Dans cet article, M. l’abbé Paul Robinson, prêtre de La Fraternité Sacerdotale Saint-Pie X en poste au séminaire de Goulburn, en Australie, se demande si une reconnaissance canonique de la FSSPX « telle quelle » favoriserait ou empêcherait la restauration de la Tradition.
Introduction
À la conclusion du Chapitre Général de la Fraternité Sacerdotale Sant-Pie X en 2006, les membres du chapitre ont fait une déclaration, comme c’est la coutume. Entre autres, la déclaration a affirmé :
« les contacts qu’elle entretient épisodiquement avec les autorités romaines ont pour seul but de les aider à se réapproprier la Tradition que l’Église ne peut renier sans perdre son identité, et non la recherche d’un avantage pour elle-même, ou d’arriver à un impossible ‘accord’ purement pratique ».
Cette affirmation montre clairement que les relations de la FSSPX avec Rome ont un double but : la restauration de la Tradition et l’avantage de la FSSPX. Elle indique aussi que le but éloigné ou ultime de la restauration de la Tradition prime sur le but prochain d’un avantage de la FSSPX. Cependant, depuis 2006, il y a eu beaucoup de points de vue différents quant aux moyens par lesquels la FSSPX doit aider à la restauration de la Tradition à Rome. La discussion porte surtout sur la question de savoir si la restauration doit avoir lieu d’abord sur le plan pratique ou d’abord sur le plan doctrinal. Plus précisément, est-ce mieux pour la FSSPX d’accepter une reconnaissance canonique « telle quelle », ou vaut-il mieux refuser une telle reconnaissance dans le but d’obliger Rome à adopter la doctrine traditionnelle ? Une reconnaissance canonique « telle quelle » favoriserait-elle ou empêcherait-elle la restauration de la Tradition souhaitée par la FSSPX ?
Cet article se propose de considérer deux positions différentes sur la question, l’une contre une reconnaissance canonique « telle quelle », et l’autre en faveur de ladite reconnaissance. Le but de cet article, tout comme celui de l’article Unité de Foi avec le pape François, n’est pas de déterminer quand et dans quelles circonstances il sera prudent que le supérieur général de la FSSPX accepte une reconnaissance canonique « telle quelle » ; son but est plutôt de défendre la position publique de la Maison Générale, selon laquelle être accepté « tel quel » constitue le critère essentiel pour accepter une reconnaissance canonique. Cet article utilise donc le terme « tel quel » dans le même sens que la Maison Générale, à savoir, que FSSPX puisse conserver la liberté de professer ouvertement ses positions doctrinales, de maintenir ses pratiques liturgiques, et de conserver ses propriétés et ses lieux de culte.
Deux Notes Préliminaires
Avant d’entrer dans les détails, deux notes préliminaires s’imposent. La première est que la FSSPX essaie depuis le rétablissement de ses contacts avec Rome en 2000 d’obtenir une restauration de la Tradition sur les deux plans, pratique et doctrinal. Mgr. Fellay a demandé des discussions doctrinales avec Rome et il a également demandé que deux « préconditions » pratiques soient remplies avant que les discussions ne commencent. Les conditions étaient la libération de la messe traditionnelle et le retrait du décret d’excommunication des évêques de la FSSPX. La déclaration que nous venons de citer affirme que la réalisation de ces deux conditions « procurerait un très grand bien à l’Église en restituant à celle-ci au moins une partie de ses droits à sa propre Tradition ».
Les « préconditions » ont été plus ou moins réalisées et les discussions doctrinales ont eu lieu. Cependant, la réussite sur le plan pratique n’a pas trouvé son écho sur le plan doctrinal. Les autorités romaines impliquées dans les discussions n’ont pas été d’accord avec la position de la FSSPX – la position selon laquelle Vatican II se trouve, sur trois points (liberté religieuse, œcuménisme, collégialité), en rupture avec l’enseignement constant de l’Église. Malgré ce manque d’entente, Rome a voulu avancer sur le plan pratique, mettant en avant le projet d’une prélature personnelle pour la FSSPX, un projet qui a été proposé pour la première fois en 2011.
Depuis, d’autres pas pratiques vers la restauration de la Tradition ont été faits. On a accordé aux prêtres de la FSSPX la juridiction ordinaire pour confesser et un cadre pour obtenir l’autorisation de célébrer les mariages avec la due forme canonique.
Il serait bon de rappeler, pour ceux qui refusent d’admettre que les rapports entre Rome et la FSSPX soient différents de ce qu’ils ont été, que Rome n’a rien accordé à la FSSPX pendant toute la longue période de 1975 à 2007. Depuis, en revanche, Rome a bougé légèrement de la ligne qu’elle tenait, et cela pour se rapprocher de la ligne maintenue par la FSSPX, la ligne « reconnaissance canonique telle quelle ». Le fait que les concessions de Rome aient été presque exclusivement pratiques a donné lieu au débat « accord doctrinal ou accord pratique ». Que ce débat, donc, n’obscurcisse point la réalité évidente que ces concessions introduisent une situation nouvelle. La question n’est plus « que devons-nous faire quand Rome s’oppose à nous ? » mais plutôt « que devons-nous faire quand Rome nous favorise ? ». Ce n’est que dans ce contexte que notre première question peut se poser, à savoir : la FSSPX devrait-elle accepter une restauration sur le plan pratique ou devrait-elle d’abord attendre une restauration sur le plan doctrinal ?
Ce qui nous mène à notre deuxième point, qui est que les pas pratiques vers la restauration de la Tradition ne peuvent pas être entièrement séparés des pas doctrinaux, et vice versa. Chaque étape pratique vers la régularisation et la propagation de la Tradition sera nécessairement une étape vers la restauration de la doctrine traditionnelle ; chaque pas doctrinal fait pour corriger les erreurs de Vatican II répandra nécessairement la Tradition sur le plan pratique. La seule différence est que certaines étapes seront directement pratiques et indirectement doctrinales, tandis que d’autres seront directement doctrinales et indirectement pratiques. À la fin, il est impossible de séparer la croyance traditionnelle de la praxis traditionnelle ; c’est un tout. Ainsi quand une partie du tout est favorisée, l’autre partie l’est nécessairement aussi.
Considérez, par exemple, la possibilité d’une prélature personnelle pour la FSSPX qui la laisserait telle quelle. Le jour de la reconnaissance canonique, il existerait au sein des structures canoniques de l’Église une organisation mondiale de prêtres et de religieux traditionnels dont la position officielle est que le deuxième Concile du Vatican contient des erreurs allant contre des dogmes définis de la Foi. Le fait que Rome approuve une telle organisation et lui permet de continuer son opposition bien connue à certains aspects du Concile porterait un coup terrible au Concile.
C’est pourquoi le célèbre écrivain catholique George Weigel considère une éventuelle reconnaissance de la FSSPX « telle quelle » avec horreur. Pour lui, ce serait consacrer pour les catholiques du monde entier un « droit au désaccord » : « rendre au clergé de la FSSPX la pleine communion avec Rome tout en leur permettant de croiser leurs doigts derrière le dos sur la liberté religieuse (et l’œcuménisme) lors de leur profession de Foi et leur serment de fidélité serait consacrer, par le moyen bizarre de l’ultra-traditionalisme, ‘un droit au désaccord‘ dans l’Église. » [1]
Bien que nous ne soyons pas d’accord avec lui pour dire que cela consacrerait un droit au désaccord avec tout l’enseignement catholique, nous sommes bien d’accord que cela consacrerait un droit au désaccord avec Vatican II. Il est donc impossible qu’une reconnaissance canonique de la FSSPX ne soit pas un pas vers la condamnation des erreurs de Vatican II, même si en soi ce n’est pas une étape doctrinale vers la restauration de la Tradition mais plutôt une étape pratique. Si la FSSPX était reconnue telle quelle, sa position, ou sa profession de Foi si vous voulez, serait aussi reconnue comme catholique.
Ces deux points ayant été posés, nous pouvons désormais revenir à notre question principale : la FSSPX devrait-elle accepter l’étape directement pratique et indirectement doctrinale vers la restauration de la Tradition qu’est une reconnaissance canonique ? Ou bien la FSSPX devrait-elle se concentrer sur l’obtention d’une étape directement doctrinale et indirectement pratique vers cette restauration ?
La Position « Attendre que Rome se convertisse »
D’aucuns ont soutenu qu’une reconnaissance canonique, même si elle offre des avantages à certains égards, serait finalement un désavantage pour la restauration de la Tradition. Le raisonnement est que la FSSPX devrait attendre que Rome fasse une déclaration doctrinale qui condamne les erreurs de Vatican II, et nous allons l’appeler le « raisonnement de la déclaration doctrinale ». Il peut être résumé ainsi :
- « Le but poursuivi est que la [FSSPX] retrouve tous ses droits à Rome » [[2] : In Courrier de Rome, mai 2017, « Pour une entente doctrinale ? », §2.)]
- La restauration de ces droits consisterait en une sérieuse correction par le Saint-Siège « des erreurs doctrinales qui sont à la source de la crise sans précédent qui sévit encore dans la sainte Église ».
- Donc « cette correction est le but que recherché, but en soi et cause finale, principe de tout l’agir subséquent dans le cadre des relations avec Rome ».
- Mais une reconnaissance canonique mettrait en danger ce but final de deux façons[3] :
- Elle ferait de la position doctrinale de la FSSPX juste une opinion parmi tant d’autres au sein de l’Église conciliaire et ainsi elle relativiserait cette position doctrinale.
- Elle introduirait le risque de l’affaiblissement de la position doctrinale de la FSSPX.
- Donc, tout compte fait, la reconnaissance canonique de la FSSPX empêcherait la restauration de la Tradition plus qu’elle ne l’aiderait, aussi ne faut-il pas l’accepter avant que Rome n’ait signé une déclaration doctrinale qui condamne les erreurs de Vatican II.
La première chose à noter sur cette position est qu’elle propose un critère de discernement pour la reconnaissance canonique de la FSSPX qui est très différent du critère de Mgr Lefebvre (« telle quelle »). Pour trois raisons, cette position rejette la condition « telle quelle » comme étant inacceptable :
- Elle ne voit pas la reconnaissance canonique comme favorisant la restauration de la doctrine traditionnelle, mais plutôt comme l’empêchant.
- Elle ne croit pas que la FSSPX serait suffisamment protégée dans sa Foi par une reconnaissance « telle quelle ».
- Elle ne croit pas que la FSSPX aurait une obligation morale d’accepter une reconnaissance « telle quelle ».
Regardons de plus près ces trois raisons.
1 – La reconnaissance canonique « telle quelle » comme empêchant la doctrine traditionnelle
Nous avons dit plus haut qu’une reconnaissance canonique de la FSSPX porterait un grand coup contre le statut doctrinal de Vatican II. Le raisonnement de la déclaration doctrinale, en revanche, maintient qu’une FSSPX canoniquement régularisée serait vue comme adhérant à une opinion sur Vatican II parmi tant d’autres. De ce point de vue, il est mieux pour la FSSPX d’apparaître comme hors de l’Église, puisque cela lui permet de ressortir plus clairement et d’attirer plus d’attention à sa position.
En plus de ne pas reconnaître que la position de la FSSPX est déjà vue comme juste une autre opinion – et le plus souvent comme une opinion fausse – cette position semble ignorer la progression normale de la restauration de l’Église en temps de crise. Normalement il y a trois stades : la persécution, puis la tolérance, puis le privilège. Par exemple, le catholicisme fut persécuté par l’Empire romain ; ensuite il a été toléré sous Constantin, et enfin il est devenu la religion privilégiée d’État sous d’autres Empereurs chrétiens postérieurs. Pour les catholiques mis à mort et qui ne pouvaient pas s’assembler publiquement pour pratiquer leur religion, un état de tolérance religieuse était tout à fait souhaitable. Ce n’était pas un bien absolu, mais un bien relatif, et un pas vers la meilleure situation, dans laquelle la Foi catholique serait la religion privilégiée d’État, comme il se doit.
Les Catholiques peuvent demander la protection de la loi de la part d’un gouvernement du style pluraliste et prônant la liberté religieuse. Ils ne sont pas obligés de réclamer la persécution jusqu’à ce que l’État se convertisse à la Foi catholique et établisse le catholicisme comme religion d’État.
La crise arienne est un autre exemple, plus adapté que le premier puisqu’il s’agit d’une situation où la plupart des persécutions venaient de l’intérieur de l’Église. Pendant un certain temps, les évêques catholiques qui professaient la Foi catholique étaient exilés par l’Empereur et les évêques ariens. Puis Julien l’Apostat est arrivé au pouvoir et il a fait revenir d’exil tous les évêques catholiques, dans le but de créer encore plus de zizanie dans l’Église. Cette stratégie n’a pas réussi, car elle a créé un environnement de tolérance pour la doctrine de la Divinité de Notre Seigner, qui a ensuite été restaurée à sa position privilégiée comme il se devait et reconnue par le monde catholique comme étant l’enseignement catholique.
La position de la déclaration doctrinale veut que la Tradition passe directement de la persécution au privilège. Elle veut qu’après l’avoir persécutée Rome la privilégie, sans passer par le stade intermédiaire de la tolérance. De plus, elle voit le stade de la tolérance comme néfaste pour la Tradition plutôt que comme une aide. Bref, le meilleur est l’ennemi du bien ici. Puisque la meilleure issue (le privilège) brille d’un tel éclat, la bonté de l’issue moins bonne (la tolérance) n’est plus admise.
Remarquons au passage que même si la marginalisation que la FSSPX a connue ces quarante dernières années l’a protégée dans une certaine mesure, il semble difficile de prétendre qu’elle ait été bénéfique pour répandre la position de la FSSPX. Au contraire, la FSSPX a été mise dans un ghetto par ses ennemis pour éviter que sa position ne se répande, et cette stratégie a très bien marché.
2 – La reconnaissance canonique « telle quelle » comme un risque pour la Foi de la FSSPX
Un deuxième élément de la position de la déclaration doctrinale est que la FSSPX, une fois intégrée dans l’Église conciliaire qui favorise l’hérésie, aurait du mal à tenir bon face aux erreurs de Vatican II. Ce qui est troublant dans cet élément est qu’il est soutenu par une citation de Mgr. Lefebvre [4] qui dit : « Ce qui nous intéresse d’abord, c’est de maintenir la Foi catholique. C’est cela notre combat. Alors la question canonique, purement extérieure, publique dans l’Église, est secondaire. Ce qui est important, c’est de rester dans l’Église… dans l’Église, c’est-à-dire dans la Foi catholique de toujours et dans le vrai sacerdoce, et dans la véritable messe, et dans les véritables sacrements, dans le catéchisme de toujours, avec la Bible de toujours » [5]. Si cette citation est troublante, c’est parce que Mgr. Lefebvre était clairement favorable à une reconnaissance « telle quelle ». Prenons, par exemple, ce qu’il dit dans son sermon pour ses quarante ans d’épiscopat en octobre 1987 : « Si Rome voulait vraiment nous donner une vraie autonomie, celle que nous avons maintenant, mais avec la soumission, nous le voudrions ; nous avons toujours désiré être soumis au Saint Père » [6].
Pour rendre justice à Mgr. Lefebvre, il faut réconcilier la première citation avec la seconde. S’il dit dans la première citation que la Foi est plus importante qu’une reconnaissance canonique, il pense sûrement à une situation où la FSSPX devrait accepter la nouvelle Messe ou la liberté religieuse ou quelque chose du genre pour obtenir la reconnaissance canonique. Il ne dit pas que si on accordait à la FSPPX une reconnaissance « telle quelle » elle risquerait de perdre la doctrine traditionnelle, et qu’il serait donc préférable de rester dans un état plus sûr de marginalisation plutôt que d’accepter une reconnaissance canonique dans laquelle la FSSPX pourrait maintenir toutes ses positions doctrinales.
Dans la première citation, Mgr. Lefebvre dit que la FSSPX doit maintenir la Foi catholique comme prioritaire sur une reconnaissance canonique si elle a à choisir entre les deux. Dans la deuxième citation, il dit que SI elle peut maintenir la Foi, le vrai sacerdoce, la vraie messe, les vrais sacrements, le vrai catéchisme, etc., ET AUSSI avoir un statut canonique, elle doit prendre les deux.
Un autre problème avec la position de la déclaration doctrinale est qu’il ne semble pas reconnaître les dangers pour la Foi que la FSSPX court en restant pendant des décennies sans reconnaissance canonique. Si on pouvait diviser en deux camps les prêtres ayant quitté la FSSPX, avec d’un côté ceux qui ont couru vers la Résistance et le sédévacantisme et de l’autre côté ceux qui sont allé au Novus ordo, le premier camp serait bien plus nombreux que l’autre. Le nombre disproportionné d’anciens prêtres de la FSSPX qui ont perdu la Foi en la visibilité et l’autorité de l’Église devrait être une indication claire que la situation anormale de la FSSPX, en soi, représente un risque de perdre la Foi en l’Église. La prétendue sécurité pour la Foi fournie par l’irrégularité canonique nous semble donc, bien au contraire, bien précaire.
Comme un exemple particulier de ceci, considérons le troisième point.
3 – La reconnaissance canonique « telle quelle » comme moralement indifférente
La position de la déclaration doctrinale voit une reconnaissance canonique « telle quelle » comme étant moralement indifférent [7]. Cela veut dire que la FSSPX n’aucun devoir moral particulier en ce qui concerne l’acceptation ou le rejet d’une reconnaissance canonique en soi. La Fraternité est donc libre de la rejeter pour des raisons accidentelles, raisons qui portent non pas sur la reconnaissance canonique en elle-même mais sur les circonstances environnantes. Elle est libre aussi de mettre n’importe quel prix à sa reconnaissance canonique, par exemple le prix de la condamnation des erreurs de Vatican II.
Une image – sans doute insuffisante à bien des égards – pourrait servir d’illustration. Disons qu’un enfant a un père ivrogne et que le père commande habituellement à l’enfant de faire des choses mauvaises. Puis un beau jour, le père commande à l’enfant de faire quelque chose qui remet un peu d’ordre dans la maison. À cette occasion, l’enfant aurait tort de dire, « à cause de votre ivrognerie habituelle, l’ordre que vous me donnez est moralement indifférent. Tant que vous ne corrigez pas votre mauvaise habitude, il est plus avantageux pour moi de ne pas accepter vos actes d’autorité – même les bons qui rectifient les choses dans la maison – parce que je peux rendre un meilleur témoignage à la bonté de la sobriété et je peux vous mettre la pression pour devenir sobre si je suis dans un état de non-acceptation. »
Au contraire, le père a toujours le droit de commander l’obéissance en tout ce qui est bon. La reconnaissance canonique de la FSSPX n’est pas indifférente, c’est une chose bonne, en tant qu’elle rectifie quelque chose dans l’Église qui est injuste et anormal. Mgr. Fellay l’a dit dans le numéro de Cor unum publié en avril 2014 : « en soi, la reconnaissance canonique est un très grand bien ». Le fait que ce soit un bien moral impose à la FSSPX une obligation morale de l’accepter, si elle ne comporte pas de danger pour la Foi. Le devoir de garder la Foi est un devoir plus élevé, mais le devoir d’avoir des relations normales avec le successeur de Pierre n’est pas facultatif.
Mgr Lefebvre l’a dit de manière implicite :
« Le principe fondamental de la pensée et de l’action de la Fraternité dans la douloureuse crise que l’Église traverse est le principe enseigné par saint Thomas d’Aquin dans la Somme théologique : ne pas s’opposer à l’autorité de l’Église, sauf en cas de danger immédiat pour la Foi » [8].
En bref, la position de la déclaration doctrinale erre quand elle change le critère pour la reconnaissance canonique de « la FSSPX doit pouvoir garder la Foi traditionnelle » à « Rome doit professer la Foi traditionnelle ». Les raisons qu’elle avance pour montrer que la reconnaissance canonique « telle quelle » empêcherait la restauration de la Tradition tombent quand elles sont examinées, et par ce fait même, le raisonnement perd toute sa force.
La Position de Mgr Lefebvre
Il nous reste à considérer la position de Mgr Lefebvre en faveur d’une reconnaissance « telle quelle ». Ce qu’il faut éviter dans ces considérations, c’est d’isoler quelques citations de l’archevêque pour ensuite construire tout un argument sur elles. Il serait mieux de découvrir les principes qui motivaient Mgr. Lefebvre et comment il a suivi ces principes tout au long de sa vie.
Il nous faut regarder tout particulièrement la vision de Mgr Lefebvre pour le rôle de la FSSPX et comment cette vision a informé les négociations qu’il a menées avec Rome au sujet du statut de la FSSPX dans l’Église.
La restauration de l’Église par les prêtres
Il est important de comprendre que la vision de Mgr Lefebvre pour la FSSPX date d’avant l’éclatement de la crise dans l’Église. Déjà dans les années 1950, il rêvait d’œuvrer pour la restauration de l’Église. Le grand moyen pour cette restauration, et même le seul moyen dans son esprit, était le sacerdoce. Le sacerdoce, conféré par le sacrement de l’Ordre, est l’ultime source d’ordre dans l’Église, et il est essentiellement lié à l’acte suprême qui réordonne le monde déchu, le Saint Sacrifice de la Messe. C’est cette vision qui était derrière le fameux rêve de Mgr. Lefebvre dans la cathédrale de Dakar dans les années 1950 : « Devant la dégradation progressive de l’idéal sacerdotal, transmettre dans toute sa pureté doctrinale, dans toute sa charité missionnaire le sacerdoce catholique de Notre Seigneur Jésus-Christ… Comment réaliser ce qui m’apparaissait alors comme la seule solution de renouveau de l’Église et de la Chrétienté ? C’était encore un rêve, mais dans lequel m’apparaissait déjà la nécessité non seulement de transmettre le sacerdoce authentique, non seulement la sana doctrina approuvée par l’Église, mais l’esprit profond et immuable du sacerdoce catholique et de l’esprit chrétien lié essentiellement à la grande prière de Notre Seigneur qu’exprime éternellement son sacrifice de la Croix » [9].
C’est à cause de cette vision qu’en fondant la FSSPX, Mgr Lefebvre lui a donné comme but premier « le sacerdoce et tout ce qui s’y rapporte et rien que ce qui le concerne » (140). « Nous sommes une Fraternité sacerdotale. Le caractère essentiel de notre Fraternité est sa nature sacerdotale. C’est cela son but » [10].
Dans l’esprit de Mgr. Lefebvre, il était important que la FSSPX soit fondée non pas sur une base négative, mais sur une base positive. La FSSPX ne fut pas fondée pour contester Rome et le Concile. Pour Monseigneur, cela n’aurait pas été convenable. Elle fut fondée plutôt pour accomplir une œuvre positive, à savoir la formation de bons prêtres :
« [La Fraternité Saint Pie X] n’est pas née d’une idée de contestation, une idée d’opposition. Pas du tout ! Elle est née de la façon dont je crois que des œuvres d’Église peuvent très bien naître, c’est-à-dire, d’un besoin qui s’est présenté : le besoin d’assurer la bonne formation des prêtres » [11].
Mgr Lefebvre n’a pas fondé la FSSPX pour régler la crise dans l’Église. Il voulait que la FSSPX contribue à la restauration de l’Église, bien sûr, mais en tant que Fraternité sacerdotale. En approuvant ses statuts, l’Église n’a pas confié à la FSSPX la mission de restaurer l’Église ; la FSSPX n’a pas les moyens de restaurer l’Église parce que cela appartient à Rome ; et son fondateur ne l’a pas établie dans le but immédiat de restaurer l’Église. En tant que telle, la contribution à la restauration de l’Église n’est que le but lointain de la FSSPX, tandis que la formation de bons prêtres est son but prochain.
Cette distinction est importante. Si le but immédiat de la FSSPX était la restauration de l’Église, il faudrait qu’elle prenne tous les moyens pour accomplir ce but, sans se concentrer sur la formation de bons prêtres. Mais puisque son but immédiat est la formation de bons prêtres, alors le moyen par lequel elle contribue à la restauration de l’Église est gravé dans le marbre et ne peut changer, du moins si la Fraternité doit rester fidèle à son identité.
Comment une Fraternité sacerdotale restaure l’Église
Comment, nous pouvons demander, concrètement, une Fraternité sacerdotale œuvre-t-elle pour la restauration de l’Église ? Nous avons déjà évoqué la vision de Mgr Lefebvre en général : former des prêtres avec une pureté doctrinale et une charité missionnaire. Mais comment de tels prêtres surmontent-ils la plus grande crise de l’Église que le monde ait jamais connue ?
Les affirmations les plus claires de Mgr Lefebvre à ce sujet se trouvent dans la première conférence qu’il a donnée à la retraite de Pâques qu’il a prêchée juste avant les sacres. On pourrait se demander si cette conférence [12] d’avril 1988 ne peut pas être considérée comme la deuxième moitié du rêve de Dakar ?
Dans cette deuxième partie du rêve, le fondateur de la FSSPX entrevit comment sa Fraternité sacerdotale serait placée dans une position où elle avancerait efficacement la restauration de la Tradition. Tout commencerait avec une reconnaissance canonique « telle quelle ». Ensuite, grâce à cette reconnaissance, la FSSPX se verrait accordée un office à Rome. Après cela, à un moment donné, viendrait une église de la FSSPX à Rome, choisie parmi les nombreuses églises romaines qui ne sont pas utilisées. Ensuite, un séminaire de la Fraternité à Rome, qui attirerait beaucoup de vocations de partout dans le monde. Et puisque la majorité des évêques est choisie parmi les prêtres formés dans les séminaires romains, beaucoup des ordinands du séminaire romain de la FSSPX deviendraient des évêques et occuperaient des diocèses partout dans le monde. Et la restauration de la Tradition ? À un moment donné, à cause de l’influence croissante de la Tradition grâce à la présence de la FSSPX à Rome, au séminaire romain de la FSSPX, aux prêtres et évêques romains de la FSSPX, Rome reprendrait à nouveau sa propre Tradition.
« C’est un beau rêve, » dit Monseigneur. « Mais qui sait ? » C’est un rêve qui s’aligne parfaitement sur la conception qu’avait Mgr Lefebvre de la Fraternité sacerdotale qu’il a fondée : former de bons prêtres qui professent l’intégrité de la Foi, et par le fait même, aider à restaurer l’Église.
Conclusion
Mgr Lefebvre croyait à la puissance de prêtres bien formés pour restaurer l’Église. Pour cette raison, il a fondé une Fraternité sacerdotale qui cherche à former des prêtres connus pour leur pureté doctrinale et leur charité missionnaire. L’Église elle-même, en approuvant les statuts de la FSSPX, lui a confié cette mission de former de bons prêtres, et elle a tous les moyens nécessaires pour accomplir cette œuvre. Mais depuis la suppression illégale de la FSSPX en 1975, elle a été mise dans une situation irrégulière, repoussée par les autorités ecclésiastiques, et empêchée de se répandre autant qu’elle le pourrait. Parce que Mgr Lefebvre a fondé la FSSPX pour la formation de bons prêtres et qu’une reconnaissance canonique « telle quelle » permettrait à la FSSPX d’étendre son œuvre de la formation de bons prêtres, le Mgr. était favorable à une reconnaissance canonique « telle quelle ».
Quant à ceux qui tiennent la position de la déclaration doctrinale, ils voient le but immédiat de la FSSPX comme étant la restauration de l’Église et ne considère donc pas une reconnaissance canonique « telle quelle » comme favorable à cette restauration. Ils aimeraient utiliser l’état de suppression canonique dans lequel se trouve la FSSPX comme un moyen de mettre la pression à Rome, pour que celle-ci condamne les erreurs de Vatican II. En prônant cette position, ils ont une vision dans laquelle la FSSPX ne cherche pas à contribuer à la restauration de l’Église principalement par la formation de prêtres qui professent la Foi, mais plutôt principalement en mettant la pression à Rome pour qu’elle professe la Foi.
Sources : fsspx.news [en anglais] /Traduction de Mary Molliné-Carlisle pour La Porte Latine
- https://www.firstthings.com/web-exclusives/2017/04/lets-not-make-a-dealat-least-this-deal[↩]
- Cette citation et les deux suivantes sont tirées de Courrier de Rome, mai 2017, « Pour une entente doctrinale ? », §2.[↩]
- Cf. Ibid., §§28–29.[↩]
- Cité dans Ibid., §29.[↩]
- Conférence spirituelle à Écône, 21 décembre 1984.[↩]
- Angelus magazine, novembre 1987, p. 8.[↩]
- Voir Courrier de Rome, mai 2017, « Pour une entente doctrinale ? », §28.[↩]
- Lettre aux amis et bienfaiteurs américains, 28 avril 1983.[↩]
- Itinéraire spirituel, p. iii.[↩]
- Sainteté sacerdotale, p. 444 ; les pages 437–481 sont une lecture incontournable pour cette discussion[↩]
- Sainteté sacerdotale, p. 439.[↩]
- Extrait de la conférence de Mgr Lefebvre ( Retraite à Ecône – Avril 1988) :
[…] Ce qui est notre règle c’est la foi qui passe avant l’obéissance, la première obéissance c’est l’obéissance de la foi. Cette foi passe avant l’obéissance aux hommes qui sont chargés de nous donner la foi. Alors, c’est simple comme position, évidemment nous nous trouvons en opposition avec ceux qui détruisent la foi. Il y aura un double combat pour nous, il y aura le combat contre les erreurs, et le combat même avec ceux qui sont en faveur de ces erreurs. C’est difficile d’être contre les erreurs et de ne pas être contre les hommes qui les diffusent. D’où il était facile pour ceux qui nous attaquent de dire : « vous combattez Rome, donc vous êtes contre Rome, donc vous êtes contre le Pape, donc vous êtes contre le Concile, donc vous êtes en dehors de l’Eglise ». Ce sont des réactions tout à fait compréhensibles, et tout à fait faciles, mais fausses. Ça suppose que Rome ne se trompe jamais, ce qui est faux.
Alors nous en sommes là, mais si notre rôle c’est de combattre les erreurs, et aussi de nous opposer, et à désobéir à ces personnes qui diffusent les erreurs, cela n’empêche pas que l’on pouvait essayer de garder un contact avec ces personnes pour essayer de les convertir, pour essayer de les ramener à la Tradition. Entreprise peut-être bien présomptueuse, peut-être bien difficile, mais c’est tout de même ce que le Bon Dieu nous demande ; même s’il faut : « vous allez convertir vos supérieurs ! » Qu’est-ce que vous voulez faire ? S’il est évident qu’ils sont dans l’erreur, c’est clair, ils s’opposent à ce que les autres ont enseigné ; nous voyons les deux textes ; le texte qui nous est donné maintenant, et le texte qui nous était donné avant, s’oppose complètement. Alors, à qui obéir ? A ceux d’autrefois, ou à ceux d’aujourd’hui ? Nous ne pouvons pas obéir au deux, c’est contradictoire, c’est ce que j’ai dit au Pape Paul VI lorsque je l’ai vu à Castel Gandolfo : « Très Saint Père, nous sommes dans une situation invraisemblable, nous sommes obligés de vous désobéir pour pouvoir obéir à vos prédécesseurs, mettez vous à notre place, une situation impossible, voyez pour les fidèles quelle situation ! Il y a contradiction entre ce qu’enseigne le Concile et Quanta Cura de Pie IX ». -« Oh, nous n’avons pas le temps de faire de la théologie ici ». Alors c’est facile comme réponse, mais ce n’est pas une réponse, c’est grave.
Alors nous en sommes là, et nous en sommes toujours là ; mais garder le contact avec Rome c’était une entreprise assez délicate, assez difficile, parce que en même temps que nous le critiquons, en même temps il faut correspondre avec eux, y aller au moins de temps en temps les voir ou au moins les représentants du Pape. Et bien, le Bon Dieu a permis que cela se fasse, que nous gardions le lien avec Rome, et qu’en même temps nous le critiquions sans peur. Les lettres que nous avons envoyées avec Mgr. de Castro Mayer au Pape, et bien n’étaient pas très tendres, c’est moins qu’on puisse dire. Même la petite image que j’avais faite qui a d’ailleurs était critiquée par pas mal de traditionalistes. Et bien le Pape la eût dans les mains. C’est ce que m’a dit le Cardinal Ratzinger, évidemment il n’a pas été très édifié, mais enfin j’ai dit au Cardinal Ratzinger : « ‑Si seulement ça peut sauver son âme ». Vous me direz : « ‑mais vous donnez des leçons au Pape ! » Ce sont des leçons de catéchisme ! Il fait entrer tous les diables dans l’Eglise et puis après il voudrait être bien avec le Bon Dieu ! Il faut qu’il choisisse, ou il tient absolument à la compagnie des diables, et bien il restera avec les diables, ou bien il tient à la compagnie du Bon Dieu et il chasse les diables. Qu’est-ce que vous voulez faire ? Ce n’est pas compliqué, c’est le catéchisme en images. Malgré ça, ils veulent bien correspondre avec nous, il veulent nous considérer comme quelque chose. Il m’a semblé également comme principe de toujours garder les principes de convaincre par les faits plutôt que convaincre par une grande propagande qui serait faite en notre faveur par tous les médias, par toutes les radios, les télévisions, etc.
Essayer de nous faire connaître comme ça, je pense qu’il vaut mieux nous connaître par les réalisations que nous faisons ; par ce que nous faisons aujourd’hui : un séminaire ici, une maison de retraites là, une école ici, un prieuré ici, et tout doucement avec la grâce du Bon Dieu bien sûr, c’est le Bon Dieu qui nous soutient puisque nous essayons de travailler pour Notre-Seigneur, puisque nous essayons de travailler pour l’Eglise, et Notre-Seigneur nous aide, et c’est ce qui s’est fait. Si nous avons eu cette visite de Rome, c’est parce que après douze ans de combat, depuis 75 à 87, et bien Rome a fini par se dire on ne peut pas les considérer comme n’existant pas. La Fraternité ce n’est pas rien, les traditionalistes (en ajoutant tous ceux qui combattent le même combat que nous et qui sont autour de nous) en définitive, ce n’est pas rien. Il faut donc que nous fassions quelque chose et voilà que la visite a eu lieu, et je pense que c’est déjà une grande victoire de la Tradition parce que cette visite a été certainement (au moins elle a été dans les termes) et justement le dernier numéro de « Fideliter » vous le raconte en détails. Ça a été une visite qui a été favorable ; ils ont exprimé des sentiments qui nous étaient ouvertement favorables, jusqu’à dire Mgr. Perle aux Soeurs de Fanjeaux : « C’est sur des œuvres comme les vôtres que l’on reconstruira l’Eglise ». On ne peut pas faire un compliment plus beau que celui-là. Je pense en disant cela il l’étend à tout ce qu’il a vu au cours de son voyage, parce qu’il a fait plus ou moins les mêmes compliments partout, le Cardinal de même. Je pense que la conclusion, vous avez vu vous mêmes, le Cardinal a assisté officiellement à la Messe du renouvellement des engagements le 8 décembre. Assister à la Messe d’un « suspens a divinis », c’est comme même assez peu ordinaire pour un Cardinal. C’est une conclusion, c’était la conclusion de sa visite, ça s’est inscrit dans l’histoire, on ne peut plus changer ça, c’est fini. Quand on fera l’histoire de la Fraternité l’histoire de notre résistance, l’histoire de notre combat, ça ce sont de faits inscrits, c’est clair.
On pourra dire tout ce qu’on voudra, Rome pourra tout ce qu’elle voudra après, je dirais même presque démentir, « mais il n’était pas pour ceci ou pour cela, mais il n’a pas fait ceci… » C’est fait, c’est dit, c’est accompli, c’est dans l’histoire, Rome est obligée de reconnaître que le travail de la continuation de la Tradition est un travail de reconstruction de l’Eglise, et un travail de la continuation de l’institution de l’Eglise. Ils sont obligés de le reconnaître.
Alors, est-ce que notre combat va être suffisant, est-ce que le développement de la Fraternité est suffisant pour que nous arrivions à installer à Rome même la Tradition ? C’est le secret du Bon Dieu, c’est possible, c’est une chose possible en ce sens que sans changer, donc à condamnant toujours les erreurs, en demeurant dans la vérité, dans la Tradition. « Que Rome vienne à nous accorder ce que nous demandons d’avoir un bureau à Rome, d’avoir une représentation à Rome, officielle, sans contrepartie, sans compromissions, sans nous demander d’accepter leurs erreurs. Et bien, ça serait déjà une deuxième victoire de la Tradition, de Notre-Seigneur en définitive. Parce que alors, pourquoi ne pas nous accorder une fois que nous avons une reconnaissance officielle à Rome par un office quelconque, pourquoi ne pas nous accorder une église à Rome ? Il n’y a plus de raison de nous refuser une église, il y a tellement d’églises qui ne servent à rien à Rome, on peut bien nous en accorder une et donc il y aurait le retour officiel de la Tradition dans une église à Rome, avec toutes les cérémonies traditionnelles avec toutes les… se serait extraordinaire. Et il n’y a aucun doute que cela aurait une très grosse influence à Rome.
Alors comme je l’ai déjà dit maintenant, une deuxième étape évidemment, là c’est un projet encore plus difficile à réaliser sans doute, mais enfin qui sait. Si on veut bien reconnaître le bienfait de nos séminaires, le bienfait de la formation des prêtres, nous donner un séminaire à Rome, ça serait le couronnement de notre œuvre, on vous transporte tous à Rome et on vous fait tous les cours en latin, messieurs les professeurs. Parce que alors il n’y a pas de raison qu’il n’y ait pas des séminaristes pourvu qu’ils viennent avec de bonnes intentions, pas avec des intentions de nous noyauter, de nous diviser, de nous faire pénétrer les erreurs chez nous. Mais s’il y a des jeunes qui viennent du monde entier à Rome parce qu’on veut faire son séminaire à Rome et qu’ils viennent chez nous, dans notre séminaire. On referait ce que Rome a fait pendant des siècles, ces Universités : la Grégorienne, l’Angélique, le Latran. Au fond ces trois grandes Universités romaines ont donnés 60 à 70 % des évêques du monde entier. (C’est de ces Universités là que sont sortis au moins 60 à 70 % des évêques dans le monde entier), alors ! Il n’y a pas de raison que notre séminaire de Rome, s’il plaît à Dieu, fournisse les évêques pour le monde entier aussi ; nous avons encore quelque espoir, vous voyez ! Mais tout cela avec la grâce du Bon Dieu est possible bien sûr, ça serait un bon rêve, mais qui sait, le Bon Dieu peut le réaliser. Parce que le retour vraiment à la Tradition de toute la chrétienté ne se fera qu’avec l’aide de Rome. Nous pouvons faire nous tout ce que nous pouvons et certes nous le faisons pour le retour de la Tradition. Mais il faut que ce soit Rome qui finisse par reprendre en mains sa propre Tradition, ce n’est pas possible autrement. […]
Ecône – Avril 1988[↩]