Bienheureux Claude de la Colombière

Jésuite, Confesseur de Sainte Marguerite-​Marie et pro­pa­ga­teur du culte du Sacré-​Cœur (1641–1682).

Fête le 15 février.

Mon Souverain Maître m’envoya le P. de La Colombière, me fai­sant connaître que c’était un de ses plus fidèles ser­vi­teurs et de ses plus chers amis.

Ainsi s’exprime sainte Marguerite-​Marie. Avec celle qui repro­duit cet éloge incom­pa­rable, comme sor­ti de la bouche même du Sau­veur, le bien­heu­reux Claude de La Colombière a été, vers la fin du xviie siècle, l’âme et la voix de la dévo­tion au Sacré Cœur de Jésus, qui féconde toute la terre.

Une famille bénie de Dieu.

Claude Colombier, appe­lé aus­si La Colombière ou de La Colom­bière, naquit à Saint-Symphorien‑d’Ozon, en Dauphiné, le 2 février 1641, de Bertrand Colombier, notaire royal, et de Marguerite Coindat.

Sept enfants étaient venus réjouir ce foyer chré­tien. L’aîné, Humbert de La Colombière, plus tard conseiller au Parlement de Grenoble, quoique enga­gé dans le monde, y vécut plu­tôt dans les exer­cices d’un religieux.

Isabeau et René mou­rurent en bas âge. Une fille, Marguerite, fut Visitandine, et édi­fia durant soixante ans son monas­tère. Les fils cadets devinrent prêtres : Joseph évan­gé­li­sa le Canada ; Floris était archi­diacre de l’église pri­ma­tiale de Vienne.

Quant à Claude, après avoir fait pro­fes­sion dans la Compagnie de Jésus, il devait être choi­si, par le Sauveur lui-​même, comme apôtre de la dévo­tion à son divin Cœur. Ses parents se fai­saient un hon­neur d’être membres de la Confrérie du « Très haut et très auguste Sacrement de l’Eucharistie ».

Dieu avait ain­si ména­gé à cet enfant de béné­dic­tion de grands exemples dans sa ver­tueuse famille, qu’on appe­lait cou­ram­ment dans le pays « la famille des Saints ». A peine eut-​il atteint l’âge de rece­voir les sacre­ments, qu’il y fut pré­pa­ré par son père et sa mère. A cette époque où le jan­sé­nisme com­men­çait seule­ment à pro­duire ses ravages – le Livre de la fré­quente com­mu­nion, d’Antoine Arnauld, parut en 1643 – les jeunes chré­tiens, dans le dio­cèse de Vienne, étaient admis à la Communion dès leur neu­vième année.

Ce fut dans cette ville, où son père habi­tait après avoir rési­gné ses fonc­tions, que Claude reçut son Dieu pour la pre­mière fois.

Etudes. – Entrée dans la Compagnie de Jésus.

Peu après, en 1650, il fut conduit pour faire ses études chez les Jésuites de Lyon, d’abord au petit col­lège de Notre-​Dame de Bon-​Secours, pla­cé au flanc de la col­line de Fourvière, puis à l’important col­lège de la Trinité.

« Une com­plexion assez robuste, un esprit vif et natu­rel­le­ment poli, un juge­ment solide, fin et péné­trant, une âme noble, des incli­na­tions hon­nêtes, de l’adresse même et de la grâce à toutes choses », voi­là les traits sous les­quels il se révé­lait dès lors.

Docile à l’appel de Dieu, il entra, à peine âgé de 17 ans, au novi­ciat de la Compagnie de Jésus, à Avignon, le pre­mier qui eût été éta­bli en France. Il s’y déci­da, mal­gré des répu­gnances qu’il rap­pe­lait plus tard en ces termes : « J’avais une hor­rible aver­sion de la vie à laquelle je me suis enga­gé lorsque je me fis religieux. »

Ce fut à Paris, au Collège de Clermont, aujourd’hui lycée Louis-​le-​Grand, qu’après son pre­mier novi­ciat Claude de La Colombière fit ses études théo­lo­giques. Quelque temps, il fut pré­cep­teur des enfants de Colbert, le tout-​puissant ministre de Louis XIV. Il suc­cédait dans cet emploi à un de ses confrères, le P. Dominique Bouhours, le spi­ri­tuel auteur des Entretiens d’Ariste et Eugène, et devait veiller sur la conduite des deux jeunes gens ; l’aîné est connu sous le nom de mar­quis de Seignelay ; le second devint arche­vêque de Rouen.

Le ministre l’aimait beau­coup et le Jésuite fît, chez lui, con­naissance avec Olivier Patru, membre de l’Académie fran­çaise, qui, de son côté, le tint bien­tôt en grande estime.

Ordonné prêtre en 1669, Claude revint à Lyon ensei­gner la rhé­to­rique au col­lège de la Trinité, qui comp­tait alors deux mille élèves. En même temps, il diri­geait la Confrérie des Saints-​Anges, créée pour les plus jeunes étudiants.

On le deman­dait comme pré­di­ca­teur dans les prin­ci­pales églises parois­siales ou conven­tuelles de la ville. Au col­lège, la pré­di­ca­tion des Dominicales révé­la en lui un ora­teur à part, don­nant à sa parole un cachet tout de grâce et d’onction céleste.

Le second noviciat et la « Retraite spirituelle ».

La Compagnie de Jésus n’admet ses membres à pro­non­cer leurs der­niers vœux que long­temps après leur entrée en reli­gion. Le P. de La Colombière avait déjà pas­sé quinze ans dans la Compagnie lorsqu’il fit, en 1674, en la mai­son de Saint-​Joseph de Lyon, sa retraite de trente jours, pen­dant laquelle il s’engagea par un vœu vrai­ment héroïque à obser­ver toutes les Règles et Constitutions de son Ordre.

Le ser­vi­teur de Dieu nous a lais­sé un monu­ment de sa pié­té dans le Mémorial inti­tu­lé : La Retraite spi­ri­tuelle du P. La Colombière, que les Jésuites se déci­dèrent à faire impri­mer après sa mort.

Je n’ai trou­vé en moi, y disait-​il, aucune répu­gnance à m’occuper de l’instruction des enfants et des pauvres. Après tout, l’âme d’un pauvre est aus­si chère à Jésus-​Christ que celle d’un roi, et il importe peu de qui c’est que l’on rem­plisse le paradis…

Un apôtre n’est pas appe­lé à une vie molle ni au repos, il faut suer et se fati­guer, ne pas craindre le chaud ni le froid, ni les jeûnes ni les veilles ; il faut user sa vie et ses forces dans cet emploi ; et s’il arrive de mou­rir en ser­vant Dieu et le pro­chain, je ne vois pas que cela doive faire peur à personne.

Tous les emplois, tous les lieux, tous les états où le corps peut se ren­contrer, sain, malade, per­clus, vif, mort, me sont, par la grâce de Dieu, très indifférents.

L’année sui­vante (2 février 1675), au trente-​quatrième anniver­saire de sa nais­sance, il pro­non­ça ses vœux solen­nels de religion.

Paray-​le-​Monial. – La confidente et l’apôtre du Sacré-Cœur.

Nommé aus­si­tôt après supé­rieur de la rési­dence de la Compagnie de Jésus à Paray-​le-​Monial, il par­tit pour ce nou­veau poste.

Au monas­tère de la Visitation de cette petite cité vivait une reli­gieuse pré­ve­nue de grâces extra­or­di­naires, sainte Marguerite-​Marie, que Notre-​Seigneur avait choi­sie pour en faire la confi­dente des misé­ri­cor­dieuses ten­dresses de son Cœur. Et comme elle était en butte à toutes sortes de contra­dic­tions et aux plus cruelles angoisses, son divin Maître lui avait dit pour la ras­su­rer : « Sois tran­quille, je t’enverrai mon ser­vi­teur. » Et à la pre­mière exhor­tation que le P. de La Colombière adres­sa à la com­mu­nau­té, la Sainte enten­dit inté­rieu­re­ment cette parole : « Voilà celui que je t’envoie. »

Son nou­veau direc­teur allait deve­nir son asso­cié dans la mis­sion que dai­gnait lui confier le divin Maître.

Seigneur, disait-​elle, à qui vous adressez-​vous ? A une si ché­tive créa­ture, à une si pauvre péche­resse que son indi­gni­té serait capable d’empêcher l’accomplissement de votre dessein !

Le Sauveur lui répondit : 

Adresse-​toi à mon ser­vi­teur, le P. La Colombière, et dis-​lui de ma part de faire son pos­sible pour éta­blir cette dévo­tion et don­ner ce plai­sir à mon Cœur.

Sans man­quer aucu­ne­ment au devoir de la pru­dence, le reli­gieux ne se déro­ba point à cette sainte et glo­rieuse mis­sion. Quelques jours après, le 21 juin 1675, le ven­dre­di qui sui­vait l’octave do la fête du Saint Sacrement, au jour même deman­dé par Notre-​Seigneur, il se consa­crait au Cœur de Jésus, dont ses paroles et ses écrits allaient dès lors répandre la connais­sance et l’amour.

Après avoir ren­du la paix à l’humble Visitandine que tous trai­taient de vision­naire, il réfor­ma la paroisse de Paray-​le-​Monial, arra­cha les catho­liques notables au joug des hugue­nots et les unit for­te­ment dans une action vigou­reuse pour le bien de tous. La Congrégation des hommes fon­dée par lui en l’honneur de la Sainte Vierge a sub­sis­té jusqu’à la Révolution, et l’hospice de la petite ville se glo­ri­fie d’avoir été res­tau­ré et agran­di sous son ins­pi­ra­tion. Et cepen­dant, en fait, Paray le pos­sé­da moins de deux années.

Londres, le « pays des croix ».

Tandis que d’heureux suc­cès cou­ron­naient son zèle, le Seigneur reti­ra de Paray le P. de La Colombière pour l’employer à la con­version des âmes par­mi les héré­tiques. C’est à la cour même d’An­gleterre qu’il était envoyé par ses supé­rieurs en qua­li­té de prédica­teur de Marie-​Béatrix de Modène, duchesse d’York, future reine de la Grande-Bretagne.

Arrivé à Londres le 13 octobre 1676 et deve­nu l’hôte du palais Saint-​James, le P. de La Colombière y vécut en vrai reli­gieux, étran­ger au tumulte et aux magni­fi­cences de la cour. Fuyant toute curio­si­té, même la plus légi­time, il ne jeta jamais un coup d’œil sur la magni­fique vue de Londres qui se dérou­lait sous les fenêtres de sa royale habi­ta­tion, ne visi­ta aucun des monu­ments, ne par­courut aucune des pro­me­nades de la grande cité. Il ne sor­tait que pour voir les malades ou les per­sonnes à qui il espé­rait être utile. Il avait pour lit un mate­las éten­du sur des planches et ne pre­nait aucune pré­cau­tion contre le froid le plus rigoureux.

Redoublant ses aus­té­ri­tés habi­tuelles, il trou­vait dans la fidé­li­té à ses vœux et aux règles de son Institut le secret de n’être pas plus trou­blé par le tumulte de la cour que s’il eût été dans un désert.

Sa grande tris­tesse était de vivre en un pays où le Dieu de l’Eucharistie était mécon­nu et expo­sé à tous les outrages :

Touché de com­pas­sion pour ces aveugles qui ne veulent pas se sou­mettre à croire ce grand et inef­fable mys­tère, je don­ne­rais volon­tiers mon sang pour leur per­sua­der cette véri­té que je crois et que je pro­fesse. Dans ce pays où l’on se fait un point d’honneur de dou­ter de votre pré­sence réelle dans cet auguste Sacrement, je sens beau­coup de conso­la­tion à faire, plu­sieurs fois le jour, des actes de foi tou­chant la réa­li­té de votre Corps ado­rable sous les espèces du pain et du vin.

Abondants furent les fruits de son zèle et de ses mor­ti­fi­ca­tions : héré­tiques ou apos­tats rame­nés à l’Eglise, impies tou­chés de la grâce, per­sonnes du grand monde arra­chées à une vie de plai­sirs, voca­tions reli­gieuses sus­ci­tées, mis­sion­naires envoyés dans les colo­nies anglaises, et sur­tout intro­duc­tion dans l’ancienne « île des Saints » de la dévo­tion au Sacré Cœur. La pieuse duchesse d’York devait être la pre­mière à sol­li­ci­ter du Saint-​Siège l’institution d’une fête officielle.

Le « complot papiste » de Titus Oates.

La per­sé­cu­tion allait enrayer cet apos­to­lat. Le point de départ en est rap­por­té dans les termes sui­vants par l’illustre his­to­rien anglais Macaulay, un protestant :

Un cer­tain Titus Oates, ecclé­sias­tique de l’Eglise angli­cane, sur qui sa vie désor­don­née et ses doc­trines hété­ro­doxes avaient atti­ré la cen­sure de ses supé­rieurs spi­ri­tuels, obli­gé d’abandonner son béné­fice et ayant mené depuis lors une vie vaga­bonde et hon­teuse, inven­ta de toutes pièces un mons­trueux roman, plus sem­blable au songe d’un homme malade qu’à des com­bi­nai­sons admis­sibles dans le monde réel.

Ce fut le « com­plot papiste ». Il s’agissait d’une pré­ten­due conju­ration attri­buée au pieux Pontife Innocent XI, lequel vou­lant, disait-​on, s’emparer du trône d’Angleterre, avait char­gé le P. Oliva, Général des Jésuites, d’organiser une vaste conspi­ra­tion dans laquelle entraient Louis XIV, le P. de La Chaise, les prin­ci­paux sei­gneurs catho­liques anglais, le P. Withbread, Provincial des Jésuites. Et cette pseudo-​conspiration de grande enver­gure ne visait à rien de moins qu’à ren­ver­ser et assas­si­ner le roi Charles II, brû­ler Londres, et enfin étouf­fer le pro­tes­tan­tisme dans le sang pour éta­blir le règne du catholicisme.

Le duc et la duchesse d’York, la reine elle-​même, n’étaient pas à l’abri de tout soup­çon de complicité.

Cet amas de fables odieuses trou­va dans le Parlement et une par­tie de la nation une aveugle cré­du­li­té, qui abou­tit à une san­glante persécution.

Malgré l’absurdité de l’accusation, les preuves démons­tra­tives de l’impos­ture, les varia­tions des témoins, milord Stafford, d’autres per­sonnes de mérite et quelques Jésuites furent mis à mort, comme convain­cus de crime de haute tra­hi­son, et l’on don­na une pen­sion au scé­lé­rat Oates… Sous le règne de Jacques II la mémoire des sup­pli­ciés fut réha­bi­li­tée, et Oates condam­né comme par­jure à une pri­son per­pé­tuelle, à être fus­ti­gé par la main du bour­reau quatre fois l’année et mis ces jours-​là au pilo­ri… (Feller-​Pérennès.)

L’imposteur et ses com­plices envoyèrent à la mort nombre de leurs com­pa­triotes. Métier hor­rible, mais pro­duc­tif : deux misé­rables, dont l’un, Oliver Dufiquet, était Dauphinois, son­gèrent à l’exercer pour rem­plir leur bourse vide.

Je fus accu­sé, écri­vait le P. de La Colombière, par un jeune homme du Dauphiné que je croyais avoir conver­ti et que j’avais, depuis sa pré­ten­due conver­sion, entre­te­nu durant l’espace de trois mois. Sa con­duite, dont j’avais quelque sujet de me plaindre, l’impuissance où j’étais de lui conti­nuer les mêmes ser­vices, m’ayant obli­gé de l’abandonner, il crut qu’il s’en ven­ge­rait s’il décou­vrait le com­merce que nous avions eu ensemble ; il le fît, et m’imputa en même temps cer­taines paroles contre le roi et le Parlement… Sur sa dépo­si­tion, je fus arrê­té en ma chambre, à 2 heures après minuit, et ensuite mené en pri­son, d’où je fus tiré deux jours après pour être exa­mi­né et confron­té avec mon accu­sa­teur, devant douze ou quinze com­mis­saires de la Chambre des sei­gneurs ; après quoi on me rame­na en pri­son où je fus gar­dé étroi­te­ment durant trois semaines.

Le ser­vi­teur de Dieu était accu­sé d’avoir dit :

1° que le roi était catho­lique dans l’âme ; 2° que le Parlement ne serait pas tou­jours le maître ; 3° d’avoir conseillé à un moine apos­tat de ren­trer dans son couvent ; 4° à une femme retour­née au protestan­tisme d’abjurer ses erreurs ; 5° de prendre soin d’un couvent de reli­gieuses cachées dans Londres ; 6° d’avoir fait envoyer des mis­sion­naires à la Virginie et à Terre-Neuve.

Je demande à tout homme rai­son­nable, écri­vait Antoine Arnaud dans son Apologie du cler­gé de France et des catho­liques d’Angleterre, s’il y a rien dans ces six articles qui ait l’ombre de conju­ra­tion contre la vie du roi et contre l’Etat !

Arrestation à Londres du bien­heu­reux Claude de la Colombière.

La prison et l’exil.

Devant la Chambre des lords, l’attitude de l’accusé, pleine de calme et de digni­té, frap­pa d’admiration toute l’assistance.

Inutile de dire qu’on ne put rien tirer de lui sur une conspira­tion ima­gi­naire. Quelques sei­gneurs le trai­tèrent assez civi­le­ment, et on n’allégua que les conver­sions aux­quelles il avait tra­vaillé. Mais recon­naître inno­cent un prêtre romain, un Jésuite, eût été éta­ler au grand jour la scé­lé­ra­tesse et l’infamie des dénonciateurs.

Après son inter­ro­ga­toire, le Père fut donc enfer­mé dans l’affreuse pri­son de King’s Bench, où le typhus fai­sait chaque année plus de vic­times que le gibet.

Enfin fut ren­due la sen­tence por­tée par les lords spi­ri­tuels et tem­po­rels : « le sieur La Colombière était ban­ni à jamais du royaume et de tous les domaines de Sa Majesté ».

Un offi­cier du roi eut ordre de le conduire jusqu’au vais­seau qui devait le rame­ner en France.

Mais les souf­frances endu­rées pen­dant sa cap­ti­vi­té avaient gra­vement atteint sa san­té ; des cra­che­ments de sang sur­vinrent, et il fal­lut deman­der à la Cour d’Angleterre un sur­sis. On lui accor­da dix jours pen­dant les­quels on le lais­sa pri­son­nier sur parole.

Son cœur gémis­sait de n’avoir point le sort de quelques-​uns de ses confrères qui devaient être immo­lés pour le Christ dans cette per­sé­cu­tion. Il lui fal­lut, l’âme navrée, par­tir loin d’une Eglise déso­lée, rui­née pour long­temps, quit­ter cette ville de Londres qu’il avait si bien nom­mée le « pays des croix ».

Mort dans le divin Cœur.

Revenu en France au com­men­ce­ment de 1679, le saint reli­gieux pas­sa à Paray quelques jours qui lui suf­firent pour faire beau­coup de bien et conso­ler encore sainte Marguerite-​Marie. A Lyon, où il dut soi­gner sa san­té presque com­plè­te­ment déla­brée, il fut char­gé de la direc­tion spi­ri­tuelle des jeunes sco­las­tiques de la Compagnie de Jésus. C’étaient, entre autres, les futurs PP. de Foresta, de Ruolz, de Dortans, de Raousset, de Boyer, de Colonia, de Grimaldi, et celui qui devait être à Rome le cham­pion de la dévo­tion au Sacré-​Cœur, le P. de Galliffet. Ce qui lui res­tait de vie était pour la gloire de ce divin Cœur.

Il écri­vait à sa sœur, Visitandine à Condrieu :

Je vous conseille de com­mu­nier le len­de­main de l’octave du Saint Sacrement pour répa­rer les irré­vé­rences qui auront été com­mises contre Jésus-​Christ… Cette pra­tique m’a été conseillée par une per­sonne d’une sain­te­té extra­or­di­naire. Tâchez de por­ter dou­ce­ment vos amies à la même chose. J’espère que plu­sieurs com­mu­nau­tés com­men­ce­ront cette année à faire cette dévo­tion pour conti­nuer tou­jours ensuite…

Une déli­cate atten­tion de la Providence le rame­na de nou­veau à Paray au cours de l’automne de 1681 ; et c’est dans la cité des appa­ri­tions que l’apôtre du Sacré Cœur devait mourir.

En effet, sur l’avis des méde­cins, le P. de La Colombière y fut envoyé avec l’espoir que sa san­té s’y réta­bli­rait. Comme ses forces décli­naient de plus en plus, il allait en repar­tir pour se rendre à Vienne avec son frère, l’archidiacre, lorsque sainte Marguerite-​Marie lui fit savoir par ces mots les inten­tions divines : « Il veut le sacri­fice de votre vie ici. »

Quelques jours après, le soir du 15 février 1682, à l’âge de 41 ans, Claude de La Colombière expi­rait dou­ce­ment dans le Cœur de son Maître divin, goû­tant à cette heure suprême la véri­té de ces paroles écrites au jour­nal de sa Retraite spi­ri­tuelle : « Il n’y a que ceux qui ont été à Dieu sans réserve qui doivent s’attendre à mou­rir avec douceur. »

Hommages. – La béatification.

Il est pro­cla­mé saint par tout le peuple, disaient au len­de­main de sa mort les Contemporaines de Marguerite-​Marie, bien qu’il ne puisse pas encore être cano­ni­sé, mais on espère qu’avec le temps il le sera.

La Sainte elle-​même, cha­cune des huit années pen­dant les­quelles elle lui sur­vé­cut, célé­brait, dans sa dévo­tion pri­vée, la fête de l’a­pôtre du Sacré Cœur, « plus puis­sant que jamais, disait-​elle, pour nous secou­rir ». Le doc­teur en théo­lo­gie Vuillielmot, curé de La Guillotière-​lès-​Lyon, char­gé de révi­ser les écrits du défunt, disait en 1687 : « Il n’a pas man­qué au mar­tyre si le mar­tyre lui a manqué. »

Dans son ouvrage célèbre sur la béa­ti­fi­ca­tion des ser­vi­teurs de Dieu, l’illustre Pape Benoît XIV fait cette décla­ra­tion : « Le nom de Claude La Colombière, de la Compagnie de Jésus, est célèbre par­mi les pré­di­ca­teurs de l’Evangile. »

Les restes véné­rés du héraut du Sacré Cœur demeu­rèrent à Paray-​le-​Monial, dans la mai­son qui porte son nom, et de nom­breux pèle­rins y sont venus implo­rer près de son tom­beau des grâces spiri­tuelles et tem­po­relles par son intercession.

La com­mis­sion d’introduction de sa cause fut signée par Léon XIII le 3 jan­vier 1880 ; le pro­cès sur les ver­tus se ter­mi­na le 11 août 1901, le pro­cès sur les miracles le 8 mai 1929, le pro­cès de tuto le 7 juin sui­vant. La céré­mo­nie de béa­ti­fi­ca­tion eut lieu sous le pon­ti­fi­cat de Pie XI, le 16 juin de la même année.

Emm. Varnoux.

Sources consul­tées. – Sermons, retraite spi­ri­tuelle et lettres du P. La Colombière. – Antoine Arnaud, Apologie pour les catho­liques (1682). – Lingard, Histoire d’Angleterre. – Histoire du P. La Colombière, par les PP. Seguin (1876), Charrier (1894), Perroy (1923), etc. – Dictionnaire de bio­gra­phie chré­tienne et antichré­tienne (Feller), publié par François Pérennes, t. III (Paris, 1851). – (V. S. B. P., nos 1111 et 1148.)