La question centrale de la valeur magistérielle du concile Vatican II

L’Osservatore roma­no du 2 décembre 2011 publie une étude de Mgr Fernando Ocariz, l’un des quatre experts qui ont repré­sen­té le Saint-​Siège lors des der­nières dis­cus­sions doc­tri­nales avec la Fraternité Saint-​Pie X (d’octobre 2009 à avril 2011). La ques­tion cen­trale de la valeur magis­té­rielle du concile Vatican II y est abor­dée en toute clar­té (§ 1), mais d’une manière qui reste fort insuf­fi­sante (§ 2).

1 – Des principes incontestables

Dans la pre­mière par­tie de son étude, le pré­lat espa­gnol réca­pi­tule les notions fon­da­men­tales déjà rap­pe­lées par Pie XII dans Humani gene­ris [1] : le fait qu’un acte du magis­tère de l’Église ne soit pas garan­ti par le cha­risme de l’infaillibilité, propre aux défi­ni­tions solen­nelles, ne signi­fie pas qu’il puisse être consi­dé­ré comme « faillible », au sens où il trans­met­trait une « doc­trine pro­vi­soire » ou encore des « opi­nions auto­ri­sées ». Dans un sens large, c’est à dire lorsqu’il ne donne pas de défi­ni­tions solen­nelles et infaillibles, le magis­tère est tou­jours assis­té par Dieu, et cette assis­tance est néces­saire pour assu­rer la trans­mis­sion indé­fec­tible du dépôt de la foi. En ce sens, le simple magis­tère ordi­naire béné­fi­cie lui aus­si d’un cer­tain cha­risme de véri­té [2]. L’infaillibilité du magis­tère doit donc s’entendre dans un sens ana­logue, c’est à dire à des degrés divers [3].

Il en résulte évi­dem­ment que l’adhésion due à la véri­té pro­po­sée par le magis­tère s’entend elle aus­si de diverses. Les défi­ni­tions solen­nelles infaillibles pro­posent ordi­nai­re­ment comme telles des véri­tés for­mel­le­ment révé­lées, aux­quelles est dû un assen­ti­ment de foi théo­lo­gale. Les autres ensei­gne­ments non défi­ni­toires réclament pour la véri­té pro­po­sée une adhé­sion intel­lec­tuelle dési­gnée comme un assen­ti­ment reli­gieux interne, et qui implique, outre l’assentiment vis-​à-​vis de la véri­té pro­pre­ment dite, une cer­taine part d’obéissance vis-​à-​vis de l’autorité magis­té­rielle. Enfin, les actes magis­té­riels peuvent conte­nir des élé­ments qui, ne fai­sant pas la matière d’un ensei­gne­ment pro­pre­ment dit, n’exigent en tant que tels aucune adhésion.

2 – Une problématique insuffisante

Ces rap­pels géné­raux ne pré­sen­te­raient aucune dif­fi­cul­té, si Mgr Ocariz n’en fai­sait l’application aux ensei­gne­ments de Vatican II. Selon lui en effet, même si le der­nier concile n’a vou­lu défi­nir aucun dogme, le cha­risme de véri­té et l’autorité magis­té­rielle y furent cer­tai­ne­ment pré­sents, au point que les refu­ser à l’ensemble de l’épiscopat réuni cum Petro et sub Petro pour appor­ter un ensei­gne­ment à l’Église uni­ver­selle, ce serait nier une par­tie de l’essence même de l’Église. De la sorte, les affir­ma­tions du Concile qui rap­pellent des véri­tés de foi requièrent évi­dem­ment l’adhésion de la foi théo­lo­gale, non pas parce qu’elles ont été ensei­gnées par ce Concile, mais parce qu’elles avaient déjà été ensei­gnées de façon infaillible comme telles par l’Église, soit en ver­tu d’une déci­sion solen­nelle, soit par le magis­tère ordi­naire et uni­ver­sel. Le même assen­ti­ment plein et défi­ni­tif est requis pour les autres doc­trines rap­pe­lées par le Concile et déjà pro­po­sées par un acte défi­ni­tif lors de pré­cé­dentes inter­ven­tions magis­té­rielles. Les autres ensei­gne­ments doc­tri­naux du Concile requièrent des fidèles l’assentiment reli­gieux de la volon­té et de l’intelligence.

On pour­rait sans doute se féli­ci­ter de voir enfin un théo­lo­gien du Saint-​Siège intro­duire toutes ces nuances, et oppo­ser ain­si un déni des plus for­mels, quoiqu’implicite, à toutes les pré­sen­ta­tions uni­la­té­rales qui ont jusqu’ici pré­sen­té le concile Vatican II dans une optique maxi­ma­liste, comme un dogme abso­lu­ment intou­chable, « plus impor­tant encore que celui de Nicée » [4]. Cependant, aus­si sédui­sante soit-​elle dans les nuances et les dis­tinc­tions qu’elle apporte, une pareille ana­lyse véhi­cule dans sa racine un pos­tu­lat qui est loin d’être évident. L’étude de Mgr Ocariz évite ain­si de répondre à la ques­tion cru­ciale, qui reste encore pen­dante entre la Fraternité Saint Pie X et le Saint-​Siège. Plus exac­te­ment, la réponse à cette ques­tion semble si bien aller de soi aux yeux du pré­lat de l’Opus Dei que tout se passe comme s’il n’avait jamais été néces­saire de l’aborder. Ou comme si le débat ne devait jamais avoir lieu.

Celui-​ci s’impose pour­tant plus que jamais. Il est en effet loin d’être évident que le cha­risme de la véri­té et l’autorité du magis­tère ont été cer­tai­ne­ment pré­sents au der­nier concile, et que l’ensemble de l’épiscopat réuni cum Petro et sub Petro y ait béné­fi­cié des lumières du Saint-​Esprit, pour ensei­gner l’Église uni­ver­selle. Qu’on le veuille ou non, il ne va pas de soi que le der­nier concile puisse s’imposer, en tout et pour tout, aux yeux des catho­liques comme l’exercice d’un véri­table magis­tère, récla­mant leur adhé­sion aux dif­fé­rents niveaux indi­qués. Et de fait, nous le nions, pour des rai­sons sérieu­se­ment fon­dées. Si l’on se rap­pelle en effet la défi­ni­tion tra­di­tion­nelle du magis­tère (§ 3–5), on est bien obli­gé de consta­ter que les pro­cé­dés de Vatican II ne s’y conforment guère (§ 6–7). D’autant moins que cette nou­veau­té inté­grale du 21e concile œcu­mé­nique s’explique pro­fon­dé­ment en rai­son de pré­sup­po­sés abso­lu­ment inédits (§ 8–12).

3 – La raison d’être du magistère

L’unité de l’Église et l’unité dans la foi sont insé­pa­rables, et le magis­tère a jus­te­ment pour rôle de les sau­ve­gar­der. Le cha­risme de la véri­té lui est néces­saire à cette fin, c’est à dire comme le moyen requis pour que se conserve le bien com­mun de l’Eglise, qui est le bien de l’unité dans la pro­fes­sion d’une même foi. C’est la rai­son que donne la consti­tu­tion Pastor aeter­nus du concile Vatican I : « Tel est donc le cha­risme qui a été confé­ré divi­ne­ment à Pierre et à ceux qui doivent lui suc­cé­der dans cette chaire […] de sorte que, le péril de la divi­sion ayant été écar­té, toute l’Eglise se conserve une » [5]. Saint Thomas explique de la même manière pour­quoi le pape doit être divi­ne­ment assis­té lorsqu’il enseigne le dogme ; il doit l’être pré­ci­sé­ment en tant qu’il agit comme chef, pour sau­ve­gar­der l’unité de l’Eglise : « La rai­son en est qu’il ne doit y avoir qu’une seule foi dans toute l’Église, sui­vant la recom­man­da­tion de l’Apôtre (1 Cor, 1/​10) : » Dites bien tous la même chose, et qu’il n’y ait pas de schismes par­mi vous « . Une pareille uni­té ne pour­rait être sau­ve­gar­dée si une ques­tion de foi sou­le­vée en matière de foi ne pou­vait être tran­chée par celui qui pré­side à toute l’Église, de telle sorte que toute l’Église observe fer­me­ment sa sen­tence » [6]. C’est donc la cause finale de l’activité du magis­tère qui explique son indé­fec­ti­bi­li­té dans la foi. Le magis­tère est assis­té par Dieu dans la mesure où il doit assu­rer l’unité de l’Eglise, qui est l’unité de la pro­fes­sion com­mune de la foi. Cette assis­tance n’est donc pas abso­lue mais limi­tée : elle accom­pagne la trans­mis­sion de la révé­la­tion, et non autre chose. Le Christ a dit à ses apôtres que l’Esprit-Saint les assis­te­rait pour ensei­gner tout ce que lui-​même leur a ensei­gné, ni plus ni moins [7].

Loin de consti­tuer la doc­trine, l’acte de magis­tère ne fait donc que la conser­ver et la décla­rer [8] : le magis­tère se défi­nit comme tel en dépen­dance objec­tive de la révé­la­tion divine, dont il doit assu­rer la trans­mis­sion. Lors des débats qui pré­cé­dèrent l’adoption de la consti­tu­tion Lumen gen­tium, les prin­ci­paux repré­sen­tants du « Coetus inter­na­tio­na­lis patrum », dont Mgr Lefebvre, avaient pro­po­sé un amen­de­ment signi­fi­ca­tif [9]. Cette modi­fi­ca­tion du texte don­nait à entendre que, si les défi­ni­tions du pon­tife romain sont irré­for­mables de soi et non parce que l’Eglise leur don­ne­rait leur consen­te­ment, l’assistance du Saint-​Esprit ne per­met pas non plus qu’elles puissent jamais contre­dire la foi com­mune de l’Eglise ou s’en écar­ter. La rai­son de cet amen­de­ment était de bien mon­trer (sur­tout vis-​à-​vis des schis­ma­tiques orien­taux) que le pape n’a pas le pou­voir de défi­nir arbi­trai­re­ment toute espèce de véri­té, fût-​elle en dehors du dépôt de la foi Lors du pre­mier concile du Vatican, le rap­por­teur char­gé d’expliquer au nom du Saint-​Siège la signi­fi­ca­tion exacte du texte de Pastor aeter­nus insis­tait dans le même sens : l’exercice du magis­tère ayant pour rai­son d’être le bien com­mun de l’unité de foi, l’assistance divine est dépar­tie au pape pour qu’il puisse pré­ser­ver la foi com­mune de l’Eglise [10]. Comme on l’a jus­te­ment remar­qué [11], si l’on perd de vue, dans une pers­pec­tive faus­sée, le juste rap­port qui fait dépendre le magis­tère de la Tradition objec­tive, le Deus reve­lans risque de pas­ser au second plan, au pro­fit de la cus­tos et magis­tra. Le moyen d’éviter ce risque est de se rap­pe­ler quelle est la défi­ni­tion essen­tielle du magis­tère : celle d’une puis­sance ordon­née à son objet.

Puisque l’unité d’une puis­sance découle de celle de son objet, l’unité du magis­tère est celle de la véri­té révé­lée [12]. L’une appelle l’autre, car la doc­trine révé­lée est au prin­cipe et au fon­de­ment des ensei­gne­ments magis­té­riels, comme l’objet spé­ci­fique d’un acte.

4 – L’unité de la vérité et de la révélation

Dans l’explication déve­lop­pée par Aristote et saint Thomas [13], l’unité, loin d’exclure la mul­ti­pli­ci­té, la sup­pose et la dépasse, parce qu’elle éta­blit jus­te­ment un lien qui met en rela­tion et en ordre, les uns par rap­port aux autres, dif­fé­rents élé­ments qui vont entrer en com­po­si­tion et qui ces­se­ront par le fait même de consti­tuer une mul­ti­tude informe. Cette com­po­si­tion est pré­ci­sé­ment ce qui résorbe la mul­ti­pli­ci­té dans l’unité.

Comme l’a mon­tré le car­di­nal Franzelin [14], l’unité de la véri­té révé­lée et de la Tradition est d’abord et avant tout l’unité de la signi­fi­ca­tion des dif­fé­rents dogmes, dans l’expression ordon­née d’une même véri­té. Les dogmes sont dis­tincts les uns des autres, mais ils com­posent une uni­té, parce qu’ils sont ordon­nés les uns aux autres, dans la mesure où ils signi­fient tous de façon com­plé­men­taire, les uns dans la dépen­dance des autres, les dif­fé­rents aspects de la même véri­té révé­lée. Et cela s’explique parce que cette véri­té révé­lée par Dieu sup­pose le prin­cipe même de toute véri­té, qui est le prin­cipe de la non-​contradiction, le prin­cipe de la non-​division au niveau du sens, le prin­cipe de l’unité de la véri­té. Cette uni­té de la véri­té dog­ma­tique passe par l’unité du sens des mots qui expriment la vérité.

C’est pour­quoi, dans la consti­tu­tion Dei Filius, le concile Vatican I affirme que « le sens des dogmes sacrés qui doit être conser­vé à per­pé­tui­té est celui que notre Mère la sainte Eglise a pré­sen­té une fois pour toutes et jamais il n’est loi­sible de s’en écar­ter sous le pré­texte ou au nom d’une com­pré­hen­sion plus pous­sée » [15]. Et il est éga­le­ment dit dans le Serment anti­mo­der­niste de saint Pie X, au n° 4 : « Je reçois sin­cè­re­ment la doc­trine de la foi trans­mise des apôtres jus­qu’à nous tou­jours dans le même sens et dans la même inter­pré­ta­tion que lui ont don­née les Pères de l’Eglise ; pour cette rai­son, je rejette abso­lu­ment l’in­ven­tion héré­tique de l’é­vo­lu­tion des dogmes, qui pas­se­raient d’un sens à l’autre, dif­fé­rent de celui que l’Eglise a d’a­bord pro­fes­sé » [16].

5 – L’unité du magistère

L’objet de la foi est la véri­té onto­lo­gique, c’est-​à-​dire la réa­li­té même du mys­tère, telle qu’atteinte par le croyant moyen­nant des concepts et des expres­sions ver­bales [17]. L’objet de la révé­la­tion est la véri­té logique, c’est à dire l’énonciation concep­tuelle du mys­tère, dont l’expression (ou le signe ver­bal exté­rieur, écrit ou vocal) est le dogme. La pré­di­ca­tion du magis­tère ou la tra­di­tion est la com­mu­ni­ca­tion de cette révé­la­tion moyen­nant un lan­gage exté­rieur (écrit ou oral) qui exprime l’énonciation concep­tuelle du mys­tère. La révé­la­tion et la tra­di­tion ont pour objet de four­nir au fidèle les concepts et les expres­sions ver­bales moyen­nant les­quelles son acte de foi ter­mi­ne­ra à la réa­li­té du mys­tère. Le dépôt de la foi est l’ensemble de ces expres­sions concep­tuelles et verbales.

Ce dépôt, confié à la garde du magis­tère, est sub­stan­tiel­le­ment immuable dans sa signi­fi­ca­tion. Le magis­tère ne peut donc contre­dire la révé­la­tion, en pro­po­sant des véri­tés dont le sens ne serait pas vou­lu par Dieu. Il ne peut pas non plus se contre­dire lui-​même, en pro­po­sant des véri­tés dont le sens serait contraire à celui des véri­tés qu’il a lui-​même déjà pro­po­sées. Ceci reste vrai, même si l’expression concep­tuelle ou ver­bale de la véri­té révé­lée peut gagner en pré­ci­sion et même si le magis­tère peut exer­cer son acte pour pro­po­ser des for­mules dog­ma­tiques plus expli­cites, ce qui auto­rise à par­ler d’un cer­tain « pro­grès homo­gène du dogme ». Ces expres­sions dog­ma­tiques finissent d’ailleurs par deve­nir défi­ni­tives lorsqu’elles expriment de façon suf­fi­sam­ment expli­cite la véri­té révé­lée. Ce fait est affir­mé par Pie XII, à l’encontre des faux pos­tu­lats de la nou­velle théo­lo­gie [18]. La mis­sion qui a pour objet de décla­rer le dépôt obéit aux mêmes règles que la mis­sion qui a pour objet de le conser­ver, puisqu’elle n’en est qu’une conséquence.

Voilà pour­quoi le magis­tère, défi­ni dans la dépen­dance de son objet, est constant ou tra­di­tion­nel : cette constance cor­res­pond exac­te­ment à l’unité même du magis­tère, qui se tire de son objet. L’unité du magis­tère est donc celle d’un ensei­gne­ment qui pro­pose tou­jours la même véri­té divi­ne­ment révé­lée, en lui don­nant une signi­fi­ca­tion inchan­gée, même si son expres­sion peut gagner en pré­ci­sion, moyen­nant une for­mu­la­tion concep­tuelle et ver­bale plus explicite.

6 – Le fait de Vatican II : un nouveau magistère pastoral

Le dis­cours d’ouverture du pape Jean XXIII (11 octobre 1962) [19], l’allocution du même adres­sée au Sacré-​Collège le 23 décembre 1962 [20], et le Discours de Benoît XVI du 22 décembre 2005 [21] indiquent clai­re­ment l’intention du Concile et la signi­fi­ca­tion exacte du « magis­tère pas­to­ral ». Vatican II a vou­lu expri­mer la foi de l’Eglise sui­vant les modes de recherche et de for­mu­la­tion lit­té­raire de la pen­sée moderne, et redé­fi­nir la rela­tion de la foi de l’Eglise vis-​à-​vis de cer­tains élé­ments essen­tiels de cette pensée.

Bien évi­dem­ment, le magis­tère de l’Eglise est tou­jours pas­to­ral dans son inten­tion, au sens où, à chaque époque de l’histoire, la pru­dence des pas­teurs pro­pose la véri­té pour gui­der les âmes vers le salut éter­nel. Mais en même temps, l’enseignement du magis­tère de l’Eglise reste tou­jours de nature stric­te­ment doc­tri­nale et dis­ci­pli­naire dans son objet. Les décla­ra­tions de Jean XXIII affirment clai­re­ment que, à la dif­fé­rence de tous les conciles pré­cé­dents, Vatican II a vou­lu être pas­to­ral jusque dans son objet. Même si ce concile a pu prendre pour objet maté­riel d’étude dif­fé­rents points tan­tôt doc­tri­naux, tan­tôt dis­ci­pli­naires, tan­tôt pas­to­raux, l’optique unique et spé­ci­fique selon laquelle il a vou­lu se pen­cher sur tous ces points, c’est-à-dire son objet for­mel, ne fut pas doc­tri­nale mais pas­to­rale, dans un sens fon­ciè­re­ment nou­veau. Ce qui explique d’ailleurs la per­plexi­té d’un grand nombre de pères conci­liaires vis-​à-​vis d’un genre de textes incon­nu jusque-​là. Lorsque le magis­tère de l’Eglise pro­pose l’objet de la foi en recou­rant au lan­gage tiré de la phi­lo­so­phie natu­relle à l’intelligence humaine [22], cet apport phi­lo­so­phique est celui d’un outil concep­tuel et ver­bal, mis au ser­vice de la plus par­faite expres­sion des véri­tés révé­lées. Vatican II a vou­lu « étu­dier et expo­ser la doc­trine », non seule­ment « sui­vant les for­mu­la­tions lit­té­raires », mais encore « sui­vant les modes de recherche de la pen­sée moderne ». Si l’on s’en tient à cette inten­tion expri­mée par Jean XXIII, l’on est obli­gé de dire que le Concile a vou­lu recou­rir à la pen­sée moderne non seule­ment comme à un outil mais encore et bien plus comme à un véri­table objet for­mel, prin­cipe et méthode de l’étude et de l’exposition de la doc­trine. Le « pas­to­ral » prend ici tout son sens. L’intention expli­cite de Vatican II a été de rece­voir du monde les pro­blé­ma­tiques nou­velles issues de l’époque moderne.

Nous pou­vons en prendre pour preuve sup­plé­men­taire ce qu’a écrit le car­di­nal Ratzinger dans son livre Les prin­cipes de la théo­lo­gie catho­lique [23], paru en fran­çais en 1982. L’épilogue de ce livre est inti­tu­lé : « L’Eglise et le monde : à pro­pos de la ques­tion de la récep­tion du deuxième Concile du Vatican » [24]. Le pré­fet de la foi y affirme : « De tous les textes du 2nd concile du Vatican, la consti­tu­tion pas­to­rale sur l’Eglise dans le monde de ce temps (Gaudium et spes) a été incon­tes­ta­ble­ment le plus dif­fi­cile et aus­si […] le plus riche en consé­quence. Par sa forme et la direc­tion de ses décla­ra­tions, il s’écarte dans une large mesure de la ligne de l’histoire des conciles et per­met, par le fait même, plus que tous les autres textes de per­ce­voir la phy­sio­no­mie spé­ciale du der­nier concile. C’est pour­quoi il a été consi­dé­ré de plus en plus après le Concile comme le véri­table tes­ta­ment de celui-​ci : après un pro­ces­sus de fer­men­ta­tion de trois années, il semble que sa véri­table volon­té soit enfin appa­rue et ait trou­vé sa forme. L’incertitude qui pèse encore sur la ques­tion de la vraie signi­fi­ca­tion de Vatican II est en rap­port avec des diag­nos­tics de ce genre, et donc aus­si en rap­port avec ce docu­ment » [25]. […] « Il nous faut encore une fois nous inter­ro­ger sur ce que la consti­tu­tion pas­to­rale com­porte pré­ci­sé­ment de neuf et de spé­cial. […] Un pre­mier point carac­té­ris­tique me paraît rési­der dans le concept du « monde » qui s’y trouve. […] La consti­tu­tion com­prend par « monde » un vis-​à-​vis de l’Eglise. Le texte doit ser­vir à les ame­ner tous les deux dans un rap­port posi­tif de coopé­ra­tion dont le but est la construc­tion du « monde ». L’Eglise coopère avec le « monde » pour construire le « monde » – c’est ain­si qu’on pour­rait carac­té­ri­ser la vision si déter­mi­nante du texte. […] Il semble qu’on entende par monde toutes les réa­li­tés scien­ti­fiques et tech­niques du temps pré­sent, et tous les hommes qui les portent ou en ont impré­gné leur men­ta­li­té » [26]. Rien d’étonnant alors à ce que le car­di­nal Ratzinger dise encore : « Le texte de Gaudium et spes joue le rôle d’un contre-​Syllabus dans la mesure où il repré­sente une ten­ta­tive pour une récon­ci­lia­tion offi­cielle de l’Eglise avec le monde tel qu’il était deve­nu depuis 1789 » [27]. Ou encore : « Vatican II avait rai­son de sou­hai­ter une révi­sion des rap­ports entre l’Eglise et le monde. Car il y a des valeurs qui, même si elles sont nées hors de l’Eglise, peuvent, une fois exa­mi­nées et amen­dées, trou­ver leur place dans sa vision » [28]. Fondé sur la méthode de recherche de la pen­sée moderne, le Concile donne néces­sai­re­ment des ensei­gne­ments qui le rendent dépen­dant du monde moderne.

Sans doute le monde moderne peut-​il être conduit à poser d’une manière nou­velle des ques­tions éter­nelles aux­quelles l’Eglise appor­te­ra (en des termes peut-​être plus expli­cites) des réponses qui décou­le­ront tou­jours des mêmes prin­cipes et de la même méthode. Mais Vatican II n’a pas exa­mi­né à la lumière de la foi les nou­velles ques­tions sou­le­vées par la moder­ni­té, et il a même au contraire refu­sé expli­ci­te­ment d’en exa­mi­ner un bon nombre, dont l’importance était pour­tant recon­nue de tous les catho­liques, comme la ques­tion du com­mu­nisme. La spé­ci­fi­ci­té qui fait de Vatican II un cas abso­lu­ment unique est d’avoir vou­lu pro­po­ser la foi à la lumière et sui­vant le mode de la pen­sée moderne. Or, aucun concile ne sau­rait rece­voir ses modes de recherche de la pen­sée ou de la culture du monde moderne, « tel qu’il se pré­sen­tait depuis 1789 » [29]. Les prin­cipes et la méthode du magis­tère ecclé­sias­tique ont été suf­fi­sam­ment indi­qués par le concile Vatican I : « La doc­trine de foi que Dieu a révé­lée n’a pas été pro­po­sée comme une décou­verte phi­lo­so­phique à faire pro­gres­ser par la réflexion de l’homme, mais comme un dépôt divin confié à l’Epouse du Christ pour qu’elle le garde fidè­le­ment et le pré­sente infailli­ble­ment » [30]. La consé­quence est indi­quée par Pie XII, dans l’encyclique Humani gene­ris : « Négliger, reje­ter ou pri­ver de leur valeur tant de biens pré­cieux qui au cours d’un tra­vail plu­sieurs fois sécu­laire des hommes d’un génie et d’une sain­te­té peu com­mune, sous la garde du magis­tère sacré et la conduite lumi­neuse de l’Esprit-Saint, ont conçus, expri­més et per­fec­tion­nés en vue d’une pré­sen­ta­tion de plus en plus exacte des véri­tés de la foi, et leur sub­sti­tuer des notions conjec­tu­rales et les expres­sions flot­tantes et vagues d’une phi­lo­so­phie nou­velle appe­lées à une exis­tence éphé­mère, comme la fleur des champs, ce n’est pas seule­ment pécher par impru­dence grave, mais c’est faire du dogme lui-​même quelque chose comme un roseau agi­té par le vent ».

D’autre part, en se pro­po­sant d’exprimer la foi selon les modes de recherche de la pen­sée moderne, le Concile ne vou­lait pas s’adresser pre­miè­re­ment aux catho­liques, mais à l’homme moderne en géné­ral. Mais en se don­nant un tel audi­toire, le Concile renon­çait par le fait même à expo­ser for­mel­le­ment la foi, avec l’autorité d’un magis­tère pro­pre­ment dit, par­lant au nom de Dieu, puisque son inter­lo­cu­teur était par défi­ni­tion réfrac­taire ou indif­fé­rent au mes­sage de l’Eglise. Vatican II ne pou­vait pré­tendre qu’à énon­cer la foi d’une façon toute maté­rielle, dans une démarche non point magis­té­rielle mais apo­lo­gé­tique, et se pro­po­ser de rendre la foi accep­table à l’homme moderne, en lui mon­trant que la véri­té révé­lée ne remet pas en cause les caté­go­ries de sa pen­sée. Nous ne jugeons pas ici de l’efficacité apo­lo­gé­tique d’une telle démarche (les faits parlent d’eux-mêmes). Nous sou­li­gnons sim­ple­ment ici sa grande fai­blesse magistérielle.

Par consé­quent, il est faux d’affirmer, comme le fait Mgr Ocariz, une constance de méthode en ver­tu de laquelle les textes de Vatican II éclai­re­raient légi­ti­me­ment ceux du magis­tère anté­rieur à 1962. D’une part en effet, le but de Vatican II n’était pas de reprendre et de pré­ci­ser ces ensei­gne­ments ; et d’autre part, Vatican II a vou­lu expri­mer la foi sui­vant les prin­cipes et les méthodes d’un sys­tème phi­lo­so­phique contraire à la foi [31], non seule­ment dans tel ou tel de ses conte­nus, mais jusqu’en ses fon­de­ments, c’est-à-dire ses doutes cri­té­rio­lo­giques. Partant, un tel sys­tème n’est pas seule­ment incom­pa­tible avec le catho­li­cisme ; il s’oppose direc­te­ment à la méta­phy­sique natu­relle de l’intelligence, remet­tant en cause sa capa­ci­té à connaître le vrai. La phi­lo­so­phie moderne a inver­sé le rap­port du sujet à l’objet, et par là même le rap­port de l’homme à Dieu. En assu­mant les modes de recherche de la moder­ni­té, la pen­sée conci­liaire a assu­mé cette inver­sion, ain­si que le mani­feste par exemple la décla­ra­tion sur la liber­té reli­gieuse : le prin­cipe et le fon­de­ment de cette décla­ra­tion n’est autre que la pri­mau­té de la digni­té onto­lo­gique sur la digni­té morale, c’est à dire la pri­mau­té du sujet sur l’objet. Une pareille inver­sion est abso­lu­ment contraire au prin­cipe cri­té­rio­lo­gique que sup­posent la révé­la­tion, la tra­di­tion et le magis­tère, c’est-à-dire au prin­cipe de l’objectivité la plus réa­liste. Un pré­sup­po­sé sub­jec­ti­viste ne peut ser­vir de base à une inter­pré­ta­tion qui se pro­pose d’éclaircir le sens et la por­tée d’un magis­tère dont les pré­sup­po­sés objec­tifs sont radi­ca­le­ment inverses.

7 – Le fait de Vatican II : des enseignements nouveaux contraires à la Tradition

Au moins sur quatre points, les ensei­gne­ments du concile Vatican II sont évi­dem­ment en contra­dic­tion logique avec les énon­cés du magis­tère tra­di­tion­nel anté­rieur, de sorte qu’il est impos­sible de les inter­pré­ter en confor­mi­té avec les autres ensei­gne­ments déjà conte­nus dans les docu­ments anté­rieurs du magis­tère ecclé­sias­tique. Vatican II a donc rom­pu l’unité du magis­tère, dans la mesure même où il a rom­pu l’unité de son objet.

Ces quatre points sont les sui­vants. La doc­trine sur la liber­té reli­gieuse, telle qu’elle s’exprime dans n° 2 de la Déclaration Dignitatis huma­nae contre­dit les ensei­gne­ments de Grégoire XVI dans Mirari vos et de Pie IX dans Quanta cura ain­si que ceux du pape Léon XIII dans Immortale Dei et ceux du pape Pie XI dans Quas pri­mas [32]. La doc­trine sur l’Eglise, telle qu’elle s’exprime dans le n° 8 de la consti­tu­tion Lumen gen­tium contre­dit les ensei­gne­ments du pape Pie XII dans Mystici cor­po­ris et Humani gene­ris [33]. La doc­trine sur l’œcuménisme, telle qu’elle s’exprime dans le n° 8 de Lumen gen­tium et le n° 3 du décret Unitatis redin­te­gra­tio contre­dit les ensei­gne­ments du pape Pie IX dans les pro­po­si­tions 16 et 17 du Syllabus, ceux de Léon XIII dans Satis cogni­tum, et ceux du pape Pie XI dans Mortalium ani­nos [34]. La doc­trine sur la col­lé­gia­li­té telle qu’elle s’exprime dans le n° 22 de la consti­tu­tion Lumen gen­tium, y com­pris le n° 3 de la Nota prae­via, contre­dit les ensei­gne­ments du concile Vatican I sur l’unicité du sujet du pou­voir suprême dans l’Eglise, dans la consti­tu­tion Pastor aeter­nus.

De plus [35], la réforme litur­gique de 1969 a eu pour résul­tat la confec­tion d’un Nouvel Ordo Missæ qui « s’éloigne de manière impres­sion­nante, dans l’ensemble comme dans le détail, de la théo­lo­gie catho­lique de la sainte messe telle qu’elle a été for­mu­lée à la 20e ses­sion du concile de Trente » [36]. La res­tau­ra­tion du rite de la messe accom­plie par saint Pie V avait eu pour résul­tat d’expliciter les aspects de la foi catho­lique niés par l’hérésie pro­tes­tante. La réforme litur­gique accom­plie par Paul VI a eu pour résul­tat d’occulter ces mêmes aspects, au moment même où resur­gissent avec une force accrue les héré­sies qui avaient ren­du indis­pen­sable l’explicitation de ces aspects. Le Missel de Paul VI n’est donc pas venu pré­ci­ser celui de saint Pie V. Il s’en est éloi­gné, au sens où il a ren­du obs­cur et ambi­gu ce que le Missel de saint Pie V avait ren­du expli­cite et cla­ri­fié. Si l’on objecte que la réforme litur­gique de Paul VI a vou­lu expli­ci­ter d’autres aspects lais­sés dans l’ombre jusqu’ici, nous répon­dons qu’une nou­velle expli­ci­ta­tion ne peut pas remettre en cause l’explicitation déjà accom­plie ; c’est pour­tant ce que fait le nou­veau Missel de 1969, en occul­tant les aspects de la foi catho­lique pré­ci­sé­ment niés par les héré­sies protestantes.

Sur les quatre points indi­qués, ain­si que dans la réforme litur­gique qui s’est ensui­vie, le concile Vatican II pré­sente aux yeux du catho­lique per­plexe des contra­dic­tions évi­dem­ment inac­cep­tables. Pris dans son ensemble, la grande réforme de Vatican II appa­raît comme un étrange amal­game, mélange sub­til de véri­tés par­tielles et d’erreurs déjà condam­nées [37]. Infecté par les prin­cipes du libé­ra­lisme et du moder­nisme, cet ensei­gne­ment pré­sente de graves défi­ciences. Celles-​ci inter­disent assu­ré­ment de voir en Vatican II un concile comme les autres, repré­sen­tant l’expression auto­ri­sée de la Tradition objec­tive. Cela empêche aus­si de dire que le der­nier Concile s’inscrit dans l’unité du magis­tère de toujours.

8 – Une nouvelle problématique

En confor­mi­té avec le Discours de 2005, Mgr Ocariz pose le prin­cipe d’une « inter­pré­ta­tion uni­taire », d’après lequel les textes du concile Vatican II et les docu­ments magis­té­riels pré­cé­dents doivent s’éclairer mutuel­le­ment. Le concile Vatican II doit non seule­ment être inter­pré­té à la lumière des docu­ments magis­té­riels pré­cé­dents, mais cer­tains de ces der­niers sont éga­le­ment mieux com­pris à la lumière de Vatican II. L’interprétation des nou­veau­tés ensei­gnées par le concile Vatican II doit donc repous­ser, comme le dit Benoît XVI, « l’herméneutique de la dis­con­ti­nui­té par rap­port à la Tradition, tan­dis qu’elle doit affir­mer l’herméneutique de la réforme, du renou­veau dans la conti­nui­té ». Il y a là un nou­veau voca­bu­laire qui exprime clai­re­ment une nou­velle pro­blé­ma­tique. Celle-​ci ins­pire tout le pro­pos de Mgr Ocariz. « Une carac­té­ris­tique essen­tielle du magis­tère », écrit-​il, « est sa conti­nui­té et son homo­gé­néi­té dans le temps ».

Ce voca­bu­laire est nou­veau. Les idées qu’il véhi­cule le sont aus­si. Si on parle de « conti­nui­té » ou de « rup­ture », cela devrait s’entendre, au sens tra­di­tion­nel, d’une conti­nui­té ou d’une rup­ture objec­tive, c’est à dire par rap­port à l’objet de la pré­di­ca­tion de l’Eglise. Parler d’une conti­nui­té équi­vau­drait à par­ler de l’ensemble des véri­tés révé­lées telles que le magis­tère de l’Eglise les conserve et les expose, tout en leur don­nant la même signi­fi­ca­tion, et sans que la pré­di­ca­tion pré­sente puisse contre­dire la pré­di­ca­tion pas­sée. La rup­ture consis­te­rait à por­ter atteinte au carac­tère immuable de la Tradition objec­tive et serait alors syno­nyme de contra­dic­tion logique entre deux énon­cés dont les signi­fi­ca­tions res­pec­tives ne pour­raient se véri­fier simultanément.

Mais il faut se rendre à l’évidence et recon­naître que le mot « conti­nui­té » n’a pas du tout ce sens tra­di­tion­nel dans le dis­cours actuel des hommes d’Eglise. On y parle pré­ci­sé­ment de conti­nui­té à pro­pos d’un sujet qui évo­lue au cours du temps. Il ne s’agit pas de la conti­nui­té d’un objet, celle du dogme ou de la doc­trine, que le magis­tère de l’Eglise pro­po­se­rait aujourd’hui, en lui don­nant le même sens que jadis. Il s’agit de la conti­nui­té de l’unique sujet Eglise. Benoît XVI parle d’ailleurs exac­te­ment non de la conti­nui­té mais « du renou­veau dans la conti­nui­té de l’u­nique sujet-​Eglise, que le Seigneur nous a don­né ; c’est un sujet qui gran­dit dans le temps et qui se déve­loppe, res­tant cepen­dant tou­jours le même, l’u­nique sujet du Peuple de Dieu en marche ». A l’inverse, ajoute-​t-​il aus­si­tôt, « l’her­mé­neu­tique de la dis­con­ti­nui­té risque de finir par une rup­ture entre Eglise pré­con­ci­liaire et Eglise post-​conciliaire ». Cela signi­fie que la rup­ture doit se situer au même niveau : c’est une rup­ture entre deux sujets, au sens où l’Eglise, l’unique sujet du Peuple de Dieu, ne serait plus la même avant et après le Concile.

9 – Une nouvelle conception du magistère

Ce nou­veau dis­cours implique une nou­velle idée de l’unité du magis­tère. La conti­nui­té dont il est ques­tion est l’unité dans le temps, c’est à dire à tra­vers le chan­ge­ment que mesure le temps, et c’est d’abord l’unité du sujet, non celle de l’objet. Ce sujet est l’Eglise, unique Peuple de Dieu, c’est à dire l’ensemble de tous les bap­ti­sés. Ce sujet est le point de réfé­rence qui rend compte de l’unité de la Tradition.

L’Instruction Donum veri­ta­tis du 24 mai 1990 [38], sur laquelle s’appuie Mgr Ocariz, déve­loppe en détail ce point de vue. Sous le titre « La véri­té don de Dieu à son Peuple », le pre­mier cha­pitre de ce docu­ment déve­loppe l’idée déjà pré­sente dans le n° 12 de Lumen gen­tium, d’après laquelle la conser­va­tion et l’explication du dépôt révé­lé serait l’affaire du Peuple de Dieu tout entier, anté­rieu­re­ment à toute dis­tinc­tion hié­rar­chique. Les bap­ti­sés auraient en par­tage une fonc­tion pro­phé­tique, plus fon­da­men­tale que la fonc­tion magis­té­rielle propre aux apôtres et à leurs suc­ces­seurs. Le car­di­nal Ratzinger insiste sur cette idée, à ses yeux déci­sive, dans la Présentation qu’il donne de l’Instruction Donum veri­ta­tis : « En consi­dé­rant la struc­ture du docu­ment, on sera sur­pris de voir que nous n’avons pas pla­cé le magis­tère au début, mais plu­tôt le thème de la véri­té comme don de Dieu à son Peuple ; la véri­té de la foi n’est pas don­née à l’individu iso­lé (pape ou évêque) mais par elle Dieu a vou­lu don­ner nais­sance à une his­toire et à une com­mu­nau­té. La véri­té réside dans le sujet com­mu­nau­taire du Peuple de Dieu, dans l’Eglise ». De même, Jean-​Paul dit au n° 27 de l’Exhortation post-​synodale Pastores gre­gis : « Dans l’Église, école du Dieu vivant, évêques et fidèles sont tous condis­ciples et ont tous besoin d’être ins­truits par l’Esprit. Les lieux d’où l’Esprit donne son ensei­gne­ment inté­rieur sont vrai­ment nom­breux. Tout d’abord le cœur de cha­cun, puis la vie des diverses Églises par­ti­cu­lières, où appa­raissent et se font sen­tir les mul­tiples besoins des per­sonnes et des dif­fé­rentes com­mu­nau­tés ecclé­siales, par des lan­gages connus, mais aus­si par des lan­gages divers et nou­veaux » [39].

Il manque ici la dis­tinc­tion abso­lu­ment néces­saire entre le des­ti­na­taire et le dépositaire-​intermédiaire. Le Peuple de Dieu tout entier (et bien plus que le Peuple de Dieu, tous les hommes sans excep­tion) sont les des­ti­na­taires de la véri­té qui doit les sau­ver. Mais seuls quelques indi­vi­dus iso­lés sont choi­sis par­mi les autres hommes pour être les titu­laires d’une fonc­tion hié­rar­chique et les dépo­si­taires de cette véri­té, car c’est à eux seuls qu’elle a été confiée comme en dépôt avec la charge de la conser­ver, et eux seuls sont les inter­mé­diaires éta­blis par Dieu pour com­mu­ni­quer en son nom la véri­té salu­taire. La décla­ra­tion Mysterium Ecclesiae du 24 juin 1973 [40], sur laquelle s’appuie aus­si Mgr Ocariz, dit sans doute que l’autorité du magis­tère est requise pour assu­rer l’unité sociale de l’expression de la foi [41] : à la dif­fé­rence de ce qui se passe dans le pro­tes­tan­tisme ou dans le moder­nisme d’Alfred Loisy, condam­né par saint Pie X, le magis­tère est ici une ins­ti­tu­tion divine, et lui seul est assis­té par Dieu pour conduire le Peuple, en lui indi­quant l’interprétation auto­ri­sée de la Parole de Dieu. Mais il n’est pas dit que la fonc­tion magis­té­rielle soit requise comme celle d’un dépo­si­taire et d’un inter­mé­diaire, témoin pri­vi­lé­gié ayant reçu de Dieu, en tant qu’individu iso­lé, la véri­té de sa révé­la­tion, avec la charge de la conser­ver et de la trans­mettre. Et Donum veri­ta­tis ne vient-​il pas pré­ci­ser sur ce point Mysterium Ecclesiae, en disant que la véri­té de foi est un don de Dieu à tout son Peuple, qu’elle n’est pas don­née à l’individu iso­lé (pape ou évêque), mais qu’elle réside dans le sujet com­mu­nau­taire du Peuple de Dieu [42] ?

Dans le « Commentaire » publié le 27 juin 1994, afin de pré­ci­ser le sens de la Lettre apos­to­lique Ordinatio sacer­do­ta­lis parue le 22 mai pré­cé­dent, le car­di­nal Ratzinger exprime net­te­ment cette nou­velle concep­tion du magis­tère : « L’Ecriture ne peut deve­nir le fon­de­ment d’une vie que si elle est confiée à un sujet vivant – celui-​là même dont elle est née. Elle a eu son ori­gine dans le Peuple de Dieu gui­dé par l’Esprit-Saint et ce Peuple, ce sujet, n’a ces­sé de sub­sis­ter. Le concile Vatican II a expri­mé tout cela de la manière sui­vante : « L’Eglise ne tire pas de la seule Ecriture sainte sa cer­ti­tude sur tous les points de la révé­la­tion » (Dei Verbum, § 9). […] Selon la vision de Vatican II, l’Ecriture, la Tradition et le magis­tère ne doivent pas être consi­dé­rés comme trois réa­li­tés sépa­rées, mais l’Ecriture, lue à la lumière de la Tradition et vécue dans la foi de l’Eglise, s’ouvre, dans ce contexte vital, dans sa pleine signi­fi­ca­tion. Le magis­tère a pour tâche de confir­mer cette inter­pré­ta­tion de l’Ecriture ren­due pos­sible par l’écoute de la Tradition dans la foi » [43]. Dans ce texte, le terme de « Tradition » est dis­tin­gué du magis­tère et désigne la vie concrète du Peuple de Dieu, c’est à dire le contexte vital auquel le magis­tère doit pui­ser comme à une source.

La caté­chèse dis­pen­sée par Benoît XVI en 2006 confirme encore cette idée. L’Eglise résulte à l’origine d’une expé­rience que les apôtres ont vécue avec le Christ [44]. Prolongée dans l’espace et dans le temps, cette expé­rience sus­cite une com­mu­nion, qui doit recou­rir au ser­vice du minis­tère apos­to­lique pour gar­der sa cohé­sion spatio-​temporelle [45]. L’unité hié­rar­chique, dans le temps et dans l’espace, est une deuxième uni­té qui découle d’une pre­mière uni­té plus radi­cale, celle de l’expérience com­mune. C’est ain­si que la tra­di­tion vivante, qui est l’expérience com­mune conti­nuée dans le temps, pré­cède et sus­cite la tra­di­tion apos­to­lique, qui est le minis­tère conti­nué dans le temps comme un ser­vice de la com­mu­nion. Les deux tra­di­tions res­te­ront tou­jours syn­chro­ni­sées, et on ne trou­ve­ra jamais la conti­nui­té de l’expérience com­mune sans la conti­nui­té du minis­tère, car aux yeux de Benoît XVI, l’Eglise n’est pas une com­mu­nau­té pure­ment cha­ris­ma­tique. Mais il y a pour­tant, dans la défi­ni­tion qu’il donne de l’Eglise, une anté­rio­ri­té logique de l’expérience com­mune par rap­port au minis­tère. Cette anté­rio­ri­té est exac­te­ment celle qui est intro­duite par l’Instruction Donum veri­ta­tis : le Peuple de Dieu dépo­si­taire de la véri­té pré­cède en ce sens le magis­tère hié­rar­chique. La Tradition est alors enten­due dans un sens nou­veau comme la conti­nui­té d’une pré­sence active, celle de Jésus qui vit dans son Peuple [46]. Elle est accom­plie par l’Esprit-Saint et expri­mée [47] grâce au ser­vice du minis­tère apos­to­lique : « Cette actua­li­sa­tion per­ma­nente de la pré­sence active de Jésus Seigneur dans son peuple, opé­rée par l’Esprit Saint et expri­mée dans l’Eglise à tra­vers le mi­nistère apos­to­lique et la com­mu­nion fra­ter­nelle, est ce que l’on entend au sens théo­lo­gique avec le terme Tradition » [48]. Il s’agit pré­ci­sé­ment de « la com­mu­nion des fidèles autour des pas­teurs légi­times au cours de l’histoire, une com­mu­nion que l’Esprit Saint ali­mente en assu­rant la liai­son entre l’expérience de la foi apos­to­lique, vécue dans la communau­té ori­gi­nelle des dis­ciples, et l’expérien­ce actuelle du Christ dans son Eglise » [49].

Dans cette nou­velle optique, il n’est plus dit que le rôle du magis­tère est de conser­ver et de trans­mettre au nom de Dieu le dépôt des véri­tés révé­lées par le Christ aux apôtres. Il est dit que son rôle consiste à assu­rer la cohé­sion de l’expérience com­mu­nau­taire des ori­gines, de façon à ce que la com­mu­nion d’aujourd’hui conti­nue la com­mu­nion d’hier. Le magis­tère est alors au ser­vice du sujet Eglise, son rôle étant d’expliciter dans des for­mules auto­ri­sées les intui­tions pré­con­cep­tuelles du sen­sus fidei.

On ne sau­rait nier la réa­li­té de ce sen­sus fidei. Il équi­vaut au consen­sus una­nime et infaillible de la croyance. Mais il s’agit pré­ci­sé­ment du consen­sus de l’Eglise ensei­gnée. Celui-​ci découle de l’infaillibilité de l’Eglise ensei­gnante, qui est sa cause propre. L’Eglise étant une et sainte dans sa foi, la croyance des fidèles est indé­fec­ti­ble­ment et soli­dai­re­ment docile, dans le temps comme dans l’espace, à l’enseignement de la hié­rar­chie magis­té­rielle. Sans doute peut-​on par­ler d’un cer­tain sujet de la Tradition au sens pas­sif, qui est un sens large, et qui cor­res­pond à l’ensemble de tous les croyants, mais ce sujet est tel comme simple témoin de l’enseignement du magis­tère, et le consen­sus de l’Eglise dans la croyance pos­sède tout au plus la valeur d’un signe fai­sant connaître l’infaillibilité de l’enseignement qui a pro­po­sé à croire la véri­té crue una­ni­me­ment. En ce sens, la pro­fes­sion de foi indé­fec­tible de l’Eglise ensei­gnée repré­sente un lieu théo­lo­gique, car c’est elle seule qui mani­feste bien des véri­tés pro­po­sées infailli­ble­ment par la pré­di­ca­tion orale du magis­tère ordi­naire uni­ver­sel. Mais ce genre de cri­tère reste le simple signe de l’infaillibilité de l’enseignement, et non sa cause. En faire une cause, c’est reprendre à son compte l’erreur condam­née par le concile Vatican I, en l’étendant au domaine par­ti­cu­lier du pou­voir de magis­tère : « le pri­mat de juri­dic­tion a été don­né immé­dia­te­ment et direc­te­ment non pas à Pierre lui-​même, mais à l’Eglise, pour remon­ter ensuite à Pierre comme à son repré­sen­tant » [50]. Cela implique encore qu’une pro­po­si­tion du magis­tère ne serait infaillible que dans la mesure où elle serait agréée (même anté­cé­dem­ment) par le Peuple, ce qui contre­dit for­mel­le­ment la sen­tence énon­cée infailli­ble­ment par le même concile Vatican I : « De telles défi­ni­tions por­tées par le Souverain Pontife sont irré­for­mables de soi, et non de par le consen­te­ment de l’Eglise » [51].

10 – Une nouvelle conception de l’unité de la vérité

Dans l’optique tra­di­tion­nelle, où le point de réfé­rence est celui de l’objet, l’unité du magis­tère est celle de la véri­té révé­lée, puisque le magis­tère se défi­nit comme l’organe de la Tradition objec­tive. De ce fait, l’acte du magis­tère ne se défi­nit pas essen­tiel­le­ment comme un acte pré­sent, par oppo­si­tion à un acte pas­sé. Car si le magis­tère s’exerce, ce n’est pas en tant qu’il est pré­sent ou actuel, mais c’est en tant qu’il exprime tou­jours la même signi­fi­ca­tion de la même véri­té, de façon tou­jours plus pré­cise. Cette expres­sion de la véri­té, avec l’explicitation qui l’accompagne in eodem sen­su, est de soi intem­po­relle. En ce sens, le magis­tère vivant ne se réduit pas au magis­tère pré­sent, par oppo­si­tion au magis­tère pas­sé qui serait un magis­tère non vivant, ou post­hume. Si le magis­tère pré­sent est vivant, le magis­tère pas­sé l’a été lui aus­si. Le temps n’a aucune inci­dence directe et immé­diate sur l’objet ni sur l’acte du magis­tère qui l’énonce. Pour appuyer sa cri­tique des ensei­gne­ments de Vatican II, Mgr Lefebvre évoque tou­jours, avec une grande pré­ci­sion, non pas « le magis­tère pas­sé » mais « le magis­tère de tou­jours », en d’autres termes le magis­tère constant. Le temps concerne seule­ment le sujet qui exerce l’acte de magis­tère, et c’est en ce sens que l’on peut dis­tin­guer entre une règle éloi­gnée (le magis­tère pas­sé) et une règle pro­chaine (le magis­tère pré­sent) de la foi.

Dans la nou­velle optique impli­quée par le Discours de 2005 et élu­ci­dée dans les textes que nous avons pro­duits, le point de réfé­rence n’est plus celui de l’objet. L’unité du magis­tère est celle de « l’unique sujet Eglise qui gran­dit dans le temps et qui se déve­loppe, res­tant cepen­dant tou­jours le même, l’u­nique sujet du Peuple de Dieu en marche ». Le magis­tère se défi­nit comme l’organe d’une expé­rience com­mune, vécue au fil du temps par le Peuple de Dieu. On base alors la conti­nui­té dans le sujet de l’Eglise qui demeure le même, indé­pen­dam­ment de l’objet. Ce n’est pas le sujet qui s’adapte à l’objet, mais c’est l’objet qui est dit conti­nu, parce que le sujet qui le dit reste le même. Le renou­veau dans la conti­nui­té dont parle Benoît XVI consiste à éta­blir « la liai­son entre l’expérience de la foi apos­to­lique, vécue dans la communau­té ori­gi­nelle des dis­ciples, et l’expérien­ce actuelle du Christ dans son Eglise » [52]. De fait, ce renou­veau ne consiste pas à pro­po­ser la même doc­trine selon un mode plus expli­cite. Il consiste à chan­ger la doc­trine, avec les prin­cipes qu’elle implique, sous pré­texte que ces prin­cipes (dont on dit seule­ment qu’ils sont « durables ») doivent trou­ver leur appli­ca­tion dans une matière contin­gente. C’est en ce sens que Vatican II s’est pro­po­sé d’établir « une nou­velle défi­ni­tion de la rela­tion entre la foi de l’Eglise et cer­tains élé­ments essen­tiels de la pen­sée moderne », afin que la doc­trine de la foi fût « pré­sen­tée de la façon qui répon­dît aux exi­gences de notre époque », et « sui­vant les modes de recherche et de for­mu­la­tion lit­té­raire de la pen­sée moderne ». Puisque c’est le même sujet Eglise qui adopte ain­si une posi­tion dif­fé­rente vis-​à-​vis du monde issu de la moder­ni­té, le renou­veau serait celui d’une conti­nui­té, non d’une rupture.

Comme l’enseigne logi­que­ment la Déclaration Mysterium Ecclesiae, si le magis­tère impose au Peuple de Dieu les for­mules dog­ma­tiques comme autant de formes dif­fé­rentes aptes à tra­duire une expé­rience vécue au fil du temps et de la contin­gence, « il ne s’ensuit point que cha­cune d’entre elles eut et gar­de­ra tou­jours cette apti­tude au même degré ». Un pareil rela­ti­visme va à l’encontre des ensei­gne­ments don­nés par Pie XII dans Humani gene­ris [53]. Mais il s’harmonise avec la nou­velle idée du magis­tère expo­sée par Donum veri­ta­tis. Le futur Benoît XVI a d’ailleurs jus­ti­fié lui-​même cette concep­tion rela­ti­viste : « [L’enseignement magis­té­riel] affirme – peut-​être pour la pre­mière fois de façon aus­si claire – qu’il existe des déci­sions du magis­tère qui ne peuvent consti­tuer le der­nier mot sur une matière en tant que telle, mais une sti­mu­la­tion sub­stan­tielle par rap­port au pro­blème, et sur­tout une expres­sion de pru­dence pas­to­rale, une sorte de dis­po­si­tion pro­vi­soire. […] A cet égard, on peut pen­ser aus­si bien aux décla­ra­tions des papes du siècle der­nier sur la liber­té reli­gieuse qu’aux déci­sions anti-​modernistes du début de ce siècle, en par­ti­cu­lier aux déci­sions de la Commission biblique de l’époque. En tant que cri d’alarme devant les adap­ta­tions hâtives et super­fi­cielles, elles demeurent plei­ne­ment jus­ti­fiées. […] Mais dans les détails rela­tifs aux conte­nus, elles ont été dépas­sées, après avoir rem­pli leur devoir pas­to­ral à un moment pré­cis » [54]. Ce rela­ti­visme se retrouve dans le Discours du 22 décembre 2005, qui rai­sonne comme si toute déci­sion, du fait même qu’elle appar­tient à l’histoire, ne pou­vait concer­ner qu’une matière contin­gente et expri­mer une véri­té seule­ment rela­tive aux cir­cons­tances : « Dans ce pro­ces­sus de nou­veau­té dans la conti­nui­té, nous devions apprendre à com­prendre plus concrè­te­ment qu’au­pa­ra­vant que les déci­sions de l’Eglise en ce qui concerne les faits contin­gents – par exemple, cer­taines formes concrètes de libé­ra­lisme ou d’in­ter­pré­ta­tion libé­rale de la Bible – devaient néces­sai­re­ment être elles-​mêmes contin­gentes, pré­ci­sé­ment parce qu’elles se réfé­raient à une réa­li­té déter­mi­née et en soi changeante ».

Dans la pen­sée du pape, ce rela­ti­visme ne date pas d’hier. Encore théo­lo­gien, Joseph Ratzinger s’expliquait déjà suf­fi­sam­ment sur ce point. « Non seule­ment », écrivait-​il en 1972, « on doit dire que l’histoire des dogmes, dans le domaine de la théo­lo­gie catho­lique, est fon­da­men­ta­le­ment pos­sible mais encore que tout dogme qui ne s’élabore pas comme his­toire des dogmes est incon­ce­vable » [55] ; et c’est pour­quoi « la for­ma­tion du concept de Tradition dans le catho­li­cisme post-​tridentin consti­tue le plus grand obs­tacle à une com­pré­hen­sion his­to­rique de la réa­li­té chré­tienne » [56]. En effet, le concept post-​tridentin de Tradition sup­pose que la révé­la­tion a été ache­vée à la mort du der­nier des apôtres et que depuis elle demeure sub­stan­tiel­le­ment immuable dans sa signi­fi­ca­tion. Or, « l’axiome de la fin de la révé­la­tion avec la mort du der­nier apôtre », explique Joseph Ratzinger, « était et est, à l’intérieur de la théo­lo­gie catho­lique, un des prin­ci­paux obs­tacles à la com­pré­hen­sion posi­tive et his­to­rique du chris­tia­nisme : l’axiome ain­si for­mu­lé n’appartient pas aux pre­mières don­nées de la conscience chré­tienne » [57]. […] « En affir­mant que la révé­la­tion est close avec la mort du der­nier apôtre, on conçoit objec­ti­ve­ment la révé­la­tion comme un ensemble de doc­trines que Dieu a com­mu­ni­quées à l’humanité. Cette com­mu­ni­ca­tion prit fin un cer­tain jour et les limites de cet ensemble de doc­trines révé­lées res­tèrent ain­si fixées en même temps. Tout ce qui vient après serait ou la consé­quence de cette doc­trine ou la cor­rup­tion de celle-​ci » [58]. Or, « non seule­ment cette concep­tion s’oppose à une pleine com­pré­hen­sion du déve­lop­pe­ment his­to­rique du chris­tia­nisme mais est même en contra­dic­tion avec les don­nées bibliques » [59].

Tout cela est par­fai­te­ment cohé­rent, si l’on tient que la Tradition est : « la com­mu­nion des fidèles autour des pas­teurs légi­times au cours de l’his­toire, une com­mu­nion que l’Esprit Saint ali­mente en assu­rant la liai­son entre l’ex­pé­rience de la foi apos­to­lique, vécue dans la communau­té ori­gi­nelle des dis­ciples, et l’expérien­ce actuelle du Christ dans son Eglise » [60], ou encore : « l’his­toire de l’Esprit qui agit dans l’his­toire de l’Eglise à tra­vers la média­tion des Apôtres et de leurs suc­ces­seurs, en conti­nui­té fidèle avec l’ex­pé­rience des ori­gines » [61], ou si l’on pos­tule que « La Tradition n’est pas une trans­mis­sion de choses ou de paroles, une col­lec­tion de choses mortes ; la Tradition est le fleuve vi­vant qui nous relie aux ori­gines, le fleuve vivant dans lequel les ori­gines sont tou­jours pré­sentes. Le grand fleuve qui nous conduit aux portes de l’éterni­té » [62], ou si l’on décide que « la Tradition apos­to­lique n’est pas une col­lec­tion de choses, de mots, com­me une boîte rem­plie de choses mortes ; la Tradition est le fleuve de la vie nou­velle qui vient des ori­gines, du Christ jus­qu’à nous, et qui nous fait partici­per à l’his­toire de Dieu avec l’humanité ».

Mais si les eaux de ce grand fleuve où baigne la foi de l’Eglise ne res­tent jamais les mêmes, nous aurons beau­coup de mal à suivre Mgr Ocariz dans la recherche d’une « inter­pré­ta­tion uni­taire », qui satis­fasse aux exi­gences du prin­cipe de non contradiction.

11 – Le nœud du dilemme

Dans la logique de Vatican II et du Discours de 2005, l’objet est en tant que tel rela­tif au sujet. Dans la logique de Vatican I, et de tout l’enseignement tra­di­tion­nel de l’Eglise, le sujet est en tant que tel rela­tif à l’objet. Ces deux logiques sont inconciliables.

Le magis­tère, à quelque époque qu’il soit, doit res­ter l’organe du dépôt de la foi. Il se déna­ture dans la mesure même où il altère ce dépôt. Il est faux que des prin­cipes divi­ne­ment révé­lés et expli­ci­tés par le magis­tère anté­rieur ne s’imposeraient plus néces­sai­re­ment, sous pré­texte que le sujet Eglise les vit dif­fé­rem­ment à tra­vers la contin­gence de l’histoire, ou que le Peuple de Dieu se trouve conduit à éta­blir une rela­tion nou­velle entre sa foi et le monde moderne. Des prin­cipes que l’on applique en matière contin­gente (comme ceux qui fondent toute la doc­trine sociale de l’Eglise) ne sont pas contin­gents. Sans doute, l’immutabilité sub­stan­tielle de la véri­té révé­lée n’est pas abso­lue, car l’expression concep­tuelle et ver­bale de cette véri­té peut gagner en pré­ci­sion. Mais ce pro­grès n’entraîne aucune remise en cause du sens de la véri­té, qui devient seule­ment plus expli­cite dans sa for­mu­la­tion. Les prin­cipes res­tent néces­saires, quelles que soient les dif­fé­rentes formes concrètes de leur appli­ca­tion. Cette dis­tinc­tion entre prin­cipes et formes concrètes s’avère fac­tice en ce qui concerne la doc­trine sociale de l’Eglise, et c’est en vain que Benoît XVI y recourt dans son Discours de 2005 pour légi­ti­mer la décla­ra­tion Dignitatis huma­nae.

Pour en reve­nir à Vatican II, la ques­tion fon­da­men­tale est de savoir quel est le prin­cipe pre­mier qui doit ser­vir de règle ultime à l’activité du magis­tère. Est-​ce le don­né objec­tif de la révé­la­tion divine, telle qu’il s’exprime dans sa sub­stance défi­ni­tive à tra­vers le magis­tère du Christ et des apôtres, auquel le magis­tère ecclé­sias­tique ne fait que suc­cé­der ? Est-​ce l’expérience com­mu­nau­taire du Peuple de Dieu, dépo­si­taire (et pas seule­ment des­ti­na­taire) du don de la Vérité en tant que por­teur du sens de la foi ? Dans le pre­mier cas, le magis­tère ecclé­sias­tique est l’organe de la Tradition et il dépend comme de sa règle objec­tive du magis­tère divino-​apostolique ; la ques­tion est alors de savoir si les ensei­gne­ments objec­tifs du concile Vatican II sont ceux d’un magis­tère constant et d’une Tradition immuable. Dans le second cas, le magis­tère ecclé­sias­tique est le porte-​parole fédé­ra­teur de la conscience com­mune du Peuple de Dieu, char­gé d’établir la cohé­sion spatio-​temporelle de l’expression du sen­sus fidei ; Vatican II est alors pour le sujet Eglise le moyen d’exprimer en lan­gage concep­tuel son sen­sus fidei, vécu et réac­tua­li­sé dans le res­pect des contin­gences de l’époque moderne.

12 – Herméneutique et réinterprétation

Aux yeux de Mgr Ocariz, les ensei­gne­ments de Vatican II repré­sentent des nou­veau­tés, « au sens où ils expli­citent des aspects nou­veaux, non encore for­mu­lés par le magis­tère, mais qui, au plan doc­tri­nal, ne contre­disent pas les docu­ments magis­té­riels pré­cé­dents ». La juste exé­gèse des textes du Concile pré­sup­po­se­rait donc appa­rem­ment le prin­cipe de non-​contradiction. Apparence trom­peuse, puisque la non-​contradiction n’a plus du tout le même sens que jusqu’ici.

Le magis­tère de l’Eglise a tou­jours enten­du ce prin­cipe dans le sens d’une absence de contra­dic­tion logique entre deux énon­cés objec­tifs. La contra­dic­tion logique est une oppo­si­tion qui a lieu entre deux pro­po­si­tions dont l’une affirme et l’autre nie le même pré­di­cat du même sujet. Le prin­cipe de non contra­dic­tion exige que si cette oppo­si­tion a lieu, les deux pro­po­si­tions ne puissent être vraies en même temps. Ce prin­cipe est une loi de l’intelligence et il ne fait qu’exprimer l’unité de son objet. La foi se défi­nis­sant comme une adhé­sion intel­lec­tuelle à la véri­té pro­po­sée par Dieu, elle véri­fie ce prin­cipe. L’unité objec­tive de la foi cor­res­pond elle aus­si à une absence de contra­dic­tion dans les énon­cés dogmatiques.

L’herméneutique de Benoît XVI entend désor­mais ce prin­cipe dans un sens nom plus objec­tif mais sub­jec­tif, non plus intel­lec­tua­liste mais volon­ta­riste. L’absence de contra­dic­tion est syno­nyme de conti­nui­té, au niveau du sujet. La contra­dic­tion est syno­nyme de rup­ture, au même niveau. Le prin­cipe de conti­nui­té n’exige pas d’abord et avant tout l’unité de la véri­té. Il exige d’abord et avant tout l’unité du sujet qui se déve­loppe et gran­dit au cours du temps. C’est l’unité du Peuple de Dieu, tel qu’il vit dans le moment pré­sent, dans le monde de ce temps, pour reprendre l’intitulé sug­ges­tif de la consti­tu­tion pas­to­rale Gaudium et spes. Unité qui s’exprime à tra­vers la seule parole auto­ri­sée du magis­tère pré­sent, pré­ci­sé­ment en tant que pré­sent. Mgr Ocariz le sou­ligne : « Une inter­pré­ta­tion authen­tique des textes conci­liaires ne peut être faite que par le magis­tère même de l’Église. C’est pour­quoi le tra­vail théo­lo­gique d’interprétation des pas­sages qui, dans les textes conci­liaires, sus­citent des inter­ro­ga­tions ou semblent pré­sen­ter des dif­fi­cul­tés, doit avant tout tenir compte du sens dans lequel les inter­ven­tions suc­ces­sives du magis­tère ont enten­du ces pas­sages ». Ne nous y trom­pons pas : ce magis­tère qui doit ser­vir de règle d’interprétation est le nou­veau magis­tère de ce temps, tel qu’issu de Vatican II. Ce n’est pas le magis­tère de tou­jours. Comme on l’a jus­te­ment fait remar­quer, Vatican II doit se com­prendre à la lumière de Vatican II, réin­ter­pré­tant dans sa propre logique de conti­nui­té sub­jec­tive et vitale tous les ensei­gne­ments du magis­tère constant.

Le magis­tère de l’Eglise ne s’est jamais com­pro­mis jusqu’ici dans une telle péti­tion de prin­cipe. Il s’est tou­jours vou­lu fidèle à sa mis­sion de conser­ver le dépôt. Sa prin­ci­pale défense et illus­tra­tion a tou­jours été d’en réfé­rer aux témoi­gnages de la Tradition objec­tive, una­nime et constante. Son expres­sion a tou­jours été celle de l’unité de la vérité.

13 – Le magistère de Vatican II

Le même mot « magis­tère » se dit en deux sens dif­fé­rents de la per­sonne qui exerce le pou­voir de magis­tère (le pape ou les évêques) et de l’acte du pou­voir de magis­tère (une défi­ni­tion infaillible ou un ensei­gne­ment sim­ple­ment authen­tique). La per­sonne est le sujet d’une puis­sance ou d’une fonc­tion, qui est par défi­ni­tion ordon­née à son objet. Par exemple, tout homme est doué d’une intel­li­gence spé­cu­la­tive, ordon­née par nature à la connais­sance des prin­cipes pre­miers [63]. Cette fonc­tion est ou n’est pas, de manière abso­lue. En revanche, l’exercice du magis­tère est l’usage de la fonc­tion : même si la plu­part du temps cet usage est cor­rect, il reste tou­jours pos­sible que le titu­laire d’une fonc­tion en exerce l’acte de manière défec­tueuse, ce qui revient à ne pas accom­plir cet acte, puisqu’un acte défec­tueux se défi­nit comme une pri­va­tion. Par exemple, l’erreur intel­lec­tuelle ou la faus­se­té se défi­nit comme la pri­va­tion du rap­port qui aurait dû exis­ter entre l’intellect et la réalité.

Nous admet­tons sans conteste que Vatican II a repré­sen­té le magis­tère de l’Eglise au sens où le pou­voir des évêques qui furent réunis lors de ce Concile cum Petro et sub Petro fut et demeure encore celui d’apporter un ensei­gne­ment à l’Église uni­ver­selle. Mais nous objec­tons que ce Concile a vou­lu satis­faire aux néces­si­tés d’un magis­tère soi-​disant pas­to­ral, dont l’intention nou­velle est mani­fes­te­ment étran­gère aux fina­li­tés du magis­tère divi­ne­ment ins­ti­tué, et qu’il a contre­dit au moins sur les quatre points signa­lés les don­nées objec­tives du magis­tère constant, clai­re­ment défi­ni. Il appert ain­si que ce magis­tère fut enta­ché d’une grave défi­cience, dans son acte même. Le doc­teur angé­lique dit [64] : « Lorsqu’un artiste fait de mau­vais ouvrages, ce n’est pas l’œuvre de l’art ; bien plus, c’est contre l’art ». Toute pro­por­tions gar­dées, lorsqu’un concile pro­duit de mau­vais ensei­gne­ments, ce n’est pas l’œuvre du magis­tère, bien plus (ou bien pire) c’est contre le magis­tère, c’est-​à-​dire contre la Tradition.

Voilà pour­quoi nul se sau­rait se satis­faire aujourd’hui de soi-​disant « espaces de liber­té théo­lo­gique », au sein même de la contra­dic­tion intro­duite par Vatican II. Le désir pro­fond de tout catho­lique fidèle aux pro­messes de son bap­tême est d’adhérer en toute sou­mis­sion filiale aux ensei­gne­ments du magis­tère de tou­jours. La même pié­té exige aus­si, avec une urgence gran­dis­sante, de remé­dier aux graves défi­ciences qui para­lysent l’exercice de ce magis­tère depuis le der­nier Concile. C’est dans ce but que la Fraternité Saint Pie X sou­haite encore et plus que jamais une authen­tique réforme, au sens où il s’agit pour l’Eglise de res­ter fidèle à elle-​même, de demeu­rer ce qu’elle est dans l’unité de sa foi, et de conser­ver ain­si sa forme d’origine, dans la fidé­li­té à la mis­sion reçue du Christ. Intus refor­ma­ri.

Abbé JEAN-​MICHEL GLEIZE

Source : Courrier de Rome n°540 de décembre 2011

Notes de bas de page
  1. « S’il est exact que, en géné­ral, les Pontifes laissent la liber­té aux théo­lo­giens dans les matières où les doc­teurs du meilleur renom pro­fessent des opi­nions dif­fé­rentes, l’his­toire pour­tant nous apprend que bien des choses lais­sées d’a­bord à la libre dis­cus­sion ne peuvent plus dans la suite souf­frir aucune dis­cus­sion. Et l’on ne doit pas pen­ser que ce qui est pro­po­sé dans les lettres Encycliques n’exige pas de soi l’as­sen­ti­ment, sous le pré­texte que les Papes n’y exer­ce­raient pas le pou­voir suprême de leur magis­tère. C’est bien, en effet, du magis­tère ordi­naire que relève cet ensei­gne­ment et pour ce magis­tère vaut aus­si la parole : « Qui vous écoute, m’é­coute », et le plus sou­vent ce qui est pro­po­sé et impo­sé dans les Encycliques appar­tient depuis long­temps d’ailleurs à la doc­trine catho­lique. Que si dans leurs Actes, les Souverains Pontifes portent à des­sein un juge­ment sur une ques­tion jus­qu’a­lors dis­pu­tée, il appa­raît donc à tous que, confor­mé­ment à l’es­prit et à la volon­té de ces mêmes Pontifes, cette ques­tion ne peut plus être tenue pour une ques­tion libre entre théo­lo­giens » (DS 3884–5).[]
  2. Mgr Ocariz fait réfé­rence sur ce point à la consti­tu­tion Dei Verbum de Vatican II (n° 8), mais saint Pie X sou­ligne la même idée dans le Serment anti­mo­der­niste : « Enfin, je garde très fer­me­ment et je gar­de­rai jus­qu’à mon der­nier sou­pir la foi des Pères sur le cha­risme cer­tain de la véri­té qui est, qui a été et qui sera tou­jours « dans la suc­ces­sion de l’é­pis­co­pat depuis les apôtres », non pas pour qu’on tienne ce qu’il semble meilleur et plus adap­té à la culture de chaque âge de pou­voir tenir, mais pour que « jamais on ne croie autre chose, ni qu’on ne com­prenne autre­ment la véri­té abso­lue et immuable prê­chée depuis le com­men­ce­ment par les apôtres » (Motu pro­prio Sacrorum anti­sti­tum du 1er sep­tembre 1910, DS 3549).[]
  3. Voir sur ce point Charles Journet, L’Eglise du Verbe Incarné, t. 1, 2e édi­tion de 1955, p. 426–435. A côté d’une assis­tance abso­lue, qui est à la racine de l’infaillibilité au sens strict, propre aux défi­ni­tions solen­nelles, existe aus­si une assis­tance pru­den­tielle, qui est la racine d’une infailli­bi­li­té au sens large, propre de la pré­di­ca­tion ordi­naire et quo­ti­dienne du magis­tère.[]
  4. « Lettre de Paul VI à Mgr Lefebvre du 29 juin 1975 » dans Itinéraires. La condam­na­tion sau­vage de Mgr Lefebvre, numé­ro spé­cial hors série (décembre 1976), p. 67.[]
  5. DS 3071.[]
  6. ST, 2a2ae, ques­tion 1, article 10.[]
  7. Mt, 28/​20 ; Jn, 14/​26 ; Jn, 16/​13. Cf Cardinal Jean-​Baptiste Franzelin, La Tradition, thèse 5, n° 60–66, Courrier de Rome 2008, p. 67–70 et thèse 22, n° 456–479, p. 325–336.[]
  8. « Fideliter cus­to­dien­da et infal­li­bi­li­ter decla­ran­da » (DS 3020) ou « Sancte cus­to­dien­dum et fide­li­ter expo­nen­dum » (DS 3070).[]
  9. Cf les Acta syno­da­lia, t. II, pars I, p. 652. Il eût fal­lu ajou­ter au texte par­lant de l’in­failli­bi­li­té l’incise que nous fai­sons appa­raître en gras : « Definitiones Romani Pontificis quae prop­ter Spiritus sanc­ti assis­ten­tiam nun­quam extra vel contra fidem com­mu­nem Ecclesiae pro­fe­run­tur ex sese tamen et non ex consen­su Ecclesiae irre­for­ma­biles esse ».[]
  10. « En effet, le pape est infaillible si et seule­ment si, rem­plis­sant sa fonc­tion de doc­teur de tous les chré­tiens et repré­sen­tant toute l’Eglise, il juge et défi­nit ce que tous doivent croire ou reje­ter. Et il ne sau­rait en l’occurrence se sépa­rer de l’Eglise, pas plus que le fon­de­ment ne sau­rait se déta­cher de l’édifice qu’il doit sou­te­nir. […] Cela est évident, si l’on consi­dère la fin en vue de laquelle Dieu a accor­dé au pape l’infaillibilité, et qui est de conser­ver la véri­té dans l’Eglise » (Mgr Gasser, Mansi, t. 52, col. 1213 C).[]
  11. Cf le livre de Jean-​François Chiron, L’Infaillibilité et son objet. L’autorité du magis­tère infaillible de l’Eglise s’étend-elle aux véri­tés non-​révélées ? Cerf, 1999, p. 501–503.[]
  12. Du fait même qu’il doit pro­po­ser la véri­té révé­lée, qui est son objet pre­mier, le magis­tère pro­pose aus­si d’autres véri­tés en connexion logi­que­ment néces­saire avec le dépôt révé­lé, ou même des faits contin­gents en connexion mora­le­ment néces­saire avec la fin pre­mière de l’Eglise, qui est de conser­ver et d’expliciter le dépôt révé­lé. La connexion est si étroite que la néga­tion de ces véri­tés et de ces faits met­trait en péril pro­chain la révé­la­tion. Ce domaine cor­res­pond à l’objet secon­daire du magis­tère et il recouvre la pro­po­si­tion du révé­lé vir­tuel. On y trouve par exemple toute la doc­trine de l’Eglise rela­tive à la loi natu­relle, les juge­ments doc­tri­naux que l’Eglise porte sur les écrits, la cano­ni­sa­tion des saints (où l’on affirme le double fait de la glo­ri­fi­ca­tion et de la ver­tu héroïque du saint), l’approbation des ordres reli­gieux (où l’on affirme que telle règle de vie est apte à conduire à la per­fec­tion).[]
  13. Voir saint Thomas d’Aquin, Somme théo­lo­gique, pri­ma pars, ques­tion 11, article 1, cor­pus et ad 1.[]
  14. Cardinal Jean-​Baptiste Franzelin, La Tradition, thèse 6, n° 67–76, Courrier de Rome 2008, p. 71–76.[]
  15. DS 3020.[]
  16. DS 3541.[]
  17. ST, 2a2ae, q. 1, a. 2, cor­pus et ad 2.[]
  18. « Le pro­pos de cer­tains est d’af­fai­blir le plus pos­sible la signi­fi­ca­tion des dogmes et de libé­rer le dogme de la for­mu­la­tion en usage dans l’Eglise depuis si long­temps et des notions phi­lo­so­phiques en vigueur chez les Docteurs catho­liques, pour faire retour, dans l’ex­po­si­tion de la doc­trine catho­lique, à la façon de s’ex­pri­mer de la Sainte Ecriture et des Pères. […] Négliger, reje­ter ou pri­ver de leur valeur tant de biens pré­cieux qui au cours d’un tra­vail plu­sieurs fois sécu­laire des hommes d’un génie et d’une sain­te­té peu com­mune, sous la garde du magis­tère sacré et la conduite lumi­neuse de l’Esprit-​Saint, ont conçus, expri­més et per­fec­tion­nés en vue d’une pré­sen­ta­tion de plus en plus exacte des véri­tés de la foi, et leur sub­sti­tuer des notions conjec­tu­rales et les expres­sions flot­tantes et vagues d’une phi­lo­so­phie nou­velle appe­lées à une exis­tence éphé­mère, comme la fleur des champs, ce n’est pas seule­ment pécher par impru­dence grave, mais c’est faire du dogme lui-​même quelque chose comme un roseau agi­té par le vent. Le mépris des mots et des notions dont ont cou­tume de se ser­vir les théo­lo­giens sco­las­tiques conduit très vite à éner­ver la théo­lo­gie qu’ils appellent spé­cu­la­tive et tiennent pour dénuée de toute véri­table cer­ti­tude, sous pré­texte qu’elle s’ap­puie sur la rai­son théo­lo­gique » (Pie XII, Encyclique Humani gene­ris du 12 août 1950).[]
  19. DC n° 1387 du 4 novembre 1962, col. 1382–1383.[]
  20. DC n° 1391 du 6 jan­vier 1963, col. 101.[]
  21. DC n° 2350 du 15 jan­vier 2006, col. 59–63.[]
  22. Pie XII, Humani gene­ris : « Cette phi­lo­so­phie recon­nue et reçue dans l’Église défend, seule, l’authentique et juste valeur de la connais­sance humaine, les prin­cipes inébran­lables de la méta­phy­sique, à savoir de rai­son suf­fi­sante, de cau­sa­li­té et de fina­li­té, la pour­suite enfin, effec­tive, de toute véri­té cer­taine et immuable ».[]
  23. Joseph Ratzinger, Les Principes de la théo­lo­gie catho­lique. Esquisse et maté­riaux, Téqui, 1982.[]
  24. Ratzinger, ibi­dem, p. 423–440.[]
  25. Ratzinger, ibi­dem, p. 423.[]
  26. Ratzinger, ibi­dem, p. 424–425.[]
  27. Ratzinger, ibi­dem, p. 427.[]
  28. Cardinal Joseph Ratzinger, Entretiens sur la foi, Fayard, 1985, p. 38.[]
  29. Joseph Ratzinger, Les Principes de la théo­lo­gie catho­lique. Esquisse et maté­riaux, Téqui, 1982, p. 426–427.[]
  30. Constitution dog­ma­tique Dei Filius, cha­pitre 4, DS 3020.[]
  31. Le magis­tère anté­rieur à Vatican II a condam­né l’intention d’incorporer la phi­lo­so­phie moderne à la théo­lo­gie, dans la mesure où cette phi­lo­so­phie est imbue de ratio­na­lisme, de scep­ti­cisme ou de rela­ti­visme. Cf. par exemple le Bref Eximiam tuam à l’archevêque de Cologne, du pape Pie IX, en date du 15 juin 1857 (DS 2829), condam­nant la phi­lo­so­phie de Gunther.[]
  32. Le magis­tère pré­cé­dent (Pie IX) condamne la pro­po­si­tion affir­mant que « la meilleure condi­tion de la socié­té est celle où on ne recon­naît pas au pou­voir le devoir de répri­mer par des peines légales les vio­la­teurs de la loi catho­lique, si ce n’est dans la mesure où la tran­quilli­té publique le demande » ; DH 2 affirme que « la per­sonne humaine a droit à la liber­té reli­gieuse » et que « cette liber­té consiste en ce que tous les hommes doivent être sous­traits à toute contrainte de la part tant des indi­vi­dus que des groupes sociaux et de quelque pou­voir humain que ce soit, de telle sorte qu’en matière reli­gieuse nul ne soit for­cé d’a­gir contre sa conscience ni empê­ché d’a­gir, dans de justes limites, selon sa conscience, en pri­vé comme en public, seul ou asso­cié à d’autres ».[]
  33. Pie XII affirme l’identité réelle entre l’Eglise du Christ et l’Eglise catho­lique ; LG 8 affirme la non-​séparation de deux réa­li­tés dis­tinctes qui sont l’Eglise du Christ et l’Eglise catho­lique.[]
  34. Le magis­tère anté­rieur affirme qu’il n’y a en dehors de l’Eglise catho­lique dans les sectes schis­ma­tiques et héré­tiques prises comme telles aucune valeur sal­vi­fique et que la Providence divine ne se sert pas de ces sectes comme de moyens de salut ; Vatican II affirme exac­te­ment le contraire.[]
  35. La publi­ca­tion du Novus ordo missæ en 1969 n’a fait qu’aggraver la crise en sus­ci­tant une dif­fi­cul­té sup­plé­men­taire. Mais la crise de l’Eglise n’est pas d’abord et avant tout la crise de la messe ; c’est la crise du Concile. Les deux sont liés, mais il faut faire atten­tion à l’ordre qui relie les deux en dis­cer­nant bien où est la prin­ci­pale source du mal. La nou­velle messe (tout comme le Nouveau Code de droit cano­nique) empoi­sonne les gens plus effi­ca­ce­ment que le Concile et c’est si on veut l’entonnoir grâce auquel on verse dans la bou­teille le poi­son du Concile ; mais il reste que le Concile est la source de tout le poi­son.[]
  36. Cardinaux Ottaviani et Bacci, « Préface au pape Paul VI » dans Bref exa­men cri­tique du Novus ordo mis­sae, Ecône, p. 6.[]
  37. « Sans reje­ter en bloc ce Concile, je pense qu’il est le plus grand désastre de ce siècle, et de tous les siècles pas­sés, depuis la fon­da­tion de l’Eglise » (Mgr Lefebvre, Ils L’ont décou­ron­né, Editions Fideliter, 1986, p. XIII). Ce n’est pas une ques­tion de quan­ti­té ou de pour­cen­tage (tel texte est bon, tel autre est mau­vais ; tel pas­sage est catho­lique, tel autre est moder­niste ; tout est bon ; tout est mau­vais). Le moder­nisme est une erreur unique en son genre, en ce sens qu’elle amal­game des énon­cés maté­riel­le­ment vrais avec des énon­cés qui sont le plus sou­vent incom­plets ambi­gus, contra­dic­toires et rare­ment faux de manière ouverte. Le résul­tat de cet amal­game est un ensemble d’énoncés qui est erro­né dans sa cohé­rence interne, mais qui garde l’apparence du vrai sur chaque point par­tiel et iso­lé de l’en­semble, les bons pas­sages étant uti­li­sés pour cau­tion­ner les prin­cipes sous-​jacents de l’erreur. Saint Pie X a défi­ni­ti­ve­ment diag­nos­ti­qué le can­cer du moder­nisme en disant que cette mala­die est « d’autant plus redou­table qu’elle l’est moins ouver­te­ment ».[]
  38. DC 2010 du 15 juillet 1990, p. 693–701.[]
  39. DC 2302, col. 1022. Les n° 26–28 de ce texte vont dans ce sens.[]
  40. DC 1636 du 15 juillet 1973, p. 664–671 ; com­men­taire p. 837–839.[]
  41. Le n° 2 pré­cise en effet que « le Saint-​Esprit accorde sa lumière et son secours au Peuple de Dieu comme au Corps du Christ uni par la com­mu­nion hié­rar­chique » et ajoute que si le Peuple de Dieu s’attache à la foi, cela a lieu non seule­ment grâce à ce sens de la foi, qui est éveillé et sou­te­nu par l’Esprit de véri­té, mais aus­si « sous la conduite du magis­tère » ; pour­vus de l’autorité du Christ, les pas­teurs ont le pou­voir d’enseigner et leur rôle ne se réduit pas à sanc­tion­ner le consen­sus déjà expri­mé des simples fidèles ; ils peuvent « pré­ve­nir et requé­rir ce consen­sus dans l’interprétation et l’explication de la Parole de Dieu écrite ou trans­mise ».[]
  42. Cf. la Présentation du car­di­nal Ratzinger à l’Instruction Donum veri­ta­tis : « Le docu­ment traite du pro­blème de la mis­sion ecclé­siale du théo­lo­gien non pas à par­tir du dua­lisme magistère-​théologie, mais dans le contexte de la rela­tion tri­an­gu­laire : Peuple de Dieu, en tant que por­teur du sens de la foi et lieu com­mun à tous de l’ensemble de la foi ; magis­tère ; théo­lo­gie. Le déve­lop­pe­ment du dogme des 150 der­nières années est une démons­tra­tion très claire de cette rela­tion com­plexe : les dogmes de 1854, 1870 et 1950 furent pos­sibles parce que le sens de la foi les ayant repris, magis­tère et théo­lo­gie furent conduits par lui et ont len­te­ment cher­ché à l’atteindre » (L’Osservatore roma­no, édi­tion heb­do­ma­daire en langue fran­çaise du 10 juillet 1990, p. 9). Le qua­trième cha­pitre de l’Instruction Donum veri­ta­tis pré­sente d’ailleurs les rap­ports qui existent entre le magis­tère et les théo­lo­giens comme des rap­ports non de diri­geant à diri­gés, mais de col­la­bo­ra­tion (§ 22). Cette idée d’une col­la­bo­ra­tion est l’idée nou­velle d’une dépen­dance réci­proque, dans la dépen­dance com­mune vis-​à-​vis du Peuple. Ce n’est plus l’idée tra­di­tion­nelle de la dépen­dance du théo­lo­gien, Eglise ensei­gnée, à l’égard du magis­tère, Eglise ensei­gnante.[]
  43. DC 2097 du 3 juillet 1994, p. 613.[]
  44. « L’aventure des Apôtres com­mence ain­si, comme une ren­contre de per­sonnes qui s’ouvrent l’une à l’autre. Une connais­sance direc­te du Maître com­mence ain­si pour les dis­ciples. Ils voient où il demeure et com­mencent à le connaître. En effet, ils ne devront pas être les annon­cia­teurs d’une idée, mais les témoins d’une per­sonne. Avant d’être envoyés évan­gé­li­ser, ils devront « demeu­rer » avec Jésus (cf. Mc 3/​14), éta­blis­sant avec lui une rela­tion per­son­nelle. Sur cette base, l’évan­gélisation ne sera autre qu’une annon­ce de ce qu’ils ont vécu et une invita­tion à entrer dans le mys­tère de la com­munion avec le Christ » – Benoît XVI, « Les apôtres, témoins et envoyés du Christ », Allocution du 22 mars 2006, dans L’Osservatore roma­no n° 13 du 28 mars 2006, p. 12.[]
  45. « A tra­vers le minis­tère apos­to­lique, l’Eglise, com­mu­nau­té ras­sem­blée par le Fils de Dieu qui s’est incar­né, vit au cours du temps en édi­fiant et en nour­rissant la com­mu­nion dans le Christ et dans l’Esprit, à laquelle tous sont appe­lés et dans laquelle ils peuvent faire l’expérience du salut don­né par le Père. En effet, les Douze eurent soin de se consti­tuer des suc­ces­seurs, afin que la mis­sion qui leur était confiée soit pour­sui­vie après leur mort. Tout au long des siècles, l’Eglise, orga­ni­que­ment struc­tu­rée sous la direc­tion de ses Pasteurs légi­times, a ain­si conti­nué à vivre dans le monde comme un mys­tère de com­mu­nion, dans lequel se reflète dans une cer­taine mesure la com­mu­nion tri­ni­taire elle­-​même, le mys­tère de Dieu lui-​même. » Benoît XVI, « Le don de la com­mu­nion », Allocution du 29 mars 2006, dans L’Osservatore roma­no n° 14 du 4 avril 2006, p. 12.[]
  46. Cette idée se retrouve dans une étude de Joseph Ratzinger, écrite en 1965, et publiée au cha­pitre 2 de La Parole de Dieu, Ecriture Sainte, Tradition, Magistère, Parole et Silence, 2007, notam­ment aux p. 68–70. L’Encyclique Deus Caritas est reprend le même thème en son n°1 (DC n° 2352, col. 166) : « A l’origine du fait d’être chré­tien, il n’y a pas une déci­sion éthique ou une grande idée, mais la ren­contre avec un évé­ne­ment, avec une Personne, qui donne à la vie un nou­vel hori­zon et par là son orien­ta­tion déci­sive. ». De prime abord, une pareille des­crip­tion fait plu­tôt réfé­rence à un acte affec­tif qu’à un acte intel­lec­tuel. Or, l’union au Christ se fait d’abord par la foi et celle-​ci est un acte for­mel­le­ment intel­lec­tuel. L’intelligence est faite non pour ren­con­trer des per­sonnes mais pour connaître la réa­li­té moyen­nant des concepts et à tra­vers des for­mules. La facul­té qui se met direc­te­ment en rap­port avec la réa­li­té telle qu’elle existe concrè­te­ment, et donc avec une per­sonne, c’est la volon­té. Et la volon­té qui va à la ren­contre de Dieu, c’est la cha­ri­té. Les expres­sions uti­li­sées par Benoît XVI sug­gèrent une confu­sion entre la foi et la cha­ri­té. La « ren­contre avec une Personne » relève de l’amitié et non de la connais­sance. L’expérience sur­na­tu­relle (par ana­lo­gie avec l’expérience natu­relle) qui nous met en rela­tion (ou en ouver­ture) avec Dieu et qui sus­cite une connais­sance par conna­tu­ra­li­té existe bel et bien ; mais elle a lieu avec les actes des dons du Saint-​Esprit, dont le motif for­mel est d’ordre affec­tif, puisque ces dons reposent sur la cha­ri­té. On ne sau­rait nier que la foi doive s’enrichir de ces dons, mais pour être unis dans la vie spi­ri­tuelle concrète, foi et dons doivent res­ter for­mel­le­ment dis­tincts dans leur défi­ni­tion, aux yeux du magis­tère et de la théo­lo­gie. Et tout pécheur n’étant pas infi­dèle pour autant, la foi peut même se ren­con­trer concrè­te­ment dans l’Eglise sans la cha­ri­té ni les dons.[]
  47. Mysterium Ecclesiae (citant au pas­sage la condam­na­tion de la pro­po­si­tion n° 6 dans Lamentabili)affirme en ce sens que le rôle du magis­tère ne se borne pas à sanc­tion­ner le consen­sus déjà expri­mé des simples fidèles. Mais il y a une dif­fé­rence entre dire que le magis­tère ecclé­sias­tique trans­met et impose à croire aux fidèles la véri­té dont il est le dépo­si­taire, en tant que suc­ces­seur du magis­tère apos­to­lique, et dire que le magis­tère ecclé­sias­tique impose l’expression adé­quate d’une véri­té dont le Peuple est le dépo­si­taire parce que son sens de la foi la détient dans son état pré­con­cep­tuel. Cette deuxième affir­ma­tion n’échappe pas à la condam­na­tion de Lamentabili. La pro­po­si­tion condam­née n° 6 dit en effet pré­ci­sé­ment : « Dans la défi­ni­tion des véri­tés, l’Eglise ensei­gnée et l’Eglise ensei­gnante col­la­borent de telle façon qu’il ne reste à l’Eglise ensei­gnante qu’à sanc­tion­ner les concep­tions com­munes de l’Eglise ensei­gnée » (DS 3406).[]
  48. Benoît XVI, « La com­mu­nion dans le temps : la Tradition », Allocution du 26 avril 2006, dans L’Osservatore roma­no n° 18 du 2 mai 2006, p. 12.[]
  49. Benoît XVI, ibi­dem.[]
  50. Concile Vatican I, consti­tu­tion Pastor æter­nus, cha­pitre 1, DS 3054.[]
  51. Concile Vatican I, consti­tu­tion Pastor æter­nus, cha­pitre 4, DS 3074.[]
  52. Benoît XVI, « La com­mu­nion dans le temps : la Tradition », Allocution du 26 avril 2006, L’Osservatore roma­no n° 18 du 2 mai 2006, p. 12.[]
  53. « Les véri­tés que l’Eglise entend réel­le­ment ensei­gner par ses for­mules dog­ma­tiques sont sans doute dis­tinctes des concep­tions chan­geantes propres à une époque déter­mi­née ; mais il n’est pas exclu qu’elles soient éven­tuel­le­ment for­mu­lées, même par le magis­tère, en des termes qui portent des traces de telles concep­tions. Tout consi­dé­ré, on doit dire que les for­mules dog­ma­tiques du magis­tère ont été aptes dès le début à com­mu­ni­quer la véri­té révé­lée et que demeu­rant inchan­gées elles la com­mu­ni­que­ront tou­jours à ceux qui les inter­prè­te­ront bien. Mais il ne s’ensuit point que cha­cune d’entre elles eut et gar­de­ra tou­jours cette apti­tude au même degré ».[]
  54. Cardinal Ratzinger, pré­sen­ta­tion de l’Instruction Donum veri­ta­tis dansL’Osservatore roma­no, édi­tion heb­do­ma­daire en langue fran­çaise, 10 juillet 1990, p. 9.[]
  55. Joseph Ratzinger, Théologie et his­toire. Notes sur le dyna­misme his­to­rique de la foi, 1972, p. 108, cité par Joaquim E. M. Terra, Itinerario teo­lo­gi­co di Benedetto XVI, Roma, 2007, p. 66.[]
  56. Ratzinger, ibi­dem, p. 65.[]
  57. Ratzinger, ibi­dem, p. 64.[]
  58. Ratzinger, ibi­dem.[]
  59. Ratzinger, ibidem.[]
  60. Benoît XVI, « La com­mu­nion dans le temps : la Tradition », Allocution du 26 avril 2006, dans L’Osservatore roma­no n° 18 du 2 mai 2006, p. 12.[]
  61. Benoît XVI, ibi­dem.[]
  62. Benoît XVI, ibi­dem.[]
  63. ST 1a2ae, q 51, a 1.[]
  64. ST 1a2ae, ques­tion 57, article 3, ad 1.[]

FSSPX

M. l’ab­bé Jean-​Michel Gleize est pro­fes­seur d’a­po­lo­gé­tique, d’ec­clé­sio­lo­gie et de dogme au Séminaire Saint-​Pie X d’Écône. Il est le prin­ci­pal contri­bu­teur du Courrier de Rome. Il a par­ti­ci­pé aux dis­cus­sions doc­tri­nales entre Rome et la FSSPX entre 2009 et 2011.