Pie IX

255ᵉ pape ; de 1846 à 1878

8 décembre 1864

Syllabus complectens præcipuos nostræ ætatis errores

Syllabus sur les principales erreurs de notre temps

Table des matières

Le plus célèbre des syl­la­bi (liste de pro­po­si­tions condam­nées), celui qu’on note géné­ra­le­ment d’une majus­cule, le Syllabus est celui du 8 décembre 1864 dont Pie IX accom­pa­gna son ency­clique Quanta Cura dans le contexte de l’an­nexion de l’u­nique ves­tige des États pon­ti­fi­caux – Rome – au reste de l’Italie uni­fiée. Il y énu­mère quatre-​vingts pro­po­si­tions condam­nées tou­chant aux idées modernes de l’é­poque : du libé­ra­lisme au socia­lisme en pas­sant par le gal­li­ca­nisme et le rationalisme.

Résumé ren­fer­mant les prin­ci­pales erreurs de notre temps qui sont signa­lées dans les allo­cu­tions consis­to­riales, ency­cliques et autres lettres apos­to­liques de N.T.S.P. le Pape Pie IX.

[Les chiffres entre cro­chets ren­voient au docu­ment indi­qué dans la liste ci-​après.]

Panthéisme, naturalisme et rationalisme absolu.

1. Il n’existe [1] aucun Être divin, suprême, par­fait dans sa sagesse et sa pro­vi­dence, qui soit dis­tinct de l’u­ni­vers, et Dieu est iden­tique à la nature des choses, et par consé­quent assu­jet­ti aux chan­ge­ments ; Dieu, par cela même, se fait dans l’homme et dans le monde, et tous les êtres sont Dieu et ont la propre sub­stance de Dieu. Dieu est ain­si une seule et même chose avec le monde, et par consé­quent l’es­prit avec la matière, la néces­si­té avec la liber­té, le vrai avec le faux, le bien avec le mal, et le juste avec l’in­juste [26] [2].

2. On doit nier toute action de Dieu sur les hommes et sur le monde [26].

3. La rai­son humaine, consi­dé­rée sans aucun rap­port à Dieu, est l’u­nique arbitre du vrai et du faux, du bien et du mal : elle est à elle-​même sa loi, elle suf­fit par ses forces natu­relles à pro­cu­rer le bien des hommes et des peuples [26].

4. Toutes les véri­tés de la reli­gion découlent de la force native de la rai­son humaine ; d’où il suit que la rai­son est la règle sou­ve­raine d’a­près laquelle l’homme peut et doit acqué­rir la connais­sance de toutes les véri­tés de toute espèce [1, 17, 26].

5. La révé­la­tion divine est impar­faite, et par consé­quent sujette à un pro­grès conti­nuel et indé­fi­ni cor­res­pon­dant au déve­lop­pe­ment de la rai­son humaine [1, 26].

6. La foi du Christ est en oppo­si­tion avec la rai­son humaine, et la révé­la­tion divine non seule­ment ne sert de rien, mais encore elle nuit à la per­fec­tion de l’homme [1, 26].

7. Les pro­phé­ties et les miracles racon­tés dans les saintes Écritures sont des fic­tions poé­tiques, et les mys­tères de la foi chré­tienne sont le résu­mé d’in­ves­ti­ga­tions phi­lo­so­phiques ; dans les livres des deux Testaments sont conte­nues des inven­tions mythiques, et Jésus-​Christ lui-​même est un mythe [1, 26].

Rationalisme modéré.

8. Comme la rai­son humaine est égale à la reli­gion elle-​même, les sciences théo­lo­giques doivent être trai­tées comme les sciences phi­lo­so­phiques [13].

9. Tous les dogmes de la reli­gion chré­tienne sans dis­tinc­tion sont l’ob­jet de la science natu­relle ou phi­lo­so­phie ; et la rai­son humaine n’ayant qu’une culture his­to­rique, peut, d’a­près ses prin­cipes et ses forces natu­relles, par­ve­nir à une vraie connais­sance de tous les dogmes, même les plus cachés, pour­vu que ces dogmes aient été pro­po­sés à la rai­son comme objet [27, 30].

10. Comme autre chose est le phi­lo­sophe et autre chose la phi­lo­so­phie, celui-​là a le droit et le devoir de se sou­mettre à une auto­ri­té dont il s’est démon­tré à lui-​même la réa­li­té ; mais la phi­lo­so­phie ne peut ni ne doit se sou­mettre à aucune auto­ri­té [27, 30].

11. L’Église non seule­ment ne doit, dans aucun cas, sévir contre la phi­lo­so­phie, mais elle doit tolé­rer les erreurs de la phi­lo­so­phie et lui aban­don­ner le soin de se cor­ri­ger elle-​même [27].

12. Les décrets du Siège apos­to­lique et des Congrégations romaines empêchent le libre pro­grès de la science [30].

13. La méthode et les prin­cipes d’a­près les­quels les anciens doc­teurs sco­las­tiques ont culti­vé la théo­lo­gie ne sont plus en rap­port avec les néces­si­tés de notre temps et les pro­grès des sciences [30].

14. On doit s’oc­cu­per de phi­lo­so­phie sans tenir aucun compte de la révé­la­tion sur­na­tu­relle [30].

N.B. – Au sys­tème du ratio­na­lisme se rap­portent pour la majeure par­tie les erreurs d’Antoine Günther, qui sont condam­nées dans la Lettre au Cardinal Archevêque de Cologne Eximiam tuam, du 15 juin 1857, et dans la Lettre à l’Évêque de Breslau Dolore haud medio­cri, du 30 avril 1860.

Indifférentisme, Latitudinarisme.

15. Il est libre à chaque homme d’embrasser et de pro­fes­ser la reli­gion qu’il aura répu­tée vraie d’a­près la lumière de la rai­son [8, 26].

16. Les hommes peuvent trou­ver le che­min du salut éter­nel et obte­nir ce salut éter­nel dans le culte de n’im­porte quelle reli­gion [1, 3, 17].

17. Tout au moins doit-​on avoir bonne confiance dans le salut éter­nel de tous ceux qui ne vivent pas dans le sein de la véri­table Église du Christ [13, 28].

18. Le pro­tes­tan­tisme n’est pas autre chose qu’une forme diverse de la même vraie reli­gion chré­tienne, forme dans laquelle on peut être agréable à Dieu aus­si bien que dans l’Église catho­lique [5].

Socialisme, Communisme, Sociétés secrètes, Sociétés bibliques, Sociétés clérico-libérales.

Ces sortes de pestes sont à plu­sieurs reprises frap­pées de sen­tences for­mu­lées dans les termes les plus graves par l’Encyclique Qui plu­ri­bus, du 9 novembre 1846 ; par l’Allocution Quibus quan­tisque, du 20 avril 1849 ; par l’Encyclique Nostis et Nobiscum, du 8 décembre 1849 ; par l’Allocution Singulari qua­dam, du 9 décembre 1854 ; par l’Encyclique Quanto confi­cia­mur mœrore, du 10 août 1863.

Erreurs relatives à l’Église et à ses droits.

19. L’Église n’est pas une vraie et par­faite socié­té plei­ne­ment libre ; elle ne jouit pas de ses droits propres et constants que lui a confé­rés par son divin Fondateur, mais il appar­tient au pou­voir civil de défi­nir quels sont les droits de l’Église et les limites dans les­quelles elle peut les exer­cer [13, 22, 23, 26].

20. La puis­sance ecclé­sias­tique ne doit pas exer­cer son auto­ri­té sans la per­mis­sion et l’as­sen­ti­ment du gou­ver­ne­ment civil [25].

21. L’Église n’a pas le pou­voir de défi­nir dog­ma­ti­que­ment que la reli­gion de l’Église catho­lique est uni­que­ment la vraie reli­gion [8].

22. L’obligation qui concerne les maîtres et les écri­vains catho­liques, se borne aux choses qui ont été défi­nies par le juge­ment infaillible de l’Église, comme des dogmes de foi qui doivent être crus par tous [30].

23. Les Souverains Pontifes et les Conciles œcu­mé­niques ont dépas­sé les limites de leur pou­voir ; ils ont usur­pé les droits des princes et ils ont même erré dans les défi­ni­tions rela­tives à la foi et aux mœurs [8].

24. L’Église n’a pas le droit d’employer la force ; elle n’a aucun pou­voir tem­po­rel direct ou indi­rect [9].

25. En dehors du pou­voir inhé­rent à l’é­pis­co­pat, il y a un pou­voir tem­po­rel qui lui a été concé­dé ou expres­sé­ment ou taci­te­ment par l’au­to­ri­té civile, révo­cable par consé­quent à volon­té par cette même auto­ri­té civile [9].

26. L’Église n’a pas le droit natu­rel et légi­time d’ac­qué­rir et de pos­sé­der [18, 29].

27. Les ministres sacrés de l’Église et le Pontife Romain doivent être exclus de toute ges­tion et pos­ses­sion des choses tem­po­relles [26].

28. Il n’est pas per­mis aux Évêques de publier même les Lettres apos­to­liques sans la per­mis­sion du gou­ver­ne­ment [18].

29. Les faveurs accor­dées par le Pontife Romain doivent être regar­dées comme nulles, si elles n’ont pas été deman­dées par l’en­tre­mise du gou­ver­ne­ment [18].

30. L’immunité de l’Église et des per­sonnes ecclé­sias­tiques tire son ori­gine du droit civil [8].

31. Le for ecclé­sias­tique pour les pro­cès tem­po­rels des clercs, soit au civil, soit au cri­mi­nel, doit abso­lu­ment être abo­li, même sans consul­ter le Siège Apostolique et sans tenir compte de ses récla­ma­tions [ 12, 18].

32. L’immunité per­son­nelle en ver­tu de laquelle les clercs sont exempts de la milice, peut être abro­gée sans aucune vio­la­tion de l’é­qui­té et du droit natu­rel. Le pro­grès civil demande cette abro­ga­tion, sur­tout dans une socié­té consti­tuée d’a­près une légis­la­tion libé­rale [32].

33. Il n’ap­par­tient pas uni­que­ment par droit propre et inné à la juri­dic­tion ecclé­sias­tique de diri­ger l’en­sei­gne­ment des véri­tés théo­lo­giques [30].

34. La doc­trine de ceux qui com­parent le Pontife Romain à un prince libre et exer­çant son pou­voir dans l’Église uni­ver­selle, est une doc­trine qui a pré­va­lu au moyen âge [19].

35. Rien n’empêche que par un décret d’un Concile géné­ral ou par le fait de tous les peuples le sou­ve­rain pon­ti­fi­cat soit trans­fé­ré de l’Évêque romain et de la ville de Rome à un autre Évêque et à une autre ville [9].

36. La défi­ni­tion d’un Concile natio­nal n’ad­met pas d’autre dis­cus­sion, et l’ad­mi­nis­tra­tion civile peut trai­ter toute affaire dans ces limites [9].

37. On peut ins­ti­tuer des Églises natio­nales sous­traites à l’au­to­ri­té du Pontife Romain et plei­ne­ment sépa­rées de lui [23, 24].

38. Trop d’actes arbi­traires de la part des Pontifes Romains ont pous­sé à la divi­sion de l’Église en orien­tale et occi­den­tale [9].

Erreurs relatives à la société civile, considérée soit en elle-​même, soit dans ses rapports avec l’Église.

39. L’État, comme étant l’o­ri­gine et la source de tous les droits, jouit d’un droit qui n’est cir­cons­crit par aucune limite [26].

40. La doc­trine de l’Église catho­lique est oppo­sée au bien et aux inté­rêts de la socié­té humaine [1, 4].

41. La puis­sance civile, même quand elle est exer­cée par un prince infi­dèle, pos­sède un pou­voir indi­rect néga­tif sur les choses sacrées. Elle a par consé­quent non seule­ment le droit qu’on appelle d’exe­qua­tur, mais encore le droit qu’on nomme d’appel comme d’a­bus [9].

42. En cas de conflit légal entre les deux pou­voirs, le droit civil pré­vaut [9].

43. La puis­sance laïque a le pou­voir de cas­ser, de décla­rer et rendre nulles les conven­tions solen­nelles [Concordats] conclues avec le Siège Apostolique, rela­ti­ve­ment à l’u­sage des droits qui appar­tiennent à l’im­mu­ni­té ecclé­sias­tique, sans le consen­te­ment de ce Siège et mal­gré ses récla­ma­tions [7, 23].

44. L’autorité civile peut s’im­mis­cer dans les choses qui regardent la reli­gion, les mœurs et le gou­ver­ne­ment spi­ri­tuel. D’où il suit qu’elle peut juger des Instructions que les pas­teurs de l’Église publient, d’a­près leurs charges, pour la règle des consciences ; elle peut même déci­der sur l’ad­mi­nis­tra­tion des sacre­ments et les dis­po­si­tions néces­saires pour les rece­voir [7, 26].

45. Toute la direc­tion des écoles publiques dans les­quelles la jeu­nesse d’un État chré­tien est éle­vée, si l’on en excepte dans une cer­taine mesure les sémi­naires épis­co­paux, peut et doit être attri­buée à l’au­to­ri­té civile, et cela de telle manière qu’il ne soit recon­nu à aucune autre auto­ri­té le droit de s’im­mis­cer dans la dis­ci­pline des écoles, dans le régime des études, dans la col­la­tion des grades, dans le choix ou l’ap­pro­ba­tion des maîtres [7, 10].

46. Bien plus, même dans les sémi­naires des clercs, la méthode à suivre dans les études est sou­mise à l’au­to­ri­té civile [18].

47. La bonne consti­tu­tion de la socié­té civile demande que les écoles popu­laires, qui sont ouvertes à tous les enfants de chaque classe du peuple, et en géné­ral que les ins­ti­tu­tions publiques des­ti­nées aux lettres, à une ins­truc­tion supé­rieure et à une édu­ca­tion plus éle­vée de la jeu­nesse, soient affran­chies de toute auto­ri­té de l’Église, de toute influence modé­ra­trice et de toute ingé­rence de sa part, et qu’elles soient plei­ne­ment sou­mises à la volon­té de l’au­to­ri­té civile et poli­tique, sui­vant le désir des gou­ver­nants et le niveau des opi­nions géné­rales de l’é­poque [31].

48. Des catho­liques peuvent approu­ver un sys­tème d’é­du­ca­tion en dehors de la foi catho­lique et de l’au­to­ri­té de l’Église, et qui n’ait pour but, ou du moins pour but prin­ci­pal, que la connais­sance des choses pure­ment natu­relles et la vie sociale sur cette terre [31].

49. L’autorité sécu­lière peut empê­cher les Évêques et les fidèles de com­mu­ni­quer libre­ment entre eux et avec le Pontife Romain [26].

50. L’autorité sécu­lière a par elle-​même le droit de pré­sen­ter les Évêques, et peut exi­ger d’eux qu’ils prennent en main l’ad­mi­nis­tra­tion de leurs dio­cèses avant qu’ils aient reçu du Saint-​Siège l’ins­ti­tu­tion cano­nique et les Lettres apos­to­liques [18].

51. Bien plus, la puis­sance sécu­lière a le droit d’in­ter­dire aux Évêques l’exer­cice du minis­tère pas­to­ral, et elle n’est pas tenue d’o­béir au Pontife romain en ce qui concerne l’ins­ti­tu­tion des évê­chés et des Évêques [8, 12].

52. Le gou­ver­ne­ment peut, de son propre droit, chan­ger l’âge pres­crit pour la pro­fes­sion reli­gieuse, tant des femmes que des hommes, et enjoindre aux com­mu­nau­tés reli­gieuses de n’ad­mettre per­sonne aux vœux solen­nels sans son auto­ri­sa­tion [18].

53. On doit abro­ger les lois qui pro­tègent l’exis­tence des familles reli­gieuses, leurs droits et leurs fonc­tions ; bien plus, la puis­sance civile peut don­ner son appui à tous ceux qui vou­draient quit­ter l’é­tat reli­gieux qu’ils avaient embras­sé et enfreindre leurs vœux solen­nels ; elle peut aus­si sup­pri­mer com­plè­te­ment ces mêmes com­mu­nau­tés reli­gieuses, aus­si bien que les églises col­lé­giales et les béné­fices simples, même de droit de patro­nage, attri­buer et sou­mettre leurs biens et reve­nus à l’ad­mi­nis­tra­tion et à la volon­té de l’au­to­ri­té civile [12, 14, 15].

54. Les rois et les princes, non seule­ment sont exempts de la juri­dic­tion de l’Église, mais même ils sont supé­rieurs à l’Église quand il s’a­git de tran­cher les ques­tions de juri­dic­tion [8].

55. L’Église doit être sépa­rée de l’État, et l’État sépa­ré de l’Église [12].

Erreurs concernant la morale naturelle et chrétienne.

56. Les lois de la morale n’ont pas besoin de la sanc­tion divine, et il n’est pas du tout néces­saire que les lois humaines se conforment au droit natu­rel ou reçoivent de Dieu le pou­voir d’o­bli­ger [26].

57. La science des choses phi­lo­so­phiques et morales, de même que les lois civiles, peuvent et doivent être sous­traites à l’au­to­ri­té divine et ecclé­sias­tique [26].

58. II ne faut recon­naître d’autres forces que celles qui résident dans la matière, et tout sys­tème de morale, toute hon­nê­te­té doit consis­ter à accu­mu­ler et aug­men­ter ses richesses de toute manière, et à satis­faire ses pas­sions [26, 28].

59. Le droit consiste dans le fait maté­riel ; tous les devoirs des hommes sont un mot vide de sens, et tous les faits humains ont force de droit [26].

60. L’autorité n’est autre chose que la somme du nombre et des forces maté­rielles [26].

61. Une injus­tice de fait cou­ron­née de suc­cès ne pré­ju­di­cie nul­le­ment à la sain­te­té du droit [24].

62. On doit pro­cla­mer et obser­ver le prin­cipe de non-​intervention [22].

63. Il est per­mis de refu­ser l’o­béis­sance aux princes légi­times et même de se révol­ter contre eux [1, 2, 5, 20].

64. La vio­la­tion d’un ser­ment, quelque saint qu’il soit, et toute action cri­mi­nelle et hon­teuse oppo­sée à la loi éter­nelle, non seule­ment ne doit pas être blâ­mée, mais elle est tout à fait licite et digne des plus grands éloges, quand elle est ins­pi­rée par l’a­mour de la patrie [4].

Erreurs concernant le mariage chrétien

65. On ne peut éta­blir par aucune preuve que le Christ a éle­vé le mariage à la digni­té de sacre­ment [9].

66. Le sacre­ment de mariage n’est qu’un acces­soire du contrat et peut en être sépa­ré, et le sacre­ment lui-​même ne consiste que dans la seule béné­dic­tion nup­tiale [9].

67. De droit natu­rel, le lien du mariage n’est pas indis­so­luble, et dans dif­fé­rents cas le divorce pro­pre­ment dit peut être sanc­tion­né par l’au­to­ri­té civile [9,12].

68. L’Église n’a pas le pou­voir d’é­ta­blir des empê­che­ments diri­mants au mariage : mais ce pou­voir appar­tient à l’au­to­ri­té sécu­lière, par laquelle les empê­che­ments exis­tants peuvent être levés [8].

69. L’Église, dans le cours des siècles, a com­men­cé à intro­duire les empê­che­ments diri­mants non par son droit propre, mais en usant du droit qu’elle avait emprun­té au pou­voir civil [9].

70. Les canons du Concile de Trente qui pro­noncent l’a­na­thème contre ceux qui osent nier le pou­voir qu’a l’Église d’op­po­ser des empê­che­ments diri­mants, ne sont pas dog­ma­tiques ou doivent s’en­tendre de ce pou­voir emprun­té [9].

71. La forme pres­crite par le Concile de Trente n’o­blige pas sous peine de nul­li­té, quand la loi civile éta­blit une autre forme à suivre et veut qu’au moyen de cette forme le mariage soit valide [9].

72. Boniface VIII a le pre­mier décla­ré que le vœu de chas­te­té pro­non­cé dans l’or­di­na­tion rend le mariage nul [9].

73. Par la force du contrat pure­ment civil, un vrai mariage peut exis­ter entre chré­tiens ; et il est faux, ou que le contrat de mariage entre chré­tiens soit tou­jours un sacre­ment, ou que ce contrat soit nul en dehors du sacre­ment [9, 11, 12, 23].

74. Les causes matri­mo­niales et les fian­çailles, par leur nature propre, appar­tiennent à la juri­dic­tion civile [9, 12].

N.B. : Ici peuvent se pla­cer d’autres erreurs : l’a­bo­li­tion du céli­bat ecclé­sias­tique et la pré­fé­rence due à l’é­tat de mariage sur l’é­tat de vir­gi­ni­té. Elles sont condam­nées, la pre­mière dans la Lettre Encyclique Qui plu­ri­bus, du 9 novembre 1846, la seconde dans la Lettre Apostolique Multiplices inter, du 10 juin 1851.

Erreurs sur le principat civil du Pontife romain.

75. Les fils de l’Église chré­tienne et catho­lique dis­putent entre eux sur la com­pa­ti­bi­li­té du pou­voir tem­po­rel avec le pou­voir spi­ri­tuel [9].

76. L’abrogation de la sou­ve­rai­ne­té civile dont le Saint-​Siège est en pos­ses­sion ser­vi­rait, même beau­coup, à la liber­té et au bon­heur de l’Église [4, 6].

N.B. : Outre ces erreurs expli­ci­te­ment notées, plu­sieurs autres erreurs sont impli­ci­te­ment condam­nées par la doc­trine qui a été expo­sée et sou­te­nue sur le prin­ci­pat civil du Pontife Romain, que tous les catho­liques doivent fer­me­ment pro­fes­ser. Cette doc­trine est clai­re­ment ensei­gnée dans l’Allocution Quibus quan­tisque, du 20 avril 1849 ; dans l’Allocution Si sem­per antea, du 20 mai 1850 ; dans la Lettre Apostolique, Cum catho­li­ca Ecclesia, du 26 mars 1860 ; dans l’Allocution Novos, du 28 sep­tembre 1860 ; dans l’Allocution Iamdudum, du 18 mars 1861 ; dans l’Allocution Maxima qui­dem, du 9 juin 1862.

Erreurs qui se rapportent au libéralisme moderne.

77. A notre époque, il n’est plus utile que la reli­gion catho­lique soit consi­dé­rée comme l’u­nique reli­gion de l’État, à l’ex­clu­sion de tous les autres cultes [16].

78. Aussi c’est avec rai­son que, dans quelques pays catho­liques, la loi a pour­vu à ce que les étran­gers qui s’y rendent y jouissent de l’exer­cice public de leurs cultes par­ti­cu­liers [12].

79. Il est faux que la liber­té civile de tous les cultes, et que le plein pou­voir lais­sé à tous de mani­fes­ter ouver­te­ment et publi­que­ment toutes leurs pen­sées et toutes leurs opi­nions, jettent plus faci­le­ment les peuples dans la cor­rup­tion des mœurs et de l’es­prit, et pro­pagent la peste de l’Indifférentisme [18].

80. Le Pontife Romain peut et doit se récon­ci­lier et tran­si­ger avec le pro­grès, le libé­ra­lisme et la civi­li­sa­tion moderne [24].

Liste des écrits du pape Pie IX d’où sont tirées les propositions du Syllabus :

  • 1. Encyclique Qui plu­ri­bus, 9 novembre 1846 [Prop. du Syllabus 4–7, 16, 40, 63, 74].
  • 2. Allocution Quis ves­trum, 4 octobre 1847 [Prop. 63].
  • 3. Allocution Ubi pri­mum, 17 décembre 1847 [Prop. 16].
  • 4. Allocution Quibus quan­tisque, 20 avril 1849 [Prop. 40, 64, 76].
  • 5. Encyclique Nostis et Nobiscum aux arche­vêques et évêques d’Italie, 8 décembre 1849 [Prop. 18, 63].
  • 6. Allocution Si sem­per antea, 20 mai 1850 [Prop. 76].
  • 7. Allocution In consis­to­ria­li, 1er novembre 1850 [Prop. 43–45].
  • 8. Lettre apos­to­lique Multiplices inter, 10 juin 1851 [Prop. 15, 21, 23, 30, 51, 54, 68, 74].
  • 9. Lettre apos­to­lique Ad apos­to­li­cae, 22 août 1851 [Prop. 24, 25, 34–36, 38, 41, 42, 65–67, 69–75].
  • 10. Allocution Quibus luc­tuo­sis­si­mis, 5 sep­tembre 1851 [Prop. 45].
  • 11. Lettre à S.M. le Roi Victor-​Emmanuel, 9 sep­tembre 1852 [Prop. 73].
  • 12. Allocution Acerbissimum, 27 sep­tembre 1852 [Prop. 31, 51, 53, 55, 67, 73, 74, 78].
  • 13. Allocution Singulari qua­dam, 9 décembre 1854 [Prop. 8, 17, 19].
  • 14. Allocution Probe memi­ne­ri­tis, 22 jan­vier 1855 [Prop. 53].
  • 15. Allocution Cum saepe, 27 juillet 1855 [Prop. 53].
  • 16. Allocution Nemo Vestrum, 26 juillet 1855 [Prop. 77].
  • 17. Lettre Singulari qui­dem aux évêques d’Autriche, 17 mars 1856 [Prop. 4, 16].
  • 18. Allocution Nunquam fore, 15 décembre 1856 [Prop. 26, 28, 29, 31, 46, 50, 52, 79].
  • 19. Lettre Eximiam à Son Éminence l’ar­che­vêque de Cologne, 15 juin 1857 [Prop. 4, 16].
  • 20. Lettre apos­to­lique Cum Catholica Ecclesia, 26 mars 1860 [Prop. 63, 76].
  • 21. Lettre Dolore haud medio­cri à l’é­vêque de Breslau, 30 avril 1860 [Prop. 14].
  • 22. Allocution Novos et ante, 28 sep­tembre 1860 [Prop. 19, 62, 76].
  • 23. Allocution Multis gra­vi­busque, 17 décembre 1860 [Prop. 19, 37, 43, 73].
  • 24. Allocution Iamdudum, 18 mars 1861 [Prop. 37, 61, 76].
  • 25. Allocution Meminit, 30 sep­tembre 1861 [Prop. 20].
  • 26. Allocution consis­to­riale Maxima qui­dem, 9 Juin 1862 [Prop. 1-7, 15, 19, 27, 39, 44, 49, 56–60, 76].
  • 27. Lettre apos­to­lique Gravissimas inter à l’ar­che­vêque de Munich-​Frisingue, 11 décembre 1862 [Prop. 9–11].
  • 28. Encyclique Quanto confi­cia­mur mœrore aux évêques d’Italie, 10 août 1863 [Prop. 17, 58].
  • 29. Encyclique Incredibili à l’ar­che­vêque de Santa-​Fé-​de-​Bogota, 17 sep­tembre 1863 [Prop. 26].
  • 30. Lettre apos­to­lique Tuas liben­ter à l’ar­che­vêque de Munich-​Frisingue, 21 décembre 1863 [Prop. 9, 10, 12–14, 22, 33].
  • 31. Lettre Cum non sine à l’ar­che­vêque de Fribourg-​en-​Brisgau, 14 juillet 1864 [Prop. 47, 48].
  • 32. Lettre Singularis Nobisque à l’é­vêque de Mondovi [Piémont] 29 sep­tembre 1864 [Prop. 32].

Source : ASS III [1867] 168. Traduction fran­çaise dans Recueil, pp. 17–35.