Sermon de Mgr Lefebvre – Jubilé de 40 ans d’épiscopat de Monseigneur – 3 octobre 1987

Mes bien chers amis,
Mes bien chers frères,

Je vous suis très recon­nais­sant d’être venus si nom­breux à l’occasion de cet anni­ver­saire de mon épis­co­pat, pour rendre grâces à Dieu, pour par­ti­ci­per à nos actions de grâces et deman­der aus­si au Bon Dieu, de me faire misé­ri­corde pour tout ce qui au cours de ces qua­rante années n’aurait pas été accom­pli selon sa sainte Volonté.

Je suis heu­reux aus­si de remer­cier ici la pré­sence des membres de ma famille et je remer­cie éga­le­ment nos chères sœurs qui sont venues nom­breuses par­ti­ci­per à cette céré­mo­nie. Je remer­cie tous les membres des asso­cia­tions qui ont bien vou­lu se dépla­cer pour par­ti­ci­per à cette messe d’action de grâces.

Mes bien chers frères, quelle sera l’idée prin­ci­pale de ces quelques mots que je suis heu­reux de vous don­ner au cours de cette messe. Eh bien, je vou­drais que vous conce­viez que tout mon épis­co­pat, au cours de ces qua­rante années, a été fait sous une lumière. Et quelle est donc cette lumière ? Elle se résume et dans la devise que j’ai vou­lu ins­crire dans mes armoi­ries lorsque j’ai été nom­mé évêque de Dakar et dans la devise de saint Pie X.

Credidimus cari­ta­ti : Nous avons cru à la cha­ri­té et Instaurare omnia in Christo : Tout res­tau­rer dans le Christ. Tout res­tau­rer dans le Christ-Jésus.

Credidimus cari­ta­ti. Mais quelle est donc cette cha­ri­té, sinon l’Incarnation du Verbe de Dieu ; la mis­sion que Dieu a vou­lu accom­plir par­mi nous, mis­sion de cha­ri­té, mis­sion d’amour, mis­sion de misé­ri­corde, par la Rédemption, par la Croix, par son Saint Sacrifice. Voilà l’amour dans lequel nous croyons. Nous croyons en Jésus-​Christ, né, mort sur la Croix, res­sus­ci­té, pour la rédemp­tion de nos âmes. Et nous vou­lons ins­tau­rer le règne de Notre Seigneur Jésus-​Christ, c’est la devise de saint Pie X, notre saint Patron, saint Patron de notre Fraternité.

C’est sous cette lumière, mes bien chers frères, que se sont dérou­lé ces qua­rante années de mon épis­co­pat. Et évi­dem­ment au cours de ces qua­rante années, les cir­cons­tances ont été très dif­fé­rentes, sui­vant que je me suis trou­vé à Dakar, pen­dant quinze années et en même temps Délégué apos­to­lique pour l’Afrique fran­co­phone et puis les années qui ont suivi.

Les quinze années de Dakar ont été – je puis le dire – des années mer­veilleuses, mer­veilleuses parce que rem­plies de grâces. Au cours de ces années, après la guerre, le calme reve­nu, la paix étant reve­nue, il y a eu une atmo­sphère très favo­rable au règne de Notre Seigneur Jésus-​Christ dans les mis­sions. Les gou­ver­ne­ments, d’une manière géné­rale, ne fai­saient pas d’opposition, même dans l’ensemble favo­ri­saient plu­tôt nos écoles, nos œuvres et par consé­quent notre apos­to­lat. Et c’est ain­si que dans des dio­cèses qui, de qua­rante cinq sont pas­sés à soixante quatre, pen­dant les onze ans que j’ai pas­sés comme Délégué apos­to­lique en Afrique, dans ces dio­cèses, un immense déve­lop­pe­ment s’est opé­ré par le zèle des mis­sion­naires, par le zèle des évêques, par la mul­ti­pli­ca­tion des sémi­naires, la mul­ti­pli­ca­tion des œuvres reli­gieuses, abon­dance de voca­tions, sémi­naires rem­plis, reli­gieuses venues d’Europe, venues du Canada pour aider à l’évangélisation, reli­gieuses autoch­tones, afri­caines. Il était vrai­ment très conso­lant, à l’occasion de mes visites, de consta­ter cet immense déve­lop­pe­ment, mer­veilleux, dans la paix, dans l’union de tous et dans la foi, dans la foi catho­lique. Il n’y avait pas de pro­blème, pas de contes­ta­tion, pas de division.

Mais après ces quinze années pas­sées à Dakar et à la fin de ces années, c’est alors que je fus appe­lé par le pape Jean XXIII pour par­ti­ci­per à la Commission Centrale Préparatoire du concile. Je suis mon­té maintes fois à Rome, pour me trou­ver dans cette assem­blée, impo­sante de soixante-​dix car­di­naux, de vingt arche­vêques et évêques et de quatre géné­raux d’ordre, sou­vent réunions pré­si­dées par le pape Jean XXIII lui-​même, pour pré­pa­rer le concile.

Et j’avoue qu’alors, cet idéal et cette lumière qui illu­mi­naient mon épis­co­pat, a été pro­fon­dé­ment trou­blée. J’ai sen­ti, à l’occasion de ces réunions, à l’occasion des dis­cus­sions, à l’occasion il faut le dire, des oppo­si­tions par­fois entre car­di­naux, j’ai sen­ti qu’un vent nou­veau pas­sait dans l’Église. Un vent qui me sem­blait n’être pas le souffle du Saint-Esprit.

Et ayant rési­lié mes fonc­tions d’archevêque de Dakar, sur la demande du Saint-​Siège pour prendre le siège de Tulle, en 1962, j’ai éprou­vé, en 1962 pré­ci­sé­ment, pen­dant la pré­pa­ra­tion du concile qui s’est ouvert en octobre 1962, j’ai sen­ti aus­si que dans ce dio­cèse de Tulle une autre atmo­sphère que celle que j’avais sen­tie à Dakar, souf­flait et mani­fes­tait clai­re­ment des dif­fi­cul­tés graves dans la Sainte Église. Dans ce dio­cèse appa­rais­sait un cer­tain décou­ra­ge­ment, devant le contraire de ce que j’avais vu en Afrique.

Diminution des voca­tions, fer­me­ture du sémi­naire. Tous les ans, depuis déjà un cer­tain nombre d’années, me disait mon pré­dé­ces­seur Mgr Chassagne, on ferme des mai­sons reli­gieuses ; on ferme des écoles catho­liques. Les sœurs quittent les hôpi­taux. Une grande dou­leur, un grand désar­roi affec­tait ces bons prêtres. Car les prêtres étaient très pieux et très fer­vents. Mais ils sen­taient comme une espèce de fata­li­té qui des­cen­dait sur ce dio­cèse et d’ailleurs dans les autres dio­cèses aus­si, devant cette dimi­nu­tion des ouvriers pour la vigne du Seigneur.

Et puis, un esprit nou­veau souf­flait : il faut aller au monde ; il faut sor­tir de nos sacris­ties ; il faut chan­ger notre litur­gie si nous vou­lons être à la page ; si nous vou­lons être enten­dus, il faut épou­ser les idées du monde, de ce monde du travail.

Alors com­men­çaient les prêtres ouvriers. Alors pour la pre­mière fois, dans une réunion épis­co­pale de Bordeaux, dans laquelle je me trou­vais, puisque c’était l’archevêque de Bordeaux qui était le pré­sident de la réunion du Sud-​Ouest, dans cette assem­blée, pour la pre­mière fois a été posée la ques­tion qui m’a sem­blé pour moi ahu­ris­sante, invrai­sem­blable : Faut-​il que nos prêtres gardent encore la sou­tane ? Alors que tous nos prêtres avaient la sou­tane ; il n’était pas ques­tion qu’ils la quittent nulle part. Les évêques posant cette ques­tion là ! Et l’archevêque disant : « Oh je pense en effet qu’il serait bien pré­fé­rable que nous aban­don­nions la soutane ».

J’ai sen­ti un esprit nou­veau, un esprit d’abandon de Notre Seigneur Jésus-​Christ. Car enfin la sou­tane est un sym­bole. Bien sûr que l’on peut être bon prêtre sans la sou­tane. Mais c’est un sym­bole, sym­bole de l’esprit de Notre Seigneur Jésus-​Christ, de l’esprit de pau­vre­té, de l’esprit de renon­ce­ment, de l’esprit de chas­te­té. Et que prêchons-​nous, nous prêtres, sinon ces ver­tus : ver­tu de pau­vre­té, ver­tu d’obéissance, de chas­te­té, d’humilité, de renon­ce­ment, dont la sou­tane est le modèle et le symbole.

Abandonner la sou­tane, c’était en quelque sorte, vis-​à-​vis de nos fidèles, vis-​à-​vis de nos popu­la­tions, aban­don­ner l’idéal de Notre Seigneur Jésus-​Christ, dont nos fidèles ont besoin pour se main­te­nir dans la ver­tu. Tout cela était de mau­vais augure. Et en effet, il a bien fal­lu consta­ter que dans le concile, il y avait des divi­sions profondes.

Alors j’ai été élu Supérieur géné­ral des Pères du Saint-​Esprit. Pourquoi me faisait-​on confiance, alors que j’étais déjà connu pour mes idées tra­di­tion­nelles ? Cependant, mes confrères ont vou­lu m’élire comme supé­rieur géné­ral d’une congré­ga­tion qui comp­tait 5.300 membres et 60 évêques, soixante dio­cèses dans les divers pays du monde afri­cain et américain.

Alors s’est dérou­lé le concile avec son esprit nou­veau. Avec un esprit d’écoute, d’écoute favo­rable au monde, à l’esprit de liber­té, à l’esprit de déma­go­gie qui s’est tra­duit par un esprit col­lé­gial qui détrui­sait la notion de l’autorité. L’autorité ne pou­vait plus s’exercer sans être obli­gée de deman­der à tous les sujets, quelle était leur pen­sée. Et ces sujets, comme il est ins­crit dans le décret des reli­gieux, les reli­gieux ont droit à par­ti­ci­per à l’exercice de l’autorité. C’est la des­truc­tion de l’autorité. Comment l’autorité peut-​elle s’exercer s’il faut qu’elle demande à tous les membres de par­ti­ci­per à l’exercice de l’autorité ?

C’est cela qui a été l’une des carac­té­ris­tiques du concile. Contre l’autorité du pape, les évêques se sont dres­sés ; contre l’autorité des évêques, contre toute auto­ri­té, même ensuite l’autorité du père de famille, l’autorité des supé­rieurs des congré­ga­tions reli­gieuses. Je l’ai sen­ti dans ma congrégation.

Il était dif­fi­cile de diri­ger la congré­ga­tion à cause de ce vent de liber­té et d’inquisition en quelque sorte, qui se sou­le­vait chez les membres. C’est un esprit révo­lu­tion­naire qui alors a souf­flé dans le concile. Et sont venues ensuite les réformes post-​conciliaires, les réformes des congré­ga­tions, réformes des sémi­naires, réformes de la Curie romaine.

Réformes des congré­ga­tions reli­gieuses : est venu cet ordre qu’il fal­lait que les congré­ga­tions reli­gieuses s’adaptent au nou­vel esprit, à ce que l’on appe­lait déjà « l’esprit du concile ». Esprit mon­dain, esprit qui n’est plus véri­ta­ble­ment chré­tien ; qui n’est plus l’esprit d’humilité, d’obéissance, de dépen­dance de Dieu. Tout le monde vou­lait son indépendance.

Et alors, à l’occasion (de la réunion) du cha­pitre géné­ral (de ma congré­ga­tion) quand j’ai consta­té que les effets du concile détrui­saient com­plè­te­ment l’autorité de la congré­ga­tion de laquelle j’étais supé­rieur encore pour six ans – j’étais élu jusqu’en 1974 – j’ai pré­fé­ré don­ner ma démis­sion. Je n’ai pas vou­lu signer les actes de ce cha­pitre géné­ral qui démo­lis­saient notre congré­ga­tion des Pères du Saint-​Esprit. Et c’est un fait aujourd’hui : elle est rui­née. Il n’y a plus de novi­ciat ; il n’y a plus de mis­sion­naires à envoyer en Afrique. C’est la des­truc­tion de notre chère congrégation.

C’est donc dans ce cli­mat, mes bien chers frères, que s’est dérou­lé mon épis­co­pat après quinze années de Dakar. Atmosphère dou­lou­reuse ! Nous sen­tions un esprit qui n’était plus celui de Notre Seigneur Jésus-​Christ ; qui n’était plus l’esprit vrai­ment chrétien.

Et puis avec les années qui ont pas­sé, sont venues ces mani­fes­ta­tions d’œcuménisme, d’un œcu­mé­nisme qui est contraire à l’esprit de Notre Seigneur Jésus-​Christ, contraire à la royau­té de Notre Seigneur Jésus-Christ.

Et alors devant les réformes qui s’établissaient un peu par­tout et par­ti­cu­liè­re­ment dans les sémi­naires, me sont venus du Séminaire fran­çais (de Rome) quelques sémi­na­ristes tan­dis que j’avais pris une retraite dans la mai­son des Lithuaniens à Rome. Des jeunes du Séminaire fran­çais sont venus, insis­ter auprès de moi, pour que je fasse quelque chose pour eux, puisque dans le sémi­naire c’était le désordre. C’était aus­si la révo­lu­tion. Il n’y avait plus de dis­ci­pline ; il n’y avait plus d’esprit d’étude ; il n’y avait plus d’esprit de prière. Il y avait une nou­velle litur­gie qui s’instaurait. Chaque semaine il y avait un « comi­té de litur­gie » nom­mé, qui chan­geait la liturgie.

Devant ce désar­roi, devant ce désordre, ils sont venus me deman­der de les aider à gar­der la foi, à gar­der la Tradition, à gar­der ce qu’on leur avait ensei­gné dans leur jeu­nesse. Alors, pous­sé par ces jeunes, je suis venu ici en Suisse, je suis venu voir Mgr Charrière, que je connais­sais déjà, qui était venu à Dakar pas­ser quinze jours parce qu’il y avait des petits Suisses qui se trou­vaient dans le dio­cèse de Dakar.

J’ai deman­dé au Bon Dieu que ce soit là le signe de la Providence. Ou bien Mgr Charrière accep­tait cette fon­da­tion, ou il la refu­sait, ce serait le signe du Bon Dieu.

Et quand je suis venu le voir, le cher Mgr Charrière m’a dit : « Mais Monseigneur, faites, faites, je vous en sup­plie. Nous sommes dans une situa­tion grave, tra­gique. Je le sens dans mon dio­cèse aus­si », m’a‑t-il dit, « où allons-​nous ? Où allons-​nous ? Nous allons à la des­truc­tion de la foi. Faites, faites quelque chose ici. Louez un appar­te­ment pour vos sémi­na­ristes ; occupez-​vous en. Je vous donne toute autorisation. »

Et ce n’est qu’un an après qu’il nous signait le décret de recon­nais­sance de la fon­da­tion de la Fraternité Sacerdotale Saint-​Pie X. (1er novembre 1970).

Donc nous étions par­fai­te­ment en règle avec les auto­ri­tés de l’Église, mais évi­dem­ment, main­te­nant la tra­di­tion, contrai­re­ment à ce vent qui souf­flait contre la tra­di­tion et qui souf­flait dans les plus hautes ins­tances de l’Église, puisque l’épuration s’était faite. Les car­di­naux tra­di­tio­na­listes, les arche­vêques tra­di­tio­na­listes dans les postes impor­tants – comme celui de Dublin, comme celui de Madrid – étaient éli­mi­nés tout sim­ple­ment. Et les car­di­naux qui étaient tra­di­tio­na­listes et conser­va­teurs, à Rome, étaient eux aus­si rem­pla­cés immé­dia­te­ment. Le car­di­nal Ottaviani et d’autres car­di­naux comme lui, ont été bien sûr, immé­dia­te­ment remer­ciés. Il était évident que mon ini­tia­tive ne pou­vait pas plaire aux auto­ri­tés romaines et aux auto­ri­tés fran­çaises par­ti­cu­liè­re­ment, qui crai­gnaient de voir reve­nir chez eux des prêtres gar­dant la tra­di­tion, gar­dant la sou­tane, gar­dant la litur­gie d’autrefois.

Et c’est pour­quoi est venue la per­sé­cu­tion. Persécution dont vous, mes chers amis, vous mes chers amis suisses, qui entou­raient Écône, avez été les témoins. Et vous, bien chers prêtres qui déjà sont prêtres depuis une dizaine d’années, vous avez été à ce moment-​là, témoins de 1974 à 1977, des dif­fi­cul­tés que nous avons eues avec Rome, parce que nous gar­dions la Sainte Messe de tou­jours. Parce que nous gar­dions la foi en Notre Seigneur Jésus-​Christ Roi. Et que cette messe exprime pré­ci­sé­ment la royau­té de Notre Seigneur Jésus-​Christ. Par le res­pect qui s’exprime dans ces céré­mo­nies – vous pou­vez le voir, le consta­ter – res­pect pro­fond pour la Personne de Notre Seigneur Jésus-​Christ, pour le Corps, le Sang, l’Âme, la Divinité de Notre Seigneur Jésus-​Christ dans l’Eucharistie et le res­pect qui s’exprime à ceux qui repré­sentent Notre Seigneur Jésus-​Christ, dans ces cérémonies.

La vraie litur­gie est une école de foi, une école de res­pect et d’adoration envers Dieu et de res­pect envers ceux qui par­ti­cipent à l’autorité de Notre Seigneur Jésus-​Christ. C’est toute une école. C’est toute une édu­ca­tion qui est faite depuis notre enfance. Lorsque nous consta­tons cela enfant, nous nous ren­dons compte en gran­dis­sant qu’il y a un grand mys­tère, le mys­tère de Dieu, le mys­tère de l’autorité de Dieu dont nous dépen­dons à tout ins­tant de notre vie et qui s’exprime dans ce mys­tère de la Croix, qui se réa­lise sur nos autels et toute l’attitude de l’Église vis-​à-​vis de Notre Seigneur JésusChrist .

Et voi­là (main­te­nant) où nous en sommes !

Alors on a essayé, jusqu’à pré­sent, de nous faire com­prendre qu’il fal­lait suivre le nou­veau cou­rant. Et je répé­tais constam­ment : Si je suis le cou­rant que vous sui­vez vous-​mêmes, eh bien j’aurai les mêmes résul­tats. C’est-à-dire, vos sémi­naires se ferment, vos sémi­naires se vendent et les prêtres que vous for­mez n’ont plus l’esprit sacer­do­tal. La meilleure preuve c’est qu’un bon nombre d’entre eux, après deux ans, trois ans d’ordination, se marient et aban­donnent le sacer­doce. Je ne veux pas en arri­ver là avec mes séminaristes !

Je veux des prêtres authen­tiques, des prêtres de Notre Seigneur Jésus-​Christ, qui croient, qui ont la foi et qui sont prêts à souf­frir pour leur foi. Qui sont prêts à renon­cer à toutes ces habi­tudes mon­daines qui se sont intro­duites à l’intérieur de l’Église et qui ont enva­hi même les sacris­ties et le sacerdoce.

Voilà où je me trouve au temps de ma qua­ran­tième année d’épiscopat. Or, il se trouve que devant ces deux orien­ta­tions qui pra­ti­que­ment sont incom­pa­tibles – c’est ce que je disais au car­di­nal Ratzinger le 14 juillet der­nier : Éminence, voyez-​vous, il est très dif­fi­cile que nous puis­sions nous entendre, parce que vous, vous êtes pour la dimi­nu­tion du règne de Notre Seigneur Jésus-​Christ, pour que l’on n’en parle pas, pour l’on fasse silence, dans la Société civile que l’on ne parle pas du règne de Notre Seigneur afin que toutes les reli­gions puissent se trou­ver à l’aise dans nos socié­tés et qu’il n’y ait pas seule­ment Notre Seigneur Jésus-​Christ, donc la reli­gion catho­lique. Il ne faut pas abu­ser de ce règne social de Notre Seigneur Jésus-​Christ afin que les juifs, les musul­mans, les boud­dhistes, ne soient pas offus­qués par la Croix et par la foi en Notre Seigneur Jésus-​Christ. Voilà votre attitude !

Eh bien, pour nous, c’est exac­te­ment le contraire. Nous vou­lons que Notre Seigneur Jésus-​Christ règne, parce qu’il est le seul Dieu, parce qu’il n’y a pas d’autre Dieu.

Lorsque nous mour­rons et que nous nous trou­ve­rons dans l’éternité, il n’y aura pas d’autre dieu qui se pré­sen­te­ra à nous que Notre Seigneur Jésus-​Christ, qui sera notre juge. Tu solus Dominus, Tu solus altis­si­mus. Nous l’avons chan­té encore il y a un ins­tant dans le Gloria. Il n’y a pas d’autre Dieu. Ce n’est pas Bouddha qui nous rece­vra au Ciel, ce n’est pas Mahomet, ce n’est pas Luther, c’est Notre Seigneur Jésus-​Christ. Celui qui nous a créés, Celui qui fait que nous sommes sur la terre, Celui qui nous a rache­tés et Celui qui nous attend dans l’éternité.

Alors nous vou­lons qu’il règne : Que votre volon­té soit faite sur la terre comme au Ciel. Et Dieu sait si la volon­té du Bon Dieu est faite au Ciel. Si elle est faite au Ciel, elle doit être faite sur la terre aus­si : Que votre volon­té soit faite sur la terre comme au Ciel. Que votre règne arrive.

Voilà ce que j’enseigne. J’ai dit au Cardinal : Voilà ce que j’enseigne à mes sémi­na­ristes et voi­là ce qu’ils ont dans le cœur. Ils n’ont qu’un sou­ci, qu’un désir, de faire un apos­to­lat pour le règne de Notre Seigneur Jésus-​Christ, dans les âmes, dans les familles, dans la Société. Que Jésus règne par­tout. C’est cela ! C’est pour­quoi il est bien dif­fi­cile que nous nous enten­dions. Votre œcu­mé­nisme ruine la royau­té sociale de Notre Seigneur Jésus-Christ.

Et c’est pour­quoi le livre que j’ai écrit récem­ment a pour titre : Ils L’ont décou­ron­né, – ils ont décou­ron­né Notre Seigneur Jésus-​Christ – et donne l’explication de cette situa­tion que nous vivons aujourd’hui.

Mais à cette occa­sion, il me semble, par une cir­cons­tance par­ti­cu­lière, je pense peut-​être par des ins­tances qui ont été faites par cer­tains car­di­naux, cer­tains évêques auprès du Saint-​Père pour dire : Mais il faut quand même finir avec cette affaire de la Tradition, avec cette affaire d’Écône ; il faut en finir. Ce ne sont tout de même pas des enne­mis de l’Église. Il faut pro­fi­ter de ces forces vives qui se trouvent dans cette Fraternité Sacerdotale Saint-​Pie X pour le bien de l’Église. Vous ne pou­vez pas lais­ser cela indé­fi­ni­ment, alors que tout croule partout.

Lorsque l’on voit et que l’on entend des échos du voyage du Saint-​Père aux États-​Unis et de la situa­tion de l’immoralité aux États-​Unis qui est effa­rante, même dans les milieux catho­liques, même dans les sémi­naires, inima­gi­nable, abso­lu­ment inima­gi­nable ! Alors, où va-​t-​on trou­ver la renais­sance de l’Église ? Pas dans ces sémi­naires où l’on prône l’homosexualité dans les sémi­naires. Il faut savoir où l’on va retrou­ver le vrai sens de la foi, de la vraie ver­tu de Notre Seigneur Jésus-Christ.

Alors, je pense qu’il y a eu des ins­tances fortes qui ont été faites auprès de Rome et c’est ain­si que jamais comme le 14 juillet, on nous a pré­sen­té des solu­tions qui sont extraordinaires.

Alors je pense qu’il y a un dia­logue nou­veau qui s’instaure. Priez, mes bien chers frères, priez pour que ce dia­logue abou­tisse à une solu­tion qui soit pour le bien de l’Église. Nous ne recher­chons pas autre chose. Nous ne recher­chons pas le bien de la Fraternité. Il ne s’agit pas de la Fraternité, il s’agit du bien de l’Église, du salut des âmes, du salut des familles chré­tiennes, du salut des Sociétés chrétiennes.

Alors nous espé­rons que dans ce cli­mat nou­veau qui s’est ins­tau­ré depuis quelques semaines, eh bien des solu­tions nou­velles pour­ront sur­gir. C’est un petit espoir. Oh, je ne suis pas d’un opti­misme exa­gé­ré, parce que pré­ci­sé­ment ces deux cou­rants qui s’opposent, il est bien dif­fi­cile de les accorder.

Mais si Rome veut bien nous don­ner une véri­table auto­no­mie, celle que nous avons main­te­nant, mais avec la sou­mis­sion… nous vou­drions l’avoir, nous l’avons tou­jours sou­hai­té : être sou­mis au Saint-​Père. Il n’est pas ques­tion de mépri­ser l’autorité du Saint-​Père, au contraire, mais on nous a comme jetés dehors parce que nous étions traditionalistes.

Eh bien, si comme je l’ai si sou­vent deman­dé, Rome accepte de nous faire faire l’expérience de la Tradition, eh bien, il n’y aura plus de pro­blème. Nous serons libre de conti­nuer le tra­vail que nous fai­sons main­te­nant, comme nous le fai­sions main­te­nant, sous l’autorité du Souverain Pontife.

Évidemment, cela demande des solu­tions qu’il faut voir, qu’il faut dis­cu­ter, qui ne sont pas faciles à régler dans les détails. Mais avec la grâce du Bon Dieu, il est pos­sible que nous trou­vions une solu­tion qui nous per­mette de conti­nuer notre tra­vail, sans aban­don­ner notre foi, sans aban­don­ner cette lumière, cette lumière dont je vous ai par­lé, qui était celle de mes qua­rante ans d’épiscopat, qui est le règne de Notre Seigneur Jésus-Christ.

Nous vou­lons – je dirai – vivre déjà un peu dans le Ciel, puisque nous sommes faits pour aller au Ciel, il faut bien que nous nous y pré­pa­rions ici-​bas. Alors, il faut créer ce cli­mat du règne de Notre Seigneur Jésus-​Christ comme nous allons le trou­ver lorsque nous mour­rons. En espé­rant que nous serons des membres de ce royaume de Jésus-Christ.

Voilà la situa­tion telle qu’elle se pré­sente. Et puisque aujourd’hui cette Sainte Messe se fait sous le patro­nage du Cœur Immaculé de Marie, puisque nous avons pris cette messe votive du pre­mier same­di du mois, eh bien deman­dons à la très Sainte Vierge Marie, mes bien chers amis, mes bien chers frères, deman­dons que le Bon Dieu fasse que nous puis­sions contri­buer d’une manière offi­cielle, libre et publique, à la construc­tion de l’Église, au salut des âmes, pour l’honneur de Dieu, pour l’honneur de Jésus-​Christ, pour l’honneur de l’Église, pour l’honneur de Rome, de la Rome catholique.

Mes bien chers sémi­na­ristes, qui avez bien vou­lu venir ici de Zaitzkofen et de Flavigny et vous chers confrères prêtres qui avez vous aus­si fait un long voyage pour venir assis­ter à cette céré­mo­nie, pro­met­tez devant Dieu, devant l’Église, de ne pas avoir d’autre but que de tout ins­tau­rer en Notre Seigneur Jésus-Christ.

Que cette devise de notre cher Patron, de notre saint Patron Saint Pie X… c’est la solu­tion de tous les pro­blèmes, pro­blèmes éco­no­miques, pro­blèmes poli­tiques, pro­blème moral, pro­blème de toutes sortes, spi­ri­tuels, tous les pro­blèmes dépen­dant du règne de Notre Seigneur Jésus-Christ.

Nous sommes faits pour vivre en Notre Seigneur Jésus-​Christ, avec Notre Seigneur Jésus-​Christ, par Notre Seigneur Jésus-​Christ, pour abou­tir à Lui, puisqu’il est Dieu et que Dieu c’est le Ciel.

Alors je sou­haite que vous soyez cette armée et – grâce à Dieu – vous êtes déjà 315 prêtres que j’ai ordon­nés depuis (la fon­da­tion d’) Écône. Et puis vous êtes – je pense – 280 sémi­na­ristes. Ce qui fait une petite armée de 600 sol­dats de Notre Seigneur Jésus-Christ.

Vous pou­vez être un ferment dans le monde entier, qui fasse res­sus­ci­ter la Sainte Église, qui lui redonne cette fer­veur ; qui lui redonne sa foi ; qui lui redonne son caté­chisme ; qui lui redonne ses sacre­ments ; qui redonne la grâce à ceux qui le dési­rent et à ceux qui le demandent.

Combien je sou­haite que vous soyez fidèles à vos enga­ge­ments. Et j’avoue que vous êtes, comme le disait saint Paul : Corona mea. Vous êtes ma cou­ronne. C’est moi, pour presque la tota­li­té, qui vous ai ordon­nés, vous ai don­né la grâce du sacer­doce. Je ne peux pas avoir de plus belle récompense.

Au nom du Père et du Fils et du Saint-​Esprit. Ainsi soit-il.

Fondateur de la FSSPX

Mgr Marcel Lefebvre (1905–1991) a occu­pé des postes majeurs dans l’Église en tant que Délégué apos­to­lique pour l’Afrique fran­co­phone puis Supérieur géné­ral de la Congrégation du Saint-​Esprit. Défenseur de la Tradition catho­lique lors du concile Vatican II, il fonde en 1970 la Fraternité Saint-​Pie X et le sémi­naire d’Écône. Il sacre pour la Fraternité quatre évêques en 1988 avant de rendre son âme à Dieu trois ans plus tard. Voir sa bio­gra­phie.