La situation des rapports entre notre Fraternité et Rome

Conférence – Nous voi­ci donc à nou­veau réunis ce soir pour faire un point sur la situa­tion des rap­ports entre notre Fraternité et Rome.

Introduction

Pourquoi cette conférence ?

Deux faits m’obligent à ce nou­veau point.

Tout d’abord, vous en avez pour la plu­part je pense pris connais­sance, la publi­ca­tion indis­crète sur inter­net d’un échange épis­to­laire entre, d’une part, la Maison Générale et Mgr Fellay et, d’autre part, les trois autres évêques de notre Fraternité. Ces lettres laissent appa­raître une forte diver­gence entre eux, mais ne pré­cisent pas l’objet de cette diver­gence. Nous sommes face à deux avis, oppo­sés, mais il ne nous est pas décrit sur quoi portent ces avis de manière pré­cise. Afin d’éviter que cha­cun se pose en juge des uns et des autres, il importe de mani­fes­ter un tant soit peu la com­plexi­té de la situa­tion, des enjeux pré­sents, de décrire pré­ci­sé­ment cet objet sur lequel portent ces dif­fé­rents avis épis­co­paux. Préciser les faits pour ne pas juger des per­sonnes, pour évi­ter d’avoir des réflexes par­ti­sans, pas­sion­nels et donc, non chrétiens.

Deuxième fait, la pos­sible inter­ven­tion de Rome dans les jours à venir. La doc­trine de la Foi s’est réunie ce mer­cre­di (16 mai) pour étu­dier le dos­sier. Cet après-​midi même, le Cardinal Levada a remis les conclu­sions de la Doctrine de la Foi au Pape, et les bruits récur­rents laissent entendre que le Pape pour­rait, autour de la Pentecôte, don­ner son avis public, tran­cher la chose. Ceci dit, si ces bruits étaient sys­té­ma­tiques jusqu’à mer­cre­di der­nier, le com­mu­ni­qué qu’a fait publier la Doctrine de la Foi suite à sa réunion de mer­cre­di laisse entendre que cette déci­sion pour­rait être repor­tée, en rai­son pré­ci­sé­ment de la diver­gence des évêques au sein de la Fraternité.

Ceci dit, si cette inter­ven­tion pon­ti­fi­cale devait arri­ver ces jours-​ci, en quoi consisterait-elle ?

Elle consis­te­rait à rendre publique une décla­ra­tion doc­tri­nale rédi­gée par la Maison Générale de la Fraternité, pour l’agréer. Et ce serait par là même la porte ouverte à la réso­lu­tion cano­nique du sta­tut de notre Fraternité, sans doute au moyen de l’érection d’une Prélature per­son­nelle. Pour pou­voir donc esti­mer et nous posi­tion­ner chré­tien­ne­ment et de manière aus­si éclai­rée que pos­sible devant ces faits, il nous faut reve­nir aux évé­ne­ments là où nous les avions lais­sé voi­ci un mois et demi.

Intentions romaines

Lors de ma der­nière confé­rence, j’insistais prin­ci­pa­le­ment pour sou­li­gner quelles étaient les inten­tions romaines à notre endroit telles qu’elles se mani­fes­taient de manière objec­tive à tra­vers une série récur­rente d’événements. Il est très clair – et ce fut l’ossature, je vous le disais, des dis­cus­sions doc­tri­nales, ossa­ture de leur part –, il est très clair qu’ils veulent voir la Fraternité recon­naître la légi­ti­mi­té de la nou­velle messe et adhé­rer aux grands ensei­gne­ments du Concile, par le biais notam­ment de la recon­nais­sance du Nouveau Catéchisme de l’Eglise Catholique.

Une confirmation de ces intentions : les conclusions de l’inspection quinquennale de l’IBP

Un évé­ne­ment sur­ve­nu quelques jours après ma der­nière confé­rence venait encore vali­der cette ana­lyse objec­tive puisque étaient publiées sur inter­net, là aus­si peut-​être de manière indis­crète, les conclu­sions de la visite cano­nique de l’Institut du Bon Pasteur. La visite cano­nique, on pour­rait dire l’inspection quin­quen­nale des auto­ri­tés romaines sur toute congré­ga­tion. Ce rap­port qui en soi a auto­ri­té, signé de Mgr Pozzo – en charge de notre dos­sier éga­le­ment – se posait comme une pièce pré­pa­ra­toire du Chapitre Général de l’Institut du Bon Pasteur qui va lui aus­si se tenir cet été.

Peut-​être l’avez-vous lu, plu­sieurs points étaient récla­més de cet Institut.

1.Tout d’abord de se mettre dans l’esprit du motu pro­prio Summorum Pontificum, libé­rant la Messe tra­di­tion­nelle. Ce même motu pro­prio dit en effet que les deux formes, ordi­naire et extra­or­di­naire, étaient deux formes d’un même rite et que ces deux formes se valaient. Et donc Mgr Pozzo demande au Bon Pasteur de modi­fier leurs sta­tuts puisque ceux-​ci pré­voient la célé­bra­tion exclu­sive de la Messe tra­di­tion­nelle pour tous les membres dudit Institut. Mgr Pozzo demande de sup­pri­mer le mot exclu­sif.

2. Deuxième point, d’un point de vue doc­tri­nal, il est deman­dé à cet Institut, je cite Mgr Pozzo, « d’intégrer l’étude du Magistère actuel des papes et de Vatican II dans la for­ma­tion des sémi­na­ristes. » Et donc est récla­mé, je cite à nou­veau « une étude atten­tive du Catéchisme de l’Eglise Catholique ».

3. Enfin la for­ma­tion pas­to­rale octroyée aux sémi­na­ristes doit prendre pour axe Pastores dabo vobis, un texte de Jean-​Paul II, laquelle lettre apos­to­lique est une relec­ture du sacer­doce pas­sa­ble­ment tein­tée de modernisme.

Donc, nou­veau fait qui valide ce que je pou­vais vous dire lors de la der­nière confé­rence et qui plus sim­ple­ment rejoint ce que Benoît XVI écri­vait aux évêques du monde entier datée du 10 mars 2009, lorsqu’il a dû leur expli­quer pour­quoi il avait levé le décret d’excommunication pesant sur nos quatre évêques. Il écri­vait donc à ses confrères dans l’épiscopat : « Moi-​même, dit Benoît XVI, j’ai vu dans les années qui ont sui­vi 1988 que, grâce au retour de com­mu­nau­tés aupa­ra­vant sépa­rées de Rome – il parle donc des com­mu­nau­tés dites Ecclesia Dei –, leur cli­mat interne a chan­gé. Le retour dans la grande et vaste Eglise com­mune a fait dépas­ser des posi­tions uni­la­té­rales, a atté­nué les dur­cis­se­ments, de sorte qu’ensuite en ont émer­gé des forces posi­tives pour l’ensemble. »

Autrement dit, Benoît XVI semble expli­quer sa poli­tique aux évêques du monde en disant : accordons-​leur le plus pos­sible de choses, aujourd’hui à la Fraternité Sacerdotale Saint Pie X, et leur retour sous notre coupe, sous notre auto­ri­té effec­tive entraî­ne­ra pro­gres­si­ve­ment l’abandon de leurs oppo­si­tions. Concernant notre Fraternité, y‑a-​t-​il là un risque réel ou non ?

Notre réintégration dans l’Eglise présente-​t-​il un risque ?

Seuls les faits, à nou­veau, peuvent nous per­mettre d’éclairer notre lanterne.

L’entrevue du 16 mars entre Mgr Fellay et le Cardinal Levada

Regardons donc ce qui s’est pas­sé ce 16 mars 2012, lorsque le Cardinal Levada a reçu Mgr Fellay. Mgr Fellay raconte en pri­vé com­bien cet entre­tien fut dif­fi­cile. Il lui fut remis une lettre le met­tant au pied du mur, lui récla­mant la signa­ture du Préambule doc­tri­nal sou­mis à la Fraternité en sep­tembre 2011, sans quoi Rome renou­ve­lait la décla­ra­tion de schisme et par là-​même la peine d’excommunication. Le motif avan­cé serait la non-​reconnaissance du Magistère actuel de l’Eglise. Propos extrê­me­ment durs, et en effet, un véri­table ulti­ma­tum était posé puisque, si Mgr ne répon­dait pas dans le mois qui sui­vait, Rome décla­rait pas­ser à l’acte et décla­rait le schisme et la peine d’excommunication.

Position de la FSSPX à l’égard du Magistère actuel

Avant de conti­nuer dans les faits, pre­nons un tout petit peu de recul. Est-​il vrai que notre Fraternité refuse le Magistère actuel ? Il me semble qu’une dis­tinc­tion doit impé­ra­ti­ve­ment être posée. Parce qu’aujourd’hui, de par la nou­velle théo­lo­gie, l’expression Magistère actuel a une double signification.

Bien sûr elle garde son sens tra­di­tion­nel et là, la Fraternité recon­naît com­plè­te­ment le Magistère actuel. Elle recon­naît que le Pape actuel, comme tous ses pré­dé­ces­seurs, sont les organes du Magistère suprême de l’Eglise, ain­si que tout Concile, y com­pris Vatican II. Il est l’organe du Magistère suprême de l’Eglise. Et c’est pré­ci­sé­ment cette recon­nais­sance qui fait que la Fraternité n’est pas sédé­va­can­tiste parce qu’elle recon­naît l’autorité dont dis­posent le Pape, les évêques, un concile.

Mais l’expression Magistère actuel a pris un sens nou­veau, autre, à l’occasion du Concile Vatican II. Nouvelle concep­tion qui n’est autre que celle condam­née par Saint Pie X dans son ency­clique Pascendi dénon­çant le moder­nisme (cf. dans Enseignements Pontificaux de Solesmes, L’Eglise, n° 705) ; concep­tion qui consi­dère le Magistère sidé­ré comme l’expression de la conscience ecclé­siale. Le Magistère n’est plus le média­teur nous trans­met­tant l’enseignement du Christ, avec les garan­ties de véra­ci­té propres au Christ. Non. Le Magistère est consi­dé­ré comme l’expression de la conscience interne de l’Eglise. Paul VI dira – c’est lui qui a signé tous les actes du Concile –, il dira que le Concile c’est un moment où l’Eglise s’est recueillie en elle-​même pour se dire à elle-​même ce qu’elle pen­sait d’elle-même. Acte de conscience par excel­lence. Jean-​Paul II – qui a été le Pape qui a mis en appli­ca­tion le Concile Vatican II, on peut dire le grand inter­prète authen­tique de ce Concile – disait que le Concile était un acte d’auto-conscience de l’Eglise. Il l’a dit a plu­sieurs reprises.

Autrement dit il y a effec­ti­ve­ment une véri­table confu­sion qui s’est ins­tal­lée, au sein même du Concile, puisque cet argu­ment moder­niste, cette concep­tion moder­niste du Magistère, a été évo­quée pour expli­quer l’autorité du Concile : qui par­lait pen­dant le Concile ? Est-​ce que c’était les évêques le Pape en tant qu’instruments média­teurs du Christ-​Vérité, ou était-​ce l’Eglise qui se disait à elle-​même ce qu’elle pen­sait d’elle-même ?

Sans doute ne saura-​t-​on jamais le dis­cer­ner, et c’est ce qui rend dou­teux la valeur magis­té­rielle de ces textes, de part ces très grandes confu­sions dont nous ne sommes pas sor­tis aujourd’hui. Alors, face à ces confu­sions, l’âme catho­lique en géné­ral, et plus par­ti­cu­liè­re­ment notre Fraternité, pour res­ter dociles à l’enseignement authen­tique de l’Eglise, n’a pas d’autre solu­tion que de regar­der l’objet ensei­gné pour voir s’il est conforme ou non à l’enseignement authen­tique de l’Eglise, où là, sans l’ombre d’un seul doute, le Magistère enga­gé était bien le Magistère minis­té­riel, ins­tru­ment du Christ-​Vérité. On n’a pas d’autre solu­tion que celle-​ci et c’est ce que nous fai­sons depuis qua­rante ans. Tout simplement.

Donc dire que la Fraternité refuse le magis­tère actuel est tout sim­ple­ment une véri­table cari­ca­ture, une erreur. Et c’est pour refu­ser, entre autres, cette concep­tion moder­niste du Magistère, qu’aujourd’hui notre Fraternité risque d’être à nou­veau condam­née disciplinairement.

Contre-​message oral du Pape, appelant la Fraternité à l’aide

On com­prend la grande décep­tion de Mgr Fellay au sor­tir de cet entre­tien. Il disait à ce moment-​là : « Je pen­sais que tout était fini, qu’il fal­lait sus­pendre toute dis­cus­sion avec Rome pour l’instant. »

Mais voi­ci qu’au sor­tir de cet entre­tien, un nou­vel évé­ne­ment va chan­ger la donne. Un pré­lat demande à voir Mgr Fellay, se disant mis­sion­né par le Secrétaire par­ti­cu­lier de Benoît XVI pour trans­mettre un mes­sage oral : le Pape lui ferait dire que Mgr Fellay ne doit pas tenir compte de la lettre qui vient de lui être remise ; elle n’exprime pas la volon­té per­son­nelle du Pape ; elle n’est des­ti­née qu’aux archives. Le Pape, conti­nue ce pré­lat, a fait de la récon­ci­lia­tion interne de l’Eglise le cœur de son pon­ti­fi­cat – ce qui est vrai, c’est la fameuse her­mé­neu­tique de la conti­nui­té qu’il pro­meut –, et donc pour cela, il a besoin de la Fraternité, aus­si supplie-​t-​il Mgr Fellay de ne pas rompre les discussions.

Quelle cré­di­bi­li­té appor­ter à ce mes­sage oral ? Quand bien même serait-​il réel, et sans doute l’est-il, signifierait-​il que la Congrégation pour la Doctrine de la Foi ne se fait pas, dans le cas pré­sent, l’organe de la volon­té du Pape ? Y aurait-​il, au cœur même de Rome, une oppo­si­tion entre le Pape d’un côté et la Doctrine de la Foi de l’autre, qui ne mar­che­raient pas dans le même sens, sur le même axe ? Nul ne le sait.

Première divergence entre les quatre évêques : crédibilité de l’appel à l’aide du Pape

Et c’est là peut-​être qu’apparaît la pre­mière diver­gence, acci­den­telle, entre nos quatre évêques. Mgr Fellay estime qu’effectivement, à titre per­son­nel, le Pape veut le retour à la Tradition. Il s’appuie sur plu­sieurs faits, comme celui que je viens de vous racon­ter. Il s’appuie sur l’accord des préa­lables. Et donc il estime que le Pape, de manière per­son­nelle, parce qu’effectivement le gros de la Curie ne marche pas dans ce sens-​là, le Pape vou­drait un retour à la Tradition, et c’est pour­quoi il ferait appel à la Fraternité Sacerdotale Saint-​Pie X.

Une telle ana­lyse, c’est vrai, semble contre­dite par de très nom­breux évé­ne­ments autres. Il n’y a qu’à se rap­pe­ler d’Assise 2011. Alors, face à Assise 2011, les tenants de cette ana­lyse disent : en fait, Benoît XVI a réuni toutes les reli­gions à Assise en 2011 pré­ci­sé­ment pour faire mou­rir l’esprit d’Assise ; cela a été un véri­table flop et donc, il a réus­si son coup, pourrait-​on dire très fami­liè­re­ment. Quoi qu’il en soit, Assise 2011 comme Assise 2002, comme Assise 86 res­tent mau­vais en soi, un péché direct contre le pre­mier com­man­de­ment, qui se doit d’être dénon­cé comme tel. Et on n’a jamais le droit de poser un acte mau­vais en soi, même en vue d’un bien.

Alors effec­ti­ve­ment, les autres évêques n’adhèrent pas à cette ana­lyse de Mgr Fellay. Ils estiment que Benoît XVI reste per­son­nel­le­ment imbu de l’esprit moder­niste qui l’a habi­té en tant que théo­lo­gien. Et effec­ti­ve­ment, on sait que Benoît XVI est allé par trois fois à la syna­gogue, il a eu sa par­ti­ci­pa­tion active à un culte pro­tes­tant un dimanche, il a mul­ti­plié les décla­ra­tions très fortes en faveur de la liber­té reli­gieuse, ain­si de suite,… Et donc nos évêques résument ce moder­nisme par un seul mot : le sub­jec­ti­visme, c’est-à-dire la pri­mau­té du sujet sur l’objet ; inver­sion qui est au prin­cipe même de la liber­té reli­gieuse si chère à Benoît XVI.

Quant à nous, abstenons-​nous de juger trop vite sur ce domaine. Qui sommes-​nous pour connaître les dis­po­si­tions per­son­nelles de Benoît XVI. On ne connaît pas ses inten­tions pro­fondes. Le seul constat que nous puis­sions faire est celui de ses actes publics, de ses décla­ra­tions, c’est tout.

Néanmoins, Mgr Fellay, fort de son ana­lyse, décide donc de pour­suivre les rela­tions avec Rome, pour résoudre le pro­blème cano­nique. Mais com­ment ? On en arrive à l’après-16 mars.

Pas de reconnaissance unilatérale possible de la part de Rome

La voie de la recon­nais­sance uni­la­té­rale par Rome – autre­ment dit nous recon­naître tels que nous sommes, sans contre­par­tie – la voie de la recon­nais­sance uni­la­té­rale par Rome est désor­mais fer­mée. L’entretien du 16 mars a été clair, le com­mu­ni­qué que je vous décryp­tais lors de la der­nière confé­rence était caté­go­rique : Rome refuse ce type d’accord. Elle le refuse, et elle estime, le Pape estime, qu’il y a des pro­blèmes doc­tri­naux qui séparent la Fraternité Sacerdotale de la Rome actuelle. Ce sur quoi son ana­lyse est par­fai­te­ment juste.

Et c’est d’ailleurs en rai­son de ces pro­blèmes doc­tri­naux qu’il a modi­fié le sta­tut de la Commission Ecclesia Dei pour la faire dépendre direc­te­ment de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi : pré­ci­sé­ment parce que les pro­blèmes sont d’ordre doc­tri­naux. Et donc, la seule solu­tion pour évi­ter une nou­velle condam­na­tion de la Tradition, semble de reve­nir à ce fameux Préambule doc­tri­nal du 14 sep­tembre deman­dé par Rome pour le modi­fier autant que faire se peut. Et c’est là que les choses se compliquent.

La position de Mgr Fellay en 2006

La Fraternité est-​elle en droit d’accepter des conces­sions dans ce domaine doc­tri­nal ? Peut-​elle se per­mettre de signer des décla­ra­tions doc­tri­nales faites d’ambiguïté, faites – pour reprendre une expres­sion de Mgr Fellay –, de zones grises ? Les trois évêques ne le pensent pas. Et c’est pour­quoi ils sup­plient Mgr Fellay de ne pas faire avec Rome un accord de cette sorte. Ils lui rap­pellent fina­le­ment la ligne de conduite que Mgr Fellay avait expri­mée en 2006 et que vous trou­ve­rez dans une inter­view faite par Mgr Fellay et publiée dans la revue Fideliter n°171, mai juin 2006.

Mgr Fellay y expose les trois temps. Premier temps : octroi des pré­am­bules. Deuxième temps : les dis­cus­sions doc­tri­nales. Troisième temps : la réso­lu­tion canonique.

M. l’abbé Célier qui inter­roge Mgr Fellay demande :

« Et si Rome accorde les préa­lables ? »

Réponse de Mgr Fellay :

« Dans cette atmo­sphère nou­velle, il convien­dra de pas­ser à la deuxième étape, c’est-à-dire aux dis­cus­sions. Ici, la grande dif­fi­cul­té sera d’aller au prin­cipe même de cette crise, et non sim­ple­ment de se lamen­ter sur les consé­quences désas­treuses de ces prin­cipes. Tant qu’on ne tou­che­ra pas aux prin­cipes, les consé­quences conti­nue­ront iné­luc­ta­ble­ment. Cette étape-​là des dis­cus­sions sera dif­fi­cile, hou­leuse, pro­ba­ble­ment assez longue. En tous cas, il est impos­sible, incon­ce­vable de pas­ser à la troi­sième étape, donc d’envisager des accords, avant que ces dis­cus­sions aient abou­ti à éclai­rer et cor­ri­ger les prin­cipes de la crise. »

Et M. l’abbé Célier de conti­nuer son interrogation :

« Est-​ce donc à dire que vous atten­drez que la crise soit plei­ne­ment réso­lue pour signer des accords ?

Non, nous ne pré­ten­dons pas attendre que tout soit réglé sur le ter­rain, le plus pra­tique, le plus humain, dans les consé­quences ultimes de la crise, dans tous les lieux, chez toutes les per­sonnes. Ce ne serait pas rai­son­nable. En revanche, il est clair que nous ne signe­rons pas d’accord si les choses ne sont pas réso­lues au niveau des prin­cipes. C’est pour cela qu’il faut des dis­cus­sions appro­fon­dies. Nous ne pou­vons pas nous per­mettre des ambi­guï­tés. Le pro­blème de vou­loir faire des accords rapi­de­ment, c’est que for­cé­ment, il serait bâti sur des zones grises, et qu’à peine signés, la crise resur­gi­rait de ces zones grises. Il fau­dra donc, pour résoudre le pro­blème que les auto­ri­tés romaines mani­festent et expriment de façon nette en sorte que tout le monde com­prenne, que pour Rome il n’y a pas trente-​six che­mins pour sor­tir de la crise, il n’y en a même qu’un seul de valable : que l’Eglise retrouve plei­ne­ment sa propre Tradition bimil­lé­naire. Du jour où cette convic­tion sera claire chez les auto­ri­tés romaines, et même si sur le ter­rain tout est loin d’être réglé, des accords seront très faciles à réa­li­ser. »

La position du Chapitre Général de la Fraternité en 2006

C’était donc l’optique en 2006, optique qui a été vali­dée, consa­crée pourrait-​on dire, par le Chapitre Général de la Fraternité qui s’est tenu deux mois après en juillet 2006.

Le Chapitre Général, j’y revien­drai dans un ins­tant, est, quant aux sta­tuts d’une congré­ga­tion, l’autorité suprême, à laquelle même le Supérieur Général est obli­gé de se sou­mettre. Et donc, lors de ce Chapitre Général de 2006, les choses ont été redites de la même manière, tout d’abord d’un point de vue administratif :

« Au cas où un accord avec le Saint-​Siège était sérieu­se­ment envi­sa­gé, un Chapitre Général extra­or­di­naire serait convo­qué pour trai­ter de la ques­tion. »

Et puis sur­tout donc cette décla­ra­tion finale du Chapitre qui a été ren­due publique :

« Si après l’accomplissement des préa­lables, la Fraternité attend la pos­si­bi­li­té de dis­cus­sions doc­tri­nales, c’est encore dans le but de faire réson­ner plus for­te­ment dans l’Eglise, la voix de la doc­trine tra­di­tion­nelle. En effet, les contacts que la Fraternité entre­tient épi­so­di­que­ment avec les auto­ri­tés romaines ont pour seul but de les aider à se réap­pro­prier la Tradition que l’Eglise ne peut renier sans perdre son iden­ti­té. Ces contacts n’ont pas pour but la recherche d’un avan­tage pour elle-​même, ou d’arriver à un impos­sible accord pure­ment pra­tique. Le jour où la Tradition retrou­ve­ra plei­ne­ment ses droits, – là, le Chapitre reprend l’expression de Mgr Lefebvre –, le pro­blème de la récon­ci­lia­tion n’aura plus de rai­son d’être et l’Eglise retrou­ve­ra une nou­velle jeu­nesse. »

Donc d’où effec­ti­ve­ment, point de diver­gence entre nos évêques.

Les opposants aux accords ne sont pas sédévacantistes

Peut-​on pour autant taxer les évêques de la Fraternité qui sont oppo­sés à ce type d’accord de sédé­va­can­tisme ? C’est évident que non, ce serait absurde. Sauf à dire qu’en 2006, Mgr Fellay, le Chapitre Général, toute la Fraternité était sédé­va­can­tiste. Je vous ai expri­mé tout à l’heure en deux mots la dif­fé­rence fon­da­men­tale entre le sédé­va­can­tisme et la Fraternité qui, elle, recon­naît l’autorité magis­té­rielle propre au Pape, aux évêques, même si elle regrette que cette auto­ri­té ne soit pas exer­cée de manière claire, mais d’une manière dou­teuse de par l’introduction de cette notion moder­niste du Magistère.

La lettre des trois évêques à Mgr Fellay

Cette lettre des évêques est donc datée du Samedi Saint, 7 avril 2012, donc de cette période où Mgr Fellay réflé­chit inten­sé­ment pour savoir quelle réponse adres­ser à Rome. Et dans ce sens-​là, je tiens à dédra­ma­ti­ser : il est com­plè­te­ment nor­mal, dans un sens, que les évêques, que nos supé­rieurs majeurs, réflé­chissent entre eux à ces ques­tions. Il est nor­mal qu’il y ait des opi­nions diver­gentes. Il n’y a rien de scan­da­leux en cela. C’est peut-​être jus­te­ment cette dif­fé­rence de regard qui, deve­nus com­plé­men­taires, peuvent appor­ter la vraie lumière, plus pré­cise. Donc qu’on ne se scan­da­lise pas que les évêques ne soient pas d’accord entre eux sur un point pré­cis, sur une atti­tude à avoir. N’exagérons pas la por­tée de cette diver­gence de regard. Ne soyons pas là-​dessus de ceux qui trans­forment en divi­sions des diver­gences en soi com­pré­hen­sibles. Attention.

Communiqué de Rome le 18 avril

Fait sui­vant donc, le 18 avril, juste un mois après la ren­contre de Mgr Fellay avec le Cardinal Levada, Rome fait savoir par un com­mu­ni­qué qu’elle a reçu une nou­velle appré­cia­tion de Mgr Fellay, jugée par Rome – je reprends les mots du com­mu­ni­qué – comme « encou­ra­geante ». Mgr Fellay, en fait, a adres­sé à Rome une pro­po­si­tion de décla­ra­tion doc­tri­nale, rédi­gée par lui avec ses assis­tants géné­raux. Ce texte, nous ne le connais­sons pas, ni vous ni moi. Les évêques le connaissent. Sans doute, je sup­pose, des supé­rieurs majeurs, mais pas nous. Avant-​hier donc, la Doctrine de la Foi exa­mi­nait ce texte pro­po­sé par Mgr Fellay, disant d’une part qu’elle avait des obser­va­tions à faire sur ce texte. La doc­trine de la Foi, quand elle se réunit ain­si le mer­cre­di, ras­semble tous les car­di­naux membres de la Doctrine de la Foi, ce qui repré­sente une ving­taine de car­di­naux et d’archevêques. Parmi eux, Mgr Ricard, car­di­nal arche­vêque de Bordeaux, le Cardinal Koch, en charge de l’œcuménisme et du dia­logue judéo-​chrétien, qui est loin d’être un conser­va­teur. Evidemment, il y a des réserves.

Deuxièmement, ce com­mu­ni­qué disait que ces obser­va­tions seraient expo­sées à la Fraternité dans les pro­chaines rela­tions entre la Fraternité et le Saint-​Siège, et d’autre part que le cas des trois évêques serait « exa­mi­né sépa­ré­ment et per­son­nel­le­ment ». Ainsi sans doute, peut-​être une volon­té de divi­ser se mani­feste. Mais la vraie ques­tion est que cette décla­ra­tion, dont nous ne connais­sons pas la teneur, est d’ordre doc­tri­nal ; que sans doute, chaque prêtre de la Fraternité devra se pro­non­cer per­son­nel­le­ment devant cette décla­ra­tion, si le Pape l’agréait, en la signant ou en ne la signant pas. Sans doute éga­le­ment, vous serez inévi­ta­ble­ment menés à por­ter un juge­ment sur ce texte. Est-​il un moyen de péren­ni­ser et d’étendre le bon com­bat de la Foi, ce qui serait fan­tas­tique ? Est-​il au contraire un risque de com­pro­mettre ce com­bat de la Foi, ce qui serait dra­ma­tique, à vous qui vou­lez trans­mettre la Foi à vos enfants, dans des condi­tions où cela ne se fait pas sans com­bat ? D’où la néces­si­té d’avoir préa­la­ble­ment en tête, au cas où ce texte serait ame­né à paraître d’ici quelques jours, quelques cri­tère doc­tri­naux qui seuls, per­met­tront de poser un juge­ment éclai­ré, et non pas passionnel.

Quels sont donc les enjeux de ce texte d’un potentiel accord ?

Encore une fois je n’ai pas lu ce texte. J’ai pris trois enjeux prin­ci­paux qui res­sortent de manière récur­rente, en public ou dans les échanges offi­ciels qu’on a pu avoir à Rome avec nos inter­lo­cu­teurs de la Doctrine de la Foi.

Premier enjeu : la légitimité du Droit Canon de 1983

Premier enjeu, c’est le Code de Droit Canonique de 1983. Pouvons-​nous ou ne pouvons-​nous pas recon­naître ce Code, pris dans son ensemble, comme la loi uni­ver­selle de l’Eglise ? Même à sup­po­ser que soit accor­dé, puisque cela a été plus ou moins men­tion­né, un droit propre à la Fraternité. Non. On ne peut pas admettre que le nou­veau Code, comme tel, est une loi uni­ver­selle pour l’Eglise. Pourquoi ? Parce qu’une loi mau­vaise n’a pour l’Eglise jamais valeur de loi.

Or le nou­veau Code, l’argument a été en son temps bien expo­sé par Mgr Lefebvre, a des lois direc­te­ment mau­vaises. Par exemple : l’hos­pi­ta­li­té eucha­ris­tique. On peut, d’après le nou­veau Code, don­ner la com­mu­nion à un pro­tes­tant qui la récla­me­rait pour­vu que celui-​ci exprime sa foi dans la pré­sence réelle. Loi direc­te­ment mau­vaise. On pour­rait en citer beau­coup comme cela, je ne vais pas faire un cours de droit cano­nique. C’est qu’un seul exemple.

Beaucoup de modi­fi­ca­tions appor­tées par le nou­veau Code émanent d’un esprit mau­vais, décrit par Jean-​Paul II lui-​même dans la consti­tu­tion apos­to­lique qui sert de pré­face à ce nou­veau Code. Je vous lis un pas­sage de cette consti­tu­tion : « Cet ins­tru­ment qu’est le Code cor­res­pond plei­ne­ment à la nature de l’Eglise, spé­cia­le­ment comme l’a décrit le Magistère du Concile Vatican II en géné­ral, et en par­ti­cu­lier dans son ensei­gne­ment ecclé­sio­lo­gique ». C’est la mise en pra­tique de toute la nou­velle ecclé­sio­lo­gie erro­née de Vatican II. Je conti­nue la lec­ture : « En un cer­tain sens, on pour­rait même voir dans ce code un grand effort pour tra­duire en lan­gage cano­nique cette doc­trine même de l’ecclésiologie conci­liaire. Si cepen­dant il n’est pas pos­sible de tra­duire par­fai­te­ment en lan­gage cano­nique une image conci­liaire de l’Eglise, le Code néan­moins doit être tou­jours être réfé­ré à cette même image comme à son exem­plaire pri­mor­dial. » Accepter le nou­veau Code dans son ensemble comme loi de l’Eglise uni­ver­selle, c’est accep­ter la nou­velle ecclé­sio­lo­gie – le sub­sis­tit in et com­pa­gnie – à l’origine entre bien d’autres choses du nou­vel œcuménisme.

C’est pour­quoi Mgr Lefebvre, en son temps, disait refu­ser le nou­veau Code en tant que tel, pris comme un tout. L’attitude pra­tique de la Fraternité est de gar­der l’ancien Code avec les adap­ta­tions dis­ci­pli­naires néces­saires au chan­ge­ment de temps. Donc si jamais, il nous est récla­mé la recon­nais­sance du nou­veau Code comme loi uni­ver­selle de l’Eglise, il semble bien dif­fi­cile de pou­voir l’accepter en conscience. Ce serait dire qu’une loi mau­vaise a valeur de loi ou bien que l’esprit du nou­veau Code n’est pas mauvais.

Par contre, si est pro­po­sé un accord pra­tique basé sur les normes du nou­veau Droit, ce n’est pas la même chose. C’est un accord pra­tique, et pour un accord, on uti­lise les normes cano­niques telles qu’exposées dans le nou­veau Droit. Cela, on le peut tout à fait. On reste dans le cadre d’un accord pra­tique où, quant aux rap­ports internes d’un ins­ti­tut reli­gieux, aux rap­ports de cet ins­ti­tut avec les dif­fé­rentes congré­ga­tions, on va uti­li­ser les pres­crip­tions du nou­veau Code dans ce domaine-​là. Parce que ce domaine-​là est pure­ment dis­ci­pli­naire, ce n’est pas l’esprit conci­liaire de Lumen Gentium et de Gaudium et Spes, ce n’est pas la même chose. Là, en soi, si c’est cela qui est deman­dé, c’est tout à fait pos­sible. Illustration immé­diate : une pré­la­ture per­son­nelle n’existe pas dans l’ancien Code. C’est une struc­ture qui est née avec l’Opus Dei et qui a été inté­grée dans le nou­veau Code.

Deuxième enjeu : la légitimité de la nouvelle messe

Deuxième point déli­cat – qui peut mettre en déli­ca­tesse avec Rome pour être plus pré­cis –, c’est évi­dem­ment la ques­tion de la nou­velle messe. Bien sûr, on peut recon­naître la vali­di­té en soi de la nou­velle messe. Mgr Lefebvre, Mgr Fellay à sa suite, et nous tous nous l’avons tou­jours fait. Notons qu’il y a une nuance. La vali­di­té en soi. Cela veut dire que in concre­to c’est un peu plus com­pli­qué. Pourquoi ? Parce que le rite de la nou­velle messe étant mau­vais en lui-​même n’exprime plus l’entière l’intention de l’Eglise ; Aussi ce rite n’est-il plus le garant de l’intention du ministre. A l’inverse, le nou­veau rite laisse appa­raître une inten­tion autre. Donc c’est plus com­pli­qué. Mais en soi, recon­naître que la nou­velle messe est valide n’a jamais posé de pro­blème à la Fraternité. Et donc si c’est cela qui est à nou­veau deman­dé, cela ne pose­ra aucun souci.

Peut-​on recon­naître la légi­ti­mi­té de la nou­velle messe ? Nous sommes dans des nuances de mots vous me direz, mais très impor­tantes. Peut-​on recon­naître la légi­ti­mi­té de la nou­velle messe ou, ce qui revient au même, la légi­ti­mi­té de sa pro­mul­ga­tion ? On est là exac­te­ment dans le même cas que pour le nou­veau Code. Reconnaître la nou­velle messe comme légi­time vou­drait dire que la nou­velle messe n’est pas mau­vaise en soi. Or, elle est mau­vaise en soi, puisqu’elle voile les aspects essen­tiels de la messe, son sacri­fice et sa fina­li­té pro­pi­tia­toire. Donc on ne peut pas dire que la nou­velle messe soit bonne en soi, et donc, on ne peut pas recon­naître au sein de l’Eglise la légi­ti­mi­té de la nou­velle messe, puisqu’une loi mau­vaise n’a pas valeur de loi. On ne peut pas.

La recon­naître, cela vou­drait dire qu’elle n’est pas mau­vaise en soi et donc, à la rigueur, que poten­tiel­le­ment elle peut être célé­brée et assis­tée. C’est l’avis par exemple de M. l’abbé de Tanouärn, qui vous dit : la nou­velle messe est légi­time. Il a avan­cé cela voi­ci quatre ans je crois. Quatre ans plus tard, tout récem­ment donc, il affirme qu’il est tout à fait logique que Rome nous demande d’y par­ti­ci­per, de s’y asso­cier. Tout à fait logique. Et le refu­ser – on bran­dit à nou­veau le spectre du sédé­va­can­tisme –, le refu­ser ce serait être sédé­va­can­tiste dans les faits. Sa démarche est logique, à par­tir du moment où l’on a admis que la nou­velle messe est légi­time. Donc on ne pour­ra pas recon­naître la légi­ti­mi­té de la nou­velle messe ou de sa pro­mul­ga­tion, cela revient au même.

Troisième enjeu : la reconnaissance du Magistère actuel

Troisième point qui fait objet de demandes récla­mées avec insis­tance de la part de Rome : la recon­nais­sance du Magistère actuel. Vous l’avez enten­du à l’instant : le Cardinal Levada mena­çait la Fraternité d’excommunication pour refus de recon­nais­sance du Magistère actuel. Il est donc clair que Rome veut que nous ayons une décla­ra­tion d’adhésion totale au Magistère actuel. Cela a été le leit­mo­tiv, et même le som­met des dis­cus­sions doc­tri­nales ; nous savions que lorsque nous abor­de­rions la ques­tion du Magistère, cela par­ti­rait en explo­sion. Cela n’a pas manqué.

Nous rejoi­gnons ici l’acceptation du Nouveau Catéchisme. Le seul pro­blème, c’est que dans un texte doc­tri­nal, ils ne peuvent pas nous impo­ser le Nouveau Catéchisme. Pourquoi ? Parce que le Nouveau Catéchisme, tout caté­chisme, même romain n’a jamais de valeur magis­té­rielle au sens strict et qu’ils ne peuvent pas dire dans une décla­ra­tion doc­tri­nale qu’il faut que nous recon­nais­sions le Nouveau Catéchisme.

Alors deux for­mules sont pos­sibles de la part de Rome, pour satis­faire Rome, mais inad­mis­sibles quant à nous, sauf à renier ce com­bat de la Foi.

Première formule : reconnaissance de l’herméneutique de la continuité

Première for­mule dont Rome se satis­fe­rait : c’est une recon­nais­sance expli­cite de l’herméneutique de la conti­nui­té, entre Vatican II et le Magistère anté­cé­dent, telle qu’exprimée par exemple dans le Nouveau Catéchisme. Cette for­mu­ler était à un ou deux détails près, celle du pré­am­bule doc­tri­nal de sep­tembre 2011. Cette for­mule évi­dem­ment est inad­mis­sible sauf à faire siennes toutes les erreurs du Concile et issues du Concile.

Deuxième formule : éclairage mutuel de Vatican II et de la Tradition

Il y a aus­si une autre for­mule qui est pos­sible, qui est reve­nue beau­coup dans la bouche de nos inter­lo­cu­teurs romains lors des dis­cus­sions doc­tri­nales, et c’est ça qui me fait pen­ser qu’elle est pos­sible. Il pour­rait être deman­dé de recon­naître que le Magistère anté­cé­dent éclaire Vatican II et que Vatican II éclaire le Magistère pré­cé­dent, et en pré­ci­sant que seul le Magistère actuel est l’interprète authen­tique du Magistère anté­cé­dent. Autrement dit, là aus­si, c’est livrer pieds et poings liés le com­bat de la Foi entre les mains de ceux qui pour l’heure ne veulent pas encore le mener.

Deux for­mules – il y en a peut-​être d’autres, mais se sont les deux prin­ci­pales qui me viennent à l’esprit, les deux que j’ai enten­dues, que j’ai lues, que j’ai vues – deux for­mules qui sont inac­cep­tables. Elles feraient de la Fraternité Saint Pie X un Institut du Bon Pasteur bis qui serait effec­ti­ve­ment sou­mise à des per­sonnes comme Mgr Pozzo, de la Doctrine de la Foi, qui veulent tout nous faire avaler.

La seule for­mule accep­table en cette matière de Magistère, serait celle qui pren­drait en compte la dis­tinc­tion que nous avons posée tout à l’heure entre le Magistère pris au sens tra­di­tion­nel et le Magistère pris dans le sens moder­niste. Mais cela s’avère assez com­pli­qué, car cela revien­drait à dire : atten­tion ! il y a plein de points que vous allez ensei­gner et nous nous recon­nais­sons – et vous nous recon­nais­sez – le droit de ne pas être d’accord et de vous cri­ti­quer publiquement.

Conclusion

Ce ne sont là que quelques cri­tères par­mi les conjonc­tures que nous pou­vons faire. N’ayant pas ces textes, nous n’avons pas à juger pour l’instant. Nous avons à avoir ces cri­tères de juge­ment. A connaître la rai­son d’être de ces cri­tères de juge­ment. Mais nous n’avons pas à juger tant que les textes ne sont pas ren­dus publics, si tant est qu’un jour ils le soient. J’espère per­son­nel­le­ment, et je prie, pour que le Pape Benoît XVI ne se pro­nonce pas ces jours-​ci, qu’il fasse sien l’avis don­né par la Doctrine de la Foi de patien­ter. Pourquoi ? Pour que rien ne soit publié, agréé avant notre Chapitre Général qui se tien­dra début juillet à Ecône. Et c’est ce Chapitre Général qui résou­dra ces diver­gences de regard, c’est son tra­vail, qui uni­ra les volon­tés autour d’une ligne direc­trice jus­te­ment motivée.

Le Chapitre Général

Un mot sur le Chapitre Général parce qu’il est des fidèles qui s’étonnent qu’en cer­tains domaines, le Chapitre Général ait une auto­ri­té supé­rieure à celle du Supérieur Général lui-​même. C’est Saint Dominique, en fon­dant les Dominicains, qui a inven­té cela. Il n’a pris aucune déci­sion seul pour la ges­tion de l’ordre domi­ni­cain nais­sant. Toute déci­sion se pre­nait en Chapitre. Et pro­gres­si­ve­ment, et en ce XIIIème siècle très reli­gieux, les dif­fé­rentes congré­ga­tions se fon­dant, les ordres men­diants, ont eu le même axe et très vite ont été encou­ra­gés par les papes.

Aujourd’hui, de manière sys­té­ma­tique, le droit des reli­gieux explique que tout ce qui relève des Statuts est de l’autorité du Chapitre Général. Un Supérieur Général n’a pas le droit de chan­ger les Statuts d’une congré­ga­tion tout seul. Cela relève du Chapitre Général.

C’est nor­mal parce que les Statuts la colonne ver­té­brale d’une congré­ga­tion. Si on change les Statuts, on change la congré­ga­tion. Et nos Statuts à nous pré­cisent, comme tout ordre reli­gieux, que les modi­fi­ca­tions de Statuts appar­tiennent en propre au Chapitre Général. Et là, nous sommes évi­dem­ment face à un chan­ge­ment majeur de Statut, sur­tout si on passe à une Prélature per­son­nelle. Je vous passe les détails cano­niques, mais une Prélature per­son­nelle n’est pas du tout le même type d’institut reli­gieux que le nôtre et donc, on a un chan­ge­ment radi­cal de Statuts. Cela relève de l’autorité du Chapitre Général. C’est normal.

On a vu la ligne de conduite adop­tée et décla­rée par le Chapitre Général de 2006. Ceci dit, on est dans l’ordre pru­den­tiel, évé­ne­men­tiel, il se peut que des évé­ne­ments aient chan­gé – Mgr Fellay l’estime et il est en droit de l’estimer, atten­tion, il est quand même plus ren­sei­gné que nous, il voit plus de choses que nous – ; ces cir­cons­tances qui auraient chan­gé réclament-​elles un chan­ge­ment d’attitude de la Fraternité Saint Pie X vis-​à-​vis de Rome ? Ce sera au Chapitre Général de le dire. Ce sera à lui, à lui seul. D’où l’importance de ce Chapitre et l’importance effec­ti­ve­ment, vu les enjeux énormes qu’il y a en tout cela, d’où l’importance de notre prière, de gar­der la paix tant inté­rieure qu’extérieure.

Appel à la modération

Encore une fois, évi­tons de faire de cer­taines diver­gences que nous pou­vons esti­mer légi­times, évi­tons d’en faire des divi­sions, accu­sant les uns d’ « accor­distes à tout prix », les autres d’ « anti-​accordistes par prin­cipe ». Arrêtons ces bêtises. Ce n’est pas cela du tout qui est en jeu. Ce n’est pas un refus par prin­cipe de tout accord, encore moins un sédé­va­can­tisme de trois évêques. Ce n’est pas un accord à tout prix de la part de Mgr Fellay – j’entends cer­tains dire : « il est en train de tra­hir ». Arrêtons tout cela. Il y a des diver­gences qu’on peut esti­mer légi­times, n’en fai­sons pas des divisions.

On a le droit aux dif­fé­rences, on a le droit aux diver­gences, on n’a pas le droit aux divi­sions, sauf si la Foi et les mœurs sont enga­gées. A l’heure qu’il est, avec les élé­ments que nous avons, la Foi, et le com­bat de la Foi n’est pas enga­gé. Peut-​être la ques­tion se posera-​t-​elle ain­si demain si cette Déclaration vient à être publique et nor­ma­tive d’une nou­velle Prélature per­son­nelle. Mais pour l’instant, nous n’avons pas le droit aux divi­sions. Pitié, aucun élé­ment ne vous le per­met, à moins que vous ne soyez dans le secret des dieux, et que vous ayez lu cette fameuse décla­ra­tion Doctrinale.

Communiqué de M. l’abbé de Cacqueray

Et c’est pour­quoi – je fini­rai par là – M. l’abbé de Cacqueray a adres­sé hier un com­mu­ni­qué à tous les prêtres, reli­gieux, reli­gieuses, frères, sœurs, fidèles, qui sont pré­sents dans le dis­trict de France. Très beau com­mu­ni­qué, que je vous lis donc, daté d’hier.

« Eux tous per­sé­vé­raient d’un com­mun accord dans la prière avec les femmes et Marie, mère de Jésus et ses frères. » Act. I, 14.

En ce jour de l’Ascension, les apôtres se regroupent doci­le­ment autour de la très sainte Vierge Marie pour entrer au Cénacle où ils vont per­sé­vé­rer dans la prière jusqu’à la fête de la Pentecôte. Voilà l’exemple qui nous est lais­sé par la reine de tous les saints et par ceux qui furent les colonnes de l’Eglise fon­dée par Notre Seigneur Jésus-​Christ.
N’est-ce pas ce qu’ils auraient dû faire dès le soir de l’Agonie et le Vendredi Saint pour évi­ter leur déban­dade et leur dispersement ?

J’invite donc tous les membres de la Fraternité qui se trouvent dans le dis­trict, tous nos fidèles et tous ceux qui le vou­dront bien à se pla­cer dans cette même réserve et dans cette même prière, autour de Notre-​Dame du Clergé, jusqu’à la fête de la Pentecôte. En ces cir­cons­tances si dif­fi­ciles, la véri­té se fait connaître aux âmes qui s’humilient devant Dieu, celles qui font taire leurs pas­sions et leur agi­ta­tion inté­rieure pour n’avoir d’autre soif que celle de la véri­té de Dieu et d’autre volon­té que la sienne.

J’ose for­mu­ler le vœu, pen­dant ces jour­nées qui pré­cèdent la fête de la Pentecôte, que les res­pon­sables des forums acceptent de fer­mer leurs forums. S’ils les laissent ouverts, que leurs inter­ve­nants s’abstiennent d’y aller et, s’ils y vont quand même, qu’ils ne s’attendent pas à déni­cher la véri­té dans la myriade des mes­sages qui s’y trouvent échangés.

Allons même jusqu’à faire abs­ti­nence d’internet (une excel­lente péni­tence à offrir !) et pro­fi­tons du temps que l’on gagne­ra ain­si pour relire les grands livres de Monseigneur Lefebvre. Prions plus et mieux en ter­mi­nant avec fer­veur la grande croi­sade du rosaire deman­dée par notre Supérieur Général.

Joignons à la prière notre péni­tence, comme la très sainte Vierge Marie nous a tou­jours pres­sés de le faire ! Prêtres, frères, reli­gieux et reli­gieuses, mon­trons l’exemple ! Demandons par­don au Bon Dieu pour nos péchés de tout notre cœur et vivons en état de grâce. Supportons dans la patience les sacri­fices de notre vie quo­ti­dienne. Ne délais­sons pas notre devoir d’état parce que tout serait déjà per­du. Donnons géné­reu­se­ment à Dieu quelque chose de nous-​même qui nous coûte un peu pour nous atta­cher plus for­te­ment à Lui.

Nous vivons une grande épreuve. – C’est clair que la Fraternité n’a jamais été dans une situa­tion si déli­cate, si com­pli­quée, et si périlleuse, d’un côté comme de l’autre –. Mais Notre-​Seigneur est tou­jours pré­sent dans la barque alors même que la tem­pête est déchaî­née et qu’elle semble devoir l’engloutir. Ne nous effrayons pas si Notre-​Seigneur semble de nou­veau dor­mir car, en réa­li­té, Il ne cesse de veiller sur nous. Nous le croyons de toute notre âme. C’est pour­quoi, au-​dedans de nous-​même, nous devons demeu­rer dans la séré­ni­té, bien cer­tains que le Bon Dieu veille sur nous.

Implorons le Ciel pour notre Supérieur Général, pour ses Assistants, pour nos évêques afin que leur soient accor­dées les grâces de lumière et de force dont ils ont besoin pour demeu­rer fermes dans le bon com­bat de la Foi, en ces cir­cons­tances si dif­fi­ciles. Nous devons une immense recon­nais­sance à nos quatre évêques et nous sup­plions le Bon Dieu, le 30 juin 2013, de nous don­ner la joie de leur fêter le beau jubi­lé d’argent de leur épis­co­pat.– Cela fera déjà 25 ans.

Demandons aus­si ces grâces pour nous-​mêmes et les uns pour les autres car tous, nous en avons le plus grand besoin. Dans toutes les mai­sons de la Fraternité, nous com­men­çons ce soir la neu­vaine du « Veni Creator » chan­té jusqu’à la fête de la Pentecôte auquel vous pou­vez vous unir.

En vous conviant à ter­mi­ner dans la plus grande fer­veur la grande croi­sade du Rosaire deman­dée par notre Supérieur Général et en atten­dant la joie de vous retrou­ver tous sur les routes d’Orléans pour fêter notre chère Jeanne, je vous confie tous au Cœur Douloureux et Immaculé de Marie,

Abbé Régis de Cacqueray, Supérieur du District de France de la FSSPX ».

Je vous laisse sur ces belles paroles.

Abbé Patrick de La Rocque.

FSSPX

M. l’ab­bé Patrick de la Rocque est actuel­le­ment prieur de Nice. Il a par­ti­ci­pé aux dis­cus­sions théo­lo­giques avec Rome entre 2009 et 2011.