Les Anges et la Résurrection

Et l’Ange du Seigneur des­cen­dit du ciel et s’ap­pro­chant il ren­ver­sa la pierre.

« Voilà un signe écla­tant que la misé­ri­corde de Dieu nous est ouverte par la résur­rec­tion du Fils de Dieu : les ver­tus célestes sont à notre service. » 

Saint Hilaire

Aucun être mor­tel n’as­sis­ta au fait de la Résurrection : Jésus-​Christ en res­sus­ci­tant reve­nait, non à sa place au milieu des hommes, mais dans un monde supé­rieur. Toutefois il fal­lait que sa Résurrection fût annon­cée, et il conve­nait qu’elle le fût par les Anges ; car il appar­tient aux Anges de nous dire ce qui se passe dans les sphères supérieures.

« Les Anges, dit St Jérôme, étaient au ser­vice de Jésus-​Christ depuis le com­men­ce­ment, attes­tant ain­si sa divi­ni­té. Gabriel était venu annon­cer à Marie l’Incarnation du Verbe : il était venu révé­ler à Joseph le secret de Dieu ; il avait annon­cé aux ber­gers la bonne nou­velle ; puis le chœur des Anges avait fait entendre l’hymne Gloire à Dieu. Quand Jésus avait subi sa ten­ta­tion au désert et rem­por­té sa vic­toire sur le démon, les Anges s’é­taient empres­sés à venir le ser­vir. Et main­te­nant qu’il est res­sus­ci­té, un Ange est à son tom­beau, et la splen­deur de son vête­ment dit la gloire de celui qui triomphe. »

C’est le sen­ti­ment com­mun des Pères, nous dit le P. Thiriet[1], que Jésus-​Christ sor­tit du tom­beau avant que la pierre fût ren­ver­sée, qu’il tra­ver­sa les parois du tom­beau comme il sor­tit du sein de la Vierge Marie, « et qu’il fit ren­ver­ser la pierre uni­que­ment pour mani­fes­ter sa résur­rec­tion. » « Ne croyez pas, dit St Jérôme, que l’Ange soit venu pour ouvrir à Jésus-​Christ la porte de son tom­beau et l’ai­der à en sor­tir ; l’Ange ne vint qu’a­près la Résurrection, au moment mar­qué par Jésus-​Christ ; il fut envoyé pour rendre public ce qui s’é­tait fait dans le secret, et pour faire voir, en ôtant la pierre et en se tenant assis auprès du tom­beau vide, que Jésus-​Christ n’y était plus ».

« En fai­sant ren­ver­ser la pierre, il veut aus­si don­ner aux femmes la faci­li­té de péné­trer au tom­beau et de se convaincre de la véri­té de sa Résurrection. »

Théophylacte

Ce ren­ver­se­ment de la pierre a cer­tai­ne­ment aus­si une signi­fi­ca­tion mys­tique. « La Loi qui avait été écrite sur la pierre était repré­sen­tée par cette pierre. Elle annon­çait le Christ, mais en le cachant : la pierre est ren­ver­sée afin que les mys­tères du Christ soient mani­fes­tés dans toute leur véri­té » [2]. « La pierre, dit S. Pierre Chrysologue, figu­rait aus­si la mort qui pesait sur tous les hommes ». Désormais la mort ne pèse­ra plus sur nous ; nous pour­rons au contraire nous appuyer sur elle.

Et il était assis sur elle.

« Celui qui com­bat se tient debout ; mais celui qui a rem­por­té la vic­toire se tient assis dans la paix de son triomphe » [3]. « C’est aus­si l’at­ti­tude de celui qui enseigne ; l’Ange ensei­gnait le grand mys­tère de notre foi », nous dit saint Pierre Chrysologue.

Son visage était brillant comme un éclair, et ses vête­ments étaient blancs comme la neige.

« L’éclat de son visage que l’Evangéliste com­pare à celui de l’é­clair, de l’é­clair qui se mani­feste dans le ciel, indique son ori­gine céleste ; son vête­ment dont la blan­cheur est la plus par­faite qui puisse exis­ter sur terre, celle de la neige, indique les rap­ports qu’il a avec nous. C’est une blan­cheur dont nos yeux peuvent sup­por­ter l’é­clat et à laquelle nous pou­vons participer ».

St Jean Chrysologue

De la ter­reur que cette vue pro­dui­sit en eux, les gardes devinrent comme morts. Et l’Ange, s’a­dres­sant aux femmes, dit : Ne crai­gnez pas, vous.

L’Ange qui a ren­ver­sé la pierre, dont la vue épou­vante et fait fuir les gardes, s’empresse à ras­su­rer les femmes.

D’après Saint Jean, Marie-​Madeleine se pen­chant vers le tom­beau, après que Pierre et Jean l’ont visi­té, y voit deux Anges, l’un à la tête et l’autre aux pieds. Ces Anges sont vêtus de blanc : ils appa­raissent comme des mes­sa­gers de bon­heur. « Cette blan­cheur de leur vête­ment annonce la splen­deur de notre solen­ni­té. Faut-​il l’ap­pe­ler la nôtre ou la leur ? Cette Résurrection du Sauveur est notre fête, puis­qu’elle nous ramène à l’im­mor­ta­li­té ; et elle est la fête des Anges, puis­qu’on nous rame­nant au Paradis, elle comble les vides qu’a­vait cau­sés par­mi eux la rébel­lion [4] ».

« Aujourd’hui, les Anges se mêlent aux hommes, et ceux qui sont revê­tus d’un corps chantent des hymnes avec les puis­sances spirituelles. »

St Jean Chrysostome

Ne crai­gnez pas, vous, dit aux femmes l’Ange assis sur la pierre du tombeau. 

Que ceux-​là craignent qui n’aiment pas la venue des puis­sances célestes. Qu’ils craignent ceux qui, abais­sés par leurs dési­rs char­nels, ne peuvent pré­tendre à la socié­té des Anges. Pourquoi craindriez-​vous, vous qui trou­vez en nous des frères ? Ils sont heu­reux de se mon­trer au ser­vice de Jésus-​Christ : un Ange ren­verse la pierre du tom­beau pour mon­trer que Jésus-​Christ n’y est plus. Des Anges servent de mes­sa­gers entre Jésus-​Christ et ses dis­ciples, éta­blis­sant par-​là que Jésus-​Christ est dans un état supé­rieur à celui de la vie pré­sente. « Ils prouvent aus­si, dit S. Pierre Chrysologue, que le Christ étant res­sus­ci­té, la mort étant ter­ras­sée, les com­mu­ni­ca­tions sont réta­blies entre le ciel et la terre : et la femme qui avait reçu de l’Ange déchu des paroles ame­nant à la mort, reçoit des Anges des paroles qui mènent à la vie. »

« Comme les Anges, dit Bède, ont assis­té le Christ au tom­beau, croyez qu’ils viennent au moment de la consé­cra­tion, assis­ter au mys­tère du corps du Christ. »

Je sais que vous cher­chez Jésus de Nazareth qui a été crucifié.

Elles le cher­chaient là où il n’é­tait plus. Les Anges les aver­tissent de leur erreur.

Etant entrées dans le tom­beau et n’y ayant pas trou­vé le corps de Jésus, elles demeu­raient conster­nées de cette dis­pa­ri­tion, et voi­ci que deux Anges se tinrent devant elles avec un vête­ment tout res­plen­dis­sant. Et comme elles crai­gnaient et demeu­raient les yeux bais­sés, ils leur dirent : Pourquoi cherchez-​vous par­mi les morts celui qui est vivant ?

Si nous vou­lons être dans la véri­té, nous devons cher­cher en haut celui qui est la vie. Que d’hommes s’obs­tinent à regar­der en bas et à cher­cher la véri­té dans la mort ! Mais déjà quand on cherche véri­ta­ble­ment Jésus, quand même on ne le cher­che­rait pas assez haut, quand on ne sau­rait pas tout ce qu’il est, on peut être sans crainte. Mais, c’est là l’a­ver­tis­se­ment des Anges, il ne faut pas cher­cher par­mi les morts celui qui est vivant.

Et l’Ange leur rap­pelle les motifs qu’elles ont de le croire vivant : 

Il est res­sus­ci­té comme il l’a­vait dit.

Il l’a­vait annon­cé par ses Patriarches et par ses Prophètes. Il l’a­vait annon­cé par son ser­vi­teur Job : 

Oh ! Qui me don­ne­ra que mes paroles soient écrites ! Qui me don­ne­ra qu’elles soient consi­gnées dans un livre ; qu’a­vec un sty­let d’acier, elles soient pour tou­jours gra­vées dans le roc ! Je sais que mon rédemp­teur est vivant, et qu’il se lève­ra le der­nier sur la pous­sière. Alors de ce sque­lette, revê­tu de sa peau, de ma chair je ver­rai Dieu. Moi-​même je le ver­rai ; mes yeux le ver­ront, et non un autre que moi-​même ; mes reins se consument d’at­tente au-​dedans de moi.

Job XIX, 23–27

Il avait annon­cé lui-​même qu’il res­sus­ci­te­rait, comme il avait annon­cé qu’il serait cru­ci­fié. Rappelez-​vous ce qu’il vous disait quand il était encore en Galilée : Il faut que le Fils de l’homme soit livré entre les mains des pécheurs, qu’il soit cru­ci­fié, et qu’il res­sus­cite le troi­sième jour. Il l’a­vait dit assez clai­re­ment pour que ses enne­mis le comprissent.

Et elles se sou­vinrent en effet de ces paroles. Ce qu’elles annon­çaient était tel­le­ment en dehors du cours ordi­naire des choses humaines qu’on ne pou­vait les oublier. Jésus avait annon­cé avec tant de pré­ci­sion ses humi­lia­tions et sa mort qu’on devait croire à sa parole quand il annon­çait sa Résurrection.

L’Ange ne craint pas de rap­pe­ler à ces femmes les humi­lia­tions qu’a subies celui qu’elles cherchent, de leur rap­pe­ler qu’il a été cru­ci­fié. J.C. lui-​même les avait annon­cées, et elles seront désor­mais pour lui un titre de gloire ; c’est par sa croix qu’il a sau­vé le monde.

Théophile

Croyez-​en vos propres yeux. Venez et voyez le lieu où le Seigneur avait été déposé.

Comment le tom­beau aurait-​il ren­du sa proie sans que l’on sût ce qu’é­tait deve­nu celui qu’il conte­nait. L’Ange a ren­ver­sé la pierre pour mon­trer que le tom­beau était bien vide.

Voyez le lieu où le Seigneur avait été dépo­sé.

Celui qui est res­sus­ci­té est bien le même que celui qui avait été cru­ci­fié et mis au tom­beau, que celui qu’elles ont connu ; par consé­quent elles doivent être à l’aise avec lui, comme elles l’étaient avec le Sauveur pen­dant sa vie. Le tom­beau est vide, il res­te­ra vide : jamais plus aucun mort n’y sera dépo­sé ; et pour avoir été la source de cette vie nou­velle, il demeu­re­ra à tout jamais glorieux.

Saint Pierre Chrysologue

Mais vous, allez vite et annon­cez à ses dis­ciples qu’il est res­sus­ci­té.

La réno­va­tion est com­plète. « La femme qui avait pous­sé l’homme à l’in­fi­dé­li­té reçoit la mis­sion de for­mer sa foi : elle l’a­vait mené à la mort, elle doit main­te­nant l’a­me­ner à la résur­rec­tion » (Saint Pierre Chrysologue). Le déshon­neur qui pesait sur elle est main­te­nant enle­vé. Il faut que ce grand évé­ne­ment soit annon­cé, aux dis­ciples d’a­bord et ensuite dans le monde entier.

Allez et dites à ses dis­ciples et à Pierre qu’il vous pré­cé­de­ra en Galilée ; là vous le ver­rez comme Il vous l’a pré­dit.

C’est en Galilée qu’il veut les revoir, au lieu de leurs pre­mières ren­contres, afin de bien éta­blir qu’il est tou­jours le même, qu’il se sou­vient, afin de sou­der l’a­ve­nir au pas­sé. Quelle déli­ca­tesse dans cette men­tion expresse de Pierre ! « Il aurait pu croire, dit Théophile, qu’a­près son renie­ment il ne fai­sait plus par­tie des dis­ciples : la parole de l’Ange a pour but de le ras­su­rer. » Jésus doit les revoir, mais non au milieu des foules où les enne­mis peuvent se trou­ver mêlés aux amis, et dans les­quelles son appa­ri­tion pro­dui­rait l’ir­ri­ta­tion autant que la joie : il doit les revoir dans des réunions intimes où il n’y aura que paix et joie ».

La Galilée désigne aus­si notre cœur, où nous ren­con­tre­rons Notre Seigneur, loin des bruits et des vani­tés de ce monde. Nous y goû­te­rons la Paix du Ressuscité, pré­lude de l’éternel Bonheur.

Notes de bas de page
  1. L’Evangile médi­té avec les Pères, tome V – Paris, Librairie Victor Lecoffre, 1905.[]
  2. Bède[]
  3. Bède[]
  4. St Grégoire[]