Ursuline à Valenciennes, et ses dix compagnes, martyres(† 1794).
Fête le 23 octobre.
Aux côtés des 191 bienheureux martyrs de Paris, immolés en septembre 1792 ; des quatre Filles de la Charité d’Arras mises à mort à Cambrai, le 26 juin 1794 ; des seize Carmélites de Compiègne, guillotinées à Paris le 17 juillet suivant ; des trente-deux martyres, dont seize Ursulines, guillotinées à Orange du 6 au 26 juillet de la même année, un autre groupe important mérite une place d’honneur parmi les nombreuses victimes de la Révolution française auxquelles Rome a décerné les honneurs de la béatification : nous voulons parler des onze Ursulines qui montèrent sur l’échafaud à Valenciennes, les 16 et 23 octobre 1794.
Les Ursulines de Valenciennes au début de la Révolution.
Le couvent, dit du Saint-Sacrement, des Ursulines de Valenciennes, fondé en 1654 pour l’instruction et l’éducation des jeunes filles de la ville, comptait, au début de la Révolution, trente-deux religieuses. Leur supérieure était la Mère Marie-Clotilde Paillot, d’une famille très estimée dans la région. Elle était née à Bavay, le 25 novembre 1739, et était entrée en 1754 chez les Ursulines. Après sa profession (23 octobre 1756), elle remplit, au sein de la communauté à laquelle elle appartenait, diverses charges avec un talent et un succès remarquables. Ayant donné sa mesure dans les emplois successifs qui lui furent confiés, elle fut élue supérieure de la communauté de Valenciennes au mois de février 1790. En ces années particulièrement difficiles et périlleuses, elle allait conduire les âmes de ses filles jusqu’aux sommets de l’héroïsme chrétien.
Aux officiers municipaux qui, le 30 septembre 1790, viennent faire l’inventaire des biens du monastère et interroger les religieuses sur leur intention de quitter le cloître ou d’y rester, elle déclare vouloir finir ses jours dans l’état et la maison qu’elle a choisis. Elle eut la joie de constater que toutes ses filles, tant les maîtresses de classes que les Sœurs converses, étaient dans la même disposition : celle de vivre et de mourir dans leur vocation. Dans les mois qui suivirent, la communauté eut à souffrir des épreuves de tout genre : dénonciation de l’enseignement religieux donné dans les classes, enquêtes ou perquisitions des autorités à tout propos, non payement ou retard prolongé dans le payement des pensions promises, contributions patriotiques prélevées sur les traitements déjà insuffisants, etc. Pour acheter du blé, des chandelles, de la bière, pour entretenir ses Sœurs, Mère Clotilde dut faire des dettes, des démarches ou des réclamations continuelles. En août 1792, les religieux et religieuses furent privés du droit d’enseigner ; de plus, ils devaient évacuer leurs maisons avant le 1er octobre suivant.
Séjour des Ursulines à Mons. – Retour à Valenciennes. L’arrestation.
Plutôt que de se disperser toutes en ville par petits groupes dans divers logements, les Ursulines résolurent de quitter Valenciennes et de se réfugier chez leurs Sœurs de Mons, qui acceptaient de les recevoir en proportion des places disponibles. Mère Clotilde laissa à Valenciennes, dans leurs familles, cinq religieuses infirmes. L’exode des autres ne se fit pas sans peine. Une novice, Angélique Lepoint, alla chercher dans son village natal d’Heusies les chariots nécessaires au transport des vingt-six religieuses et de leur pauvre mobilier. Les partantes étaient munies, pour la sécurité du voyage, d’un passeport de la municipalité de Valenciennes. Elles arrivèrent à Mons le 17 septembre dans la soirée.
Après la victoire de Jemmapes, Mons tomba au pouvoir des troupes républicaines. Les vainqueurs imposèrent à la ville de lourdes réquisitions : on pilla les églises, les maisons et les couvents : celui des Ursulines fut dépouillé de tout, même des vases sacrés. En mars 1793, les Autrichiens reprenaient Mons et, le 1er août suivant, Valenciennes. Les Ursulines exilées songèrent dès lors à rentrer dans cette ville pour y continuer leur œuvre éducatrice ; l’archevêque de Cambrai les y encourageait très fort.
En novembre 1794, elle quittèrent donc le couvent hospitalier de Mons, et revinrent dans leur maison, dont il ne restait guère que les murailles nues et malpropres, des portes défoncées : plus trace de mobilier. Toutes les Sœurs, tant la Mère procureuse, restée à Valenciennes, que les arrivantes, travaillèrent avec une étonnante ardeur à la réfection de leur monastère ; la piété des habitants les seconda beaucoup. Mère Clotilde avait été réélue supérieure le 26 novembre 1793. D’autre part, la junte locale, qui gouvernait la ville sous le contrôle autrichien, autorisa les Ursulines à se livrer à l’enseignement. La Providence envoya à la communauté des sujets d’élite dans les personnes de deux Brigittines, Anne-Marie-Joseph Raux ou Erraux, et Marie-Françoise Lacroix, et d’une Clarisse Urbaniste, Joséphine Leroux, qui demandèrent à entrer dans la Congrégation de Sainte-Ursule, car leurs familles religieuses n’avaient plus de maisons dans la région.
Malgré les trois nouvelles recrues, le retour des enfants et la sympathie des familles, la situation du couvent restait précaire. La Terreur sévissait dans les villes voisines de Cambrai et d’Arras : la victoire française de Fleurus (26 juin 1794) faisait présager la capitulation de Mons et de Valenciennes : on devait s’attendre au pire de la part des soldats ou des représentants de la Révolution.
Impossible, en effet, de retourner à Mons, et la dispersion isolée était aussi dangereuse que le départ en groupe. La supérieure crut devoir cependant rendre à sa famille une novice, Sœur Julie, et exhorta ses filles au courage.
Dans la dernière semaine d’août 1794, Valenciennes se rendit sans résistance aux troupes françaises. Les Autrichiens essayèrent d’obtenir que les prêtres, religieux et religieuses ne fussent ni recherchés ni inquiétés pour leurs opinions politiques ou religieuses, mais les républicains ne voulurent rien promettre. Dès le début de septembre, le représentant de la Convention, Jean-Baptiste Lacoste, un ami de Robespierre et un ennemi acharné de la religion, inaugura dans la ville le régime de la Terreur. Il fît rechercher et arrêter ceux qu’il appelait les traîtres, les fanatiques, les émigrés. Etaient regardés comme traîtres et émigrés les prêtres revenus à Valenciennes pour y exercer leur ministère et les Ursulines rentrées pour reprendre leurs fonctions d’institutrices.
Le 1er septembre, un commissaire vint au couvent des Ursulines : il compta les religieuses, leur donna vingt-quatre heures pour évacuer la maison.
– Reste-là, dit-il à Mère Clotilde.
Celle-ci comprit que pour elle des mesures sévères étaient déjà décidées. Elle organisa le départ des religieuses âgées on infirmes et de celles qui pouvaient compter trouver en ville un asile sûr. Neuf de ses filles refusèrent de la quitter. Avant l’expiration des vingt-quatre heures, le commissaire revint, mit les scellés partout, déclara que les religieuses étaient prisonnières dans le quartier des classes externes. Mère Clotilde refusa de lui donner les noms des Sœurs qui étaient parties. Le surlendemain, deux Ursulines, les Mères Ursule Bourla et Marie-Louise Ducret, qui avaient à peine eu le temps de gagner Condé, furent arrêtées et vinrent rejoindre leur supérieure ; deux autres, les Mères Scholastique et Joséphine Leroux, arrêtées dans leur logement à Valenciennes, furent ramenées au couvent devenu pendant quelques jours leur prison.
Une amie des prisonnières, Elisabeth Clais, leur apportait presque chaque jour des vivres et des vêtements. La supérieure profita de l’obligeance de cette personne pour faire évader la novice Angélique Lepoint, à qui serait dû, plus de vingt ans après, le rétablissement de l’Ordre de Sainte-Ursule à Valenciennes.
Pendant quelques semaines, les religieuses furent internées, en deux groupes distincts, dans diverses prisons. Elles y souffrirent beaucoup de la faim, de la malpropreté, du froid, mais elles édifièrent toujours les autres détenus par leur vie religieuse, leur courage, leur joie. Elles pensaient de plus en plus au martyre, se rendant bien compte qu’on les avait arrêtées et qu’on les ferait mourir uniquement parce qu’elles avaient continué à vivre en religieuses et à enseigner la religion catholique.
Le 15 octobre, onze Ursulines, c’est-à-dire les Mères Clotilde Paillot, Nathalie Vanot, Laurentine Prin, Ursule Bourla, Marie-Louise Ducret, Augustine Déjardin, Anne-Marie Erraux, Françoise Lacroix, Joséphine et Scholastique Leroux et Sœur Cordule Barré, furent transférées à la prison commune de la ville. Avec elles, il y avait quelques prêtres, ce qui leur permit de se confesser et de bénéficier des autres secours de la religion.
Jugement et exécution du premier groupe d’Ursulines.
Le surlendemain, cinq des religieuses Ursulines, c’est-à-dire les cinq premières de celles que nous venons de nommer, la supérieure exceptée, furent averties quelles comparaîtraient dans la journée devant la Commission militaire.
A 10 heures, on vint les chercher. Avec quelle affectueuse sollicitude la Mère Clotilde vit-elle partir ses filles pour le redoutable tribunal ! Elles furent accusées d’avoir repris leur habit religieux, exercé leurs anciennes fonctions : de plus, elles étaient prévenues d’avoir émigré.
A la question sur l’émigration, les religieuses répondirent :
– J’ai été quelque temps à Mons avec un passeport de la municipalité.
– Pourquoi es-tu revenue sur la terre française ?
– Pour pouvoir enseigner la religion catholique, apostolique et romaine, dit la Mère Laurentine.
– Nous n’avons point d’autres vues, ajouta la Mère Nathalie.
Les cinq Ursulines furent condamnées à mort pour avoir émigré et témoigné du mépris des lois en exerçant sous la protection de l’ennemi des fonctions interdites. Mais le véritable motif de leur condamnation fut l’enseignement religieux qu’elles avaient donné à Valenciennes.
Les victimes entendirent avec calme l’arrêt de mort : elles l’attendaient. Rentrées dans la prison, elles se préparèrent à mourir, la sentence devant être exécutée dans la journée. Leurs compagnes, émues, les entouraient, leur donnant des témoignages d’affectueuse sympathie, mais les condamnées s’y dérobaient doucement pour concentrer leurs pensées sur l’acte suprême quelles allaient accomplir et pour se préparer à paraître devant Dieu.
Prenant un petit Crucifix, elles le mirent devant elles, et, agenouillées autour de Mère Nathalie, qui récitait les prières des agonisants, elles s’y unissaient avec une ferveur et un calme admirables. Les autres religieuses se mettaient aussi à prier pour elles.
Quand vint l’heure de la séparation et des adieux, Mère Nathalie, prosternée devant sa supérieure, prit la parole au nom de celles qui allaient mourir :
– A cet instant, qui va décider de notre sort éternel, nous vous supplions, mes chères Mères, de nous pardonner les mauvais exemples que nous avons donnés à notre communauté ; nous demandons pardon à chacune de nos Sœurs de tous les déplaisirs que nous leur avons causés, les assurant que nous n’avons aucune rancune pour les chagrins qu’elles auraient pu nous causer.
La Mère Clotilde, plus émue que ses filles qui allaient mourir, leur donna, en pleurant, une dernière bénédiction.
Toutes s’embrassèrent ensuite avec affection, se donnant rendez-vous au ciel. Les condamnées, seules, ne pleuraient pas : leurs âmes étaient joyeuses de faire pour le Christ le suprême sacrifice.
Cependant, l’escorte militaire qui devait les accompagner, tambours en tête, attendait.
– Allons, le jour de gloire est arrivé, s’écria la Mère Nathalie, hantée, comme l’avaient été trois mois plus tôt les Carmélites de Compiègne, par le souvenir de la Marseillaise.
– Voilà le premier degré du ciel, ajouta la Mère Laurentine.
Au guichet de la prison, l’exécuteur lia les mains des condamnées, qui l’en remercièrent ; il leur coupa les cheveux, leur fit quitter une partie de leurs vêtements, ne leur laissant qu’une chemise et un jupon, auxquels elles obtinrent d’ajouter un mouchoir pour couvrir leurs épaules et qu’on promit de ne pas leur ôter avant la fin.
Prêtes pour le supplice, les cinq religieuses sortent de la prison ; à travers la foule curieuse, émue plutôt qu’hostile, les soldats leur frayent un passage : elles marchent vers l’échafaud en récitant successivement le Miserere et les litanies, puis en chantant le Magnificat.
L’échafaud, situé environ à 200 mètres de la prison, est dressé sur la place du Grand-Marché, appelé aussi carrefour du Carreau.
Un huissier lit la sentence de condamnation. Mère Nathalie Vanot est appelée la première, mais la Mère Augustine Déjardin, dans sa hâte de mourir pour Dieu, s’avance :
– Un instant, ma chère Sœur, dit doucement la Mère Nathalie, c’est à moi à y monter avant vous.
L’on dit que le bourreau, pour réprimer l’impatience de cette jeune femme qui avait soif du martyre, la fît passer à son rang, le dernier. Au moment même où l’on guillotinait ses Sœurs, une Ursuline, Mère Ursule Gillart, malade à l’hôpital civil de Valenciennes, rendait son âme à Dieu après cette prière : « Seigneur, ne permettez pas que mes Sœurs rentrent au ciel avant moi ! »
Les corps des cinq religieuses martyres furent transportés au cimetière commun. On n’a pu retrouver ni leurs tombes ni leurs ossements.
Veillée d’armes. – Comparution du second groupe d’Ursulines.
La mort glorieuse de leurs compagnes semble avoir encore relevé et affermi le courage joyeux des six Ursulines restées en prison. On en a la preuve dans quelques lettres écrites par la supérieure, Mère Clotilde, et par la Mère Scholastique Leroux.
Plusieurs prêtres, on l’a vu, étaient incarcérés avec les Ursulines. D’après leurs compagnons de captivité, les religieuses montraient un courage inouï. Le 22 octobre, lendemain de la fête de sainte Ursule, il y eut à la prison comme un repas de famille auquel prirent part les douze prévenus, dont les Ursulines, qui allaient bientôt être jugés. Mère Clotilde leur annonça que bientôt on se retrouverait en paradis.
Touchantes agapes que celles où se réunissaient, la veille de leur supplice, ces prêtres et ces religieuses, âmes simples et droites, sublimes presque sans le savoir, qui se préparaient avec un si tranquille héroïsme au passage de l’éternité !
Le 23 octobre, vers 9 h. 1/2 du matin, on conduisit devant la Commission militaire la Mère Clotilde et cinq de ses compagnes : c’étaient les Mères Scholastique et Joséphine Leroux (l’ancienne Clarisse Urbaniste), âgées l’une de 45, l’autre de 47 ans ; Cordule Barré, âgée de 47 ans ; Marie-Françoise Lacroix, âgée de 41 ans, et Anne-Marie-Joseph Baux ou Erraux, âgée de 32 ans (ces deux dernières anciennes Brigittines).
La Mère Anne-Marie-Joseph, la plus jeune des onze martyres, se révèle dans une lettre qu’elle écrit, quinze jours avant son exécution, à son beau-père, M. Lefranc, de Pautigny, près de Pont-sur-Sambre. Elle y dispose, en faveur des siens, des modestes objets lui appartenant : sa bague de religieuse, un service d’argent et un peu de monnaie, et se déclare ensuite impuissante à exprimer la paix et la joie de son cœur.
On interrogea d’abord la Mère Clotilde. Cette femme très douce, dont on disait qu’elle subjuguait les cœurs par son influence toute persuasive, avait depuis longtemps désiré et accepté pour elle et pour ses filles le martyre ; mais elle se sentait vis-à-vis de sa communauté une responsabilité grave, et son devoir lui commandait de faire taire ses aspirations héroïques, pour disputer à une sentence inique les têtes des cinq femmes confiées à sa garde.
Les religieuses, ainsi protégées par la courageuse affirmation de la responsabilité exclusive de leur supérieure, refusèrent de distinguer leur cause de la sienne.
– Pour moi, j’ai fait ce que la supérieure a fait, dit la Sœur Cordule Barré ; si elle meurt, je dois mourir aussi.
Pas un instant ces âmes, que l’esprit d’obéissance élevait à une hauteur de vues admirable, n’eurent la pensée qu’on pût séparer leur destinée de celle de leur Mère ; celle-ci, cependant, insistait, répétant qu’elle seule était coupable.
Exécution du second groupe d’Ursulines.
Les six Ursulines furent condamnées à mort et, avec elles, quatre prêtres. Elles écoutèrent la sentence dans un profond recueillement ; puis la Mère Clotilde, jalouse de revendiquer pour elle et pour ses filles le privilège de mourir pour Dieu et non pas sous un prétexte stupide, prit la parole :
– Je sais, dit-elle, que je dois mourir parce que j’ai été fidèle à mon devoir. Mais je ne meurs pas pour la République, je meurs pour la foi et la religion catholique, apostolique et romaine, que j’ai enseignée, car c’est pour cela que mon Institut a été fondé.
En rentrant dans la prison, les Ursulines commencèrent leurs préparatifs ; elles se coupèrent mutuellement les cheveux, puis elles se mirent à réciter, comme l’avaient fait leurs Sœurs, les prières de l’agonie. Une nièce de la Mère Clotilde, Rosalie Leroy, arriva sur ces entrefaites. Elle ignorait la condamnation de sa tante et lui apportait quelques vêtements chauds ; on était à la fin d’octobre, et les nuits, dans cette région du Nord, étaient déjà fraîches.
Au dehors, les tambours battaient Aux champs ; bientôt, la garde entra ; on fit l’appel des condamnées :
– Citoyens, dit la Mère Clotilde, nous vous sommes bien obligées ; ce jour sera le plus beau de notre vie. Nous prierons Dieu de vous ouvrir les yeux.
– Nous pardonnons aux juges qui nous ont condamnées, ajouta la Mère Scholastique Leroux, au bourreau qui va nous exécuter et à tous nos ennemis.
Les détenus qui remplissaient la prison entouraient les religieuses ; tous pleuraient. Quant aux Ursulines, elles tendirent en souriant leurs bras pour qu’on les liât. Puis on se mit en route ; mais, par une inadvertance étrange, le nom de la Sœur Cordule fut oublié ; elle seule resta pendant que ses cinq compagnes étaient emmenées. Se jetant à genoux, la pauvre femme se désolait, conjurant Dieu de ne pas la priver de la couronne qu’elle avait tant désirée. Tout à coup, la porte se rouvrit ; le geôlier appela la Sœur, lui lia les mains et la réunit au groupe déjà en marche.
Très calmes, d’un pas ferme et la physionomie sereine, les religieuses traversèrent la multitude houleuse qui était venue « voir guillotiner les nonnes ». Elles psalmodiaient le Te Deum, le Veni Creator, les litanies de la Sainte Vierge ; leur attitude en imposa à la foule qui, peu à peu, se calma et se tut.
Mère Marie-Clotilde, en raison de son âge et de son titre de supérieure, fut décapitée la première. Plus que jamais, elle vivait dans la pensée du ciel. C’était l’anniversaire de sa profession, qu’elle avait faite trente-huit ans plus tôt. Elle était heureuse de verser son sang pour la foi et la religion catholiques et elle encouragea ses Sœurs jusqu’au bout.
Le bourreau, en lui enlevant son mouchoir, lui arracha en même temps une petite croix d’argent, qui fut, dans la suite, remise à sa famille.
Ses cinq filles la suivirent, toutes calmes, recueillies, souriantes. Les assistants demeurèrent muets de stupeur et d’admiration. De même que leurs compagnes exécutées le 17 octobre, les six Ursulines, martyrisées le 23, furent inhumées au cimetière commun, appelé aujourd’hui cimetière Saint-Roch ; c’est là que reposent les restes mortels des Ursulines de Valenciennes. Leur cause fut introduite en cour de Rome le 14 mai 1907. Elles ont été béatifiées par Benoît XV le 13 juin 1920, en même temps que quatre Filles de la charité d’Arras, martyrisées trois mois avant elles.
F. Carret.
Sources consultées. – J. Loridan, Les bienheureuses Ursulines de Valenciennes, (Collection Les Saints, Paris, 1920) ; Les Ursulines de Valenciennes avant et pendant la Terreur (Paris, 1901). – Les Contemporains, n° 743 (Bonne Presse, Paris). – (V. S. B. P., nos 1444 et 1445.)