Saint Hilaire de Poitiers

Saint Hilaire de Poitiers, vitrail de l'école Saint Romain à Saint-Romain (Côte d'Or)

Évêque de Poitiers, Père et Docteur de l’Église († 367)

Fête le 14 janvier.

Hilaire naquit entre 310 et 320. La ville de Poitiers s’enorgueillit avec rai­son de lui avoir don­né le jour et d’avoir vu, selon l’expression de saint Augustin, « se lever en son sein l’astre écla­tant » qui devait un jour éclai­rer l’Eglise de Dieu.

Sa famille appar­te­nait à « cette noblesse des Gaules qui brillait par le savoir autant que par l’élégance et la poli­tesse » (de Broglie). Malheureusement, elle était païenne : Hilaire gran­dit dans l’erreur ; mais, par­mi la cor­rup­tion des mœurs contem­po­raines, il conser­va un cœur droit, et mena une vie hon­nête et pure, consa­crant son temps à l’étude de la phi­lo­so­phie, de l’éloquence et de la poésie.

Conversion.

Quand il arri­va à l’âge mûr, la grâce divine, qui l’avait éloi­gné peu à peu de la reli­gion de son enfance, lui fît voir clai­re­ment l’inanité des doc­trines du paga­nisme. Alors, sa conver­sion fut com­plète, et son exemple fut sui­vi par sa femme, dont nous igno­rons le nom, et Abra, leur fille. A par­tir de ce jour, il éprou­va une hor­reur si pro­fonde pour les enne­mis de la reli­gion catho­lique, qu’il refu­sait de s’asseoir à leur table ; il ne leur ren­dait même pas leur salut. D’autre part, il exhor­tait les fidèles à la pra­tique per­sé­vé­rante de la ver­tu, et ne ces­sait pas, nous dit son his­to­rien Fortunat, de semer dans le peuple des paroles de véri­té qui fai­saient fruc­ti­fier la foi. Le néo­phyte s’avérait un chré­tien consommé.

Evêque de Poitiers.

Vers 350, l’évêque de Poitiers mou­rut. Hilaire, quoique laïque, fut élu pour le rem­pla­cer, par le suf­frage una­nime du cler­gé et du peuple, et sacré du consen­te­ment de sa femme : dès lors, tous deux se sépa­rèrent pour vivre dans la conti­nence parfaite.

C’était sous le règne de l’empereur Constance ; l’hérésie arienne, qui niait la divi­ni­té de Jésus-​Christ, forte de la pro­tec­tion impé­riale, éten­dait par­tout ses ravages, ino­cu­lant son venin mor­tel dans le cœur des fidèles. Constance lui-​même était arien et per­sé­cu­tait ceux qui demeu­raient inébran­lables dans la pure­té de leur foi. Plusieurs évêques ambi­tieux sou­te­naient l’erreur de leur cré­dit ; à leur tête on remar­quait prin­ci­pa­le­ment Ursace et Valens.

Hilaire se jeta dans la mêlée, avec une impé­tuo­si­té toute gau­loise et ne quit­ta plus le champ de bataille jusqu’à son der­nier soupir.

Dans un concile, tenu à Milan, l’empereur avait tout mis en œuvre pour détruire la foi de Nicée, qui était celle de l’Eglise catho­lique, et extor­quer aux évêques la condam­na­tion de saint Athanase, l’adversaire le plus ter­rible de l’arianisme. Les légats du Saint-​Siège lui repré­sen­tèrent qu’il était abso­lu­ment contraire aux lois de l’Eglise de condam­ner un absent sans l’entendre.

« Les lois, répli­qua Constance, ce sont mes volon­tés » Mais les légats et plu­sieurs évêques se lais­sèrent condam­ner à l’exil, plu­tôt que d’accepter une maxime aus­si tyran­nique, et de tra­hir d’une manière aus­si odieuse la cause de la justice.

Hilaire aurait pu vivre en repos dans son Eglise de Poitiers, gagner même la faveur impé­riale, pour cela, il n’avait qu’à lais­ser à d’autres le soin de défendre la véri­té et à gar­der le silence. Mais il n’hésita pas un ins­tant sur le par­ti qu’il avait à prendre : « J’adhère dit-​il, au nom de Dieu et de mon Seigneur Jésus, dût une telle confes­sion m’attirer tous les maux ; je repousse la socié­té des méchants et le par­ti des infi­dèles, lors même qu’ils m’offriraient tous les biens ». Il adres­sa donc à l’empereur un plai­doyer har­di et cou­ra­geux, au nom de tous les évêques des Gaules, contre les fau­teurs de l’hérésie.

La fer­me­té de son lan­gage lui atti­ra de leur part une haine irré­duc­tible. Saturnin, évêque d’Arles, l’un de leurs chefs, de concert avec Ursace et Valens, qui avaient été éner­gi­que­ment flé­tris dans la requête à l’empereur, ouvrit un concile à Béziers, pour y juger et condam­ner leurs col­lègues demeu­rés fidèles. Hilaire s’y ren­dit. Au milieu de cette assem­blée d’ennemis, il se leva avec son intré­pi­di­té ordi­naire, et s’offrit à réfu­ter, séance tenante, leur per­ni­cieuse erreur. Les ariens, stu­pé­faits d’une telle har­diesse, crai­gnirent d’être confon­dus publi­que­ment et lui fer­mèrent la bouche.

L’exil.

L’adversaire était trop redou­table, ils réso­lurent de s’en débar­ras­ser : ils obtinrent de l’empereur un ordre de ban­nis­se­ment. Hilaire fut exi­lé en Phrygie, mais il ne lais­sa point, du fond de l’Asie Mineure, d’être l’âme des Eglises des Gaules et de gou­ver­ner son dio­cèse par ses lettres, car les évêques fidèles ne per­mirent jamais qu’on rem­pla­çât sur le siège de Poitiers l’illustre confesseur.

Hilaire trou­va l’Orient tout infec­té du poi­son de l’hérésie : lui-​même assure que, dans les pro­vinces où l’injustice impé­riale l’avait relé­gué, il y avait à peine un évêque qui eût conser­vé quelques restes de la saine doc­trine. Dans ces cir­cons­tances, il s’imposa deux prin­ci­paux devoirs qui montrent sa sain­te­té et son amour des âmes : il s’appliqua d’abord à se main­te­nir inébran­lable dans la confes­sion de Jésus-​Christ, et ensuite à ne reje­ter aucun moyen hon­nête et rai­son­nable de paci­fi­ca­tion. Dès lors, il usa de ména­ge­ments dans les écrits qu’il com­po­sa, et pous­sa même la condes­cen­dance jusqu’à s’entretenir avec les héré­tiques et à leur don­ner le salut et le bai­ser de paix. Ainsi la conduite sévère qu’il avait tenue à leur égard, alors qu’il était simple laïque, ne pro­ve­nait pas de la dure­té de son carac­tère, puisqu’il rede­vint indul­gent et misé­ri­cor­dieux quand il jugea cette atti­tude plus utile au pro­chain et à l’Eglise.

L’époux mystérieux.

En même temps qu’il envoyait à ses frères dans l’épiscopat des conseils pour le gou­ver­ne­ment des âmes, il adres­sait à sa fille, Abra, une lettre qui res­pire le charme le plus suave et la plus tendre piété.

J’ai reçu ta lettre qui m’apprend que tu me regrettes, lui écrivait-​il. Je crois à ce regret, car je sais com­bien est dési­rable la pré­sence de ceux que nous aimons. Sachant que mon absence t’est pénible, je ne veux pas que tu me crois moins aimant, parce que je suis si long­temps loin de toi. J’ai vou­lu m’ex­cu­ser de mon départ et t’en don­ner les rai­sons ; tu ver­ras que je ne t’oublie pas, mais que je te suis utile. Car tu es ma fille unique, ma fille par l’âme comme par le sang ; aus­si voudrais-​je que tu sois belle et sage, entre toutes les femmes.

Puis, dans un lan­gage sym­bo­lique, ce père d’une ten­dresse toute sur­na­tu­relle exhor­tait sa fille à dédai­gner les noces humaines pour s’unir éter­nel­le­ment à l’Epoux divin des âmes.

Je connais, lui disait-​il, ma bien-​aimée Abra, un époux dont la noblesse est aus­si éle­vée que le ciel, dont la beau­té sur­passe l’éclat du lis et de la rose, dont les regards sont brillants comme des pierres pré­cieuses, dont les orne­ments sont d’une splen­deur inouïe, dont les vête­ments triomphent de la blan­cheur de la neige, dont les richesses ne pour­raient être ren­fer­mées dans des royaumes entiers. Sa sagesse est incom­pré­hen­sible, sa dou­ceur laisse bien loin der­rière elle les rayons de miel, sa pudeur est invul­né­rable, ses tré­sors sont inamissibles.

Le prince offre à sa fian­cée une robe dont le tis­su est d’une sim­pli­ci­té incom­pa­rable, une perle auprès de laquelle les dia­mants de la terre, les magni­fi­cences de la nature, l’astre rayon­nant des cieux perdent tout leur éclat. Mais la robe n’aurait plus sa ver­tu le jour où on l’échangerait contre une étoffe plus somp­tueuse ; et la perle ne sau­rait être asso­ciée aux bijoux de la terre sans s’évanouir et disparaître.

Donc, fille ché­rie, lis et relis cette lettre ; prends pitié de mes angoisses et réserve-​toi uni­que­ment pour cette parure et cette perle. Réponds-​moi en consul­tant ton cœur. Quand je sau­rai ta déter­mi­na­tion, je te ferai connaître la volon­té et le nom de cet inconnu

La jeune Abra reçut avec un bon­heur inef­fable la lettre de son père. Elle fai­sait des vœux et des prières pour son prompt retour : les mois lui sem­blaient des siècles. La fille était digne du père, nous le ver­rons tout à l’heure.

La vierge Florence.

L’illustre évêque de Poitiers était en exil depuis quatre ans, lorsque l’empereur Constance don­na à ses offi­ciers l’ordre géné­ral de convo­quer tous les évêques, sans faire men­tion spé­ciale d’Hilaire, pour un concile qui devait avoir lieu à Séleucie en 359. Le gou­ver­neur de la pro­vince, oubliant peut-​être que l’évêque de Poitiers était dans la dis­grâce de l’empereur, l’obligea à s’y trou­ver et lui four­nit même un char pour le voyage.

C’est le des­tin heu­reux des Saints de faire éclore la sain­te­té sous leurs pas. Passant un dimanche par une petite ville dont l’histoire ne nous a pas conser­vé le nom, Hilaire entra dans l’église des catho­liques à l’heure où le peuple était ras­sem­blé pour la prière. Tout à coup, du milieu de la foule s’élance une jeune fille ; après avoir tra­ver­sé les rangs pres­sés, elle s’écrie qu’un grand ser­vi­teur de Dieu est là ; puis pros­ter­née aux pieds d’Hilaire, elle conjure celui-​ci de l’associer au trou­peau de Jésus-​Christ par un signe de croix.

C’était la jeune païenne Florence, qu’un mou­ve­ment de l’Esprit Saint pous­sait vers le grand doc­teur. Hilaire lui don­na sa béné­dic­tion, lui pro­met­tant de l’instruire des véri­tés de la foi. La pieuse enfant ne jouit pas seule de ce bon­heur : toute sa famille, éclai­rée par les paroles d’Hilaire, fut régé­né­rée avec elle dans l’eau sainte du baptême.

A par­tir de cet ins­tant, Florence ne quit­ta plus celui qu’elle appe­lait son père et qui, disait-​elle, lui avait don­né une vie mille fois plus pré­cieuse que la vie du corps. Elle s’attacha à tous ses pas et, sous sa direc­tion, par­vint à une telle sain­te­té qu’elle méri­ta d’être éle­vée sur les autels. Florence mou­rut en 367 ; le Martyrologe gal­li­can fixe sa fête au 1er décembre.

En face des évêques ariens et de l’empereur.

Hilaire put donc sié­ger au concile de Séleucie. Il eut la dou­leur d’y entendre des blas­phèmes hor­ribles sor­tir de la bouche des ariens, hommes lâches devant les princes de la terre, har­dis contre Dieu seul, refu­sant au Fils de Dieu l’attribut d’éternel qu’ils don­naient à l’empereur.

Les semi-​ariens eux-​mêmes, qui essayaient par une équi­voque de se tenir entre la foi et l’erreur, ani­més par l’exemple du doc­teur intré­pide des Gaules, condam­nèrent l’hérésie arienne et dépo­sèrent les évêques infi­dèles qui la prê­chaient. Mais ces impies en appe­lèrent à Constance ; les uns et les autres allèrent à Constantinople, comme si Notre-​Seigneur avait dit à ses apôtres : « Lorsque vous serez embar­ras­sés sur quelque point de la doc­trine que je vous ai char­gés d’enseigner, allez deman­der la solu­tion à César. »

Hilaire les sui­vit à la cour, afin de pro­cla­mer les droits inalié­nables de la véri­té en face du ser­vi­lisme arien. Se voyant en nombre dans la capi­tale même d’un empire qui met­tait son glaive à leur dis­po­si­tion, ils crurent l’occasion favo­rable pour tenir un concile de leur façon. On y dis­pu­ta de la foi : les ariens l’ébranlèrent jusque dans ses fon­de­ments. Mais le grand ath­lète était là. Il adres­sa une requête à l’empereur : Il s’y jus­ti­fiait d’abord des accu­sa­tions por­tées contre lui, puis, avec sa har­diesse cou­tu­mière, il deman­dait une audience où il lui fût per­mis d’exposer la foi catho­lique devant les évêques réunis et à la vue du peuple entier.

Dans ce plai­doyer, Hilaire raillait fine­ment la mul­ti­tude de Credo, ou Symboles contra­dic­toires que les ariens for­geaient tous les jours : « L’année der­nière, disait-​il, ils en ont pro­duit quatre ; la foi n’est plus la foi des Evangiles, mais la foi des temps, ou plu­tôt autant de volon­tés, autant de sortes de foi. Ils font paraître tous les ans, et même tous les mois, de nou­veaux Symboles pour détruire les anciens et ana­thé­ma­ti­ser ceux qui y adhèrent. »

Les héré­tiques n’osèrent pas accep­ter ce défi. Pour se déli­vrer d’un adver­saire aus­si ter­rible qui les har­ce­lait sans cesse, les pour­sui­vant jusque dans leurs der­niers retran­che­ments, ils per­sua­dèrent l’empereur de le ren­voyer dans les Gaules comme per­tur­ba­teur de la paix publique en Orient. Constance, satis­fait éga­le­ment de se débar­ras­ser d’un accu­sa­teur impor­tun, refu­sa l’audience que le Pontife lui avait deman­dée avec autant d’instance que de res­pect, et lui don­na l’ordre de quit­ter sur-​le-​champ la capi­tale pour reprendre le che­min de l’Occident. L’injustice était criante, la four­be­rie du prince était visible. Hilaire crut qu’il n’était plus obli­gé de gar­der des ménage­ments avec lui, il com­po­sa un écrit plein de vigueur pour dénon­cer à tous les évêques des Gaules les impié­tés du tyran.

Loup ravis­seur, s’écriait-il dans une véhé­mente apos­trophe, nous voyons ta peau de bre­bis ; tu reçois les évêques par le bai­ser avec lequel Jésus-​Christ a été tra­hi ; tu baisses la tête pour rece­voir leur béné­dic­tion, mais c’est pour fou­ler aux pieds leur foi ; tu les fais man­ger avec toi pour les rendre sem­blables à Judas qui se leva de table pour aller vendre son Maître. Voilà la peau de bre­bis qui te couvre : voyons main­te­nant les actions du loup.

Il tra­çait ensuite un tableau, qui n’était que trop fidèle, des cruau­tés de Constance envers les catholiques.

Retour en Gaule.

Hilaire abor­da enfin au rivage de la patrie, après un exil aus­si long que labo­rieux. C’était vers 36o. La Gaule, tout entière, dit saint Jérôme, embras­sa le héros qui reve­nait vic­to­rieux du com­bat, la palme à la main.

Mais ce fut sur­tout dans la ville de Poitiers que l’allégresse écla­ta en trans­ports indi­cibles. Fortunat, l’un des suc­ces­seurs d’Hilaire, raconte que cha­cun croyait avoir retrou­vé son père et sa patrie, car, durant l’absence du pas­teur aimé, la patrie elle-​même avait été aux yeux de tous un lieu d’exil.

Hilaire signa­la son retour par un miracle écla­tant. Un enfant était mort sans baptême.

Sa mère, qui n’était plus mère, car elle n’avait plus de fils, dit un bio­graphe, se pros­ter­nait tout en pleurs aux pieds du Pontife, en lui mon­trant le corps de son enfant :

– Evêque, lui disait-​elle, rends-​moi mon fils, ou du moins rends-​le au bap­tême. Toi qu’on nomme le père du peuple, obtiens que je puisse encore être appe­lée mère.

La pauvre femme priait plus encore par ses larmes que par ses paroles. Touché de tant de dou­leur et de tant de foi, l’homme de Dieu, en pré­sence des fidèles, recou­rut à ses armes accou­tu­mées et tom­ba à genoux. Peu à peu le pâle visage du défunt recou­vra ses cou­leurs, les membres gla­cés se rani­mèrent, les yeux s’ouvrirent au jour, un cri s’échappa de la poi­trine, et l’enfant res­sus­ci­té se remit à mar­cher… Tous deux, le vieillard et l’enfant se rele­vant ensemble, sor­tirent, l’un de la prière, l’autre de la mort…

Une mère vient sup­plier saint Hilaire de rendre la vie à son enfant et de le baptiser.

Sainte Abra.

Abra, sa fille très aimée, fît au grand évêque un accueil dont la joie et la ten­dresse se devinent. Elle avait com­pris sa pen­sée, elle accep­tait le mys­té­rieux hymen qui lui était proposé.

Mais elle ne sur­vé­cut pas long­temps à la célé­bra­tion de ses noces vir­gi­nales. Elle expi­ra dou­ce­ment entre les bras de son père. Elle figure le 13 décembre sous le nom fran­ci­sé d’Abre au Martyrologe gallican.

La mère sui­vit bien­tôt la fille. « D’après la tra­di­tion poi­te­vine, Hilaire dépo­sa tour à tour le corps de sa fille et le corps de sa com­pagne dans un ora­toire dédié par lui aux mar­tyrs romains saint Jean et saint Paul, où il avait pré­pa­ré son tom­beau. » (Largent.)

Saint Martin.

L’un des bien­faits les plus signa­lés dont les Gaules sont rede­vables à Hilaire, c’est d’y avoir atti­ré saint Martin, qui fut long­temps si popu­laire chez nous et que l’histoire appelle « le thau­ma­turge des Gaules ».

Il était né en Pannonie. Le renom des ver­tus et des com­bats de l’évêque de Poitiers exer­ça sur lui une telle séduc­tion, qu’abandonnant le métier des armes, pro­met­teur de gloire et de pro­fits, il accou­rut de son loin­tain pays pour vivre auprès de lui.

Quand Hilaire revint à Poitiers, il éta­blit son dis­ciple à Ligugé et d’accord avec celui-​ci fon­da le plus ancien des monas­tères gau­lois. Le car­di­nal Pie, évêque de Poitiers, a retra­cé ain­si les visites qu’Hilaire y ren­dait à Martin :

Le vieil ath­lète se plaît à venir res­pi­rer l’air de la sainte soli­tude, à consta­ter de ses yeux le pro­grès de la grande ins­ti­tu­tion après laquelle il a si long­temps sou­pi­ré. Il aime à vivre de la vie de ces pieux céno­bites ; durant ces trop heu­reux ins­tants de coha­bi­ta­tion, il se fait une joie d’accomplir leur règle, d’imiter leur péni­tence, de s’associer à leurs chants et à leurs prières.

Derniers travaux.

Hilaire ne connut pas long­temps sur la terre le repos. Il s’agissait de rele­ver les ruines par­tout amon­ce­lées par les fureurs des ariens. La dou­ceur et l’indulgence furent ses moyens prin­ci­paux pour ame­ner les éga­rés au giron de l’Eglise catholique.

Après avoir réta­bli la foi dans les Gaules, il pas­sa en Italie où sévis­sait encore le fléau de l’erreur. Là, il ren­con­tra un obs­tacle dans la per­sonne d’Auxence, évêque arien de Milan. Ce fourbe l’accusa auprès de l’empereur Valentinien, suc­ces­seur de Constance, de trou­bler la paix de son Eglise, et le prince, trom­pé, obli­gea Hilaire à ren­trer de nou­veau dans les Gaules.

Le saint évêque, tenu loin de son peuple par les inté­rêts de la foi, lui fut enfin ren­du. Il reprit son minis­tère pas­to­ral, conti­nua d’expliquer à son cher trou­peau les Saintes Ecritures, fît un recueil d’hymnes des­ti­nées à être chan­tées dans les céré­mo­nies, et intro­dui­sit dans son Eglise quelques pieux usages qu’il avait rap­por­tés d’Orient.

Mort et culte.

Enfin, épui­sé par tant de tra­vaux et de fatigues, il tom­ba malade. A cette nou­velle, les chré­tiens accou­rurent auprès de sa mai­son, qu’ils entou­rèrent, s’informant avec anxié­té des pro­grès du mal et pleu­rant la perte dont ils étaient menacés.

Au milieu de la nuit, quand ils se furent reti­rés, une lumière éblouis­sante éclai­ra la chambre ; ses deux dis­ciples, qui veillaient auprès de son lit, en furent d’abord aveu­glés. Puis l’éclat dimi­nua peu à peu et dis­pa­rut tout à fait à l’instant même où l’âme d’Hilaire, bri­sant les chaînes de ses membres, s’envolait vers Dieu. C’était le 13 jan­vier 366 ou 367 ou 368.

Il fut ense­ve­li dans le tom­beau qu’il s’était pré­pa­ré entre sa femme et sa fille. La basi­lique cimé­té­riale où il l’avait édi­fié, consa­crée d’abord aux mar­tyrs romains Jean et Paul, lui fut dédiée à lui-​même dans la suite. C’est aujourd’hui l’église Saint-Hilaire-le-Grand.

Il y repo­sa, entou­ré d’honneurs, mul­ti­pliant les grâces et les pro­diges, jusqu’au 25 mai 1662, où des pro­tes­tants bar­bares brû­lèrent ses reliques sans pou­voir abo­lir son culte.

Le 10 jan­vier 1862, à la demande de Mgr Donnet, arche­vêque de Bordeaux, de Mgr Pie, illustre suc­ces­seur de saint Hilaire, et des autres évêques de la pro­vince d’Aquitaine, Pie IX a décla­ré le valeu­reux cham­pion de la foi Docteur de l’Eglise uni­ver­selle, et a éle­vé sa fête au rite double.

V. Félicien. Sources consul­tées. – R. P. Largent, Saint Hilaire (Collection Les Saints, 1902). – (V. S. B. P., n° 206.)