Pape au VIIIe siècle. Il combattit l’hérésie iconoclaste, envoya saint Boniface en mission et empêcha l’invasion de Rome par les lombards.
Fête le 11 février.
Vie résumée
Grégoire II naquit à Rome, et joignit une éminente sainteté à une profonde connaissance de l’Écriture sainte et de toutes les matières ecclésiastiques. Il fut ordonné sous-diacre par le pape Serge 1er, qui l’aimait beaucoup. Son rare mérite le fit élever aux places de sacellaire et de bibliothécaire, qui étaient alors très considérables. Il fut chargé de plusieurs missions importantes, dont il s’acquitta avec une grande capacité. Il suivit à Constantinople le pape Constantin, et satisfit à toutes les questions des Grecs, par les réponses les plus solides. Après la mort de ce pape, il fut élu pour lui succéder.
Il signala son entrée au pontificat par la déposition de Jean VI, faux patriarche de Constantinople, qui favorisait l’hérésie des monothélites. Il fonda deux monastères à Rome, et fit rebâtir celui du Mont-Cassin, détruit par les Lombards. Il travaillait sans relâche à extirper toutes les erreurs qui corrompaient la pureté de la foi. Comme plusieurs peuples de la Germanie vivaient encore dans les impiétés du paganisme, il leur envoya des missionnaires zélés pour les instruire et les amener à la connaissance de la vérité. Il sacra saint Corbinien et saint Boniface, évêques, l’un de Frisingen et l’autre de Mayence.
L’empereur Léon l’Isaurien ayant déclaré une guerre sacrilège aux saintes images, en 726, les évêques orthodoxes d’Orient refusèrent d’obéir à ses édits, et s’adressèrent au pape Grégoire. Le saint pontife tâcha en vain de fléchir le persécuteur par ses larmes et ses prières. Il sut retenir dans le devoir les peuples d’Italie, qui voulaient se révolter à cause des persécutions qu’éprouvaient les catholiques. Il écrivit en même temps aux évêques de s’opposer généreusement aux progrès de l’hérésie que l’empereur tâchait d’établir. Léon, aux yeux duquel l’attachement à la sainte doctrine était un crime, donna plusieurs fois des ordres pour faire assassiner notre Saint ; et sans la vigilance des Romains et des Lombards, il aurait infailliblement péri.
Il mourut le 10 février 731, après avoir siégé 15 ans 8 mois et 23 jours. Le martyrologe romain en fait mémoire le 13 février.
Source : L’Année chrétienne, La Vie d’un Saint pour chaque jour, Paris, 1846
Version longue (La Bonne Presse)
Le viie siècle avait assisté – réalité accomplie désormais – à la chute définitive du monde romain. De cette immensité qui fait songer au déluge, surgissait, s’affermissait, s’étendait peu à peu, à l’aurore du siècle suivant, un continent nouveau que l’Eglise, – avec quelle ardeur et quel durable éclat ! – sut entraîner et enclore dans son orbite. En effet, la religion chrétienne, en une même loi et dans un commun culte, réunissait les restes de la nation latine et les peuples germains. En face d’une telle union et d’une telle force grandissante, l’Orient arabe, dans le jeune épanouissement de sa puissance, aiguisait son glaive contre l’Occident.
La Providence veillait. Elle veillait plus jalousement encore dans Rome et par Rome. Depuis près de cinquante années, Rome n’était-elle pas devenue l’attrait, le point de mire universel ? Laissant les contrées les plus lointaines et les plus solitaires, vers elle s’en venaient d’Espagne, de Bretagne, de Gaule et d’Angleterre nombre de pèlerins. Le désir qui les emportait hors de leurs foyers n’était ni la curiosité ni la convoitise humaine, mais l’unique piété envers le tombeau de l’Apôtre et le dévouement au Saint-Siège. Certains d’entre eux n’étaient point retournés en leur terre natale ; ils avaient, en quelque sorte, pris droit de cité. La force morale de Papauté était plus que jamais rayonnante depuis saint Serge, Jean VI et Jean VII, Sisinnius et Constantin.
Origine de saint Grégoire II. – Sa jeune activité avant son pontificat
Le vieux nom de Marcellus, qui était celui de son père, évoque la souvenance des temps de l’antiquité et donne à penser qu’il descendait d’une race patricienne illustre. Certains rares auteurs, sans grands arguments d’ailleurs, s’ingénient à le rattacher à la famille Savelli. Ce qui demeure incontestable, c’est que, par la naissance, il était déjà célèbre avant d’en imposer bientôt par les dons de son esprit et de son cœur et par ses vertus d’honnêteté sans pareille, de sagesse et de force. Sa mère avait nom Honesta. Dès l’enfance – honneur pour des parents fort considérés – il avait été, pour ainsi dire, adopté, puis éduqué, formé et gardé par le Palais apostolique. Avant de devenir Pape lui-même, il avait été, depuis la fleur de l’âge, à la rude autant que pieuse et savante école des Papes. Saint Serge, en personne, l’avait initié aux sciences sacrées et profanes et ordonné sous-diacre ; non seulement il lui avait confié le soin des oratoires et des chapelles pontificales, mais encore il avait créé pour lui la charge de bibliothécaire de l’Eglise romaine.
Fervent, fidèle à ses devoirs et à ses fonctions, Grégoire était cité en exemple à tous quant à la pureté rayonnante de son être, à la mâle sûreté de son jugement et de son savoir, à la belle concision de ses arguments et de ses reparties. Ainsi la pourpre cardinalice ne pouvait-elle manquer de venir rapidement peser à ses humbles épaules. Selon l’attestation d’Anastase et celle de Pagi dans son Bréviaire, saint Serge la lui avait conférée, bien que Ciacconius, non moins péremptoire, attribue cette initiative au Pape Constantin.
Avec le Pape, à Byzance.
Le 5 octobre 710, Constantin s’était embarqué, faisant voile vers Constantinople, à Porto. Quelques-uns des personnages les plus insignes de l’épiscopat, tels Nicet, évêque de Silva Candida, et Georges, évêque de Porto, ainsi que plusieurs cardinaux et officiers du palais, accompagnaient le Saint-Père qui prenait édification et un insigne plaisir à s’entretenir avec ses compagnons de voyage ; Grégoire, sans y tendre et sans même y penser, était le plus en vue de ceux-ci, tant restent irrésistibles l’exemple, le prestige et l’attrait de la perfection en toutes choses. On fit escale à Naples, on gagna la Sicile, peut-être Messine, puis Reggio, Cortone et Gallipoli. A Otrante furent établis les quartiers d’hiver, et, le printemps venu, le noble cortège, reprenant son chemin, parcourut les cotes de la Grèce, toucha l’île de Céos et, de là, Byzance. Partout les magistrats avaient ordre d’accueillir le Pape avec honneur. De la capitale sortirent à sa rencontre Tibère, fils de l’empereur, à la tête du Sénat, et le patriarche à la tête du clergé.
L’empereur Justinien Rhinomète se trouvant à Nicée, le Pape et son escorte allèrent au-devant de lui, et l’entrevue eut lieu à Nicomédie. Ce prince, cruel pour les chrétiens, s’abîma en protestations de repentir et de ferme propos. Grégoire, qui jouissait de plus en plus de la confiance du Saint-Père, suscita son admiration par la lumière de ses vues et de ses raisonnements. Admiration qui devait bientôt se prolonger et grandir au Concile de Constantinople in Trullo, où le futur successeur de Pierre parla avec une douceur véhémente, en Docteur de l’Eglise. L’évêque de Rome et sa suite, à l’automne de l’an 711, étaient de retour dans la Ville Eternelle.
Saint Grégoire II est élu Pape. – Restauration des murs de Rome. – Premiers heurts avec les Lombards.
Moins de cinq ans s’étalent écoulés lorsque mourut Constantin (8 avril 715). Par l’accord le plus harmonieux, comme aussi le plus empressé, du clergé et du peuple, Grégoire II, le 19 mai suivant, troisième année du règne de l’empereur Anastase, fut élevé à l’auguste dignité papale. Après la succession de sept Pontifes d’origine grecque ou syrienne, il était le premier des Romains qui montât les degrés de la Chaire de saint Pierre.
L’un des premiers soucis de Grégoire II fut de restaurer la muraille chancelante d’Aurélien. Souci qui s’imposait à sa grande sagesse réaliste et prévoyante. D’un mot, il s’agissait bel et bien de l’indépendance et de la sécurité du Siège apostolique. Luitprand, roi des Lombards, ne venait-il pas de se refuser à confirmer la donation des Alpes Cottiennes qu’avait faite, en lettres d’or, Aripert, l’un de ses prédécesseurs, au Pape Jean VII ? Oubliait-il donc que ce présent n’était qu’une restitution due en toute justice ? Plein de prudence autant que de charité, Grégoire avait réussi, par ses envoyés, à ne pas irriter le souverain, catholique d’ailleurs et courtois en ses pourparlers. Mais cela ne suffisait pas à garantir, protéger et épargner l’avenir. Des fours à chaux furent ouverts ; sans larder, l’on entreprit de relever les murs situés à la porte Saint-Laurent. Des obstacles, œuvre des convulsions de la nature, d’abord, puis de la rébellion des hommes, surgirent, arrêtant et ruinant l’exécution conçue. Le Tibre grossit en de telles proportions que la cité fut dangereusement inondée. L’immense affluence des dommages désola le Champ de Mars. Les eaux submergèrent la porte Flaminienne ou porte Saint-Valentin, se répandirent jusqu’aux alentours de la basilique de Saint-Marc, étendirent leur ravage de la porte de Saint-Pierre au pont Milvius et, dans la Via Grande, s’élevèrent à une fois et demi la hauteur d’un homme. La lune, alors, parut comme dans un halo de sang jusqu’au milieu de la nuit. Le Pape, le clergé et le peuple multiplièrent vers le ciel leurs supplications, et, le huitième jour, le fléau se retirait.
Le calme des éléments revenu, on se voyait, d’un coup, dans l’impossibilité de reprendre et de poursuivre le labeur initial. Les matériaux, naguère préparés par Sisinnius, gisaient là, sans que l’on eût le loisir de les utiliser. Plus forte, en effet, que les pacifiques désirs de Grégoire II, la frénétique ambition des Lombards de Bénévent déchaînait un conflit armé. Ceux-ci, à l’improviste, s’emparaient de Cumes, précieux point stratégique qui faisait partie du patrimoine napolitain. A Jean, duc de Naples, le Souverain Pontife demandait aide et secours. C’était vraiment la lutte pour la vie de l’Eglise dont les phases devaient s’amplifier, au spirituel comme au temporel, sur des scènes infiniment variées, souvent ténébreuses et tragiques, pendant ce magnifique pontificat. Cumes était arrachée à ses agresseurs, et, en récompense d’une si glorieuse libération, le duc Jean recevait du Pape Grégoire soixante-dix livres d’or.
Saint Grégoire II et saint Boniface.
Le royaume des âmes fut, par excellence, celui de Grégoire II. Le soin de la cause de Dieu et de la vérité ne lui laissa ni trêve ni repos. Une activité de tous les moments montra à quel fervent degré d’élévation ses yeux vigilants regardaient le monde entier pour le protéger, pour le consoler. Sous son règne furent évangélisées l’Angleterre où le schisme prit fin, et par elle, dans un de ses fils les plus magnanimes, l’Allemagne, proie vivante de l’idolâtrie. Ce fils, né à Kirton dans la seconde moitié du viie siècle, s’appelait Winfried. De bonne heure il prit le nom de Boniface et se fit remarquer par ses vertus. Malgré la résistance réitérée de son père, il se déclara, sans faillir, décidé d’embrasser la vie monacale. Par la grâce divine, vainqueur enfin de tous les obstacles, il entra au monastère d’Exeter d’où, après trois ans d’existence exemplaire, studieuse et mortifiée, il fut envoyé à celui de Nutcell. Ordonné prêtre dans la trentième année de son âge, il dédia toutes ses forces au service de la parole.
Comme il était très en considération chez les évêques de la province, ceux-ci avaient recours à ses lumières et à son conseil dans les affaires de haute importance. Boniface, lui, n’ayant d’autre et saint désir que celui d’éclairer, d’enseigner les peuples plongés dans les ténèbres et l’ombre de mort, obtint de son Abbé, en 716, licence de s’acheminer vers la Frise.
Arrivé à Utrecht, qui en était la capitale, il se présenta au roi pour requérir la liberté d’exercer son ministère, mais, sur un refus sans appel, il fut contraint de regagner son couvent. Le Père Abbé étant mort peu après son retour, les voix unanimes désignèrent Boniface comme son successeur. L’humble religieux, tout ému, résigna cet honneur entre les mains consentantes de l’évêque de Winchester. Libéré d’un tel fardeau, envahi plus que jamais du zèle conquérant d’un apôtre, il sentit logiquement naître en lui la résolution suprême d’aller à Rome se jeter aux pieds du Pontife, d’impétrer l’agrément et de recevoir la bénédiction, grâce à quoi, dès lors, il pourrait courir vers les infidèles.
Il n’est pas besoin, si grande est l’évidence, d’insister sur cette première rencontre de Grégoire II et de saint Boniface. Lorsque l’amour de Dieu est le lien, le seul lien des âmes, elles se reconnaissent à première vue, s’harmonisent et agissent sous les rayons d’une inextinguible charité. Muni, maintenant, d’augustes réconforts, le moine anglais pouvait porter ses pas en Bavière, en Thuringe et dans la Frise, dont le roi venait de mourir. Là, de concert avec l’évêque Willibrord, il fut l’instrument de conversions multiples et retentissantes, au point d’être chaleureusement choisi comme devant succéder au prélat. Alors, laissant la contrée, il se réfugia dans la Hesse et parcourut ensuite une partie de la Saxe, baptisant, pardonnant, érigeant des églises sur les ruines du paganisme. Ce qu’ayant appris avec beaucoup de joie, Grégoire lui manda par une lettre autographe l’ordre de revenir à Rome. La dignité que Boniface redoutait tant y attendait ce docile serviteur de Dieu. Après avoir reçu sa profession de foi, le Pape le consacra évêque. Boniface, ensuite, reprenant son bâton de voyageur-apôtre, s’en fut de nouveau aux pays qu’il avait quittés et qui bientôt lui devraient leur pleine régénération spirituelle.
Abdication du roi des Saxons. – Léon l’Isaurien et le culte des images. – Complots.
Le prestige de Grégoire, le rayonnement de sa mâle autorité, l’exemple de ses vertus toujours grandissantes attiraient les puissants de la terre et leur donnaient la salutaire vision du néant des choses qui passent. Ainsi en advint-il, en 725, d’Ina, roi de Wessex, l’un des royaumes de l’heptarchie anglo-saxonne, qui, déposant sa couronne, vint avec sa femme, Oethelbuch, en pèlerinage au tombeau de saint Pierre et s’enferma dans un cloître où, moine, il finit ses jours en 726. C’est lui qui, avant d’abdiquer, avait pris, pour lui et ses successeurs, l’obligation d’être tributaire du Saint-Siège en faisant, chaque année, une large aumône à l’Eglise de Rome, et s’était, de la sorte, institué fondateur du denier de saint Pierre.
L’affaire principale, si l’on peut dire ainsi d’une hérésie, source de mort spirituelle et corporelle, qui occupa, angoissa, illustra à jamais le pontificat de Grégoire II, fut celle des icônes et des images. Connue entre toutes, elle est une leçon qui demeure, en même temps que le témoignage éclatant de l’assistance du Christ envers son Vicaire. L’on garde en mémoire le sanglant panorama des faits qui se déroulent sous le règne de l’empereur de Byzance, Léon III l’Isaurien.
Profitant des révoltes militaires qui détrônèrent successivement Anastase II et Théodose III, lesquels se sont réfugiés l’un et l’autre dans un monastère, Léon, par ses propres soldats, s’est fait donner le pouvoir le 25 mars 717. Guerrier valeureux, et qui saura, quand l’exigera l’intérêt de sa sauvegarde et de sa politique, défendre les chrétiens contre les infidèles, il a le tort, l’indomptable orgueil de prétendre juger en dernier ressort des questions théologiques. Empereur, il se croit, il veut être le Pontifex Maximus, comme au vieux temps romain. En dernière analyse, il sert de vastes intrigues, ourdies par des ennemis du catholicisme.
Seulement, et c’est là le piège, l’argument a quelque apparence de justification. L’Orient se plaint de ce que le peuple voue aux images un culte idolâtre, ou, tout au moins, les entoure, au détriment du vrai Dieu, d’une vénération outrée et superstitieuse. Leur plainte n’est pas isolée. Déjà s’en est élevée d’Occident une semblable par la bouche de saint Sérénus, évêque de Marseille. Grégoire II avait toutefois à celui-ci écrit de sa main : « Le zèle que vous déployez pour empêcher que l’on adore l’œuvre des mains de l’homme est louable, mais je juge que vous avez mal fait de détruire ces images. »
Il y a donc, selon la doctrine de l’Eglise, confusion entre la répression sage d’un abus et l’arbitraire condamnation d’une dévotion vénérable. Mais Léon l’Isaurien ne l’entend pas ainsi et il porte au paroxysme, en les défigurant, les doléances murmurées, jette l’émoi dans l’épiscopat d’Orient par des persécutions contre tous ceux qui possèdent ou révèrent les saintes images et icônes.
Paternellement, le Pape se prodigue à ramener l’empereur dans la voie de l’équité et du bon sens. Il envoie vers lui ses légats qui sont odieusement incarcérés, puis exilés et mis à mort. Alors, messagère de soulèvements inévitables, l’indignation se propage d’Orient jusqu’en Occident. Plus solennelle et redoutable, la voix de Grégoire II s’élève :
Sachez que les Pontifes romains furent, de tout temps, médiateurs et arbitres de la paix entre l’Orient et l’Occident ; qu’ils sont même aujourd’hui, pour ainsi dire, le mur de soutien qui unit entre eux les deux peuples, et que les empereurs auxquels vous succédez auraient difficilement obtenu la paix, s’ils ne se fussent abandonnés à la foi des Souverains Pontifes.
Remontrances vaines. Les insidieuses prétentions et persécutions de Léon III redoublent. Avec la manière de Byzance, il rêve de faire périr le Vicaire du Christ avant de l’attaquer de front. Trois conjurés, avec l’agrément de Maurice, spathaire impérial (garde du corps), sont choisis pour le meurtre : Basile, duc de Rome ; Jourdain-le-Chartrier et le sous-diacre Jean, dit Lurion. La trame éventée, ils reviennent à la rescousse, cette fois, à l’instigation du patricien Paul, l’exarque de Ravenne ; mais, avertis et las de clémence, les Romains assassinent Lurion et Jourdain. Quant à Basile, qui sera le dernier duc envoyé par les empereurs d’Orient pour gouverner Rome et les villes de sa dépendance, il s’enfuit dans un couvent où, bientôt, il demande la robe de moine.
Nouvelles hostilités. – Extension de l’édit de 726. Victoire pontificale.
Ces événements pleins de gravité tragique ne sont que le prélude d’autres attentats et de luttes dont, seul, le raccourci permet de mesurer l’étendue et la ténacité. L’exarque Paul, pour complaire à son maître et souverain, frappe les provinces d’impôts fabuleux, ordonne que soient dépouillées de leurs richesses et de leurs vases sacrés les églises, sous prétexte de détruire les images, et s’efforce en vain de faire élire un antipape. Nul insuccès n’arrête, ne contraint l’empereur Léon III à rentrer en lui-même. Il frète des navires, envoie à Rome un autre spathaire pour chasser Grégoire, étend à l’Occident son édit de 726 contre les icônes. Le Pape, par lettres, proteste en des termes d’une vigueur qui, jamais peut-être, n’a été encore dépassée : « Pour t’écrire, dit-il à l’Isaurien dans sa première lettre, nous devons recourir à un style inculte et brutal, car tu es un homme inculte et brutal. »
Cependant, les fidèles de Grégoire, l’armée des Vénitiens et la Pentapole se lèvent de concert pour empêcher l’exécution des ordres impériaux et défendre la vie de Grégoire II sans cesse menacée. Leur ardeur est si unanime, si exaspérée, que le vertueux Pontife doit les retenir. Ils voudraient renverser l’empereur de Constantinople, mais le Père commun ne veut point d’humaine vengeance. Grégoire, tout en excommuniant l’exarque Paul, qui a promulgué l’édit odieux, espère, par sa modération dans le domaine temporel, ramener dans la voie droite l’orgueilleux Léon III. Ces efforts sont superflus : le Pontife demeure le point de mire de la haine byzantine. Léon entraîne à lui prêter main-forte Exclarat, duc de Naples, et son fils Adrien, qui envahissent la Campanie et enjoignent le peuple à se rebeller contre Grégoire. Les Romains les mettent l’un et l’autre à mort, ainsi qu’un certain Pierre, coupable d’avoir écrit à l’Isaurien contre le Pape. L’empereur dépêche alors à Naples Eutychius, avec des présents pour gagner les Lombards à sa cause. Eutychius échoue, parce que l’on devine l’enjeu : la mort de Grégoire. Ce dernier excommunie Léon III en 730, le déclare impénitent et hérétique, et dispense toutes les villes d’Italie de payer, désormais, tribut à ce César.
Devant une telle libération, les Lombards et leur roi Luitprand songent à s’emparer de Rome, d’autant plus que Léon III, craignant l’intervention possible de Charles Martel, a cessé les hostilités. Il arrive jusqu’au cirque de Néron, mais, pris de remords, il tombe aux pieds de Grégoire qui l’absout.
Activité artistique et liturgique de saint Grégoire II. – Mort et sépulture.
Admirable règne d’amour divin, de fermeté, d’activité sous toutes les formes de l’énergie et du beau, tel fut celui de Grégoire II. Sous son pontificat, les Sarrasins, qui tentaient de conquérir le midi de la France, furent repoussés par Odon d’Aquitaine et perdirent, en une seule bataille, trois cent cinquante mille des leurs. Les soucis extérieurs ne paralysèrent point chez le grand Pape son soin vigilant de l’essor intérieur et du prestige de l’Eglise. Il créa les Stations des jeudis de Carême en diverses églises de Rome, tint divers Conciles, nomma cent cinquante évêques, ordonna trente-cinq prêtres et quatorze diacres. Par lui furent restaurées nombre de basiliques ou églises dont Saint-Paul hors les murs, Sainte-Croix-de-Jérusalem et Saint-Laurent. Il édifia dans son palais, en l’honneur de saint Pierre, une chapelle aux murs argentés où figuraient les douze apôtres. Après la mort d’Honesta, sa mère, il convertit la demeure paternelle en une église et un monastère placés sous le patronage de sainte Agathe, vierge et martyre. Il régna saintement quinze ans, huit mois et vingt-trois jours, mourut le 10 février 731 et fut, le lendemain, inhumé au Vatican, selon le Liber Pontificalis, et non le 13, suivant l’assignation des Martyrologes.
Dominique Roland-Gosselin.
Sources consultées. – Acta Sanctorum, t. II de février (Paris et Rome, 1864). – Mgr Paul Guérin, Les Petits Bollandistes, t. II (Paris, 1897). – Annuaire pontifical catholique, passim (Paris). – P. Moncelle, article « Grégoire II » dans Dictionnaire de théologie catholique de Vacant et Mangenot, t. VI (Paris, 1920). – (V. S. B. P., n° 676.)
Source de l’article : Un saint pour chaque jour du mois, 2e série, La Bonne Presse