Dominicain, évêque de Ratisbonne et Docteur de l’Eglise (vers 1206–1280).
Fête le 15 novembre.
Vie résumée
Saint Albert le Grand naquit aux environs d’Augsbourg, de parents riches des biens de la fortune. Dès son enfance, il montra dans ses études une rare perspicacité ; le goût des sciences lui fit abandonner les traditions chevaleresques de sa famille et le conduisit à l’université de Padoue, alors très célèbre, où il sut tempérer son ardeur pour l’étude par une vive piété. À l’âge de trente ans, encore incertain de son avenir, mais inspiré par la grâce, il alla se jeter aux pieds de la très Sainte Vierge, et crut entendre la céleste Mère lui dire : « Quitte le monde et entre dans l’Ordre de Saint-Dominique. » Dès lors, Albert n’hésita plus, et malgré les résistances de sa famille, il entra au noviciat des Dominicains. Tels furent bientôt ses progrès dans la science et la sainteté, qu’il dépassa ses maîtres eux-mêmes.
Muni du titre de docteur en théologie, il fut envoyé à Cologne, où sa réputation lui attira pendant longtemps de nombreux et illustres disciples. Mais un seul suffirait à sa gloire, c’est saint Thomas d’Aquin. Ce jeune religieux, déjà tout plongé dans les plus hautes études théologiques, était silencieux parmi les autres au point d’être appelé par ses condisciples : « le Boeuf muet de Sicile ». Mais Albert les fit taire en disant : « Les mugissements de ce boeuf retentiront dans le monde entier. » De Cologne, Albert fut appelé à l’Université de Paris avec son cher disciple. C’est là que son génie parut dans tout son éclat et qu’il composa un grand nombre de ses ouvrages.
Plus tard l’obéissance le ramène en Allemagne comme provincial de son Ordre ; il dit adieu, sans murmurer, à sa cellule, à ses livres, à ses nombreux disciples, et voyage sans argent, toujours à pied, à travers un immense territoire pour visiter les nombreux monastères soumis à sa juridiction. Il était âgé de soixante-sept ans quand il dut se soumettre à l’ordre formel du Pape et accepter, en des circonstances difficiles, le siège épiscopal de Ratisbonne ; là, son zèle infatigable ne fut récompensé que par de dures épreuves où se perfectionna sa vertu. Rendu à la paix dans un couvent de son Ordre, il lui fallut bientôt, à l’âge de soixante-dix ans, reprendre ses courses apostoliques. Enfin il put rentrer définitivement dans la retraite pour se préparer à la mort.
On s’étonne que, parmi tant de travaux, de voyages et d’oeuvres de zèle, Albert ait pu trouver le temps d’écrire sur les sciences, la philosophie et la théologie des ouvrages qui ne forment pas moins de vingt et un volumes in-folio, et on peut se demander ce qui a le plus excellé en lui du savant, du saint ou de l’apôtre.
Il mourut âgé de quatre-vingt-sept ans, le 15 novembre 1280 ; son corps fut enterré à Cologne dans l’église des Dominicains. Il lui a fallu attendre jusqu’au 16 décembre 1931 les honneurs de la canonisation et l’extension de son culte à l’Église universelle. En proclamant sa sainteté, le pape Pie XI y ajouta le titre si glorieux et si bien mérité de docteur de l’Église. Sa fête a été fixée au 15 novembre, jour de sa mort. De temps immémorial, il était connu sous le nom d’Albert le Grand.
Abbé L. Jaud, Vie des Saints pour tous les jours de l’année, Tours, Mame, 1950
Version Longue
Grand, Albert de Bollstaedt ou de Lauingen l’est en vérité par son intelligence, l’une des plus cultivées de son temps et de tous les temps, par l’éminente sainteté de sa vie et sa prodigieuse activité apostolique, par l’originalité et la vigueur de ses conceptions philosophiques, par son influence profonde sur la pensée et le mouvement intellectuel de son siècle. Véritable Aristote chrétien, il domine ses contemporains les plus illustres par l’étendue de son savoir, le rayonnement de son apostolat scientifique, la distinction et l’accord qu’il établit entre la philosophie et la théologie, l’introduction de l’aristotélisme christianisé dans l’enseignement de la science sacrée.
De bonne heure, la légende s’empara de sa vie. On lui attribua les inventions les plus extraordinaires, la construction des édifices les plus artistiques, les faits de sorcellerie les plus invraisemblables. Après avoir multiplié à plaisir dans son existence les interventions miraculeuses, on fit volontiers de lui une sorte d’alchimiste, de magicien : ce n’était qu’une façon maladroite de reconnaître son goût pour les observations et expériences du laboratoire et sa science de la nature. En réalité, l’histoire de la vie d’Albert le Grand reste, en beaucoup de points, incomplète ou obscure faute de documents ou de renseignements précis.
Etudiant à l’Université de Padoue, puis religieux dominicain.
Albert de Bollstaedt, plus connu dans l’histoire sous le nom d’Albert le Grand, naquit en 1206 (ou peut-être en 1193, selon quelques historiens), à Lauingen, petite ville souabe, située sur le Danube, au nord-ouest d’Augsbourg. Il était l’aîné des enfants du comte de Bollstaedt, riche et puissant chevalier, tout dévoué à l’empereur Frédéric II. Sa première éducation fut celle que recevaient au moyen âge les enfants de famille noble. Assez vite cependant, il fut envoyé, à la célèbre Université de Padoue, étudier, sous la surveillance d’un oncle, les lettres, les sciences, la médecine : à ce moment son père guerroyait en Lombardie pour le compte de son suzerain. On trouve dans certains ouvrages composés plus tard par Albert des souvenirs et des allusions relatifs à ce premier séjour en Italie. L’étudiant s’y montre observateur attentif des phénomènes de la nature, passionné pour l’étude des sciences physiques, curieux d’en connaître et d’en vérifier les lois. Cette ardeur pour la possession du savoir humain ne causa d’ailleurs aucun préjudice à sa piété et, dans un milieu assez dangereux pour les bonnes moeurs, avec la protection spéciale de la Sainte Vierge, il conserva intact le trésor de la pureté.
L’appel divin ne tarda pas à se faire entendre : il fallait quitter la famille et le monde pour la vie plus parfaite du cloître. Après avoir prié longtemps Marie, consulté les religieux qui s’occupaient de son âme, Albert n’hésita pas : il se donnerait à Dieu dans l’Ordre dominicain. Cette vocation rencontra les plus grandes difficultés ; oncle et parents s’y opposèrent. Mais dans les premiers mois de 1223, la sainteté, le prestige irrésistible, l’éloquence du bienheureux Jourdain de Saxe, successeur de saint Dominique, triomphèrent des obstacles. Albert revêtit l’habit des Frères Prêcheurs. Celui qui l’avait conquis, avec tant d’autres étudiants, à la règle dominicaine, avait également deviné les brillantes qualités de sa nouvelle recrue. Sans aucun doute, Jourdain de Saxe s’occupa d’une façon spéciale des études d’Albert de Lauingen. On ne sait au juste dans quel couvent, après Padoue, l’héritier des Bollstaedt étudia la philosophie et la théologie, peut-être à Bologne ; en tout cas, il y fit des progrès merveilleux.
Maître Albert professeur à l’Université de Paris. Une encyclopédie scientifique.
De disciple il devint, vers 1231 ou 1232, professeur. Il enseigna la science sacrée dans les couvents de Hildesheim, de Fribourg-en-Brisgau, de Ratisbonne (pendant deux ans), de Strasbourg. En 1245, le Maître général des Prêcheurs l’envoie à Paris, au collège ou Faculté théologique de Saint-Jacques, le plus important de l’Ordre et qui était incorporé à l’Université depuis 1229. Albert devait y enseigner comme bachelier sous un maître en théologie et y conquérir lui-même la maîtrise. Ses leçons eurent très vite le plus grand succès. Religieux, clercs, laïques, professeurs même, se pressaient en foule autour de sa chaire, avides de l’entendre. Chaque dimanche, Albert faisait une conférence aux étudiants. A certains jours, si l’on en croit une tradition, les salles du couvent étaient insuffisantes : alors il devait parler en plein air, sur la place. La célébrité de Maître Albert date de son séjour et de son enseignement à l’Université parisienne. On le considéra comme l’un des plus grands savants de son siècle, et le titre de docteur universel qui lui fut donné indique bien l’étonnante admiration qu’il suscita chez ses contemporains, ses auditeurs et ses disciples.
Le plus célèbre de ceux-ci, celui dont la gloire devait même dépasser celle du maître, fut saint Thomas d’Aquin. On a écrit avec raison que ces deux génies ne font qu’un pour ainsi dire. Comment séparer Albert de Thomas ? Sans le premier, le second n’eût pas été possible ; sans le second, le premier fût resté incomplet. Jamais un maître et un disciple ne se comprirent si bien et ne s’aimèrent autant. Tout en commentant avec un succès sans pareil le Livre des Sentences de Pierre Lombard, Albert conçut et commença de réaliser, pendant son séjour à Paris, le projet d’une vaste encyclopédie qui contiendrait tout l’acquis de la science humaine, antique et récente, dominée et couronnée par la science sacrée. Ce travail vraiment gigantesque, audacieux pour un seul homme, était déjà achevé en grande partie en 1256 ; Albert le complétera jusque vers la fin de sa vie, parcourant et faisant progresser tous les travaux et connaissances scientifiques de ses devanciers, d’Aristote, d’Avicenne, d’Averrhoès, montrant par là aussi l’harmonieux accord de la science et de la foi dans les diverses branches du savoir humain.
Au couvent de Cologne. – Pacificateur de la cité. Prieur provincial.
Lorsque, à la fin de l’année 1248, Maître Albert fut appelé à organiser et à diriger la nouvelle « Etude générale » qui venait d’être établie à Cologne pour la formation intellectuelle supérieure des religieux dominicains, il emmena avec lui saint Thomas d’Aquin. Ce dernier était toujours modeste, appliqué, silencieux ; quelques condisciples le surnommaient le bœuf muet de Sicile. « Vous dites que Fr. Thomas est un bœuf muet, leur déclara un jour le maître ; mais le monde tressaillira un jour du mugissement de sa doctrine. » Combien cette prophétie devait se réaliser, l’histoire de l’Eglise l’atteste depuis sept siècles.
Cologne sera dorénavant la résidence ordinaire d’Albert. Tout en consacrant sa prodigieuse activité à l’enseignement, à la prédication, à la composition d’ouvrages de théologie, de philosophie, de sciences naturelles, il s’occupe aussi de la direction des âmes, de la pacification des esprits, de la solution de graves conflits. L’archevêque de Cologne, Conrad de Hochstaden, a souvent recours à ses conseils dans l’accomplissement de la charge épiscopale. En 1251, les prétentions excessives du prélat indisposant fortement la bourgeoisie de la ville contre lui, l’arbitrage d’Albert donna cinq années de paix à Cologne. De nouveau, en 1258, le moine intervient pour réconcilier les adversaires ; l’année suivante, il est un des signataires de l’accord commercial conclu entre Cologne et Utrecht. Quatre ans après, à la suite d’une émeute qui jette en prison l’archevêque de la ville, l’interdit pontifical frappe la malheureuse cité. Albert est encore choisi comme l’un des arbitres chargés d’apaiser le conflit : il agit auprès du Pape pour faire lever la censure. En d’autres localités, en d’autres circonstances, mais surtout en Rhénanie et jusqu’à sa mort, il sera, par amour des âmes, par dévouement à l’Eglise, le pacificateur des cités, l’apôtre de la justice et de la charité dans les contrats et les relations entre citoyens.
Le Chapitre provincial de l’Ordre dominicain tenu à Worms en 1254 lui confia les destinées de la Province d’Allemagne, qui comprenait alors la Germanie, la Hollande, la Flandre, l’Autriche. Pendant la durée de son mandat de trois ans, Albert s’occupa de sa charge avec activité et avec un grand dévouement. Voyageant à pied, sans argent, mendiant sa nourriture, il parcourut le territoire et visita les couvents soumis à sa juridiction. Il exigeait des religieux la stricte observance de la règle, la pratique fidèle des vertus, spécialement de la pauvreté, l’application soutenue aux études. Non content d’entretenir la discipline et la piété dans les couvents déjà fondés, il en établit de nouveaux, notamment celui du Paradis dans le diocèse de Cologne, pour les filles de la noblesse. En 1256, à la demande du Pape Alexandre IV, Albert se rendit à Anagni : devant la cour pontificale, il réfuta les allégations calomnieuses de Guillaume de Saint-Amour contre les Ordres mendiants : l’ouvrage de ce pamphlétaire fut condamné par Alexandre IV. Pendant son séjour à Anagni, il commenta l’Evangile de saint Jean et les épîtres catholiques, écrivit une réfutation de la doctrine d’Averrhoès concernant l’intelligence. Ce voyage en Italie fournit à l’infatigable savant l’occasion de recherches scientifiques : il découvrit un traité d’Aristote sur les animaux, qu’on croyait perdu, et il en publia un commentaire. Rentré à Cologne après une année d’absence, il reprit son enseignement et ses travaux ordinaires. Avec saint Thomas d’Aquin et Pierre de Tarentaise (le futur Pape Innocent V) il élabora au Chapitre général de Valenciennes, en 1259, un règlement pour les études dominicaines.
Evêque de Ratisbonne. – Prédicateur de la Croisade. L’apôtre de la vérité.
Au début de l’année suivante, malgré sa vive répugnance et tes efforts du Maître général Humbert de Romans pour empêcher cette nomination, Albert fut désigné par Alexandre IV pour l’évêché de Ratisbonne. Par suite de la conduite de l’évêque pré cèdent, Albert de Pietengau, ce diocèse se trouvait fort divisé par des dissensions politiques et dans une situation religieuse assez triste. Albert se donna avec zèle aux devoirs de sa nouvelle charge. Son grand moyen d’apostolat et de persuasion était partout l’exemple de la vertu, de la sainteté. Il ne changea pas son genre de vie pauvre et simple ; sa modestie dans les habits, sa manière de voyager, contrastaient avec le luxe, les manières plus ou moins mondaines qu’on trouvait chez plusieurs prélats allemands. Albert parcourut son diocèse, prêchant la parole de Dieu, faisant observer les règles disciplinaires, réformant les communautés relâchées, apaisant les discordes civiles. Les devoirs de sa charge pastorale, son zèle apostolique ne le détournèrent pas du travail intellectuel : son infatigable activité, son vaste génie, son expérience, lui permettaient de se livrer à toutes sortes d’occupations. Cependant en 1262, plus amoureux d’études que du tracas des affaires temporelles où un évêque de ce temps avait sans cesse à intervenir, en butte d’ailleurs à des attaques violentes et haineuses, il résigna son évêché et retourna avec joie dans un couvent de son Ordre, probablement celui de Cologne. Pendant deux ans il avait fait l’œuvre du bon pasteur, pacifiant ses ouailles, réformant son clergé, éteignant les dettes de son prédécesseur, donnant à tous l’exemple d’une vie consacrée à la prière, au travail, à l’apostolat, à la gloire de Dieu.
Albert ne jouit pas longtemps du silence et du calme de la cellule monacale. Le Pape Urbain IV le chargea, en 1263, de prêcher en Allemagne, en Bohême et autres régions de langue teutonique, la dernière Croisade, celle au cours de laquelle mourut saint Louis. Pendant deux ans, il parcourut ces pays en tous sens, jusqu’aux frontières de la Pologne, entraînant, par sa sainteté plus encore que par sa parole, les seigneurs et les hommes d’armes à se croiser pour la délivrance des Lieux Saints. Cette mission accomplie, le prélat se retire à Würzbourg, en Franconie ; il y reprend ses chers travaux scientifiques, s’emploie à pacifier les esprits, à arbitrer des procès, à prêcher. Sur sa demande, Jean de Verceil, le Maître général de l’Ordre dominicain, lui permet, vers 1267, de reprendre au couvent de Cologne sa chaire de lecteur en théologie. Mais son zèle ne se borne pas à donner à ses élèves la science sacrée. Pendant les dix années qui suivent Albert se déplace fréquemment allant du Brenner à Anvers, de Cologne à Lyon. Ici et là, suivant les désirs des évêques ou de ses frères, il prêche, consacre des autels, des églises, accomplit les cérémonies d’ordination, sème les bénédictions, les indulgences, le parfum de ses vertus. Il assiste en 1274 au Concile œcuménique de Lyon, contribue efficacement à faire reconnaître Rodolphe de Habsbourg comme empereur du Saint-Empire et à faire définir certaines questions dogmatiques et morales soulevées par les Grecs. L’amour de la vérité brûle son âme et guide son apostolat. A Paris, Thomas d’Aquin lutte contre Siger de Brabant et l’averrhoïsme ; de Cologne, Albert envoie à Gilles de Lessines une réfutation de cette erreur et vient ainsi en aide à son disciple bien-aimé. Plus tard, en 1277, des intrigues savamment ourdies par des maîtres séculiers de l’Université de Paris conduisent l’évêque de cette ville, Etienne Tempier, à condamner certaines propositions de Fr. Thomas qui n’est plus là pour défendre son honneur scientifique. Ni l’âge, ni la faiblesse, ni la distance n’arrêtent le vieillard, ce « prodige de la science », comme on l’appelait. Il double les étapes pour courir plus vite à la défense des idées de son plus cher disciple.
Un grand savant et un saint à l’âme apostolique.
De son vivant Albert jouit d’une égale renommée de vertu et de science : on le considérait comme un grand serviteur de Dieu ; sa conduite dans les diverses charges ou dignités qu’il eut, fournit la meilleure preuve de sa sainteté. Ce géant du savoir, ce métaphysicien qui christianise l’aristotélisme, cet écrivain que l’on cite dans les écoles au même titre qu’Aristote, Avicenne, et dont l’autorité doctrinale est unique en ce xiiie siècle à la vie intellectuelle si intense, ce professeur qui enthousiasme la jeunesse universitaire et qui peut légitimement prétendre aux honneurs et à la gloire les plus élevés, est simple, humble, pauvre, édifiant, pieux, austère, obéissant, comme le prescrit la Règle de l’état de vie qu’il a embrassé.
Religieux, provincial, évêque, il n’oublie jamais qu’il appartient à un Ordre mendiant : la pauvreté, il l’aime, la pratique, la recommande à ses frères. Son humilité est remarquable : si ce grand savant a reçu de Dieu les dons les plus riches pour l’étude, il les fait fructifier par un travail acharné, mais pour la gloire de Dieu, le bien du prochain ; sa science toujours plus vaste ne l’enfle pas : elle le rend au contraire de plus en plus défiant de sa raison, humble dans la totale soumission de son intelligence à la foi. Que dire encore de son amour du travail, de son zèle dans le professorat, de son obéissance aux supérieurs, au Pape, aux évêques ; de son apostolat par la prédication, de sa piété simple, caractérisée par une dévotion spéciale à l’Eucharistie, à la Passion du Christ, à la messe, à la Vierge Marie ! La forme spécifique de sa vocation spéciale est l’étude, l’enseignement de la vérité : Albert étudie, écrit, parle, prêche pour apprendre aux hommes à mieux connaître et à mieux aimer le Créateur : la science doit conduire à la foi et à l’amour.
Mort de saint Albert le Grand. – Son culte. – Docteur de l’Eglise.
De Paris, Albert retourna à Cologne. L’âge et le travail acharné, un demi-siècle durant, amenèrent un sérieux affaiblissement des forces et des facultés : ce fut pour le grand savant un avertissement de se préparer à la mort. Ses trois dernières années y furent exclusivement employées. Il mourut à Cologne, le 15 novembre 1280. Après de magnifiques funérailles, son corps fut inhumé, comme il l’avait demandé par son testament, dans le chœur de l’église des Frères Prêcheurs de cette ville. Plus tard, ses restes, renfermés dans un sarcophage en bois, furent déposés dans un tombeau en pierre : une inscription sur marbre rappelait la personnalité du défunt. La ville de Ratisbonne obtint en 1619 l’os du bras gauche ; cette relique insigne fut exposée dans l’église cathédrale. Celle de Lauingen ne put avoir le même bonheur ; elle fit exécuter un portrait d’Albert qui fut placé dans l’église de la paroisse. De bonne heure, un culte spécial entoure à Cologne, à Lauingen, à Ratisbonne, la mémoire et les reliques du célèbre Dominicain : des chapelles sont bâties en son honneur, des miracles sont demandés et obtenus par son intercession.
Aussi, en 1484, les Dominicains de Cologne et de Ratisbonne sont-ils autorisés à célébrer la fête d’Albert le Grand. Le 27 novembre 1622, le Pape Grégoire XV accorda verbalement la même faveur au diocèse de Ratisbonne. Urbain VIII concéda à son tour la fête liturgique à Lauingen en 1631, puis, en 1635, à tous les Dominicains d’Allemagne ; Alexandre VII fît de même en 1664 pour ceux de Vénétie ; Clément X pour tout l’Ordre dominicain en 1670 ; enfin Pie IX, pour le diocèse de Cologne, en faveur de qui il élève la fête au rite semi-double, puis, en 1870, au rite double. Dans la suite, plusieurs diocèses allemands, et en France celui de Paris, obtinrent un privilège semblable. Le culte du Docteur rhénan se répand de plus en plus.
Dès la fin du xve siècle, après la solennelle translation de ses restes en 1482, les honneurs de la canonisation et l’auréole des docteurs furent demandés pour lui au Pape. Mêmes démarches pressantes en 1601, puis en 1870, lors du Concile du Vatican. Sous le pontificat de Pie XI de nouvelles sollicitations furent présentées à Rome par l’Ordre dominicain, les évêques allemands, les fidèles de certaines régions ; l’examen de cette supplique fut confié à la Congrégation des Rites qui donna un avis favorable. Pie XI recourut à un mode particulier de canonisation, rare dans les temps présents, mais usité dans le passé : la canonisation par équipollence, dans laquelle le Souverain Pontife, en vertu de sa suprême autorité, supplée aux formalités juridiques ; par les Lettres décrétales du 16 décembre 1931, il inscrivait Albert le Grand au nombre des Saints et, en outre, lui conférait le titre de Docteur de l’Eglise ; le Pape imposait la fête de l’illustre Dominicain à l’univers catholique, sous le rite double mineur et à la date du 15 novembre, la fête de sainte Gertrude, vierge, étant, en conséquence, reportée au lendemain.
Note de LPL : Il a été par la suite été établit « patron céleste de ceux qui s’occupent des sciences » par Pie XII le 16 décembre 1941, soit 10 ans jour pour jour après la canonisation.
Ses écrits.
Les écrits philosophiques, théologiques, même mystiques de saint Albert le Grand, auxquels se mélangèrent, tant sa gloire tentait les faussaires, des apocryphes peu recommandables des xvie et xviie siècles, ont été publiés en 1651 par le P. Pierre Jammy, Dominicain, et, à partir de 1890, par l’abbé Borgnet. Mais ces deux collections, dont la seconde comprend près de quarante volumes, sont peu critiques et incomplètes. Elles disent suffisamment que l’activité littéraire du saint Docteur fut la plus gigantesque du moyen âge ; elle s’étendit à presque toutes les sciences profanes et sacrées.
F. Carret.
Sources consultées. – Mgr Paul Guérin, Les Petits Bollandistes, t. XIII (Paris, 1897). – Dr Joachim Sighart, Albert le Grand, sa vie et sa science, traduction de l’allemand (Paris, 1862). – P. Mandonnet, dans le Dictionnaire de théologie catholique, t. I (Paris, 1900). – A. Delorme, Albert le Grand, sa vie, ses œuvres, son influence (Juvisy, 1931). – (V. S. B. P., n° 353.)