Histoire et liturgie de l’Église malankare (ou syro-malankare)

Saint Thomas apôtre, évangélisateur de l'Inde

Histoire

D’après la tra­di­tion, l’Inde fut évan­gé­li­sé par l’apôtre saint Thomas. En effet, après la Pentecôte, celui-​ci, après avoir évan­gé­li­sé la Mésopotamie, débar­qua sur la côte ouest de l’Inde vers l’an 52, dans une région nom­mée le Malabar (actuel­le­ment le Kerala). Les indiens qui reçurent alors l’Évangile prirent le nom de chré­tiens de saint Thomas.

Dans les com­men­ce­ments jusqu’au XVe siècle, ces chré­tiens dépen­daient juri­di­que­ment de l’Église d’Orient (qui cor­res­pond à l’Église chal­déenne d’aujourd’hui). Or cette der­nière étant, à l’époque, schis­ma­tique, les chré­tiens de saint Thomas se trou­vaient alors de fac­to en dehors de l’Église catholique.

L’arrivée de mis­sion­naires por­tu­gais com­pli­qua net­te­ment la situa­tion. Voici un court résu­mé de cette his­toire complexe.

Vers 1500, lorsque débar­quèrent les por­tu­gais, ceux-​ci décou­vrirent une cen­taine de mil­liers de chré­tiens. Des mis­sion­naires ten­tèrent d’avoir des contacts, ce qui se pas­sa tran­quille­ment. Et même ils obtinrent, de ces chré­tiens, de reve­nir à l’unité de l’Église catho­lique, pour des rai­sons bien plus poli­tiques que religieuses.

Si les por­tu­gais s’en étaient tenus à ce stade, l’Église catho­lique aurait joui d’avoir retrou­vé en son sein ses bre­bis éga­rés hors de son uni­té. Mais ceux-​là com­mirent la grande erreur de lati­ni­ser leur rite, voire même de leur impo­ser le rite latin, ce qui sou­le­va l’ire des chré­tiens de saint Thomas qui voyaient leur tra­di­tion apos­to­lique et toute hono­rable supprimée.

En juin 1599, l’archevêque por­tu­gais de Goa, Mgr de Menendez, convo­qua un synode nom­mé Diamper afin de déci­der de cette union. Les chré­tiens, contraints d’accepter, furent regrou­pés sous le nom d’ « Église catho­lique syro-​malabare ». Cela leur fut dif­fi­cile à deux points de vue : ils per­dirent une cer­taine auto­no­mie ain­si que leur tradition.

C’est en 1653 qu’un tiers de ces chré­tiens nou­vel­le­ment catho­liques se révol­tèrent, quit­tèrent l’Église catho­lique et for­mèrent une nou­velle Église nom­mée « Église ortho­doxe syro-​malankare » se pla­çant sous la juri­dic­tion des schis­ma­tiques syriens (jaco­bites d’Antioche), afin de reprendre leur rite syrien.

N’étant pas sous la gou­ver­nance du Saint-​Esprit, des divi­sions eurent lieu par­mi ces ortho­doxes. Au cours du temps, trois Églises déri­vèrent de l’ « Église ortho­doxe syro-​malankare » : les Églises « ortho­doxe malan­kare », « mala­bare indé­pen­dante » et « malan­kare indé­pen­dante Mar Thoma ».

En 1930, 35 000 ortho­doxes syro-​malankars sen­tirent le besoin de se rap­pro­cher de l’Église catho­lique et firent, sous la conduite de leur arche­vêque Mgr Georges Ivanios, leur acces­sion à Rome. Elle fut effec­tive en 1932.

Les années qui sui­virent furent encou­ra­geantes pour ces nou­veaux catho­liques. En effet, plu­sieurs évêques schis­ma­tiques rejoi­gnirent leur rang. Prions pour que davan­tage de schis­ma­tiques reviennent au sein de l’Église de Jésus-​Christ. Prions aus­si pour que ces chré­tiens per­sé­vèrent dans la foi catho­lique, mal­gré la per­sé­cu­tion poli­tique du gou­ver­ne­ment indien.

Liturgie

Si les syro-​malankares avaient le rite chal­déen, au com­men­ce­ment de leur évan­gé­li­sa­tion, la suite des évé­ne­ments, tels que rela­tés dans l’article pré­cé­dent, le leur fit perdre, notam­ment avec l’union à Rome. C’est, au final, après plu­sieurs « péri­pé­ties », du rite syrien que leur litur­gie s’est lar­ge­ment ins­pi­rée, au XVIIe siècle.

Pour ce qui est de la struc­ture de l’église, ain­si que des habits sacer­do­taux, la litur­gie syro-​malankare est moins orne­men­tée que celle des syriens. C’est ain­si que leur sanc­tuaire est à peine visible depuis la nef, car un mur sépare les deux par­ties. Seul un trou, large d’à peine 2 mètres, per­met l’accès au sanc­tuaire. Et si des fidèles choi­si­raient leur place pour voir un peu mieux de ce qui se passe à l’autel, la décep­tion sera grande lorsque les aco­lytes tire­ront un rideau, cachant l’autel tous les temps prin­ci­paux de la réa­li­sa­tion des mys­tères sacrés.

D’ailleurs, ce mur est assez sobre. Au lieu d’être une ico­no­stase pleine de repré­sen­ta­tion de saints, il n’est recou­vert que de quelques icônes. Peut-​être est-​ce dû au manque de moyen de l’Église, ayant tou­jours été sous domi­na­tion hin­doue, empê­chant ain­si le culte de se déployer dans toute sa splendeur.

En revanche, contrai­re­ment aux syriens, le rite syro-​malankare compte beau­coup plus de sym­boles, au point que cer­tains litur­gistes affirment que c’est, sans doute, la messe la plus riche en symboles.

Pour prou­ver cette asser­tion, il suf­fit de voir com­ment les malan­kares veulent sym­bo­li­ser la récep­tion des béné­dic­tions de Dieu depuis l’autel. En voi­ci trois exemples marquants.

  1. Durant le Saint Sacrifice de la messe, le prêtre adresse au peuple cette salu­ta­tion : « La paix soit avec vous », à quatre moments dif­fé­rents.
    À chaque fois, ce vœu est accom­pa­gné de six béné­dic­tions : trois du côté de l’autel, trois vers le peuple.
    Pour ce faire, le prêtre touche chaque offrande (pain et vin) ; puis il appuie sa main gauche sur l’autel, se tourne vers le peuple, et de la main droite, lar­ge­ment ouverte, il la trans­met aux fidèles.
  2. Une autre manière de reti­rer sym­bo­li­que­ment la béné­dic­tion du saint Sacrifice de la messe est de tra­cer un petit signe de croix sur la pierre d’autel, la patène et le calice, puis de refaire le même petit signe de croix sur le mis­sel pour y trans­fé­rer la bénédiction.
  3. Enfin, une troi­sième façon de « pui­ser » la béné­dic­tion consiste à poser les mains sur le calice et la patène avant de les rame­ner sur la poi­trine. Le prêtre fait ce geste à six reprises, durant les prières nom­mées Intercessions.

Pour ter­mi­ner, voi­ci la béné­dic­tion que le prêtre donne au peuple après la sainte Communion, insis­tant sur la misé­ri­corde divine :

Dieu grand et admi­rable, qui avez abais­sé le ciel et êtes venu sur terre pour sau­ver l’humanité, regardez-​nous avec misé­ri­corde et pitié. Bénissez votre peuple et conser­vez votre héri­tage afin que nous puis­sions tou­jours vous rendre gloire. Vous êtes notre vrai Dieu, dans l’unité du Père qui vous a engen­dré, et avec l’Esprit-Saint, main­te­nant et à jamais, dans les siècles des siècles. Amen.