Article originellement paru dans le Courrier de Rome de septembre 2009.
Dans un numéro de la revue Tu es Petrus paru en 2009 [1] et publié de nouveau en 2022 dans la même revue, l’abbé Bernard Lucien revient sur la question des degrés d’autorité du magistère, qui faisait déjà la matière d’un livre publié par ses soins en 2007 [2].
Selon lui, ces nouvelles précisions s’avéreraient nécessaires en raison de « l’urgence des discussions sur Vatican II » [3]. La couverture du numéro de la revue où figurent ces lignes représentant une photo de groupe des quatre évêques de la Fraternité Saint Pie X, on peut facilement se douter de quoi il s’agit.
1) Vatican II : une expression du magistère suprême, dont dépendrait la pleine communion avec l’Église ?
L’abbé Lucien cherche à montrer que les enseignements du concile Vatican II sont l’œuvre du magistère ecclésiastique suprême, dont l’acceptation de principe serait requise pour la pleine communion avec l’Église ; mais cette acceptation de principe reste à ses yeux compatible avec une acceptation différenciée, et non pas absolue, de chacune des propositions contenues dans les documents promulgués [4]. En effet, comme le magistère peut s’exercer en engageant son autorité à des degrés divers, le magistère suprême du concile a pu donner à la fois des enseignements infaillibles et d’autres non-infaillibles ou simplement authentiques. Les enseignements de ce concile qui sont garantis par l’infaillibilité peuvent tout au plus receler quelques ambiguïtés que le magistère devra lever ; quant aux autres enseignements qui sont simplement authentiques, ils peuvent contenir quelque erreur à rectifier, mais il est probable qu’un examen attentif n’en trouvera pas, car les passages litigieux relèvent plus de l’équivoque que de l’erreur formelle [5]. L’abbé Lucien compte par exemple dans la première catégorie des enseignements infaillibles l’affirmation centrale de la déclaration Dignitatis humanæ sur la liberté religieuse, au n° 2 [6] et dans la seconde catégorie des enseignements simplement authentiques l’affirmation, selon lui ambiguë, du n° 8 de la constitution Lumen gentium sur l’Église, selon laquelle « l’Église du Christ subsiste dans l’Église catholique » [7]. Outre cet exercice de l’autorité magistérielle proprement dite, l’abbé Lucien voit aussi dans Vatican II l’exercice d’un magistère seulement pédagogique, qui n’engage aucune autorité [8] : selon lui, les affirmations conciliaires les plus discutables relèveraient de cette catégorie, comme par exemple les développements explicatifs de la déclaration Dignitatis humanæ sur la liberté religieuse, « qui mettent en œuvre une philosophie personnaliste, sans la situer dans la vue supérieure de la primauté du bien commun » [9].
Pour établir cette démonstration, l’abbé Lucien est conduit à défendre deux conclusions : tout d’abord, il s’avère selon lui que le concile Vatican II est sur certains points l’organe d’un magistère suprême véritablement infaillible ; d’autre part, Vatican II serait sur d’autres points l’organe d’un magistère suprême non-infaillible et simplement authentique.
2) Vatican II : un organe du magistère suprême, véritablement infaillible ?
2.1) L’infaillibilité du magistère selon la doctrine catholique traditionnelle
Si l’on veut savoir quelles sont les conditions et quelle est la nature précise de l’infaillibilité du magistère de l’Église, on doit se reporter à ce qu’en dit la révélation divine. En effet, comme le rappelle le pape Léon XIII dans l’encyclique Satis cognitum du 29 juin 1896, « l’Église a été fondée et constituée par Jésus-Christ Notre Seigneur ; par conséquent, lorsque nous nous enquérons de la nature de l’Église, l’essentiel est de savoir ce que Jésus-Christ a voulu faire et ce qu’il a fait en réalité ». Or, le Christ a établi le magistère ecclésiastique comme l’organe authentique, chargé de proposer en son nom la doctrine révélée. C’est donc dans les documents de ce magistère que nous devons trouver l’enseignement du Christ relatif à l’infaillibilité de son Église, et ces documents sont les suivants : la Lettre Tuas libenter (21 décembre 1863) du pape Pie IX, adressée à l’archevêque de Munich ; la constitution dogmatique Dei Filius sur la foi catholique (24 avril 1870), du concile Vatican I ; la constitution dogmatique Pastor æternus sur l’Église (18 juillet 1870), du même concile.
Cette infaillibilité est une propriété qui n’affecte immédiatement ni l’Église en tant que société, ni la personne qui dans l’Église est investie de l’autorité suprême, ni l’exercice de l’autorité en tant que tel. C’est une propriété qui affecte précisément certains actes qui correspondent à un certain exercice de l’autorité. Si l’on s’en tient aux trois documents du magistère que nous venons d’évoquer, on peut distinguer trois circonstances précises, uniques et irréductibles, dans lesquelles un certain exercice de l’autorité suprême jouit de l’infaillibilité. Il y a l’acte singulier du pape qui enseigne tout seul sans le concours des évêques : cet acte est la locutio ex cathedra. Il y a l’acte singulier d’une personne non plus physique mais morale, c’est-à-dire le décret publié par un concile œcuménique, lorsque tous les évêques, réunis autour du pape, enseignent de concert avec lui et sous son autorité suprême. Il y a enfin l’ensemble des actes, unanimes et simultanés, qui émanent de tous les pasteurs de l’Église, sous l’autorité du pape, mais dans ce cas, les évêques et le pape sont dispersés et non plus réunis et leur union n’est que morale.
L’infaillibilité de la locutio ex cathedra est explicitement définie par le concile Vatican I dans le chapitre IV de la constitution dogmatique Pastor æternus (DS 3074). L’infaillibilité des décrets conciliaires est implicitement enseignée à deux reprises : d’abord dans le chapitre III de la constitution dogmatique Dei Filius (DS 3011); ensuite dans la lettre Tuas libenter de Pie IX (DS 2879). D’une part le concile Vatican I affirme dans Dei Filius que « l’on doit croire de foi divine et catholique tout ce qui est contenu dans la Parole de Dieu, écrite ou transmise par la Tradition, et que l’Église propose à croire comme divinement révélé (…) par un jugement solennel », et il faut entendre par cette expression générique de « jugement solennel » aussi bien les définitions du pape parlant ex cathedra que celles des conciles œcuméniques. D’autre part, Pie IX affirme dans Tuas libenter que, lorsqu’il s’agit « de cette soumission qui doit se manifester par l’acte de foi divine », elle est exigée, quoique non exclusivement, par « ce qui a été défini par les décrets exprès des conciles œcuméniques ou des pontifes romains de ce Siège apostolique ». Dans les deux cas, il est explicitement dit que les définitions des conciles œcuméniques réclament un assentiment de foi divine. Puisque seul un enseignement infaillible est en mesure de réclamer l’assentiment de foi divine, ces deux passages de Dei Filius et Tuas libenter enseignent implicitement l’infaillibilité des décrets conciliaires. L’infaillibilité du magistère ordinaire et universel est elle aussi enseignée implicitement dans les deux mêmes passages de Dei Filius et de Tuas libenter. D’une part le concile Vatican I affirme dans Dei Filius que « l’on doit croire de foi divine et catholique tout ce qui est contenu dans la Parole de Dieu, écrite ou transmise par la Tradition, et que l’Église propose à croire comme divinement révélé (…) par son magistère ordinaire et universel ». D’autre part, Pie IX affirme dans Tuas libenter que, lorsqu’il s’agit « de cette soumission qui doit se manifester par l’acte de foi divine », (…) « elle doit aussi s’étendre à ce que le magistère ordinaire de toute l’Église répandue dans l’univers transmet comme divinement révélé ». Dans les deux cas, il est explicitement dit que les enseignements du magistère ordinaire et universel réclament un assentiment de foi divine, et cela suppose que ces enseignements sont infaillibles.
2.2) L’infaillibilité du magistère selon l’abbé Lucien
a) Corps épiscopal rassemblé ou dispersé
L’abbé Lucien s’intéresse ici uniquement à l’infaillibilité de ce qu’il appelle « le magistère universel », Remarquons tout de suite que l’abbé Lucien commence par donner au mot « universel » un sens très précis, un sens qui n’apparaît d’ailleurs que sous sa plume, et qui n’est pas du tout le sens que les textes du magistère donnent à ce mot lorsqu’ils recourent à l’expression du « magistère ordinaire et universel ».
Une nouvelle terminologie…
En effet, pour l’abbé Lucien, le magistère universel s’oppose au magistère pontifical, comme le magistère suprême du corps épiscopal unanime s’oppose au magistère suprême du pape seul. Le mot « universel » dans l’expression « magistère universel » désigne pour lui l’activité simultanée et conjointe du pape et des évêques, dans un sens très général, qui fait abstraction de la réunion ou de la dispersion du corps épiscopal. Le magistère universel, au sens que l’abbé Lucien donne à cette expression, désigne aussi bien l’activité du pape et des évêques physiquement réunis au même endroit lors d’un concile œcuménique que l’activité du pape et des évêques dispersés par toute la terre et unis par le simple lien moral de leur intention [10].
… qui prête à équivoque
À l’extrême rigueur, l’usage de cette expression, avec le sens précis que lui donne l’abbé Lucien, pourrait être acceptable, bien qu’il s’agisse là d’une nouveauté dont on ne trouve guère de précédent ni dans les textes du magistère, ni dans la théologie. Mais l’expression est à réprouver, dans la mesure où elle introduit une équivoque, et donne une interprétation faussée des enseignements du concile Vatican I sur l’infaillibilité du magistère de l’Église. En effet, le texte de la constitution Dei Filius parle d’un « magistère ordinaire et universel », dont il oppose l’enseignement à celui du « jugement solennel ». Dans ce passage, le mot « universel » a un sens très précis, qui n’a absolument rien à voir avec le sens que voudrait lui donner l’abbé Lucien, et il désigne le magistère du corps épiscopal dispersé par toute la terre par opposition au magistère du concile œcuménique, c’est-à-dire du corps épiscopal rassemblé. Pour s’en convaincre, il suffit de se reporter aux actes authentiques du concile Vatican I, où l’on trouve les déclarations de la Députation de la foi (c’est-à-dire de l’organisme chargé de représenter l’autorité du pape lors des débats conciliaires) qui expliquent en quel sens le mot « universel » a été adopté dans le texte final de la constitution. Un amendement ayant proposé d’ajouter aux mots « magistère ordinaire » les qualificatifs de « public » et d’« universel », la Députation de la foi jugea inutile l’addition du mot « public » mais elle invita le concile à adopter l’addition du mot « universel », qui fut voté à l’unanimité, moins une ou deux voix. Le rapporteur de la Députation, Mgr Martin, explique en ces termes le sens de cet ajout : « Ce mot universale signifie d’ailleurs à peu près la même chose que les termes employés par Sa Sainteté dans sa Lettre apostolique, à savoir le magistère de toute l’Église dispersée sur la terre » [11]. Le rapporteur ajoute un peu plus loin que cette Lettre apostolique était celle que Pie IX avait adressée le 21 décembre 1863 à l’archevêque de Munich, la lettre Tuas libenter. Or Pie IX parle bien dans ce texte du « magistère ordinaire de toute l’Église répandue dans l’univers ». Comme le remarque le père Vacant, dans une étude classique, qui fait autorité sur la question : « Ce magistère est le mode d’enseignement qui s’exerce par toute l’Église, tandis que les jugements des conciles sont promulgués en un lieu donné » [12]. Et de conclure : « La plupart des théologiens qui ont écrit depuis le concile du Vatican avaient reconnu dans ce qu’il nomme le magistère ordinaire et universel le même magistère que la Lettre de Pie IX appelle le magistère ordinaire de toute l’Église dispersée sur la terre. Maintenant que nous possédons les actes authentiques du concile du Vatican, on ne peut plus douter de cette identité, puisqu’elle a été affirmée dans les déclarations qui ont amené le vote de ce passage de notre constitution [13]. »
De l’équivoque au postulat
Un simple fait est digne de remarque : dans toute son étude, l’abbé Lucien ne cite jamais ni la Lettre Tuas libenter du pape Pie IX, ni les déclarations de la Députation de la foi, telles qu’elles figurent dans les actes authentiques du concile Vatican I. Ces textes contredisent ouvertement l’explication fausse qu’il donne du passage de la constitution Dei Filius. Ce passage dit exactement ceci : « On doit croire de foi divine et catholique tout ce qui est contenu dans la Parole de Dieu, écrite ou transmise par la Tradition, et que l’Église propose à croire comme divinement révélé, soit par un jugement solennel, soit par son magistère ordinaire et universel. » (DS 3011.) D’après les explications que nous venons de donner, ce texte distingue entre le magistère du corps épiscopal réuni en concile et le magistère du corps épiscopal dispersé par toute la terre. L’abbé Lucien lit ce texte en donnant au mot « universel » le sens générique qui fait abstraction de l’état de réunion ou de dispersion du corps épiscopal. Le « magistère ordinaire et universel » est à ses yeux le magistère suprême du corps épiscopal, aussi bien réuni en concile qu’à l’état de dispersion, et tel qu’il s’exerce selon un mode ordinaire, par opposition au magistère suprême du même corps épiscopal, tel qu’il s’exerce selon le mode d’un jugement solennel, ce qui n’a lieu que lorsque le corps épiscopal est rassemblé : « La qualification ordinaire pour l’exercice du magistère universel s’oppose à jugement solennel. Elle ne s’identifie donc pas avec l’état de dispersion du magistère universel. Rien ne s’oppose donc à ce qu’un concile œcuménique exerce le magistère ordinaire suprême selon le mode ordinaire et en engageant l’infaillibilité [14]. » Voilà pourquoi, selon l’abbé Lucien, le concile Vatican II a pu donner des enseignements infaillibles. En effet, comme l’a explicitement déclaré Paul VI, ce concile « a évité de promulguer des définitions dogmatiques solennelles engageant l’infaillibilité », mais il a cependant « muni ses enseignements de l’autorité du magistère ordinaire suprême » [15]. Si l’on s’en tient au postulat de l’abbé Lucien, on peut conclure de là que, même si les enseignements de ce concile ne se présentaient pas comme des définitions infaillibles engageant l’infaillibilité du magistère suprême universel selon le mode solennel, ils équivalent cependant à l’exercice infaillible du magistère universel selon le mode ordinaire.
b) Définir ou transmettre
Le tour est joué, mais c’est un mauvais tour de passe-passe. Il suffît de lire la Lettre Tuas libenter pour se rendre compte que l’abbé Lucien ne parle pas du tout le même langage que le pape Pie IX. Le magistère de l’Église peut enseigner de manière infaillible dans trois circonstances différentes : lorsque le pape parle seul ex cathedra ; lorsque le pape, à la tête des évêques rassemblés autour de lui, publie les jugements solennels d’un concile œcuménique ; lorsque le pape, à la tête des évêques dispersés dans toute la terre (chacun à la tête de son diocèse), prêche dans le cadre du magistère ordinaire et universel. Entre ces trois circonstances, nous trouvons une différence réelle modale imparfaite [16] : c’est la différence qui existe entre trois manières d’être réellement distinctes, pour un seul et même sujet, comme par exemple la distinction qui existe entre le fait d’être assis, couché ou debout pour un seul et même homme. Si nous nous plaçons de ce point de vue du sujet, c’est toujours l’Église enseignante qui est infaillible, à travers le corps épiscopal dont le pape est l’unique chef suprême ; mais cette Église enseignante est infaillible de deux manières réellement distinctes, c’est-à-dire tantôt lorsqu’elle s’exprime par la bouche du corps épiscopal rassemblé en concile, et tantôt lorsqu’elle s’exprime par la bouche du corps épiscopal dispersé dans tout l’univers. La différence qui existe entre les deux est sans doute celle qui existe entre deux manières différentes pour un seul et même sujet d’enseigner infailliblement, mais c’est une différence bien réelle, et non une simple différence de raison.
Une double différence réelle : deux sujets et deux objets
Cette différence réelle est d’abord, comme nous venons de le montrer en nous appuyant sur les enseignements du pape Pie IX, la différence qui existe entre deux façons distinctes, pour un même sujet, d’exercer son acte. Mais cette différence réelle modale s’explique elle-même en raison d’une autre différence au niveau de l’objet formel de l’acte. Dans la Lettre Tuas libenter, le pape Pie IX explique plus précisément quelle est la différence qui existe entre les jugements solennels des conciles œcuméniques et la prédication du magistère ordinaire et universel en disant que cette différence est celle qui existe entre l’acte d’une définition et l’acte d’une transmission. « S’il s’agissait de cette soumission qui doit se manifester par l’acte de foi divine », dit-il, « elle ne saurait être limitée à ce qui a été défini par les décrets exprès des conciles œcuméniques […], mais elle doit aussi s’étendre à ce que le magistère ordinaire de toute l’Église répandue dans l’univers transmet comme divinement révélé » (DS 2879). Il y a une différence entre une définition et une transmission, et c’est la différence qui existe entre deux objets formels distincts [17].
La confusion de l’abbé Lucien
Si, comme le fait l’abbé Lucien [18], on affirme, en se plaçant de ce deuxième point de vue de l’objet de l’acte, que la différence qui existe entre les jugements solennels des conciles œcuméniques et l’exercice du magistère ordinaire et universel est purement accidentelle, on suppose par le fait même que ces deux actes correspondent au même objet formel, sous deux modalités accidentellement distinctes. On a donc affaire dans les deux cas à l’acte d’une définition, et la différence consiste seulement en ce que les jugements solennels comportent des solennités particulières dans l’expression verbale d’une doctrine directement affirmée comme révélée, tandis que le magistère ordinaire s’exprime sans recourir à ces solennités. Et c’est exactement ce qu’affirme l’abbé Lucien [19]. Il peut, selon lui, y avoir l’exercice d’un magistère ordinaire dans le cadre d’un concile œcuménique, lorsque ce dernier procède à des définitions sous un mode qui n’implique aucune solennité particulière au niveau de l’expression.
Cette explication ne tient pas, car elle est contredite par l’enseignement explicite du pape Pie IX, dans la Lettre Tuas libenter. Si on se place du point de vue de l’objet de l’acte (et non plus seulement du point de vue du sujet), il y a une différence essentielle entre les jugements solennels d’un concile œcuménique et l’exercice du magistère ordinaire et universel. Dans le premier cas, on a affaire à l’acte du corps épiscopal rassemblé autour du pape, qui procède à une définition solennelle. Dans le second cas, on a affaire à l’acte du corps épiscopal dispersé par toute la terre et moralement uni au pape, qui exerce la transmission du dépôt révélé. Le mode solennel n’est donc pas accidentel à la définition [20] et il s’oppose essentiellement au mode ordinaire. Ces deux modalités, solennelle et ordinaire, correspondent à deux actes essentiellement distincts [21].
Vatican II n’est pas l’expression d’un magistère infaillible
Le concile Vatican II a été un concile œcuménique légitimement convoqué, organe possible d’éventuels jugements solennels infaillibles. Mais en tant que concile, c’est-à-dire en tant que corps épiscopal rassemblé, il ne pouvait absolument pas équivaloir à un magistère ordinaire et universel. Et d’autre part, le pape Paul VI ayant explicitement renoncé à exercer dans ce concile des jugements solennels, les enseignements de Vatican II ne sont nullement ceux d’un magistère proprement infaillible [22].
3) Vatican II : un organe du magistère suprême, simplement authentique ?
L’abbé Lucien pense pouvoir prouver que Vatican II a correspondu à l’exercice d’un magistère proprement dit, même non-infaillible, dans la mesure où les enseignements de ce concile se sont voulus doctrinaux, et il avance deux arguments pour établir ce dernier point. D’abord un argument positif : les déclarations du pape Jean XXIII affirmeraient cette nature doctrinale des enseignements conciliaires. Ensuite un argument négatif : l’intention pastorale du concile n’exclurait pas la nature doctrinale des enseignements conciliaires [23].
3.1) Les déclarations de Jean XXIII
L’abbé Lucien donne des extraits du discours d’ouverture du concile Vatican II, prononcé par le pape Jean XXIII. Mais ces citations sont partielles, et elles ne donnent pas une idée exacte de la pensée de Jean XXIII. Si l’on se reporte à l’intégralité du discours, tel qu’il fut publié dans la Documentation catholique [24], on s’aperçoit que le pape Jean XXIII n’a pas voulu réunir ce concile pour proposer un enseignement doctrinal : « Nous n’avons pas non plus comme premier but », dit-il, « de discuter de certains chapitres fondamentaux de la doctrine de l’Église, et donc de répéter plus abondamment ce que les Pères et les théologiens anciens et modernes ont déjà dit. Cette doctrine, nous le pensons, vous ne l’ignorez pas, et elle est gravée dans vos esprits. En effet, s’il s’était agi uniquement de discussions de cette sorte, il n’aurait pas été besoin de réunir un concile œcuménique. » Le pape a plutôt réuni ce concile afin de présenter la doctrine dans une forme nouvelle : « Il faut que […] cette doctrine certaine et immuable, qui doit être respectée fidèlement, soit approfondie et présentée de la façon qui répond aux exigences de notre époque. En effet, autre est le dépôt lui-même de la foi, c’est-à-dire les vérités contenues dans notre vénérable doctrine, et autre est la forme sous laquelle ces vérités sont énoncées, en leur conservant toutefois le même sens et la même portée. Il faudra attacher beaucoup d’importance à cette forme et travailler patiemment, s’il le faut, à son élaboration ; et on devra recourir à une façon de présenter qui correspond mieux à un enseignement de caractère surtout pastoral. » Jean XXIII reprendra d’ailleurs la même idée, et de façon beaucoup plus précise, dans une allocution adressée au Sacré Collège le 23 décembre 1962. Il dit alors : « L’objet essentiel — disions-nous dans ce discours d’ouverture solennelle du Concile — n’est donc pas une discussion sur tel ou tel article de la doctrine fondamentale de l’Église, discussion qui reprendrait largement l’enseignement des Pères et des théologiens anciens et modernes ; pour une pareille entreprise, en vérité, on n’avait pas besoin d’un concile. Mais cette [doctrine] doit être étudiée et exposée suivant les modes de recherche et de formulation littéraire de la pensée moderne, en se réglant, pour les formes et les proportions, sur les besoins d’un magistère dont le caractère est surtout pastoral [25] »
Fort des citations très partielles qu’il donne du discours du 11 octobre 1962, l’abbé Lucien pense pouvoir conclure ainsi : « Il est donc certain qu’en poursuivant un but pastoral, le concile Vatican II n’a absolument pas renoncé à être formellement doctrinal [26]. » En réalité, quand on lit la teneur exacte des propos de Jean XXIII, une pareille certitude semble bien devoir être sérieusement mise en cause. Sans doute, loin d’exclure un enseignement doctrinal, une « intention pastorale », au sens habituel et traditionnel du terme, le réclame et le favorise : au sens où l’intention pastorale se définit comme le souci du salut des âmes et de l’intégrité de leur foi, il est bien évident qu’une telle intention va de pair avec le souci de préciser et de défendre la doctrine, qui est le moyen primordial grâce auquel les âmes pourront se sauver. Cependant, le pape Jean XXIII définit cette « intention pastorale » dans un sens absolument nouveau, et qui n’est pas sans impliquer de graves ambiguïtés : il s’agit désormais d’exposer la doctrine non plus en fonction du salut des âmes et de l’intégrité de leur foi, mais « suivant les modes de recherche et de formulation littéraire de la pensée moderne ». Quand on sait l’opposition irréductible qui existe entre la pensée moderne et la doctrine traditionnelle de l’Église [27], un tel propos a de quoi laisser perplexe. La belle certitude de l’abbé Lucien s’en trouve quand même assez fortement ébranlée et nous pouvons bien craindre qu’en poursuivant un tel but pastoral le concile Vatican II ait renoncé d’avance à être formellement doctrinal.
3.2) L’intention pastorale n’exclut pas l’enseignement doctrinal
L’argument négatif avancé par l’abbé Lucien perd donc lui aussi toute sa consistance. En bonne philosophie, on dit que la fin détermine la forme. Le but d’un acte détermine d’avance la nature de cet acte. L’intention d’un concile détermine donc la nature des enseignements de ce concile. Une intention pastorale au sens traditionnel du terme n’exclut pas des enseignements doctrinaux et proprement magistériels, bien au contraire. Mais une intention pastorale, au sens nouveau indiqué par Jean XXIII, exclut que les enseignements du concile Vatican II soient des enseignements doctrinaux et proprement magistériels, ou donne du moins des raisons sérieuses d’en douter.
3.3) Une mauvaise tautologie
Ajoutons pour finir que l’abbé Lucien ne répond pas à l’objection qui lui est faite.
On peut objecter en effet que le concile Vatican II ne s’est pas exprimé avec une autorité proprement magistérielle, et ceci pour deux motifs. D’abord à cause de l’intention pastorale, au sens nouveau indiqué par Jean XXIII et qui semble difficilement conciliable avec l’exercice d’un magistère ecclésiastique proprement dit. Ensuite dans la mesure où on trouve dans les enseignements de ce concile des affirmations qu’il est impossible, ou du moins très difficile, de concilier avec les définitions dogmatiques et les enseignements infaillibles de la Tradition antérieure. Parmi ces enseignements contraires à la Tradition, les principaux, ceux dont l’opposition au magistère traditionnel de l’Église est la plus manifeste, sont renfermés dans la déclaration Dignitatis humanæ sur la liberté religieuse, le décret Unitatis redintegratio sur l’œcuménisme et la constitution pastorale Gaudium et spes. Le premier de ces trois textes contredit l’enseignement des papes Grégoire XVI dans l’encyclique Mirari vos et Pie IX dans l’encyclique Quanta cura [28]. Le deuxième texte contredit l’enseignement du pape Pie XI dans l’encyclique Mortalium animos [29]. Le troisième contredit toute la doctrine sociale de l’Église, sur le règne du Christ Roi, telle qu’elle se retrouve dans l’encyclique Immortale Dei du pape Léon XIII et dans l’encyclique Quas primas du pape Pie XI [30]. Or, le magistère ecclésiastique est par définition un magistère traditionnel [31] et l’enseignement de ce magistère est donc constant ; cette constance est constatable non seulement par la raison éclairée par la foi mais même par la seule raison, par les lumières du sens commun. Si la prédication des hommes d’Église contredit celle de tous leurs prédécesseurs sur des points qui concernent directement la substance du message révélé, cette prédication ne peut en aucun cas revendiquer l’autorité du magistère divinement institué. En cas de discontinuité au niveau de l’objet de la prédication, on a le devoir de conclure que l’acte de cette prédication n’est pas l’acte du magistère de l’Église ; les hommes qui exercent cette prédication (c’est-à-dire le sujet de cet acte) restent ce qu’ils sont jusqu’à preuve indubitable du contraire : ce sont des hommes d’Église, évêques ou papes légitimes, qui possèdent la fonction et l’autorité du magistère ecclésiastique. Mais en l’occurrence ils ne peuvent pas s’appuyer sur une telle autorité pour imposer leur prédication comme celle du magistère de l’Église, car celle-ci n’est pas la prédication constante et immuable des vérités révélées par le Christ. Puisque les enseignements du concile Vatican II sont en rupture avec la Tradition bimillénaire de l’Église, au moins sur les trois points substantiels que nous avons indiqués plus haut, ces enseignements ne peuvent pas être les enseignements d’un magistère ecclésiastique proprement dit.
L’abbé Lucien nous répond que ce serait minimiser le rôle du magistère simplement authentique. En effet, rappelle-t-il, même si un concile n’est pas infaillible, il reste qu’il peut s’exercer avec l’autorité d’un magistère simplement authentique [32]. Cette réponse énonce sans doute une vérité d’ordre général (une possibilité), mais elle ne résout rien du tout, puisque la question à laquelle elle est censée répondre est justement celle où l’on se demande si cette vérité d’ordre général peut s’appliquer dans le cas de Vatican II. Nous avons de sérieuses raisons de douter que Vatican II ait correspondu à l’exercice d’un magistère proprement dit, infaillible ou non, et il ne sert à rien de répondre que, de toute façon, Vatican II correspond au moins à l’exercice d’un magistère non-infaillible et simplement authentique.
Il y a là un sophisme [33]. L’abbé Lucien nous dit que Vatican II a fait acte de magistère,… parce qu’un concile œcuménique est le sujet qui a la capacité requise pour exercer l’acte de magistère [34]. Normalement, oui : si on a affaire à un concile œcuménique légitimement convoqué, on doit présumer, habituellement, dans des circonstances normales, que le concile va passer comme tel à l’acte, et que les enseignements qui vont être publiés par ce concile seront les enseignements d’un véritable magistère. Cependant, cette présomption est légitime pour autant que nous n’avons pas la preuve explicite et manifeste du contraire. Or, cette preuve intervient justement lorsque les enseignements du concile en question sont en contradiction manifeste avec l’enseignement du magistère ecclésiastique antérieur : c’est le fameux critère négatif [35] qui doit nous conduire à nier qu’il y ait eu, dans le cas précis de Vatican II, l’exercice d’un véritable magistère, l’exercice d’un concile qui serait passé comme tel à l’acte. Même s’il arrive ordinairement et la plupart du temps qu’un concile œcuménique fasse acte de magistère, il n’est pourtant pas mathématiquement nécessaire que tout concile œcuménique passe comme tel à l’acte et exerce toujours un acte de magistère : le cas d’exception reste possible, même s’il est rare (une fois sur vingt-et-un conciles œcuméniques), et c’est justement ce qui est arrivé avec Vatican II : contra factum non fit argumentant.
4) Un texte qui n’a pas vieilli
Au moment où, de l’aveu même d’un prêtre membre de la Fraternité Saint-Pierre, « l’urgence des discussions sur Vatican II » apparaît comme une évidence, il n’est pas sans intérêt de relire l’introduction au livre J’accuse le concile, paru en 1976 et qui rassemble le texte des interventions par lesquelles, lors du concile Vatican II, Mgr Lefebvre a dénoncé les erreurs graves, contraires à l’enseignement constant du magistère traditionnel, et qui ont été ensuite adoptées par les décrets conciliaires.
Pourquoi ce titre « J’accuse le Concile » ? Parce que nous sommes fondés à affirmer, par des arguments tant de critique interne que de critique externe, que l’esprit qui a dominé au Concile et en a inspiré tant de textes ambigus et équivoques et même franchement erronés, n’est pas l’Esprit Saint, mais l’esprit du monde moderne, esprit libéral, teilhardien, moderniste, opposé au règne de Notre Seigneur Jésus-Christ. Toutes les réformes et orientations officielles de Rome sont demandées et imposées au nom du Concile. Or, ces réformes et orientations sont toutes de tendance franchement protestante et libérale. C’est dès le Concile que l’Église ou du moins les hommes d’Église occupant les postes clés, ont pris une orientation nettement opposée à la Tradition, soit au magistère officiel de l’Église. (…) Le Concile a été détourné de sa fin par un groupe de conjurés et il nous est impossible d’entrer dans cette conjuration, quand bien même il y aurait beaucoup de textes satisfaisants dans ce Concile. Car les bons textes ont servi pour faire accepter les textes équivoques, minés, piégés. Il nous reste une seule solution : abandonner ces témoins dangereux pour nous attacher fermement à la Tradition, soit au magistère officiel de l’Église pendant vingt siècles.
MGR LEFEBVRE, J’accuse le concile, p. 9–11.
Voilà comment il faudrait, selon nous, « résoudre, dans la paix, la charité, et la vérité, les problèmes suscités par le concile Vatican II et artificiellement entretenus de nos jours par le Diable (le Diviseur), pour le plus grand malheur de l’Église et des fidèles [36].
Source : Courrier de Rome n° 515 – septembre 2009
- ABBÉ BERNARD LUCIEN , « Les degrés d’autorité du magistère » dans Tu es Petrus – Revue des amis de la Fraternité Saint Pierre, n° 122 (avril 2009), p. 45–51[↩]
- ABBÉ BERNARD LUCIEN , « Les degrés d’autorité du magistère », La Nef, 2007. Voir en particulier le chapitre VI, p. 135–189. Nous avons donné une analyse de cette réflexion dans le journal Courrier de Rome – Sì Sì No No de février 2008, p. 1–6, sous le titre : « À propos de saint Vincent de Lérins ».[↩]
- ABBÉ LUCIEN, article cité, p. 45[↩]
- ABBÉ LUCIEN, article cité, p. 49[↩]
- ABBÉ LUCIEN , article cité, p. 51.[↩]
- ABBÉ LUCIEN , article cité, p. 51, note 15.[↩]
- ABBÉ LUCIEN , article cité, p. 51, note 16.[↩]
- ABBÉ LUCIEN , article cité, p. 51.[↩]
- ABBÉ LUCIEN , article cité, p. 51, note 18.[↩]
- ABBÉ LUCIEN , article cité, p. 46.[↩]
- MGR MARTIN , « Discours du 6 avril 1870 » dans J. D. Mansi, Sacrorum conciliorum nova et amplissima collectio, Paris, Hubert Welter, 1903, tome 51, colonne 322, A17-C1.[↩]
- ABBÉ JEAN-MICHEL VACANT, « Études théologiques sur les constitutions du concile du Vatican », vol. 2, 1895, n° 624, p. 92.[↩]
- ID ., ibidem, n° 622, p. 91.[↩]
- ABBÉ LUCIEN , article cité, p. 49[↩]
- PAUL VI, « Audience du 12 janvier 1966 » dans DC n° 1466 (6 mars 1966), col. 418–420.[↩]
- Sur cette question, le lecteur peut se reporter aux explications que donne JACQUES RAMIREZ , O . P., De analogia, t. 2, n° 467, Instituto de filosofia Luis Vives, Madrid, 1971, p. 821–823.[↩]
- Nous avons expliqué plus en détail la nature précise de cette différence, en nous appuyant sur l’étude du PÈRE VACANT, dans le journal Courrier de Rome – Sì Sì No No de mai 2009, dans un article intitulé : « Pour une juste réévaluation de Vatican II : le magistère et la Tradition clairement définis », p. 4.[↩]
- ABBÉ LUCIEN , article cité, p.46.[↩]
- Abbé Lucien, article cité, p. 49, note 11.[↩]
- La solennité qui est le caractère propre et nécessaire d’une définition, et qui suffit à distinguer celle-ci de l’exercice du magistère ordinaire, n’est pas une solennité purement matérielle, qui se réduirait à un mode d’expression ou aux circonstances solennelles dans lesquelles se produit l’intervention du magistère conciliaire : le grand apparat avec lequel les décrets sont publiés (si par exemple le pape porte la tiare, et s’il est entouré de tous les évêques en mitre et en chape) ; le lieu ou le temps de cette publication (si par exemple c’est dans la basilique Saint-Pierre du Vatican ou si c’est après une neuvaine de prières ou de jeûne) ; le grand concours de peuple ; le retentissement médiatique. Il s’agit d’une solennité formelle, et elle équivaut au fait que la définition manifeste en tant que telle, avec la plus grande visibilité possible, qu’une proposition dogmatique est formellement incluse dans le dépôt révélé. Comme nous l’avons expliqué dans l’article paru dans le numéro de mai 2009 de ce journal, la définition a en effet pour objet direct d’indiquer explicitement cette inclusion, tandis que le magistère ordinaire l’exprime de façon implicite et indirecte, en se contentant d’énoncer directement les termes mêmes de la proposition formellement révélée.[↩]
- Cela se peut, même si on admet, (comme le fait JOACHIM SALAVERRI S . J ., De Ecclesia , thèse 13, n° 546 dans Sacra theologiæ summa, t. 1 : « Theologia fundamentalis », Biblioteca de autores cristianos, Madrid, 1962, p. 667), que, du point de vue du sujet, la différence réelle modale imparfaite qui existe entre le corps épiscopal rassemblé ou dispersé équivaut à une différence accidentelle. Un seul et même sujet peut en effet exercer dans des circonstances qui ne sont qu’accidentellement différentes des actes spécifiquement différents : Pierre peut parler debout ou couché, mais il peut aussi parler debout et dormir couché.[↩]
- Cela n’empêche pas que ce concile ait pu [dato non concesso] réaffirmer des enseignements déjà enseignés auparavant par le magistère infaillible antérieur ; mais c’est une autre question, qu’il faudrait examiner pour elle-même. Nous examinons seulement ici la question précise de l’infaillibilité du concile Vatican II en tant que tel.[↩]
- Abbé Lucien, article cité, p. 49–50.[↩]
- JEAN XXIII, « Discours d’ouverture, 11 octobre 1962 » dans DC n° 1387 (4 novembre 1962), col. 1382–1383.[↩]
- DC n° 1391 (6 janvier 1963), col. 101.[↩]
- ABBÉ LUCIEN , article cité, p. 50[↩]
- Le lecteur peut se reporter à ce sujet au numéro de juillet-août 2009 du Courrier de Rome – Sì Sì No No, p. 5–6.[↩]
- Pour une étude plus détaillée de cette question, on pourra se reporter au livre de MGR LEFEBVRE, « Mes doutes sur la liberté religieuse », Clovis, 2000.[↩]
- Pour une étude plus détaillée de cette question, on pourra se reporter au livre de Mgr Lefebvre, « C’est moi l’accusé qui devrait vous juger », Fideliter, 1994.[↩]
- Pour une étude plus détaillée de cette question, on pourra se reporter au livre de Mgr Lefebvre, « Ils L’ont découronné », Fideliter, 1987.[↩]
- Voir à ce sujet le numéro de février 2008 du Courrier de Rome — Si Si No No.[↩]
- Abbé Lucien, article cité, p. 50. À la page 51, notre auteur va plus loin, en disant que même si un concile n’est pas infaillible selon le mode d’un jugement solennel, il reste qu’il s’exerce avec l’autorité d’un magistère infaillible selon le mode ordinaire. C’est la reprise de l’explication faussée que nous avons analysée plus haut, § 2.[↩]
- A posse ad esse non valet illatio. Dans son Traité sur la comparaison entre le pouvoir du pape et celui du concile, chapitre XXVII, n° 416, Cajetan remarque, à propos d’un raisonnement tout différent, mais comparable sur le point précis qui le vicie, que ce sophisme consiste à passer, de façon toute géométrique, d’une proposition affirmative universelle à une proposition affirmative particulière contenue, en concurrence avec une autre proposition négative contraire, dans cette universelle : « sophisma consequentis a superiore ad suum inferius affirmative ». De la possibilité universelle à l’une plutôt qu’à l’autre des réalités particulières contraires et également possibles (quoiqu’inégalement probables), l’inférence n’est pas mathématiquement nécessaire ni toujours légitime.[↩]
- On retrouve le même sophisme, de manière inversée, et à l’appui de la conclusion diamétralement opposée, dans la thèse sédévacantiste : Vatican II n’ayant pas accompli l’acte d’un véritable magistère traditionnel, on en conclut que Vatican II ne fut pas le sujet ayant la capacité requise pour exercer cet acte, et on nie qu’il fut un concile œcuménique légitime. On raisonne ainsi par déduction sophistique a posteriori en passant de « Vatican II n’a pas agi en tant que concile » (vrai) à « Vatican II ne pouvait pas agir en tant que concile » (faux) puis à « Vatican II ne fut pas en tant que concile » (faux). Et c’est toujours le même « mathématisme » qui se cache derrière cette apparente rigueur.[↩]
- Voir le numéro de mai 2009 du Courrier de Rome — Sì Sì No No, p. 5–6.[↩]
- ABBÉ LUCIEN , article cité, p. 51.[↩]