Saint Vaast d’Arras

Saint Vaast apprivoisant l’ours. Tapisserie d’Arras, XVe siècle, Musée des Beaux-Arts d’Arras

Évêque d’Arras (+ 540)

Fête le 6 février.

Le nom de Vaast vient de Vidogaste ou Vedastes (en latin Vedastus). Ce mot, d’origine ger­ma­nique, a don­né en fran­çais le nom de Gaston.

Nous ne pos­sé­dons sur la famille et les pre­mières années de saint Vaast aucun ren­sei­gne­ment. Cependant les recherches des histo­riens, appuyées sur des décou­vertes archéo­lo­giques, per­mettent de croire qu’il naquit dans l’Aquitaine, pro­ba­ble­ment à Villac, petit vil­lage situé en Périgord, bien que d’autres l’aient fait naître soit dans le Limousin, soit en Picardie, soit à Toul, soit même à Reims.

A l’époque où il vit le jour et pen­dant les pre­mières années de sa vie, l’Aquitaine était déso­lée par la ter­rible per­sé­cu­tion d’Euric, roi des Visigoths, qui régnait sur toute cette région. Les ministres de la reli­gion catho­lique étaient exi­lés ou empri­son­nés, voire mis à mort. Les temples saints, dévas­tés et aban­don­nés, tom­baient en ruines, à tel point que le catho­li­cisme en cette pro­vince n’était presque plus qu’un souvenir.

Le jeune Vaast dut sans doute quit­ter son pays pour res­ter fidèle à sa foi, c’est pour­quoi l’histoire, quand pour la pre­mière fois elle enre­gistre son nom vers 486, le signale à Toul, par­mi les prêtres les plus remar­qués de l’époque.

Le catéchiste de Clovis.

Voici com­ment Dieu le tira de l’obscurité de ses pre­mières années. Clovis, vain­queur des Alamans, reve­nait des champs de Tolbiac où, recon­nais­sant le pou­voir suprême de Notre-​Seigneur, il avait implo­ré le secours d’en haut et pro­mis de se faire bap­ti­ser s’il rem­por­tait la vic­toire. Le Christ, qui aimait déjà les Francs, avait écou­té sa prière et lui avait accor­dé un triomphe écla­tant. En tra­ver­sant la cité de Toul, Clovis enten­dit célé­brer à l’envi, par tous les habi­tants, les mérites d’un prêtre qui s’était ren­du célèbre par ses prédica­tions et son minis­tère apos­to­lique, et dont les émi­nentes ver­tus déno­taient une âme déjà très avan­cée dans la vie contem­pla­tive ; c’était Vaast. Il le man­da aus­si­tôt, le priant de venir jusqu’à Reims avec lui pour l’instruire et le pré­pa­rer en che­min à l’acte reli­gieux qu’il méditait.

Vaast se ren­dit aux dési­rs du roi et lui ensei­gna la doc­trine de l’Eglise catho­lique prin­ci­pa­le­ment sur le mys­tère de l’adorable Tri­nité, car à cette époque les Ariens, qui pro­fes­saient des erreurs mons­trueuses tou­chant la géné­ra­tion divine du Verbe, étaient nom­breux dans les Gaules, et la sœur même de Clovis, la prin­cesse Lantilde, était infec­tée du poi­son de l’hérésie.

Miracle de saint Vaast. – Baptême de Clovis.

Une foule immense se pres­sait par­tout sur le che­min du roi. Au pas­sage d’un pont, sur la rivière de l’Aisne, à Grandpont, aujour­d’hui Vieux-​Pont, près du bourg de Rilly, un aveugle, appre­nant que Vaast se trou­vait dans le cor­tège, s’écria : « Elu de Dieu, bien­heureux Vaast, ayez pitié de moi. Ce n’est pas de l’or ni de l’argent que je vous demande, mais sup­pliez le Seigneur de me rendre l’usage de mes yeux. » Le prêtre sent en lui une force toute surna­turelle : il com­prend que Dieu lui don­ne­ra cette grâce, non seu­lement pour récom­pen­ser la foi de l’aveugle, mais aus­si pour ouvrir aux clar­tés de la foi les yeux de la mul­ti­tude qui l’entoure. Il se met en prières, puis, tra­çant le signe de la Croix sur les yeux de l’infirme, il dit : « Seigneur Jésus, lumière véri­table, qui avez gué­ri l’aveugle-né, ren­dez la vue à ce mal­heu­reux, et que tout le peuple pré­sent recon­naisse que vous êtes le seul Dieu, que seul vous pou­vez accom­plir des mer­veilles dans le ciel et sur la terre. » A cet ins­tant, l’aveugle recou­vra la vue. Clovis, affer­mi dans sa foi nou­velle, et les témoins de ce miracle, ébran­lés, unirent leurs voix à la sienne pour bénir le Seigneur et remer­cier son ministre.

Vaast accom­pa­gna Clovis jus­qu’à Reims, et saint Remi, évêque de cette ville, recon­nais­sant son mérite, l’attacha à son Eglise. Le véné­rable évêque ache­va l’œuvre ébau­chée sur la route, entre Toul et Reims ; quant à Vaast, il consa­cra son temps et ses soins à l’évan­gélisation des Francs.

Courbe la tête, fier sicambre, adore ce que tu as brû­lé et brûle ce que tu as adoré

Enfin, le jour du bap­tême arri­va. Clovis et trois mille de ses guer­riers sont réunis dans l’église Sainte-​Marie de Reims. Remi verse d’abord l’eau salu­taire de la régé­né­ra­tion sur le front du monarque en lui disant : « Courbe la tête, fier sicambre, adore ce que tu as brû­lé et brûle ce que tu as ado­ré. » Et Clovis, selon les ins­truc­tions de Vaast, son caté­chiste, répond d’une voix dis­tincte : « J’adore le vrai Dieu qui est le Père, le Fils et le Saint-​Esprit. – Oui ! s’écrient les trois mille guer­riers qui doivent être bap­ti­sés après leur chef, nous détes­tons les dieux mor­tels et nous sommes prêts à ser­vir le Dieu immor­tel de Remi. » Ainsi la France nais­sante, en la per­sonne de son roi et de l’élite de ses enfants, était conduite au bap­tis­tère par la main de Vaast.

Saint Vaast ins­truit Clovis de la reli­gion chrétienne.

Charité de saint Vaast.

De tous côtés on venait trou­ver ce saint prêtre, pour lui deman­der conseil et cher­cher des conso­la­tions : « La grâce divine, qui abon­dait en son cœur, dit Alcuin, son his­to­rien, décou­lait à flots par sa bouche sur tous ses pieux visi­teurs. Il ne rebu­tait per­sonne, tout le monde était sûr de trou­ver en lui un père affable et compatissant. »

Un jour, il s’entretenait avec un homme du voi­si­nage sur les choses de la pié­té et de la reli­gion. Tous deux cau­saient depuis long­temps, les heures s’écoulaient à leur insu, et le soleil, qui était au milieu de sa course au com­men­ce­ment de leur entre­tien, allait dis­paraître à l’horizon. Vaast, ne vou­lant point quit­ter son hôte sans lui offrir quelque via­tique, donne à un ser­vi­teur l’ordre d’aller cher­cher du vin. Mais il oublie qu’il a épui­sé toute la pro­vi­sion en la dis­tri­buant aux autres visi­teurs. En effet, le ser­vi­teur trouve le vase com­plè­te­ment vide : il revient aus­si­tôt le dire à Vaast. Le prêtre rou­git, mais se rap­pe­lant que Moïse a fait jaillir par un coup de sa baguette l’eau du rocher, il se met en prière et dit au ser­vi­teur : « Confiance en la bon­té divine ! Va et rapporte-​nous au plus tôt ce que tu trou­ve­ras dans le vase. » Le ser­vi­teur obéit, et au bout de quelques ins­tants, revient avec un vin déli­cieux. Vaast, qui avait mis toutes ses ver­tus sous la garde de l’humilité, lui défen­dit de par­ler de ce miracle, au moins de son vivant.

Guérisons des corps et des âmes.

Par la suite, saint Remi le sacra évêque d’Arras. Cette ville avait été évan­gé­li­sée du temps de la domi­na­tion romaine, mais, depuis les inva­sions bar­bares, elle était retom­bée dans les ténèbres de l’idolâtrie.

Quand le nou­veau pas­teur se pré­sen­ta aux portes de la cité épis­co­pale, il y trou­va un aveugle et un boi­teux, qui lui deman­dèrent l’aumône. Il était embar­ras­sé pour savoir ce qu’il leur don­ne­rait, car il n’avait rien dans sa bourse. Après avoir réflé­chi quelques ins­tants, renou­ve­lant la parole adres­sée par saint Pierre au boi­teux de la Porte-​Belle, il dit aux deux infirmes : « Je ne porte sur moi ni or ni argent, mais tout ce que j’ai en mon pou­voir, c’est-à-dire les ser­vices de la cha­ri­té et la fer­veur de la prière, je vous le donne de grand cœur. » Puis, implo­rant la puis­sance divine, il la sup­plia avec larmes de se mani­fes­ter au milieu de ce peuple ido­lâtre. A ce moment, l’aveugle recou­vra la vue, et le boi­teux l’usage de ses jambes. Alors la foule des Atrébates, témoin de ce nou­veau miracle, fit à l’homme de Dieu un accueil triomphal.

Un ours obéissant.

Avant de prendre quelque repos, Vaast par­cou­rut la cité, cher­chant par­mi les ruines des vieux édi­fices celles de l’ancienne église, car Arras paraît avoir été jadis le siège d’une chré­tien­té. Mais les inva­sions bar­bares, sur­tout celles des Francs Saliens, au cours du Ve siècle, avaient détruit la ville. « Son état, dit Alcuin, res­sem­blait à celui de Jérusalem aban­don­née pour ses crimes à la fureur du roi de Babylone. »

Ce dou­lou­reux spec­tacle tou­cha vive­ment le cœur de Vaast, qui ne put rete­nir ses larmes. « Les Gentils, dit-​il avec le Prophète, sont entrés dans l’héritage du Seigneur, leurs mains impures ont pro­fa­né ses divins sanc­tuaires et ver­sé le sang des ser­vi­teurs du Christ autour des autels du Roi des rois. » Or, il décou­vrit sous les ronces et les épines les fon­de­ments de l’église pri­mi­tive. L’endroit où les ministres sacrés avaient chan­té les louanges de Dieu était deve­nu le repaire des bêtes sau­vages : il res­tait à peine quelques ves­tiges des anciens murs.

A cette vue, Vaast tombe à genoux : « Seigneur, s’écrie-t-il en pous­sant de pro­fonds sou­pirs, tant de cala­mi­tés sont venues fondre sur nous parce que nous avons péché avec nos pères, com­mis l’in­justice et fait l’iniquité. Mais, Dieu bon, souvenez-​vous de votre misé­ri­corde, accordez-​nous le par­don de nos crimes, n’oubliez pas sans rémis­sion vos pauvres enfants. »

Tout à coup, de l’enceinte dévas­tée, s’élance un ours à l’aspect féroce. La foule est sai­sie de crainte, mais Vaast n’est pas trou­blé. D’une voix calme et forte, il com­mande à l’animal de se reti­rer dans les bois sans faire aucun mal, et de ne plus repas­ser la Scarpe doré­na­vant. L’ours obéit doci­le­ment, et il ne repa­rut jamais dans la ville. « 0 puis­sance admi­rable des Saints, qui sub­jugue les bêtes les plus féroces ! s’écrie Alcuin. 0 déplo­rable audace des hommes, qui méprise la parole salu­taire des pré­di­ca­teurs, tan­dis que les ani­maux sans rai­son sont dociles à leurs ordres ! » Le fait miracu­leux que nous venons de racon­ter a don­né nais­sance à l’expression pro­ver­biale : « saint Vaast et son ours », pour dési­gner deux per­sonnes dont une obéit ser­vi­le­ment aux volon­tés de l’autre.

Le diable dans une coupe de bière.

Vaast se mit sans retard à l’œuvre d’évangélisation que saint Remi lui avait confiée. L’église fut rele­vée de ses ruines et reprit son antique splen­deur ; les erreurs de l’idolâtrie dis­pa­rurent du cœur des Atrébates comme les ronces de leur cité dévastée.

Un jour, un noble Franc, nom­mé Hozin, invi­ta le véné­rable Vaast à un ban­quet magni­fique où était convié le roi Clotaire, qui régnait à Soissons depuis la mort de Clovis. Le saint évêque accep­ta l’invitation, dans le seul des­sein d’annoncer plus faci­le­ment, au milieu d’une cau­se­rie fami­lière, la parole divine. Etant donc entré dans la mai­son d’Hozin, il se mit à bénir, selon son habi­tude, tout ce qu’il y trou­va en fai­sant des signes de Croix. Or, il y avait quelques vases rem­plis de bière ou cer­voise qui avaient été consa­crés, sui­vant les rites des païens, à l’usage des invi­tés qui pro­fes­saient le culte des idoles. Dès que Vaast eut tra­cé sur les coupes le signe de la Croix, ces vases se bri­sèrent d’eux-mêmes, et le liquide inon­da le sol.

Le roi et les grands, éton­nés, deman­dèrent au saint évêque quelle était la cause de ce pro­dige : « A la suite de malé­fices et d’enchan­tements, répondit-​il, la puis­sance du démon s’était cachée dans ces vases pour induire en erreur les âmes des convives. Mais le signe de la Croix a épou­van­té l’Esprit mau­vais et l’a mis en fuite de la même manière que ce liquide s’est répan­du sur la terre. » Cet évé­nement fut très utile au salut de ceux qui étaient pré­sents. Ainsi les machi­na­tions que Satan our­dis­sait contre les âmes tour­naient à leur bien et à leur conversion.

Le zèle de Vaast ne se bor­na pas seule­ment à évan­gé­li­ser le pays d’Artois. La Flandre fran­çaise d’aujourd’hui, le Cambrésis et même le Beauvaisis, béné­fi­cièrent de ses tra­vaux apos­to­liques. Sous son impul­sion et ses pré­di­ca­tions, la foi renais­sait ou se pro­pa­geait au sein de ces popu­la­tions païennes, dans ces contrées où jadis l’Evan­gile avait été prê­ché, et que les inva­sions franques du IVe siècle avaient dévas­tées. Des voca­tions sur­gis­saient même, autour de l’évêque ; elles lui per­met­taient d’établir de-​ci, de-​là, des chré­tien­tés qui furent l’origine d’un grand nombre des paroisses d’aujour­d’hui. En maints endroits le sou­ve­nir de ces fon­da­tions est si bien conser­vé, que saint Vaast est encore le patron ou le titu­laire de leur église.

A Baralle, vil­lage situé à mi-​chemin entre Arras et Cambrai, Vaast éta­blit une com­mu­nau­té de prêtres et de ministres sacrés d’ordre infé­rieur, sorte de Séminaire avant la lettre, où se for­maient à la vie reli­gieuse et apos­to­lique les recrues sacer­do­tales qui devaient deve­nir un jour ses auxi­liaires et les conti­nua­teurs de son œuvre. Ce pre­mier centre ecclé­sias­tique fut le noyau des deux Eglises d’Arras et Cambrai, dont les sièges épis­co­paux devaient être réunis en un seul, avec rési­dence à Cambrai, jusqu’à la fin du XIe siècle (1093 ou 1095).

Mort et funérailles de saint Vaast.

Enfin, après qua­rante années d’un épis­co­pat labo­rieux et fécond, Vaast fut sai­si d’une fièvre vio­lente. On vit alors, dans l’obscurité de la nuit, une colombe de feu sur le faîte de la mai­son qui l’abri­tait. A ce signe, le vieillard com­prit que sa fin était pro­chaine. Il fit ses der­nières recom­man­da­tions à ses clercs, qui entou­raient son lit, reçut le via­tique du corps et du sang de Notre-​Seigneur, et, au milieu des san­glots de tous les assis­tants, ren­dit son âme à Dieu. C’était le 6 février de l’an 540. A son arri­vée dans la ville d’Arras, il n’avait pas trou­vé un seul chré­tien ; il ne lais­sait pas un seul païen lors de sa mort.

Une foule nom­breuse vint des alen­tours assis­ter à ses funé­railles, les prêtres et les diacres des églises voi­sines vou­lurent hono­rer par un der­nier hom­mage sa dépouille mor­telle. On réso­lut d’abord de la por­ter dans la vaste église qu’il avait éle­vée en l’honneur de Notre-​Dame, mais le corps était deve­nu si pesant qu’on ne put, mal­gré les plus grands efforts, le sou­le­ver de terre.

Que faire alors ? Dans cette per­plexi­té, on deman­da à l’archiprêtre Scopilion, qui avait été son secré­taire, si, dans son tes­ta­ment, le défunt n’avait rien dit au sujet de sa sépul­ture : « Non, répon­dit celui-​ci, mais je me sou­viens qu’il répé­tait fré­quem­ment qu’on ne devait enter­rer per­sonne dans les villes, parce qu’elles sont le séjour des vivants et non celui des morts. »

Il était aus­si notoire que le saint évêque avait pré­pa­ré sa sépul­ture dans un pauvre ora­toire édi­fié par lui sur les bords du Crinchon, petit affluent de la Scarpe. Mais le peuple enthou­siaste ne pou­vait se résoudre à inhu­mer un homme d’un tel mérite, un Saint si émi­nent, dans un lieu aus­si humble, dont l’accès était d’ailleurs ren­du très dif­fi­cile par un marais.

La foule se mit en prière. « Ô bien­heu­reux Père, s’écria le véné­rable Scopilion, que voulez-​vous que je fasse ? Voici la nuit qui vient, tous ceux qui ont accou­ru à vos funé­railles vou­draient retour­ner dans leurs demeures. Permettez, je vous en prie, que nous por­tions votre corps à l’endroit que notre amour filial lui destine.)

A peine a‑t-​il ache­vé ces mots que les por­teurs, ani­més d’une foi ardente, sou­lèvent le cer­cueil, le placent sur leurs épaules, et vont sans aucune peine le dépo­ser dans le lieu pré­pa­ré, c’est-à-dire dans l’église de la Sainte Vierge, à droite de l’autel où se trou­vait son siège pon­ti­fi­cal pen­dant les cérémonies.

Deux faits miraculeux.

Quelque temps après sa mort, le feu prit à la mai­son où le bien­heu­reux Vaast avait ren­du le der­nier sou­pir. On vit alors le saint évêque sor­tir de son tom­beau, venir écar­ter les flammes et pré­ser­ver ain­si le lit sur lequel il avait expi­ré. Devant ce pro­dige, le peuple com­prit com­bien était grande dans le ciel la puis­sance de celui dont le feu res­pec­tait la couche et la demeure sur la terre.

Au VIIe siècle, saint Aubert, évêque de Cambrai et Arras, regar­dant un jour vers l’Orient, aper­çut un homme tout éblouis­sant de lumière, au-​delà du Crinchon : il tenait une verge à la main et mesu­rait le ter­rain comme un archi­tecte qui se pré­pare à éle­ver un nou­vel édifice.

Dieu révé­la à saint Aubert le sens de cette vision, lui fai­sant con­naître qu’il devait trans­fé­rer dans le sanc­tuaire bâti en cet adroit les restes de son pré­dé­ces­seur. Il obéit aus­si­tôt à l’indication céleste et com­men­ça la construc­tion d’un monas­tère qui fut ache­vé sous son suc­ces­seur immé­diat, saint Vindicien (+ entre 693 et 712).

Telle est l’origine de la fameuse abbaye de Saint-​Vaast d’Arras.

Quand les construc­tions furent suf­fi­sam­ment avan­cées, saint Aubert fit trans­por­ter dans l’église du futur monas­tère les reliques de son saint pré­dé­ces­seur, à la grande joie du peuple (667) Dans cette céré­mo­nie qui fut gran­diose, l’évêque des Morins, saint Omer, aveugle depuis quelque temps, recou­vra la vue, dit la légende, à la suite d’une prière qu’il avait faite pour deman­der à Dieu la faveur de pou­voir contem­pler les restes sacrés du glo­rieux pontife.

Le culte liturgique de saint Vaast.

Partout on est d’accord pour pla­cer au 6 février le dies­na­ta­lis (jour de la mort) du saint évêque d’Arras. Outre cette fête au 6 fé­vrier, on célé­brait jadis, en son hon­neur, d’autres solen­ni­tés, qui rap­pe­laient les diverses trans­la­tions de ses reliques faites dans le cours des siècles.

Les livres litur­giques sont là pour attes­ter l’antiquité du culte offi­ciel ren­du au saint évêque d’Arras. Vers 840, Florus, de Lyon, auteur d’un Martyrologe et conti­nua­teur de Bède, cite au 26 octobre le non de saint Vaast, uni à celui de saint Amand, évêque de Maestricht ; Adon, vers 848, dans son Parvum roma­nam, repro­duit les indi­ca­tions de Florus. Un manus­crit de la fin du Xe siècle ou du début du XIe, qui fait par­tie de la biblio­thèque Barberini, à Rome, men­tionne saint Vaast au 1er Octobre, avec saint Bavon de Gand et saint Piéton. Le Missel de Sarum, ou de Salisbury, a deux messes en l’honneur de saint Vaast. Dans le bré­viaire d’Aberdeen (1510), qui s’inspire éga­le­ment de la litur­gie de Sarum, son nom figure au 6 février, joint à celui de saint Amand, et, au 1er octobre, avec les saints Remi, Amand et Bavon.

Actuellement le dio­cèse d’Arras n’a plus que deux fêtes en l’honneur de saint Vaast : celle du 6 février, et celle du 5 octobre pour la com­mé­mo­ra­tion des diverses trans­la­tions des reliques. A Reims on célèbre sa fête sous le rite double avec la messe Statuit et une orai­son propre.

Le nom de saint Vaast, si étroi­te­ment uni à ceux de saint Remi et te sainte Clotilde, mérite de retrou­ver l’éclat qu’il avait autre­fois en rai­son du rôle si impor­tant et glo­rieux que tint le saint pon­tife aux ori­gines de la France chrétienne.

Abbé Elie Guilbert.

Sources consul­tées. – Les Bollandistes, Acta sanc­to­rum : les Vies du Saint, par Jonas et Alcuin. – Ghesquière, Acta sanc­to­rum Belgii. – Chanoine Proyart, Saint Vaast. – Abbé Guilbert, Saint Vaast, fon­da­teur de l’église d’Arras (Arras, 1928). – Chanoine Rondot, Saint Vaast (Ami du cler­gé, 1925 : Prédication). – (V. S.B. P., n° 208.)