En cette année 2017, un anniversaire est en train de tomber aux oubliettes. Plutôt que de commémorer la triste réforme de Luther, rappelons-nous qu’il y a tout juste un siècle, le pape Benoît XV promulguait le premier Code de droit canonique de l’Eglise.
Jusqu’au début du XXème siècle, les lois de l’Eglise étaient éparpillées dans divers ouvrages juridiques très volumineux. De nombreux évêques du monde entier se plaignaient de cette complexité. Par exemple, pendant le concile Vatican I, les évêques français s’étaient écriés : « nous croulons sous les lois ! ». La législation de l’Eglise était en effet devenue avec le temps un immense amoncellement de lois empilées les unes sur les autres. A peine élu pape, saint Pie X entreprit donc la lourde tâche de rassembler toutes les lois dans un seul livre. Il confia ce travail de titan à une commission dirigée par le futur cardinal Gasparri. Il ne fallut pas moins de douze années de labeur pour arriver à un résultat magnifique : toutes les lois de l’Eglise réunies en 2414 règles appelées canons. Saint Pie X étant mort trois ans auparavant, c’est le pape Benoît XV qui eut la joie de promulguer le Code le 27 mai 1917. Ce Code est un vrai chef‑d’œuvre. Austère au premier abord, sa lecture permet de comprendre la sagesse de l’Eglise, sa justice et sa miséricorde.
Hélas, en 1959, le pape Jean XXIII annonça la réforme du Code. En soi, un tel désir était louable, d’abord parce que les circonstances avaient changé depuis 1917, ensuite parce qu’un grand nombre de canons avaient été complétés ou corrigés par le Saint-Siège. Comme l’a remarqué justement M. l’abbé Coache, « la décision de réformer le Code n’eût pas été mauvaise si le concile auquel cette révision devait faire suite avait été un vrai concile œcuménique et non pas un brigandage »[1]. Effectivement, les réformateurs du Code ont profité de cette mise à jour pour introduire dans la législation de l’Eglise l’esprit délétère de Vatican II. Le pape Jean-Paul II l’a reconnu lorsque, en 1983, promulguant le nouveau Code, il écrivit :
« Ce qui constitue la nouveauté essentielle du Concile Vatican II constitue également la nouveauté du nouveau Code. (…) Il reste à souhaiter que la nouvelle législation canonique devienne un moyen efficace pour que l’Eglise puisse progresser dans l’esprit de Vatican II »[2].
Nous nous contenterons de donner trois exemples de cette contamination du nouveau Code par l’esprit de Vatican II.
D’abord, la simple lecture de la table des matières est révélatrice. Les réformateurs ont inversé la pyramide de la hiérarchie de l’Eglise. Dans le Code de 1917 étaient d’abord étudiés le pape et les cardinaux, puis les évêques, les prêtres et enfin les laïcs. Depuis 1983, les fidèles sont étudiés avant les clercs. Il est aisé d’y voir la mentalité nouvelle qui diminue l’autorité et tend à la démocratie.
2ème exemple, celui d’un mariage avec un non-catholique. Dans le Code de 1917, un tel mariage, réprouvé par l’Eglise, ne pouvait être autorisé que si la partie non-catholique s’engageait par écrit « à écarter le danger de perversion du conjoint catholique, à baptiser tous les enfants et à leur assurer la seule éducation catholique » (canon 1061). Au nom de la liberté religieuse, le nouveau Code (canon 1125) a renoncé à exiger du non-catholique la moindre garantie, ce qui met en péril le salut éternel du conjoint catholique et surtout des enfants.
Dernier exemple : au nom de l’œcuménisme, le nouveau Code autorise les prêtres à donner les sacrements de pénitence et d’Eucharistie à des schismatiques et à des hérétiques, « pourvu qu’ils manifestent la foi catholique sur ces sacrements et qu’ils soient dûment disposés » (canon 844). C’est négliger la situation objective de péché mortel dans laquelle se trouvent ces schismatiques et ces hérétiques. Cette nouvelle règle ouvre la porte à de nombreux sacrilèges et à de graves troubles dans l’esprit des catholiques.
C’est donc avec gratitude à l’égard du pape saint Pie X que nous voulons commémorer le centenaire du Code de droit canonique, tout en réaffirmant à la suite de Mgr Lefebvre que « le nouveau Code est inacceptable »[3].
Abbé Bernard de Lacoste-Lareymondie, prêtre de la Fraternité Sacerdotale Saint-Pie X
Source : La Porte Latine du 16 juin 2017 [4]
- Le droit canonique est-il aimable ? p.216 [↩]
- Constitution apostolique Sacrae disciplinae leges, 25 janvier 1983[↩]
- Conférence spirituelle à Ecône le 15 mars 1983[↩]
- Lire aussi : Code1917-Code 1983, par M. l’abbé Etienne de Blois – « Plein phares sur les codes ! » [↩]