Sur tous les tableaux, le cardinal Liénart fut un rouage essentiel de la révolution conciliaire, surtout par le fameux « coup de force » du 13 octobre 1962, qui ouvrit d’immenses possibilités pour les progressistes.
Au moment de l’annonce du Concile Vatican II, en 1959, le cardinal Liénart atteint 75 ans. Il en aura presque 82 lors de la clôture. Son ancienneté, sa notoriété, et ses fonctions importantes, notamment en tant que Président de la Conférence des Évêques de France, lui valent d’exercer un rôle de premier ordre lors du Concile. Durant la période préparatoire, il est d’abord membre de la Commission centrale préparatoire. Pendant la durée du Concile, il fait partie des dix membres du Conseil de Présidence chargé de diriger les sessions. Il est également membre d’une Commission de coordination active pendant les sessions mais aussi dans les périodes d’inter-sessions. Enfin, après le Concile, il est membre d’une Commission de coordination et d’interprétation des Décrets conciliaires jusqu’à 1967. Il agit donc à toutes les étapes du Concile. Nous empruntons principalement à ses propres mémoires les faits ici rapportés, spécialement les phrases entre guillemets.
L’enquête préliminaire : une esquisse du progressisme
Avant le Concile, le pape procède d’abord à une vaste enquête préliminaire pour s’informer des questions à inscrire au programme. La réponse du cardinal à cette enquête laisse déjà entrevoir tous les grands thèmes du progressisme conciliaire, quoiqu’encore assez timidement. Il est question de distinguer « le sacerdoce ministériel du sacerdoce universel » des laïcs, ce qui donnera la nouvelle notion de « sacerdoce commun des fidèles », qui brouille la différence entre le prêtre et le laïc. Il juge que la formule du serment anti-moderniste se rapporte « à des questions désuètes [sic] et seul un très petit nombre de personnes aujourd’hui, la comprennent ». Il faudrait donc une « formule de serment plus constructive ». En matière de liturgie, il est beaucoup question de la fameuse « participation active », notion mal définie [1] qui sera au cœur de la réforme liturgique. Il souhaite « de plus grandes possibilités de concélébrer avec l’évêque », la possibilité d’user des langues vulgaires au moins dans la première partie de la messe, une réforme du bréviaire, et une simplification dans l’ornementation des cérémonies. La loi du célibat ecclésiastique ne devrait être placée « au moment de l’ordination presbytérale », ce qui ouvrira la voie des diacres mariés, contre la tradition de l’Eglise. Bien entendu, il mentionne un sujet qui lui tient particulièrement à cœur : « la relation entre le monde ouvrier et le sacerdoce » ; sujet auquel il revient à travers toutes les étapes du Concile, mais qui eu bien peu d’importance.
Il souhaite aussi des avancées en matière d’œcuménisme : il faut favoriser les « rencontres », et exposer la doctrine catholique « d’une manière qui puisse être comprise avec profit par nos frères séparés ». Il demande encore « que l’on prenne soin de mieux mettre en lumière les points qui nous sont communs tout autant que nos divergences ». Le « tout autant » du cardinal est encore timide. Paul VI ira plus loin en donnant la priorité aux éléments communs sur les divergences : « Volontiers, nous faisons nôtre le principe : mettons en évidence avant tout ce que nous avons de commun, avant de noter ce qui nous divise » [2]. Pourtant, peu avant le Concile, Rome qualifiait ce principe de « faux prétexte » [3].
La période préparatoire : le rejet de la Tradition
Après cette enquête, dix commissions préconciliaires rédigent les premiers schémas qui sont ensuite soumis à la Commission centrale préconciliaire, présidée par le Pape. Celle-ci fonctionne alors selon une procédure semblable à celle du Concile : on vote placet, non placet ou placet juxta modum selon qu’on accepte ou qu’on refuse le schéma, ou qu’on accepte moyennant des modifications proposées par les membres. Les nombreux schémas se font, pour la plupart, l’écho du magistère de toujours. Ils ont été rédigés par des ecclésiastiques de la Curie, d’esprit tout à fait traditionnel. Le cardinal Liénart juge sévèrement cet esprit : « le plus grave, aux yeux de beaucoup d’entre nous, fut l’esprit dans lequel ils envisageaient son renouveau sous une forme trop étroite et trop juridique. […] Pour se rajeunir vraiment, nous pensions que notre Église avait besoin de puiser à ses sources mêmes une sève nouvelle et de repenser son comportement général en fonction des exigences de sa mission à l’égard du monde actuel. » Il explique alors sa stratégie : « Je donnai mon placet aux schémas qui me semblaient avoir moins d’importance, mais je m’engageai davantage sur les sujets majeurs. »
C’est donc principalement un travail de rejet qu’il met en œuvre fructueusement à cette étape. La vivacité de son opposition nous montre l’importance qu’il accorde au sujet critiqué. Par exemple, il s’oppose mais mollement à un schéma qui prévoit de définir les limbes des enfants morts sans baptême ou au terme de « médiatrice » pour la Vierge Marie. Son opposition est plus vive quand on rappelle que les non-catholiques sont hors de l’Église, et qu’il n’y a pas de salut hors d’elle. On voit ainsi se dessiner un net tropisme œcuméniste motivé par l’impératif de ne surtout jamais déplaire aux non-catholiques.
Quelques schémas vont toutefois recueillir ses louanges, car ils ont de tout autres rédacteurs que les premiers : le schéma sur la liturgie a été rédigé par Mgr Bugnini, l’artisan de la nouvelle messe. Le cardinal prit vigoureusement sa défense car « il était facile de prévoir que ce schéma si bien orienté se heurterait à beaucoup d’objections ». Même soutien pour des schémas inattendus, venus du Secrétariat pour l’Union de Chrétiens, en faveur du nouvel œcuménisme. Fait insolite, l’un de ces schémas novateurs était directement orienté contre le schéma préparé par la Curie : on avait ainsi le schéma « De la tolérance religieuse » du côté de la Curie et de l’autre côté « De la liberté religieuse ». Deux mots lourds de sens. Le cardinal Liénart fait une remarque en forme d’aveu sur ces deux schémas opposés : « Le premier document affirme les principes dans l’absolu. L’autre montre la manière d’entendre ces principes dans la situation concrète d’aujourd’hui ». C’était reconnaître que seul le premier schéma exprimait la doctrine catholique et que l’autre n’était qu’un rabaissement de la doctrine au niveau de ce que le monde veut bien accorder à l’Église : une place à égalité avec les fausses religions. Cette opposition sur un sujet de la plus haute importance donna lieu à un vigoureux échange entre deux cardinaux de premier plan [4], altercation symbolique dont Mgr Lefebvre garda un vif souvenir, tant il préfigurait la bataille conciliaire.
Mgr Lefebvre est en effet membre de cette commission en tant que Président de la conférence épiscopale de l’Afrique de l’Ouest. Dans ses conférences, il parlait volontiers de ces sessions préparatoires, au moins autant que du Concile lui-même, car il y avait vu la subversion à l’œuvre dès le début. Son attitude est, à bien des égards, à l’extrême opposé de celui qui lui conféra jadis le sacre épiscopal. On est surpris de lire que le cardinal approuva tout de même une observation de Mgr Lefebvre sur un schéma. Peine perdue de toute manière, car le schéma, comme la plupart, fut finalement rejeté [5].
À la fin des sessions préparatoires le cardinal se réjouit avec étonnement : « Je venais d’assister à l’éclosion d’un esprit nouveau ». « Sans pouvoir deviner encore l’ampleur que ce mouvement allait prendre, j’étais de plus en plus résolu à y apporter mon concours. »
Le chant du coq
Ce « concours » prêté à l’esprit nouveau, le cardinal en fit la démonstration la plus fracassante par sa tristement fameuse intervention au tout début du Concile. Lors de la première séance, le 13 octobre 1962, les Pères sont invités à élire les membres des dix commissions conciliaires. Ce sont des postes éminemment stratégiques, car quel que soit le nombre des Pères conciliaires votants, seules les commissions tiennent la plume rédigeant la matière des votes. Pour guider leur élection, les Pères disposent des noms de ceux qui occupaient les commissions préparatoires. Mais cela ne convient pas du tout aux progressistes, qui veulent écarter ces membres-là et placer des novateurs. Pour cela, ils ont besoin de temps ; un temps qu’on ne leur a pas accordé, sans doute pour empêcher ce genre de manigances.
Le cardinal nous fait le récit de cet « incident sérieux que j’ai moi-même provoqué ». Il ajoute « sans aucune préméditation de ma part ». Mais son récit nous montre que d’autres, au moins, ont prévu le coup de force. Le matin du 13 octobre, le cardinal Lefebvre [6], archevêque de Bourges, l’« attendait à l’entrée ». « Il me pressa d’intervenir pour déclarer le vote impossible dans de telles conditions, et réclamer qu’il soit différé. […] Il me remit à cet effet un texte de déclaration en latin tout préparé qu’il me suffirait de lire. » Le cardinal Liénart occupe en effet la table de la présidence du Concile, à la droite du cardinal Tisserant, président du Concile, il est donc physiquement bien placé pour intervenir, bien que le règlement du Concile le lui interdise. Au moment de l’élection, il se penche vers le cardinal Tisserant pour lui demander la parole. « Je ne peux pas vous la donner, car le programme de la séance ne comporte aucune discussion », lui répond le cardinal [7]. « Alors, lui dis-je, excusez-moi, je vais la prendre ». Son intervention fut applaudie, bien qu’elle s’opposât à la légalité conciliaire. Devant cette ovation, la présidence du Concile accéda à la demande de Liénart et l’assemblée à peine réunie, ressortit aussitôt au grand étonnement des journalistes qui firent immédiatement leurs grands titres de ce « coup de force ». Un théologien allemand [8] fit un trait d’esprit révélateur sur cette intervention. Il lui appliquât ce passage d’une hymne liturgique « gallo canente spes redit », « au chant du coq, l’espoir se réveille » ; « gallus », traduit le « coq » mais peut aussi se traduire : « le français »…
Ce temps supplémentaire permit aux progressistes former l’« alliance européenne », et de constituer des listes pour les élections avec des critères de sélection qui paraissaient davantage axés sur l’idéologie que sur la compétence. L’historien du Concile commente : « Les résultats des élections furent éminemment satisfaisants pour l’alliance européenne. […] Après cette élection, il n’était guère difficile de voir quel était le groupe qui était assez organisé pour prendre la direction des opérations. » [9]
Jean XXIII avait attribué son idée de convoquer le Concile à une inspiration de l’Esprit-Saint. Le cardinal Liénart interpréta sa démarche pareillement : « Je n’ai parlé que parce que je me suis trouvé contraint de le faire par une force supérieure en laquelle je dois reconnaître celle de l’Esprit-Saint. » Le Concile aurait donc été commandé à Jean XXIII par une suggestion de l’Esprit, et le Concile préparé par lui aurait bientôt subi une brusque volte-face par une impulsion que le même Esprit donna au cardinal français. [10] Ainsi s’inaugurait l’ère où, sous le vocable de l’« esprit du Concile », chacun allait attribuer arbitrairement les doctrines les plus contradictoires au même Esprit qui certes, « souffle où il veut » [11], mais auquel on ne saurait attribuer ni la nouveauté [12], ni la contradiction, ni un souffle destructeur de l’Église qu’il soutient.
Une doctrine révolutionnaire
Il est frappant de lire à plusieurs reprises chez le cardinal Liénart, des doctrines manifestement opposées au magistère antérieur, sans chercher très loin. Il ne nous appartient de juger de la bonne ou mauvaise foi du cardinal, mais nous nous bornerons à constater les faits.
Au moment des réunions préparatoires, il s’oppose à la formule « dans notre premier père Adam ». Selon lui, cette expression « dépasse ce qu’a dit Pie XII dans l’encyclique Humani generis, où il laisse ouverte la question du monogénisme ». Cette remarque est sidérante, car l’encyclique de Pie XII qu’il évoque nous dit l’exact contraire. Pie XII y condamne le polygénisme sans aucune équivoque possible, et ne laisse donc de place qu’au monogénisme [13]. Citons le passage en question : « Mais quand il s’agit d’une autre vue conjecturale qu’on appelle le polygénisme, les fils de l’Église ne jouissent plus du tout de la même liberté. […] En effet on ne voit absolument pas comment pareille affirmation peut s’accorder avec ce que les sources de la vérité révélée et les Actes du magistère de l’Église enseignent sur le péché originel ». Lors du Concile, le cardinal reprit néanmoins la même erreur en demandant « qu’on s’abstienne d’évoquer des questions non encore certaines, comme le monogénisme, ou insolubles, comme le sort des enfants morts sans baptême ». Jean Madiran, en son temps, avait épinglé un contresens très similaire commis par le cardinal Montini, le futur Paul VI, qui faisait dire à la même encyclique de Pie XII le contraire de ce qu’elle disait, un mois à peine après sa parution [14]…
Le cardinal Liénart s’avère particulièrement offensif sur le sujet – ô combien important – de la constitution de l’Église. Son but est d’élargir la définition de l’Église, la « décorporéifier », afin d’en faire un ensemble vaporeux et insaisissable, pouvant englober ainsi les non-catholiques en son sein, au côté des catholiques. L’expression de « Corps mystique », venue de saint Paul, est alors habituellement employée pour désigner l’Église catholique. Cette équivalence entre Corps mystique et Église catholique, montre que l’Église n’est pas « vaporeuse » mais clairement reconnaissable dans la seule Église catholique. Liénart désire donc briser l’équivalence entre les deux expressions. Selon lui, il ne faut pas « formuler la relation de l’Église romaine au Corps mystique en les identifiants l’une à l’autre ». Il affirme encore « je n’oserais pas dire, pour établir cette identité, que l’ “Église du fait même qu’elle est un Corps, est visible aux yeux”. » L’expression entre guillemets qu’il rejette est pourtant tirée mot pour mot de l’encyclique Satis cognitum de Léon XIII (1896), que Pie XII citait dans son encyclique sur le Corps mystique. Pie XII ajoute immédiatement, avec plus de clarté encore : « C’est donc s’éloigner de la vérité divine que d’imaginer une Église qu’on ne pourrait ni voir ni toucher, qui ne serait que « spirituelle », dans laquelle les nombreuses communautés chrétiennes, bien que divisées entre elles par la foi, seraient pourtant réunies par un lien invisible. » [15] L’opposition ne saurait être plus manifeste. Cette erreur grave prit corps dans les deux mots « subsistit in » de la constitution Lumen gentium. Le Concile refusait par là d’établir la stricte identité entre Église catholique et Église du Christ : l’une n’est pas l’autre, mais elle subsiste dans l’autre, qui est un ensemble plus large agrégeant les non-catholiques [16].
En raison de cette nouvelle conception « large » de l’Église, Liénart critique le fait que l’on « n’envisageait l’unité que sous la forme d’un retour pur et simple à l’Église romaine ». En effet, si les protestants appartiennent aussi à l’Église, – quoique de manière « imparfaite » –, il n’y a plus nécessité pour eux de se convertir. Ils sont déjà dans la place. « Nous ne pouvons prétendre l’être seuls [membre de la famille de l’Église], ni leur dire que pour refaire l’unité, il n’y a pour eux d’autre moyen que de rentrer dans notre Église telle qu’elle est », avance le cardinal. « Ils ont voix au chapitre eux aussi […] » C’était pourtant bien la seule voie d’unité qu’avait tracé Pie XI peu auparavant : « Il n’est pas permis de procurer la réunion des chrétiens autrement qu’en poussant au retour des dissidents à la seule véritable Église du Christ, puisqu’ils ont eu jadis le malheur de s’en séparer » [17].
Concernant les « religions non-chrétiennes », le cardinal intervint pour rejeter l’expression de « déicide » au sujet du peuple juif. Il s’engage pour « plaider sa cause » et rendre « hommage à la religion juive ». L’expression est grave, car elle ne se rapporte pas juste au peuple juif, mais à sa fausse religion [18]. Une chose dérange pourtant le cardinal dans cet hommage. Ce n’est pas que la foi y soit malmenée, mais c’est une raison d’ordre politique : « l’hostilité qui régnait au Moyen-Orient entre Israël et le monde arabe ». Cet hommage au judaïsme « pourrait apparaître aux Arabes comme un geste hostile envers eux. » Le cardinal propose donc d’ajouter un paragraphe en hommage à l’Islam avec cette formulation : « le Concile juge digne aussi d’une attention et d’un respect particuliers la religion islamique. […] même les musulmans ont quelque appartenance au peuple de Dieu […] le saint Concile n’hésite nullement à leur appliquer, à eux aussi, les principes de l’œcuménisme catholique. » Sa formulation est bien plus téméraire encore que celle que le Concile produira ! Il avait déjà élargi l’Église aux dissidents chrétiens, mais il voulait encore élargir le peuple de Dieu jusqu’aux musulmans. Il suffit de prolonger un peu cette idée pour englober l’humanité entière.
L’Église avait toujours cherché à faire entrer tous les peuples dans son sein par les durs labeurs de la sainteté missionnaire, tandis que le Concile cherchait à étendre l’Église jusqu’à tous les peuples par un simple trait de plume sur la doctrine passée. C’était signer la mort de l’esprit missionnaire auquel Mgr Lefebvre avait consacré sa vie. Il n’est pas étonnant que tout opposât les deux hommes aux origines communes.
La place manque pour rapporter toutes les nouveautés que le cardinal promût au Concile. Disons simplement qu’il s’opposa notamment avec vigueur au cardinal Ottaviani sur la question de la collégialité, il se bâtit âprement pour n’affirmer l’existence que d’une source de la révélation et non des deux sources que sont l’Ecriture et la Tradition, et fut un fervent soutient de la liberté religieuse.
Le cardinal dépassé par son propre élan
Dans l’enquête préliminaire, le cardinal critiquait la « mentalité régnante, qui fait son choix parmi les vérités du Symbole, et laisse tomber celles qui ne plaisent pas. » Une remarque bienvenue, mais en plein décalage avec ce qu’il fit. On ne peut pas dire que le cardinal ait dressé un quelconque frein au relativisme régnant. Il lui a, au contraire, établi une autoroute. L’élan auquel il avait contribué allât si loin qu’on le vit chercher à freiner les ardeurs révolutionnaires lors de la troisième session : « Nous ne pouvons pas oublier pour autant que le monde entier est sous le péché, et a besoin de rédemption » [19]. Ce « nous ne pouvons pas oublier » sonne comme un aveu. Il s’attira une remarque venimeuse d’un des théologiens les plus influents du Concile, le père Congar, qui évoquait dans ses écrits « les textes pieux et pissotants du cardinal Ottaviani, voire des cardinaux Liénart et Gerlier » [20]. Ainsi en va-t-il de tous les révolutionnaires qui se coupent de leur passé : tôt ou tard, ils seront eux-mêmes rejetés comme des vestiges d’un passé révolu.
On peut se demander dans quelle mesure le cardinal – comme bien d’autres – ne s’est pas laissé entraîner par l’ivresse d’un renouveau fantasmé, d’une utopie catholique, dans le pur esprit irénique du moment qui faisait dire à Jean XXIII : « Les lumières de ce Concile seront pour l’Église, Nous l’espérons, une source d’enrichissement spirituel. Après avoir puisé en lui de nouvelles énergies, elle regardera sans crainte vers l’avenir. » [21]
Source : Le Carillon n°204
- « Est-ce une participation corporelle ou bien spirituelle », demanda un abbé bénédictin à Mgr Bugnini lors des séances de présentation de la nouvelle messe. C’était la bonne question que le Concile n’a pas eu le mérite de préciser.[↩]
- Encyclique Ecclesiam suam, Paul VI, 1964. Le pape François se situe dans la même ligne lorsqu’il dit aux protestants : « Ce qui nous unit est beaucoup plus fort que ce qui nous divise » (Audience lors d’un pèlerinage de luthériens à Rome, 13 oct. 2016.) [↩]
- « Ils [les évêques] veilleront de même à ce que, sous le faux prétexte qu’il faut beaucoup plus considérer ce qui nous unit que ce qui nous sépare, on ne nourrisse pas un dangereux indifférentisme » (Instruction du Saint-Office du 20 déc. 1949.) [↩]
- Le cardinal Ottaviani, du Saint-Office et le cardinal Bea du Secrétariat pour l’Union des Chrétiens.[↩]
- Il s’agissait d’un schéma sur la Satisfaction du Christ offerte sur la croix. Le mot « satisfaction », pourtant habituel dans la théologie du sacrifice, ne figure pas dans le Concile.[↩]
- Qu’il ne faut pas confondre avec Mgr Lefebvre, bien qu’ils soient de la même famille.[↩]
- Le cardinal Tisserant fut sans doute complaisant envers Liénart, car il fit cette confidence à Jean Guitton en parlant d’un tableau le représentant : « Il représente la réunion que nous avions eue avant l’ouverture du Concile, où nous avons décidé de bloquer la première séance en refusant des règles tyranniques établies par Jean XXIII. » (Jean Guitton, Paul VI secret) [↩]
- Karl Rahner d’après Henri Rondet.[↩]
- Ralph Wiltgen, Le Rhin se jette dans le Tibre.[↩]
- Romano amerio, Iota Unum.[↩]
- Jn 3, 8.[↩]
- Cf. Vatican I : « le Saint-Esprit n’a pas été promis aux successeurs de Pierre pour qu’ils fassent connaître, […] une nouvelle doctrine »[↩]
- La théorie polygéniste affirme qu’il n’y a pas un, mais plusieurs couples originels à l’origine de l’humanité. Adam ne serait pas l’unique premier père.[↩]
- Voir l’article « L’attitude du futur Paul VI face à l’encyclique Humani generis de Pie XII », Jean Madiran, itinéraire n° 128, décembre 1968.[↩]
- Encyclique Mystici corporis, 29 juin 1943.[↩]
- Lumen Gentium n° 8. La déclaration Dominus Jesus du cardinal Ratzinger, en 2000, réaffirme cette non-identité.[↩]
- Encyclique Mortalium animos, Pie XI, 6 janvier 1928.[↩]
- La religion juive de l’Ancien Testament est vraie dans la mesure où elle est tout entière tournée vers le Christ à venir. Dans le Nouveau Testament, le judaïsme ne persiste que dans la mesure où il rejette le Messie déjà venu et constitue ainsi une toute autre religion. Le Concile joue sur cette équivoque.[↩]
- La suite du passage relativise toutefois la portée traditionnelle de son intervention.[↩]
- Yves Congar, Une vie pour la vérité.[↩]
- Discours lors de l’ouverture du Concile Vatican II, 11 octobre 1962.[↩]