Sermon de Mgr Lefebvre – Purification – Prise de soutane – 2 février 1982

Mes bien chers amis,
Mes bien chers frères,

Quelle coïn­ci­dence pro­vi­den­tielle, que cette récep­tion de la ton­sure avec la fête de la Purification.

Comme Jésus et Marie, se sont pré­sen­tés au Temple aujourd’hui, vous aus­si vous sui­vez Marie et Jésus pour vous pré­sen­ter à ce temple qu’est l’Église. Puissiez-​vous vous pré­sen­ter avec des cœurs aus­si purs, avec des dis­po­si­tions aus­si saintes, que la Vierge Marie et l’Enfant-Jésus. Ce n’était pas le Temple alors, ni la Purification de Marie qui leur ren­daient le cœur pur. C’était Jésus, le Dieu-​vivant, qui venait sanc­ti­fier le Temple. Et Marie était toute pure ; elle n’avait pas besoin de puri­fi­ca­tion. Mais ils ont vou­lu obéir à la Loi. Et mon­trer ain­si, l’importance de l’Église. Et pour vous, il en est de même.

Sans doute, vous avez besoin de puri­fi­ca­tion et vous venez à l’Église pour lui deman­der ses grâces de rédemp­tion. Mais vous venez (aus­si) à l’Église afin de vous unir davan­tage à Notre Seigneur Jésus-​Christ. Car, en défi­ni­tive, qu’est-ce que l’Église, sinon le Corps mys­tique de Notre Seigneur Jésus-​Christ, Notre Seigneur Jésus-​Christ est la tête du Corps mys­tique. Et vous, aujourd’hui, par la ton­sure que vous allez rece­voir, vous deve­nez les membres pri­vi­lé­giés de ce Corps mys­tique. Vous faites déjà par­tie par la ton­sure, de cette hié­rar­chie que Jésus a vou­lu fon­der dans son Église, afin qu’elle reçoive cette fonc­tion, ce minis­tère admi­rable, ce minis­tère divin, de Le trans­mettre en défi­ni­tive, de trans­mettre Notre Seigneur Jésus-​Christ Lui-​même aux âmes.

Y a‑t-​il un minis­tère plus beau, un minis­tère plus saint, plus divin que celui du sacer­doce catho­lique. Quel mys­tère que l’Église ! Grand mys­tère de cette union intime de Notre Seigneur Jésus-​Christ avec son Église, avec son Épouse mys­tique. Il lui a tout don­né ; Il est la tête du Corps mys­tique et Il lui donne sa vie ; Il lui donne son Sang ; Il lui donne ses dons. Et alors, l’Église a pour charge de trans­mettre tous ses dons à tous ceux qui devien­dront les membres du Corps mys­tique. Quelle réa­li­té admirable !

Et déjà beau­coup de ceux qui ont reçu ces grâces au cours de leur exis­tence, sont main­te­nant dans l’éternité, unis à Jésus dans sa gloire : C’est l’Église triom­phante. Et c’est notre des­ti­née. Nous avons tous à être unis à l’Église mili­tante pour deve­nir un jour, les membres de l’Église triom­phante. Nous le sommes déjà par la grâce de Dieu. Mais puissions-​nous gar­der cette grâce jusqu’à notre der­nier sou­pir afin d’être unis à Jésus dans sa gloire.

Et alors, mes chers amis, quel sera votre rôle par­ti­cu­lier, membres pri­vi­lé­giés de l’Église, parce que vous vous des­ti­nez au sacer­doce de Notre Seigneur Jésus-​Christ ? Vous aurez à L’imiter dans ce que Notre Seigneur Jésus-​Christ a don­né de plus beau, de plus divin, à son Épouse mys­tique l’Église. Jésus est Lumière ; Jésus est Vérité. Si l’on songe que Notre Seigneur Jésus-​Christ était Dieu, Il est donc la Lumière. Il l’a dit : Ego sum lux mun­di : « Je suis la Lumière du monde ». Et c’est aus­si saint Jean qui le dit : Et lux in tene­bris lucet et tene­bræ eam non com­pre­hen­de­runt (Jn 1,5) : « Et la lumière est venue dans les ténèbres et les ténèbres ne l’ont pas reçue ». Oui Jésus est Lumière, parce qu’Il est la lumière de la Vérité, parce qu’Il est Dieu et que Dieu est Vérité.

Dans sa sainte Âme, Jésus avait la vision béa­ti­fique. Alors, c’est cette vision béa­ti­fique que l’Église reçoit, d’une cer­taine manière, par la foi. La foi est un reflet de cette vision béa­ti­fique et un jour, elle se trans­for­me­ra dans cette vision au Ciel. L’Église triom­phante, par­ti­cipe à la vision béa­ti­fique de la sainte Âme de Jésus ; ici-​bas nous n’avons que la foi. Mais la foi est déjà la par­ti­ci­pa­tion à la vision béa­ti­fique. La foi ne fera que se trans­for­mer pour deve­nir vision, pour deve­nir par­ti­ci­pa­tion à la Lumière de Dieu.

Alors cette foi, l’Église l’a reçue ; elle a reçu la mis­sion de Notre Seigneur Jésus-​Christ de trans­mettre la Vérité. Et c’est sa tâche la plus intime, la plus pro­fonde, la plus néces­saire. Sans la foi, l’Église catho­lique n’est rien. Sans la Vérité de Notre Seigneur Jésus-​Christ, il n’y a plus d’Église catho­lique. Jésus a trans­mis sa foi et veut que cette foi se trans­mette de géné­ra­tion en géné­ra­tion par l’Église.

Par consé­quent, ce sera votre rôle. Et c’est bien ce que disaient les apôtres : Nos vero ora­tio­ni et minis­te­rio ver­bi ins­tantes eri­mus (Ac 6,4). Ils ont fait des diacres afin de trans­mettre la Vérité. Voilà le rôle des apôtres ; mais aus­si, ils ajou­taient – vous avez remar­qué : ora­tio­ni. Et si Notre Seigneur trans­met la Vérité à l’Église par la foi, c’est pour en faire une Église priante. Car Jésus fut le grand Priant. Au cours de son exis­tence ter­restre et main­te­nant encore dans le Ciel : Semper inter (…) pro nobis, Il est tou­jours pré­sent pour prier pour nous ; Jésus est le grand Priant. Alors l’Église aus­si, à son image, doit être la grande priante. La foi qui ne condui­rait pas à la prière est une foi morte.

Or cette prière quelle est-​elle donc, cette prière que Jésus a trans­mise à son Église ? Il est évident que la grande prière de l’Église, c’est le Saint Sacrifice de la messe. Comme la grande prière de Notre Seigneur Jésus-​Christ ce fut son Calvaire. C’est sur la Croix qu’il a été le plus grand Priant et c’est le Sacrifice de la messe qui est la plus grande prière de l’Église. À laquelle l’Église demande que tous les fidèles s’associent inti­me­ment, pro­fon­dé­ment, ado­rant Dieu, ado­rant Notre Seigneur Jésus-​Christ, ado­rant son Créateur, ado­rant son Rédempteur. Quelle magni­fique prière que Jésus a trans­mise à son Église !

Et dans cette prière Il s’est trans­mis Lui-​même. Il a vou­lu que nous par­ti­ci­pions à son Corps, à son Sang, à son Âme, à sa divi­ni­té, afin de deve­nir nous aus­si des priants comme Lui. Que toute notre vie soit une prière, une offrande, un chant, un can­tique d’action de grâces.

Voilà ce que Jésus a trans­mis à son Église et ce que vous aurez à faire, mes chers amis, vous aurez à apprendre et par­ti­cu­liè­re­ment au sémi­naire, à prier, à vous unir à Dieu, à vous unir à Notre Seigneur Jésus-Christ.

Et voyez comme l’Église a réa­li­sé cela au cours de son exis­tence, au cours de son Histoire. Que d’ordres se sont fon­dés pour prier, pour contem­pler. Voilà ce qu’a fait la foi de l’Église ; elle a sus­ci­té dans les âmes de ses fils, de ses enfants, elle a sus­ci­té par cet esprit de prière, tous ces monas­tères qui ont cou­vert le monde, toutes ces églises qui ont cou­vert le monde. Oui, l’Église a bien réa­li­sé sa mis­sion de prière. Hélas, aujourd’hui plus que jamais, nous avons besoin de prières et les clercs aban­donnent la prière.

Alors vous, vous ne serez pas de ceux-​là. Vous ne tra­hi­rez pas la mis­sion de l’Église. Vous serez d’Église. Nous serez des fils de l’Église parce que vous prie­rez. Les fidèles ont besoin de vous voir prier. Les fidèles ont besoin de vous voir croire en Notre Seigneur Jésus-​Christ, de conti­nuer la mis­sion de Notre Seigneur Jésus-Christ.

Et puis Notre Seigneur a trans­mis encore à son Église, son esprit de péni­tence. Si dans l’au-delà il n’y a plus que la prière, la louange de Dieu, la péni­tence n’existe plus ; ici-​bas nous avons besoin de conti­nuer la péni­tence de Notre Seigneur Jésus-​Christ, de conti­nuer sa Croix. Or, la très Sainte Église reste rem­plie de cet esprit de péni­tence. Elle voit tou­jours son Époux mys­tique au Jardin des oli­viers, Jésus pros­ter­né, priant, souf­frant, souf­frant jusqu’à répandre son Sang par la dou­leur qu’Il éprouve.

Mais quelle est donc cette dou­leur ? Mais pour­quoi Jésus souffre-​t-​il ? Jésus n’a‑t-il pas la vision béa­ti­fique, même ici-​bas sur cette terre ? Oui Jésus, dans son Âme sainte, avait la vision béatifique.

Alors pour­quoi souffrait-​Il comme cela ? Un ange a dû venir pour Le secou­rir tel­le­ment Il souf­frait, à cause de nos péchés, à cause de ce monde qui ne veut pas Le recevoir.

Et pro­prio venit, et sui eum non rece­pe­runt (Jn 1,11). « Il est venu chez lui », dit saint Jean, « et les siens ne l’ont pas reçu ». Comment est-​ce pos­sible ? Grand mys­tère. Grand mys­tère de ce monde qui refuse son Dieu, qui refuse son Rédempteur.

Dieu a créé le monde, a créé les hommes et les hommes se sont détour­nés de Lui. Nos pre­miers parents se sont détour­nés déjà de Notre Seigneur. Il les a rache­tés, par sa Croix, par son Sang ; Il est venu au milieu d’eux ; ils le renient ; ils n’en veulent pas ; ils le cru­ci­fient. Et aujourd’hui encore, quelle situation !

Alors, comme Jésus a souf­fert de cette vision, comme la Vierge Marie a été mar­tyre elle-​même de cette pen­sée, que le Sang de son divin Fils ne serait pas recon­nu et reçu par toute l’humanité. Cela a été son mar­tyre. Eh bien c’est aus­si le mar­tyre de l’Église. Il faut que ce soit le mar­tyre de l’Église et il faut que ce soit votre martyre.

Si vous ne com­pre­nez pas cela ; si vous n’êtes pas mar­ty­ri­sés par la vue de ces âmes qui refusent Notre Seigneur, alors vous n’êtes pas vrai­ment des fils de l’Église. Et vous, vous devez être des fils pri­vi­lé­giés de l’Église. Alors vous devez avoir ce désir, ce désir comme l’a eu Notre Seigneur Jésus-​Christ, de prier, de s’offrir, de souf­frir, de se don­ner entiè­re­ment à Dieu afin que les âmes ouvrent leur cœur et reçoivent ce nom de Jésus, en dehors duquel, il n’y a point de salut.

Alors vous serez des âmes priantes ; vous serez des âmes souf­frantes. Et vous accep­te­rez ces péni­tences et vous accep­te­rez ce mar­tyre. Et alors, vous serez mis­sion­naire. Voyant cette situa­tion du monde, vous serez mis­sion­naire, mais comme peuvent l’être d’abord ces âmes contem­pla­tives qui s’enferment dans les monas­tères. Et vous le serez par la péni­tence. C’est ce que Notre Seigneur nous a mon­tré par l’exemple et c’est ce que l’Église a tou­jours désiré.

Et puis vous le serez par la parole – minis­te­rio ver­bi – comme les apôtres. Et, appuyés sur la prière, appuyés sur la péni­tence, alors votre parole sera convain­cante. Alors vous trans­for­me­rez les âmes et elles se don­ne­ront à Notre Seigneur Jésus-Christ.

Voyez comme le fait de conti­nuer l’Église, d’aimer l’Église, d’avoir les sen­ti­ments de l’Église pour son divin Époux, l’Église entend les appels de Notre Seigneur Jésus-​Christ, essaye de confor­mer son âme, en quelque sorte, à l’Âme de Notre Seigneur Jésus-​Christ. Alors de cela sont sor­ties des géné­ra­tions d’âmes qui se sont don­nées à Dieu et de fidèles qui se sont sanc­ti­fiés. La sain­te­té s’est répan­due à tra­vers le monde grâce à ces sen­ti­ments de l’Église, épou­sant les inté­rêts de Notre Seigneur Jésus-Christ.

Vous aus­si, vous épou­se­rez les inté­rêts de Notre Seigneur Jésus-​Christ. Toute votre vie ne sera pas autre chose que de dési­rer agran­dir ce Corps mys­tique de Notre Seigneur Jésus-​Christ, mul­ti­plier les membres du Corps mys­tique, afin que ceux qui feront par­tie ici-​bas de l’Église mili­tante, puissent un jour faire par­tie de l’Église triom­phante. Car, en défi­ni­tive, ce n’est pas pour autre chose que le Bon Dieu nous a créés, nous a sau­vés, pour que nous par­ti­ci­pions à sa divi­ni­té et à sa gloire dans le Ciel.

Alors si votre vie est tout entière adon­née à cela, elle pro­dui­ra des fruits. Voyez que le fait d’être uni à l’Église, d’avoir cet esprit d’Église – l’Église catho­lique romaine, de tou­jours – pro­duit des fruits, des fruits abon­dants : votre pré­sence ici (en est le témoignage).

Ce groupe de jeunes qui sont ici, mes bien chers frères, vous le voyez. Ils vont se don­ner au Bon Dieu. Quelle preuve plus grande de la fécon­di­té de l’Église – fécon­di­té de l’Église encore aujourd’hui, en ces temps si dif­fi­ciles, en ces temps si amers – alors que le monde est plon­gé dans les ténèbres de l’erreur, dans l’horreur du vice. Au milieu de ce monde, Dieu se choi­sit encore ces élus. Il veut que son Église conti­nue. Il veut que cet esprit qui a sanc­ti­fié l’Église pen­dant vingt siècles ne périsse pas.

Et nous le voyons, non seule­ment ici, mais dans toutes les socié­tés reli­gieuses qui ont gar­dé les bonnes tra­di­tions de l’Église, qui sont tou­jours d’Église.

Hélas, nous sommes obli­gé de consta­ter – nous ne pou­vons pas faire autre­ment, ce n’est pas par désir de cri­ti­quer, ou désir de juger les autres – mais nous sommes obli­gé de consta­ter que là où l’on ne conti­nue plus les tra­di­tions, là où l’on n’est plus vrai­ment d’Église, là où l’on n’a plus l’esprit de l’Église, là où l’on n’a plus l’esprit de Notre Seigneur Jésus-​Christ et l’esprit du Corps mys­tique de Notre Seigneur Jésus-​Christ, c’est la sté­ri­li­té. C’en est fini de l’Église.

Alors, vous serez fidèles, mes bien chers amis, vous gar­de­rez la fidé­li­té à l’Église. Par cette fidé­li­té vous serez unis à l’âme de l’Église qui est l’Esprit Saint. L’Esprit Saint vous ins­pi­re­ra ; l’Esprit Saint conti­nue­ra en vous l’Église.

Vous deman­de­rez – et nous le deman­de­rons aujourd’hui – par­ti­cu­liè­re­ment à la très Sainte Vierge Marie, rem­plie du Saint-​Esprit et qui est – disent les Pères de l’Église – le cou du Corps mys­tique, la Vierge Marie. Par elle passent toutes les grâces qui viennent au Corps mys­tique de Notre Seigneur.

Alors, vous serez unis à la très Sainte Vierge Marie, afin d’être de fidèles ministres de l’Église. Oh non pas dans l’orgueil, ni dans la suf­fi­sance, mais dans l’humilité, dans la recon­nais­sance à Dieu de vous avoir don­né cette grâce si par­ti­cu­lière de deve­nir des membres pri­vi­lé­giés de la hié­rar­chie catholique.

Au nom du Père et du Fils et du Saint-​Esprit. Ainsi soit-il.

Fondateur de la FSSPX

Mgr Marcel Lefebvre (1905–1991) a occu­pé des postes majeurs dans l’Église en tant que Délégué apos­to­lique pour l’Afrique fran­co­phone puis Supérieur géné­ral de la Congrégation du Saint-​Esprit. Défenseur de la Tradition catho­lique lors du concile Vatican II, il fonde en 1970 la Fraternité Saint-​Pie X et le sémi­naire d’Écône. Il sacre pour la Fraternité quatre évêques en 1988 avant de rendre son âme à Dieu trois ans plus tard. Voir sa bio­gra­phie.