de lenteur, ignorant encore que l’accusateur avait recouru déjà à tous les moyens recommandés par Notre-Seigneur lui-même pour fléchir l’obstination des égarés. Devant le récit détaillé des tentatives qu’avait déjà faites Eusèbe de Dorylée et devant la sommation que celui-ci adressait au Concile de faire comparaître Eutychès devant lui, il dut s’incliner. En conséquence, une invitation fut envoyée à l’archimandrite d’avoir à se présenter, quatre jours plus tard, devant les Pères du Concile.
Dans les séances suivantes on ne vit point paraître Eutychès. Le moine rusé alléguait toutes sortes de prétextes qui l’empêchaient de sortir de son couvent ; son vœu de réclusion qui le tenait confiné chez lui, son grand âge, une fièvre violente qui, jour et nuit, l’empêchait de dormir, etc. Enfin, après quatorze jours de visites, de discussions, de refus absolus ou conditionnels, devant la ferme volonté du Concile de le mettre hors de la communion de l’Eglise s’il ne se présentait pas, l’inculpé se décida à comparaître.
Mais il n’était pas seul. Quand il entra le 22 novembre 448 dans la salle du Concile, il avait laissé devant la porte une grande foule de fonctionnaires, de soldats, de moines et de serviteurs du préfet du prétoire qui avaient tenu à l’escorter ; de plus, un important fonctionnaire de la cour était chargé par une lettre de l’empereur d’assister aux débats. Ce déploiement de forces en faveur de l’inculpé montrait bien quel haut personnage se cachait derrière lui et combien il était difficile à Byzance de régler une fois pour toutes les controverses dogmatiques, alors que le pouvoir civil s’immisçait constamment dans les affaires de l’Eglise.
Malgré toutes les objurgations et toutes les instances, le Concile ne réussit point à obtenir d’Eutychès une profession de foi orthodoxe, non plus qu’à lui faire rétracter les propositions hérétiques qu’on lui attribuait. S’il rejetait dans une phrase les mots suspects, il ne manquait pas, dans la phrase suivante, de les rappeler sous une autre forme, et les menaces comme les épanchements les plus affectueux se brisaient contre l’entêtement de ce vieillard. Le président de l’assemblée, saint Flavien, montra à son égard une condescendance admirable, essayant par tous les moyens de l’amener à une rétractation ou à des aveux qui dispenseraient d’aller plus loin ; rien n’y fit.
Le Concile ne réussit pas davantage à lui faire approuver le Symbole de foi de son évêque qui résumait admirablement la doctrine de l’Eglise sur le point controversé en s’exprimant de la sorte :
Jésus-Christ, le Fils unique de Dieu, est vrai Dieu et vrai homme, composé d’une âme raisonnable et d’un corps ; quant à sa divinité, il est engendré du Père avant tous les temps et sans commencement ; quant à son humanité, au contraire, il est né de la Vierge Marie, dans les derniers temps, pour nous et pour notre salut ; de même substance que le Père pour la divinité, de même substance que sa mère pour l’humanité. Nous professons qu’après l’Incarnation le Christ se compose de deux natures, en une seule hypostase et en une seule personne, un seul Christ, un seul Fils et un seul Seigneur. Quiconque pense autrement est exclu par nous du clergé et de l’Eglise.
Eutychès pensait autrement puisqu’il se refusa, après plusieurs heures de supplication, à donner la profession de foi que ses supérieurs légitimes, les évêques, exigeaient de lui ; il fut donc, par la voix de saint Flavien, « privé de tout rang sacerdotal, exclu de la communion de l’Eglise et déposé du gouvernement de son monastère ». Tous ceux qui, avertis, lui parleraient et le fréquenteraient à l’avenir, tombaient sous le coup de la même peine.
Il semblait qu’avec cette sentence d’excommunication tout allait rentrer dans l’ordre. En réalité, une ère de troubles, qui dura plus de cent ans, commençait pour l’Eglise, et, pour le pieux évêque, qui avait ainsi défendu la foi menacée, les tribulations et la mort étaient proches.
Complot contre saint Flavien.
La séance était terminée, quand Eutychès annonça au représentant de l’empereur, lequel en avertit Flavien, qu’il déférait la sentence aux Conciles de Rome, d’Alexandrie, de Jérusalem et de Thessalonique. Flavien ne considéra pas cela comme un appel en forme, ni surtout comme un appel qui suspendait les effets de la sentence portée contre l’archimandrite ; les supérieurs des monastères furent donc requis d’accepter la condamnation d’Eutychès. Ils le firent d’assez bonne grâce ; cependant, dans son propre monastère, Eutychès fut soutenu avec énergie par ses religieux, et il protesta par des affiches contre son excommunication.
Ce moine hérétique, d’ailleurs, ne restait pas inactif, et, d’accord avec son filleul, le chambellan Chrysaphius, il persuada à l’empereur qu’un nouveau Concile œcuménique était nécessaire pour la révision du procès. On le ferait présider par le patriarche d’Alexandrie en Egypte, qui, étant l’ennemi-né de l’évêque de Constantinople, ne manquerait pas de se prononcer en faveur de l’accusé. On le tiendrait dans la ville d’Ephèse, où saint Cyrille d’Alexandrie avait déjà fait condamner Nestorius de Constantinople ; et Eutychès, qui se donnait pour le disciple de saint Cyrille, y remporterait un triomphe analogue sur le successeur de Nestorius.
Tel était le plan imaginé par les deux complices et dans lequel entra, sans même s’en rendre compte, le trop faible souverain. Celui-ci défendit, sur les indications d’Eutychès, à bon nombre d’évêques qu’on savait courageux et inaccessibles à la corruption, de se rendre au Concile, alors que les hommes faibles et surtout les ennemis de saint Flavien recevaient l’injonction de s’y transporter. Tout était bien combiné pour la victoire de l’erreur.
La cour prend ouvertement parti contre saint Flavien.
Il fallait pourtant obtenir l’autorisation du Pape pour la réunion de ce Concile universel qui ne paraissait pas s’imposer. On dépeignit à saint Léon Ier la situation sous des couleurs si noires, qu’il donna son consentement. Mais quand il eut sous les yeux les documents le Pontife n’eut pas de peine à reconnaître que l’évêque de Constantinople avait bien jugé et que la doctrine d’Eutychès était inadmissible. Néanmoins, par amour de la paix, il autorisa la réunion du Concile à Ephèse, à condition que l’assemblée fut présidée par ses légats, et, à cet effet, il leur remit toute une série de lettres pour les empereurs, pour Flavien, pour le Concile, pour les moines.
Par deux fois l’évêque avait déjà envoyé à saint Léon le compte rendu détaillé de ce qui s’était passé au Concile de Constantinople, mais ses messages, interceptés par les agents de la cour, n’étaient point arrivés à destination. Il fallut qu’il en envoyât un troisième.
Ce retard explique pourquoi le Pape, dans la lettre destinée à Flavien, s’étonne que celui-ci ne l’ait pas mis plus tôt au courant des événements. Cette lettre du Pape, qui est avant tout un traité sur le mystère de l’Incarnation, passe à bon droit pour le document dogmatique le plus important du Ve siècle. Le IVe Concile de Chalcédoine l’a mise sur le même pied que le Symbole des Apôtres, et toute l’antiquité ecclésiastique l’a entourée d’une auréole d’admiration et de respect. Or, elle n’est que le développement de la pensée de Flavien, qui dut encore la préciser, quelques semaines avant l’ouverture du Concile, dans une profession de foi exigée de lui par le gouvernement impérial.
Celui-ci se prononçait de plus en plus contre l’évêque de Constantinople. Dans une lettre adressée aux deux fonctionnaires qui avaient la mission de représenter le souverain au futur Concile, il est déclaré que les évêques, qui avaient jugé Eutychès à Constantinople, pourraient assister aux discussions, mais sans avoir voix délibérative, parce que leur propre jugement allait être révisé. Dans sa lettre au Concile, l’empereur dit qu’il avait prié Flavien, à plusieurs reprises, de mettre fin au conflit, mais que l’évêque s’était refusé à laisser tomber la question ; c’est pourquoi le souverain avait jugé indispensable la réunion d’un Concile général qui examinerait tout ce qui avait été déjà fait dans cette affaire.
Ainsi, par la volonté d’un ministre, la question était déplacée. L’accusé devenait accusateur, et le juge dans la foi, l’évêque, avait à se défendre lui-même devant un tribunal qui n’était nullement qualifié pour le juger.
Le « brigandage d’Ephèse ».
Ce Concile qui, dans la pensée, du Pape, devait terminer le conflit, s’ouvrit au mois d’août 449. Il viola toutes les règles du droit, de sorte que saint Léon Ier, en apprenant ce qui s’y était passé, le qualifia de « brigandage », flétrissure qui lui est restée dans l’histoire, et qui ne fut jamais mieux méritée.
Tout d’abord, on n’accorda pas aux légats du Saint-Siège la présidence de l’assemblée, alors qu’ils avaient droit à la première place et que le Pape l’avait revendiquée pour eux. Les lettres de saint Léon, qui condamnaient la doctrine d’Eutychès et l’archimandrite lui-même, s’il ne se rétractait pas, ne furent pas lues ; bien plus, on s’appliqua aussitôt à réhabiliter Eutychès et à destituer de l’épiscopat tant Flavien qu’Eusèbe de Dorylée et tous ceux qui avaient contredit l’archimandrite.
L’hérésiarque, introduit devant le Concile, triomphait. Sa profession de foi fut hautement approuvée comme la seule catholique, et lui-même se vit rétablir dans sa dignité de prêtre et sa charge de supérieur. Après avoir absous le condamné, il ne restait plus qu’à condamner les juges. On s’y prit d’une manière fort habile. On fit lire des extraits du précédent Concile d’Ephèse, où il était interdit, sous peine de déposition, d’enseigner un autre Symbole que celui de Nicée, et tout le monde souscrivit ce document. Alors, le parti gagné à Eutychès s’écria que Flavien et Eusèbe, avec leur formule des deux natures en Jésus-Christ, avaient contrevenu à cette règle et mérité la déposition.
Il y avait là une insigne mauvaise foi, une confusion voulue du Symbole liturgique avec les développements théologiques que les controverses nécessitaient au cours du temps. Si l’on avait admis pareille doctrine, les apologistes chrétiens et les théologiens n’auraient jamais pu défendre la vérité. Les évêques vraiment orthodoxes protestèrent contre cette interprétation et supplièrent le président Dioscore, patriarche d’Alexandrie, de ne pas donner suite à son projet. Celui-ci feignit alors de voir dans leur attitude une menace pour sa vie, et il donna aux soldats qui stationnaient devant la porte l’ordre d’entrer dans la salle du Concile. Ils accoururent aussitôt avec des armes et des chaînes pour les récalcitrants.
Déposition et mort de saint Flavien.
Ce fut le triomphe de la force. Quelques membres de l’assemblée réussirent à fuir ; d’autres, un peu maltraités, regagnèrent leurs places ; tous ceux qui restaient durent, de gré ou de force, apposer leur signature au bas d’un papier blanc, sur lequel on inscrivit ensuite la condamnation et la déposition de Flavien.
Celui-ci, qui avait gardé jusque-là un calme parfait, s’efforça à la vue des soldats de se réfugier vers l’autel et de s’y cramponner ; mais les soldats, l’entourant, s’opposèrent à son dessein et voulurent le traîner hors de l’église. Il fut bousculé et meurtri, poursuivi de cris de mort, et c’est à grand’peine qu’il parvint un moment à leur échapper. Il se hâta alors de rédiger pour le Pape un appel en règle, qui fut remis aux légats et dans lequel il donne tous ces détails. Dans la suite, on ajouta que Dioscore lui-même et les personnes de sa suite s’étaient portés sur lui à de telles voies de fait qu’ils l’avaient laissé à demi mort sur place.
Il est difficile aujourd’hui de préciser ce qui se passa à ce moment. Ce qui est sûr, c’est qu’à la suite des brutalités commises sur lui, Flavien mourut quelques jours après, probablement le 11 août, à Hypæpa, aujourd’hui Tapou, sur le chemin de l’exil, et que l’Eglise l’a toujours considéré comme un martyr.
Deux ans après, le Concile général de Chalcédoine, après avoir condamné les meurtriers de l’évêque, réhabilitait sa mémoire et l’inscrivait au rang des Saints. Enfin, peu après, par les soins de l’impératrice sainte Pulchérie, les restes du vaillant évêque furent rapportés à Constantinople et déposés avec honneur près des reliques de saint Jean Chrysostome, dans la basilique des Saints-Apôtres. De là, divers fragments ont été transportés en plusieurs villes d’Italie. Sa fête a été fixée au 18 février dès le VIe siècle.
François Delmas. Sources consultées. – Acta Sanctorum (t. III de février, p. 72–80). – Héfélé, Histoire des Conciles. – Adolphe Régnier, Saint Léon le Grand (Collection Les Saints).