Mes bien chers amis,
Mes bien chers frères,
Vous venez d’entendre dans l’Évangile, le récit de la Transfiguration de Notre Seigneur et vous avez peut-être remarqué qu’hier, samedi des Quatre-Temps, nous avons déjà lu le même Évangile.
La Tradition nous dit qu’autrefois à la Station de Saint-Pierre à Rome, les chrétiens se réunissaient autour du Souverain Pontife et passaient la nuit en prière, pour préparer les ordinations qui devaient avoir lieu dans la matinée du dimanche. C’est pourquoi on lisait, en ce temps-là, au cours de la nuit de prière, l’Évangile de la Transfiguration qui était répété lorsque les deux cérémonies ont été séparées, celle du dimanche et celle du samedi des Quatre-Temps. C’est pourquoi nous avons cette répétition du même Évangile.
Mais nous pouvons nous demander surtout, nous poser cette question, pourquoi l’Évangile de la Transfiguration en ce temps de carême ? Ne devrions-nous pas plutôt méditer sur la Passion de Notre Seigneur, sur ses souffrances, sur ses douleurs, plutôt que sur sa gloire. Précisément la Sainte Église a voulu en cela, suivre l’exemple que Notre Seigneur nous donne. Notre Seigneur a voulu qu’avant sa Passion, avant la nuit du scandale de la Croix, du scandale du Sang, qui a inondé son visage, avant cette nuit de l’agonie, cette nuit du jugement, cette nuit de la flagellation, qu’avant cette nuit où les apôtres se sont dispersés. Notre Seigneur a voulu affermir leur foi, la foi de Pierre, de Jacques et de Jean, en leur montrant sa gloire.
C’est pourquoi l’Église a voulu, que ce récit de la Transfiguration figure en ce temps de carême, afin d’affermir notre foi, afin d’affermir notre espérance. Car, si au cours des semaines qui viennent, nous aurons à méditer sur les souffrances et les douleurs de Notre Seigneur, sur sa crucifixion, sur sa mort, eh bien nous aurons cette pensée que c’est le même qui souffre et qui également a reçu cette gloire sur le Thabor. Et par conséquent est vraiment Dieu.
Ceci doit être pour nous, en même temps il me semble, une grande leçon, dans notre vie courante, dans notre vie quotidienne.
Si Notre Seigneur a voulu raffermir la foi de ses apôtres en manifestant sa gloire auprès d’eux, c’est que nous avons besoin ici-bas, d’être raffermis, d’être en contact plus intime avec le Ciel, avec la gloire de Dieu. Et il me semble que c’est pour nous une grande leçon, pour notre vie sacerdotale en particulier et même aussi pour la vie des consacrés à Dieu et la vie de tous les chrétiens. Nous avons besoin de vie contemplative, pour mener une vie active vraiment féconde et chrétienne.
Nous ne pouvons pas nous passer de contemplation. Car c’est cela en définitive que Notre Seigneur a voulu donner aux apôtres. Il a voulu leur donner quelques instants, une contemplation admirable de sa gloire.
Donc c’est l’image de la vie contemplative que nous devons tous avoir. Nous devons être des contemplatifs. Notre Seigneur l’a voulu ; Notre Seigneur le veut toujours.
Contemplatifs comment ? En ayant les mêmes grâces que les trois apôtres qui ont vu Notre Seigneur dans sa gloire.
Cela c’est le secret de Dieu. Mais ce n’est pas cela en général que Notre Seigneur nous a promis. Notre Seigneur nous promet d’être avec nous, d’être en nous, glorieux, dans sa gloire, dans nos cœurs, dans nos âmes, uni à nous, si nous voulons observer ses commandements.
Et pour être dans les dispositions vraiment parfaites à cette vie contemplative, nous devons aussi demander à Dieu ce qu’il pense. Et Il nous l’a dit. Notre Seigneur nous l’a dit dans ses Béatitudes :
Beati mundo corde : quoniam ipsi Deum videbunt : (Mt 5,1,12) « Bienheureux ceux qui ont le cœur pur, car ils verront Dieu ». C’est à ceux-là que Notre Seigneur promet la vision de Dieu, et la vision de Dieu ici-bas. Dans ses béatitudes. Notre Seigneur ne parle pas du futur. Sans doute Il promet aussi la récompense à ceux qui pratiquent la justice, mais Il promet ici-bas déjà sa vision, sa vision d’une manière particulière : Beati mundo corde : « Bienheureux les cœurs purs ». Qu’est-ce que cela veut dire les cœurs purs ? C’est-à-dire les cœurs détachés d’eux-mêmes, des cœurs qui fuient l’égoïsme et qui fuient l’orgueil. C’est cela qui nous empêche de nous unir à Dieu. Tout ce qui entretient notre égoïsme, tout ce qui entretient notre orgueil diminue la vision que nous pouvons avoir de Dieu, par la grâce sanctifiante, par la présence de Dieu en nous. Car cette présence de Dieu en nous est surtout une présence qui est dans notre intelligence, dans notre volonté et dans notre cœur.
Nous pouvons voir Dieu des yeux de la foi. Et les grâces que le Bon Dieu nous donne, suivant qu’elles tombent dans un terrain bien préparé, suivant qu’elles tombent dans des cœurs plus ou moins purs, fructifient plus ou moins. Et c’est pourquoi, nous sommes parfois surpris de voir que des personnes qui fréquentent de la même façon les sacrements ont des grâces toutes différentes. Que certains progressent rapidement dans la sainteté et la perfection et que d’autres piétinent.
Pourquoi ? Le secret de cela c’est surtout le manque d’humilité. Pour acquérir la pureté du cœur, il faut avoir l’humilité ; il faut s’oublier soi-même pour ne plus penser qu’à Dieu, pour ne plus voir que Dieu.
Esurientes implevit bonis : « Ceux qui sont pauvres. Il les remplit de biens ».
(…) et divites dimisit inanes : « Ceux qui sont riches. Il les renvoie les mains vides ».
Les mains vides, si nous sommes riches de nous-mêmes, si nous sommes plein de nous-mêmes, le Bon Dieu n’a plus rien à faire en nous. Si au contraire, nous sommes vides de nous-mêmes, alors il y a place pour Dieu en nous.
Humilibus dat gratiam, superbis resistit : « Aux humbles Il donne la grâce, aux orgueilleux Il résiste » .C’est grave que Dieu résiste aux âmes, que Dieu ne veuille plus rentrer dans une âme parce qu’il y trouve l’orgueil. Au contraire aux âmes humbles Il donne la grâce.
Ainsi prenons la résolution, si nous voulons vraiment vivre avec Dieu, voir Dieu d’une manière qui, certes ne sera pas la vision béatifique, mais qui sera un commencement de cette vision béatifique qui nous est promise. La grâce n’est pas autre chose que le commencement de la vision béatifique.
Les âmes qui ont eu de grandes grâces le disent. On peut expérimenter Dieu, expérimenter la présence de Dieu en nous, comme la présence d’un ami dans l’obscurité. Si nous ne le voyons pas, nous connaissons la présence de cet ami, de cette personne aimée auprès de nous. Nous ne la voyons pas, mais nous la connaissons, nous savons qu’elle est là.
De même nous pouvons par la grâce, savoir, avoir la foi et croire que Dieu est présent en nous, qu’il est avec nous. Il nous le dit d’une manière très précise :
Si diliget me : mandata mea servate (Jn l4, l5) : « Si quelqu’un garde mes commandements, celui-là m’aime ».
Qui autem diligit me, diligetur a Patre meo : « Si quelqu’un m’aime, il sera aimé de mon Père ». Et ego diligam eum et manifestabo ei meipsum (Jn l4,2l) : « Celui qui m’aime sera aimé de mon Père ». Je l’aimerai et je me manifesterai à lui.
Donc reprenons le début de la phrase : Si guis servat mandata mea : « Si quelqu’un observe mes commandements, je me manifesterai à lui ». Faire la volonté du Bon Dieu, se soumettre à la volonté du Bon Dieu, être dans l’obéissance, comme Notre Seigneur nous en a Lui-même montré l’exemple.
Si nous voulons suivre un jour Notre Seigneur sur le Thabor, suivons-Le aussi dans son humilité, suivons-Le dans sa Croix ; suivons-Le dans son Eucharistie où Il se cache humblement pour nous, comme Il l’a fait sous le voile de son humanité.
Suivons donc Notre Seigneur dans son humilité, si nous voulons Le suivre aussi dans sa gloire.
Notre Seigneur a dit : Humiliavit semetipsum factus obediens usgue ad mortem, mortem autem crucis (Ph 2,8) : « Il s’est rabaissé lui-même, se rendant obéissant jusqu’à la mort et jusqu’à la mort de la Croix ».
Il s’est humilié jusqu’à se faire obéissant, obéissant jusqu’à la mort sur la Croix, c’est-à-dire jusqu’à son dernier souffle. Si nous aussi nous voulons être à l’image de Notre Seigneur, si nous voulons Le suivre, nous devons aussi nous humilier jusqu’au dernier souffle de notre vie et obéir jusqu’au dernier souffle de notre vie. Et ainsi, nous entrerons un jour, s’il plaît à Dieu, dans la gloire qu’il a manifestée au jour du Thabor.
Demandons-le à la très Sainte Vierge Marie. Elle qui n’avait pas besoin de monter sur le Thabor pour croire à la gloire de Notre Seigneur Jésus-Christ. Elle qui a été louée par Notre Seigneur.
Il l’a dit à ceux qui disaient : Ici sont tes frères, tes sœurs, ta mère. Il les a repris en disant : « Ceux qui sont mes sœurs, mes frères et ma mère, ce sont ceux qui font la volonté de mon Père ».
Que voulait dire ainsi Notre Seigneur ? Il ne voulait pas du tout signifier qu’il ne reconnaissait plus sa mère. Il voulait signifier au contraire, que sa mère était beaucoup plus sa mère, parce qu’elle avait fait la volonté du Bon Dieu que parce qu’elle était sa mère qui l’avait enfanté.
C’est par son fiât que la très Sainte Vierge est plus proche encore de Notre Seigneur que par son enfantement.
Voilà la leçon que Notre Seigneur nous donne au sujet de sa mère qui est plus agréable au Bon Dieu parce qu’elle a obéi, que parce qu’elle a été la mère de Jésus.
Nous demanderons à Marie de nous aider à faire toujours la sainte volonté de Dieu, afin qu’un jour nous puissions entrer dans sa gloire.
Au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit. Ainsi soit-il.