Pour une entente doctrinale ?

1. Dans un récent entre­tien, Mgr Guido Pozzo a décla­ré que « la récon­ci­lia­tion se fera lorsque Mgr Fellay adhé­re­ra for­mel­le­ment à la décla­ra­tion doc­tri­nale que lui a pré­sen­tée le Saint-​Siège. C’est aus­si la condi­tion néces­saire pour pro­cé­der à la régu­la­ri­sa­tion ins­ti­tu­tion­nelle, avec la créa­tion d’une pré­la­ture per­son­nelle ». Et lors de son retour du récent pèle­ri­nage à Fatima (12–13 mai) à l’oc­ca­sion d’une une confé­rence de presse don­née dans l’a­vion, le Pape François fait allu­sion à ce docu­ment, mis au point par la Congrégation pour la Doctrine de la Foi, lors de sa der­nière séance du mer­cre­di 10 mai. Il s’a­gi­rait donc bien, dans l’es­prit de Rome, d’une entente doc­tri­nale. L’expression est cepen­dant équi­voque ; elle peut en effet s’en­tendre en deux sens.

2. Dans un pre­mier sens, le but pour­sui­vi est que la Tradition retrouve tous ses droits à Rome, et que par consé­quent le Saint-​Siège cor­rige sérieu­se­ment les erreurs doc­tri­nales qui sont à la source de la crise sans pré­cé­dent qui sévit encore dans la sainte Église. Cette cor­rec­tion est le but que recher­ché, but en soi et cause finale, prin­cipe de tout l’a­gir sub­sé­quent dans le cadre des rela­tions avec Rome. Et ce but n’est autre que le bien com­mun de toute l’Église. En ce sens, l’en­tente doc­tri­nale signi­fie que Rome doit s’en­tendre non point avec la Frater­ni­té Saint Pie X, mais avec la doc­trine de tou­jours et reve­nir de ses erreurs.

3. Dans un deuxième sens, il s’a­gi­rait que Rome s’en­ten­dît avec la Fraternité Saint Pie X, en vue d’une recon­nais­sance cano­nique. Cette recon­nais­sance serait le but en soi, prin­cipe de tout l’a­gir sub­sé­quent. Ce but ne serait autre que le bien par­ti­cu­lier appa­rent d’une socié­té telle que la Fraternité. La for­mu­la­tion d’une posi­tion doc­tri­nale com­mune suf­fi­sam­ment accep­table par les deux par­ties, Rome et la Fraternité, en serait seule­ment le moyen. Et il suf­fi­rait que ce moyen fût pro­por­tion­né au but : il ne serait donc pas néces­saire que Rome cor­rige toutes les erreurs du Concile ; il suf­fi­rait qu’elle n’im­pose pas la pro­fes­sion de ces erreurs. En ce sens, l’en­tente doc­tri­nale signi­fie que la Fraternité s’ac­corde avec Rome sur un cer­tain nombre d’af­fir­ma­tions doc­tri­nales exemptes d’erreurs.

4. Il est à craindre et il est même évident que Rome entend l’en­tente doc­tri­nale au second sens, et envi­sage au mieux un régime de tolé­rance à l’é­gard de la Fraternité, mais nul­le­ment de cor­ri­ger les erreurs du Concile. Jusqu’ici, les héri­tiers de Mgr Lefebvre se sont fait un devoir d’en­vi­sa­ger les choses du point de vue du pre­mier sens. Dès lors, il est clair qu’une pareille « base d’en­tente » res­te­ra tou­jours insuf­fi­sante, tant que Rome n’y aura pas inté­gré la cor­rec­tion des erreurs du Concile.

5. En effet, l’a­dage vaut ici comme ailleurs : « bonum ex inte­gra cau­sa, malum ex quo­cumque defec­tu ». L’adage doit bien sûr s’en­tendre au sens moral, et par rap­port à des actes humains. Si nous pre­nons Vatican II comme un ensemble de textes, bien évi­dem­ment, nous pou­vons tou­jours faire le tri entre la véri­té, l’é­qui­voque et l’er­reur et chaque pas­sage concer­né peut être pris iso­lé­ment. Ce tri peut avoir lieu dans le cadre d’un dia­logue d’ex­perts – ou d’une com­mis­sion de révi­sion. Cependant, l’u­sage de l’Église est de consi­dé­rer les textes non en tant que tels mais d’un point de vue moral, c’est-​à-​dire en tant que ces textes font glo­ba­le­ment l’ob­jet d’une adhé­sion de la part de l’Église et de ses fidèles (donc d’un acte humain mora­le­ment consi­dé­ré) et risquent, à cause de leurs erreurs ou de leurs équi­voques, de leur cau­ser du scan­dale. De ce point de vue, il ne suf­fit pas de signer un texte qui exprime une par­tie seule­ment de la véri­té ; il est néces­saire que Rome pro­fesse l’in­té­gra­li­té de toute la véri­té et condamne par le fait même les erreurs qui vicient de fond en comble toutes les véri­tés par­tielles qui peuvent se ren­con­trer dans le magis­tère conci­liaire et post-conciliaire.

De quelques points litigieux

1) Le concile Vatican II

6. La réfé­rence à Vatican II est tou­jours gênante, même lors­qu’il s’a­git de pas­sages iso­lés appa­rem­ment ortho­doxes. Ce Concile fait en effet l’ob­jet de notre refus, en rai­son des nom­breuses erreurs graves qui s’y sont intro­duites. Or, malum ex quo­cumque defec­tu : il suf­fit qu’il y ait quelques pas­sages mau­vais pour que le Concile soit mau­vais, même s’il y a aus­si quelques pas­sages bons. Ces pas­sages bons ne rachètent pas les pas­sages mauvais.

2) La liberté religieuse (déclaration Dignitatis humanæ)

7. D’une part, autre chose est d’exer­cer la contrainte au for externe pour conduire les per­sonnes à embras­ser la vraie reli­gion, autre chose est d’exer­cer la contrainte au for externe pour empê­cher les per­sonnes de pro­fes­ser une reli­gion fausse. D’autre part, il y a une dif­fé­rence entre la contrainte phy­sique, qui est une contrainte pro­pre­ment dite (c’est-​à-​dire une vio­lence) et la contrainte morale, qui est une contrainte impro­pre­ment dite (c’est-​à-​dire selon les cas une per­sua­sion ou une dis­sua­sion). La doc­trine sociale de l’Église exige que l’État exerce son auto­ri­té en faveur de la vraie reli­gion : 1°) en exer­çant au for externe la double contrainte phy­sique et morale pour empê­cher et dis­sua­der la pro­fes­sion de l’er­reur et 2°) en exer­çant éga­le­ment au for externe une cer­taine contrainte morale pour per­sua­der la pro­fes­sion de la vraie reli­gion. L’Église a condam­né seule­ment le recours à la contrainte phy­sique pour impo­ser la vraie reli­gion. Le n° 2 de Dignitatis humanæ contre­dit cette doc­trine de l’Église pré­ci­sé­ment en ce qu’il recon­naît comme un droit civil le droit de ne pas être empê­ché, par quelque pou­voir humain que ce soit, de pro­fes­ser l’erreur.

3) La collégialité (constitution Lumen gentium)

8. Les trois points liti­gieux sont les suivants.

9. Le n° 22 Lumen gen­tium affirme que le col­lège épis­co­pal (corps épis­co­pal aus­si bien ras­sem­blé que dis­per­sé) est le sujet ordi­naire et per­ma­nent du pou­voir sur toute l’Église. Au contraire, la Tradition affirme que seul le corps épis­co­pal ras­sem­blé peut être le sujet seule­ment tem­po­raire et extra­or­di­naire de ce pouvoir.

10. Le n° 22 de Lumen gen­tium affirme que le col­lège épis­co­pal incluant le pape consti­tue, en plus du pape consi­dé­ré seul, un deuxième sujet per­ma­nent du pou­voir sur toute l’Église. Au contraire, la Tradition affirme que le corps épis­co­pal n’est pas un deuxième sujet de ce pou­voir mais que le seul concile oecu­mé­nique est une deuxième mode d’exer­cice du même sujet (le pape) du même pouvoir.

11. Le n° 22 en liai­son avec le n° 21 de Lumen gen­tium affirme que le col­lège épis­co­pal tient son pou­voir direc­te­ment non du pape mais du Christ par la consé­cra­tion épis­co­pale et que le consen­te­ment du pape est seule­ment requis pour son exer­cice. Au contraire, la Tradition affirme que le concile oecu­mé­nique ne peut tenir son pou­voir direc­te­ment que du pape, et que c’est l’au­to­ri­té même du pape qui est com­mu­ni­quée au concile et par­ti­ci­pée dans ce pou­voir tem­po­raire et extra­or­di­naire du concile : celui-​ci se réunit donc non seule­ment « cum capite » (ce qui serait le point de vue réduc­teur d’une cause maté­rielle, requise à l’in­té­gri­té de l’as­sem­blée), mais beau­coup plus que cela « sub capite » (point de vue d’une cause effi­ciente » et même « ex capite » (point de vue d’une cause formelle).

12. La Nota præ­via ne résout pas tous ces pro­blèmes et laisse intacte l’i­dée d’un double sujet du primat.

13. D’autres points du cha­pitre III de Lumen gen­tium posent de graves dif­fi­cul­tés : le n° 21 affirme la sacra­men­ta­li­té de l’é­pis­co­pat avec l’i­dée que le sacre confère en acte le triple munus, non seule­ment le pou­voir d’ordre mais même le pou­voir de juri­dic­tion, avec le magis­tère et le gou­ver­ne­ment, ce qui est contraire à toute la Tradition et à tout le Droit cano­nique. Le point de départ de la col­lé­gia­li­té est ici radi­ca­le­ment faux, ain­si que l’on fait obser­ver les pères membres du Cœtus, au moment même du Concile [1]. Le car­di­nal Browne fait remar­quer que l’i­dée selon laquelle la consé­cra­tion épis­co­pale donne en acte ou dans leur essence les trois pou­voirs d’ordre, de magis­tère et de gou­ver­ne­ment contre­dit l’en­sei­gne­ment du magis­tère ordi­naire suprême de Pie XII, don­né à trois reprises et s’ins­crit aus­si en faux contre la théo­lo­gie de saint Thomas. Mgr Carli fait obser­ver que cela contre­dit le Droit de l’Église, rela­ti­ve­ment à la col­la­tion du pri­mat de juri­dic­tion du Pape, à la col­la­tion de la juri­dic­tion ordi­naire des évêques rési­den­tiels et même à l’ab­sence de toute juri­dic­tion des évêques titu­laires. Le n° 25 donne une défi­ni­tion col­lé­gia­liste de l’in­failli­bi­li­té du Magistère ordi­naire et uni­ver­sel ; le n° 18 pose l’an­té­rio­ri­té du Collège des apôtres sur saint Pierre.

4) L’oecuménisme (décret Unitatis redintegratio et constitution Lumen gentium)

14. Les trois points liti­gieux sont les suivants.

15. Les textes d’Unitatis redin­te­gra­tio affirment la réa­li­té d’une com­mu­nion réelle, bien que impar­faite et par­tielle, de socié­té à socié­té, c’est-​à-​dire entre la struc­ture visible de l’Église catho­lique et la struc­ture visible des com­mu­nau­tés chré­tiennes non catho­liques sépa­rées. Au contraire, la Tradition affirme que seule­ment cer­tains par­mi les membres des com­mu­nau­tés chré­tiennes non catho­liques sépa­rées peuvent être non en com­mu­nion mais ordon­nés au Corps mys­tique du Rédempteur, qui est iden­ti­que­ment l’Église du Christ et l’Église catholique.

16. Les textes de Lumen gen­tium affirment la réa­li­té d’une pré­sence et d’une action de l’Église du Christ en dehors de la struc­ture visible de l’Église catho­lique, dans les com­mu­nau­tés chré­tiennes non catho­liques sépa­rées. Au contraire, la Tradition affirme seule­ment la réa­li­té d’une action du Saint-​Esprit en dehors du Corps mys­tique du Rédempteur, qui est iden­ti­que­ment l’Église du Christ et l’Église catho­lique, et que cette action a lieu dans cer­taines âmes qui font par­tie des com­mu­nau­tés chré­tiennes non catho­liques sépa­rées, mais non dans ces com­mu­nau­tés elles-mêmes.

17. Les textes de Lumen gen­tium et de Unitatis redin­te­gra­tio affirment qu’il y a dans les com­mu­nau­tés chré­tiennes non catho­liques sépa­rées des élé­ments dont la valeur salu­taire dérive de la plé­ni­tude confiée à l’Église du Christ et qui tendent par eux-​mêmes à l’u­ni­té catho­lique et que le Saint-​Esprit peut donc se ser­vir de ces com­mu­nau­tés comme de moyens de salut. Au contraire, la Tradition affirme que les élé­ments qui se trouvent dans les com­mu­nau­tés chré­tiennes non catho­liques sépa­rées n’ont par eux-​mêmes aucune valeur salu­taire, et que celle-​ci ne sau­rait déri­ver de l’Église, puisque ces com­mu­nau­tés refusent en tant que telles le pri­mat de juri­dic­tion du pape, alors que pré­ci­sé­ment la valeur salu­taire des dogmes et des sacre­ments leur vient de ce qu’ils sont dis­pen­sés selon l’ordre vou­lu par le Christ, c’est-​à-​dire dans la dépen­dance du pri­mat de juri­dic­tion de son vicaire, qui est le pape, évêque de Rome et chef de l’Église.

5) Le Magistère

18. La défi­ni­tion même du Magistère est fal­si­fiée en pra­tique, car depuis Vatican II, les titu­laires du pou­voir de Magistère usent de ce pou­voir à contre­sens, puis­qu’ils imposent des erreurs contraires aux véri­tés qui font l’ob­jet du Magistère. C’est pour­quoi, nous ne pou­vons pas recon­naître que Vatican II est l’ex­pres­sion d’un véri­table Magistère catho­lique. Nous ne pou­vons pas affir­mer (du moins pas sans dis­tinc­tions et res­tric­tions) que les textes du Concile Vatican II sont com­pris par­mi les textes du Magistère, qu’ils sont l’ex­pres­sion d’un Magistère catholique.

19. La défi­ni­tion du Magistère est fal­si­fiée en théo­rie. La consti­tu­tion Dei Verbum, au n° 8, affirme que « ce qui a été trans­mis » « pro­gresse dans l’Église, sous l’as­sis­tance du Saint-​Esprit ; en effet, la per­cep­tion des réa­li­tés aus­si bien que des paroles trans­mises s’ac­croît, soit par la contem­pla­tion et l’é­tude des croyants qui les méditent en leur cœur, soit par l’in­tel­li­gence inté­rieure qu’ils éprouvent des réa­li­tés spi­ri­tuelles, soit par la pré­di­ca­tion de ceux qui, avec la suc­ces­sion épis­co­pale, ont reçu un cha­risme cer­tain de véri­té ». Ce pas­sage ne fait aucune dis­tinc­tion entre le rôle du Magistère et celui de l’Église ensei­gnée. La pro­po­si­tion plus expli­cite du Magistère est en effet la cause de la meilleure per­cep­tion de la véri­té chez les fidèles, dans la contem­pla­tion ou l’é­tude. Équiparer les deux auto­rise l’in­ter­pré­ta­tion erro­née qui rédui­rait le rôle du Magistère à celui d’un cana­li­sa­teur de l’ex­pé­rience col­lec­tive. Et c’est d’ailleurs ce que sug­gère très net­te­ment l’en­sei­gne­ment de Benoît XVI (Catéchèses sur l’Église de 2006 ; Exhortation Verbum Domini) et celui de François (der­nier dis­cours lors du Synode, le 17 octobre 2015 ; Evangelii gau­dium, n° 119–120).

20. Il est abso­lu­ment faux et contraire à toute la Tradition de pré­tendre que « le Magistère suprême de l’Église est l’in­ter­prète authen­tique des textes pré­cé­dents du Magistère ». Il y a là une erreur extrê­me­ment grave, et c’est jus­te­ment l’er­reur radi­cale du néo­mo­der­nisme, erreur dont nous péris­sons depuis le der­nier Concile. Le Magistère est l’or­gane et l’in­ter­prète de la Révélation, et il l’est à toutes les époques de l’his­toire et dans tous les textes qu’il pro­duit. Le Magistère pré­sent doit conti­nuer à inter­pré­ter non le Magistère pas­sé mais la Révélation conte­nue dans ses sources (Écriture et Tradition : Pères et théo­lo­giens) ; et pour cela, il doit se sou­mettre aux ensei­gne­ments du Magistère anté­rieur qui ont une auto­ri­té défi­ni­tive et qui ont déjà cla­ri­fié cer­taines don­nées de la Révélation. Le Magistère pré­sent n’in­ter­prète pas le Magistère pas­sé, il inter­prète les points de la Révélation non-​encore inter­pré­tés par le Magistère anté­rieur. Et il ne fait éven­tuel­le­ment que reprendre les ensei­gne­ments de ce Magistère anté­rieur qui n’ont pas besoin d’être inter­pré­tés, mais qui sont, comme dit Pie XII dans Humani gene­ris, « la règle pro­chaine et uni­ver­selle de véri­té en matière de foi et de moeurs » (DS 3 884). Cette erreur est extrê­me­ment grave, car c’est l’er­reur per­sis­tante du Saint-​Siège depuis cin­quante ans et qui se trouve à la racine de tout le dis­cours du 22 décembre 2005. Si c’est la parole d’au­jourd’­hui qui fait la véri­té par elle-​même, parce qu’elle réin­ter­prète sans cesse la parole d’hier, c’est le Pape d’au­jourd’­hui qui fait la véri­té à sa guise et la notion même de Tradition catho­lique n’existe plus. On pour­ra bien par­ler, comme le fit Benoît XVI, d’un « renou­veau dans la conti­nui­té » mais si ce genre d’ex­pres­sion facile ras­sure peut-​être les incon­di­tion­nels du Concile, cela n’ex­plique pas grand-​chose et cela ne réus­sit pas à convaincre ceux qui demeurent per­plexes devant les inno­va­tions évi­dentes du Concile. Car per­sonne n’a réus­si à démon­trer jus­qu’i­ci que le renou­veau de Vatican II n’a pas bri­sé la conti­nui­té objec­tive de la Tradition de l’Église

21. C’est pour­quoi, même si on nous dit que l’in­ter­pré­ta­tion se fait « à la lumière de la Tradition », ce pré­sup­po­sé est faux. Car l’in­ter­pré­ta­tion qui a lieu à la lumière de la Tradition est celle qui inter­prète non le Magistère mais la Révélation. Quand on voit com­ment dans le n° 119 de Evangelii gau­dium François « inter­prète » le n° 12 de Lumen gen­tium (qui est déjà une « inter­pré­ta­tion » de Vatican I), on peut bien se deman­der ce que signi­fie pour le Saint-​Siège une meilleure com­pré­hen­sion du depo­si­tum fidei, « in eodem dog­mate, eodem sen­su eademque sen­ten­tia ».

6) La Nouvelle Messe

22. Dans l’in­ter­ro­ga­toire des 11–12 jan­vier 1979, à la ques­tion posée par la CDF : « Soutenez-​vous qu’un fidèle catho­lique peut pen­ser et affir­mer qu’un rite sacra­men­tel en par­ti­cu­lier celui de la messe approu­vé et pro­mul­gué par le Souverain Pontife puisse être non conforme à la foi catho­lique ou favens hære­sim ? », Mgr Lefebvre a répon­du : « Ce rite en lui-​même ne pro­fesse pas la foi catho­lique d’une manière aus­si claire que l’an­cien Ordo missæ et par suite il peut favo­ri­ser l’hé­ré­sie. Mais je ne sais pas à qui l’at­tri­buer ni si le pape en est res­pon­sable. Ce qui est stu­pé­fiant c’est qu’un Ordo missæ de saveur pro­tes­tante et donc favens hære­sim ait pu être dif­fu­sé par la curie romaine [2]. » La nou­velle litur­gie n’est donc pas légi­time, car elle favo­rise l’hérésie.

23. La vali­di­té (autre que la légi­ti­mi­té) pose en tant que telle un deuxième pro­blème ; Mgr Lefebvre n’a jamais dit que le NOM était de soi valide. Il n’a jamais nié que le NOM était dou­teu­se­ment valide mais il l’a affir­mé, au contraire, dans la confé­rence de 1979, citée à la page 374 du livre La Messe de tou­jours, en s’ap­puyant sur la note 15 du Bref exa­men cri­tique, qu’il fai­sait sienne en des termes dont la net­te­té est impres­sion­nante. Mgr Lefebvre n’a jamais varié sur ce point, ni remis en cause l’ap­pré­cia­tion qu’il por­tait dans la confé­rence de 1979 citée à la page 374 du livre La Messe de tou­jours. D’un point de vue logique, Mgr Lefebvre disant : « il est pos­sible que le NOM soit valide », on peut en déduire (et lui faire dire) : « il est pos­sible que le NOM ne soit pas valide ». Mais on ne peut pas en déduire (et lui faire dire) ni : « il est impos­sible que le NOM ne soit pas valide » ni : « il est impos­sible que le NOM soit valide ». Voici les décla­ra­tions publi­que­ment adres­sées à Rome par Mgr Lefebvre sur cette question :

1) Lettre de Mgr Lefebvre au pape Jean-​Paul II, 8 mars 1980 : « Quant à la messe du Novus Ordo, mal­gré toutes les réserves qu’on doit faire à son égard, je n’ai jamais affir­mé qu’elle est de soi inva­lide ou hérétique. »

2) Lettre de Mgr Lefebvre au car­di­nal Ratzinger, 4 avril 1981 : « Quant à la Réforme litur­gique, j’ai signé moi-​même le décret conci­liaire et je n’ai jamais affir­mé que les appli­ca­tions étaient de soi inva­lides et hérétiques. »

3) Lettre de Mgr Lefebvre au car­di­nal Ratzinger, 7 avril 1982 : « Le deuxième point cor­res­pon­drait mieux à la réa­li­té puis­qu’il était libel­lé comme suit : Mgr Lefebvre a signé le décret conci­liaire sur la Liturgie accep­tant ain­si l’é­ven­tua­li­té d’une Réforme. Il n’a jamais affir­mé que les textes des nou­veaux livres litur­giques étaient héré­tiques ou de soi inva­lides dans la ver­sion latine ori­gi­nale, mais estime que la Réforme litur­gique, telle qu’elle a été réa­li­sée, néces­site de graves réserves, comme l’ont expri­mé très jus­te­ment les car­di­naux Ottaviani et Bacci. »

4) Lettre de Mgr Lefebvre au car­di­nal Ratzinger, 21 juillet 1982 : « Nous ne dou­tons pas que beau­coup de prêtres disent avec dévo­tion le Novus Ordo Missæ. Mais cela n’en­lève pas les graves défauts internes du Novus Ordo Missæ signa­lés par­ti­cu­liè­re­ment par les car­di­naux Ottaviani et Bacci dans le Bref exa­men critique. »

5) Lettre de Mgr Lefebvre au car­di­nal Ratzinger, 2 mars 1983 : « J’ai tou­jours recon­nu et je recon­nais à l’au­to­ri­té légi­time du Saint-​Siège le droit de légi­fé­rer en matière litur­gique. Je n’ai jamais affir­mé que le nou­vel ordo était héré­tique mais je recon­nais l’exis­tence d’une grave dif­fi­cul­té décrite par le car­di­nal Ottaviani et Bacci. »

6) Lettre de Mgr Lefebvre au car­di­nal Ratzinger, 17 avril 1985 : « Nous n’a­vons jamais affir­mé et n’af­fir­mons pas que le Novus Ordo Missae, célé­bré selon le rite indi­qué dans la publi­ca­tion romaine, est de soi inva­lide ou hérétique. »

7) Déclaration du 5 mai 1988 adres­sée au pape Jean-​Paul II : « 4. Nous décla­rons en outre recon­naître la vali­di­té du Sacrifice de la Messe et des Sacrements célé­brés avec l’in­ten­tion de faire ce que fait l’Église et selon les rites indi­qués dans les édi­tions typiques du Missel romain et des Rituels des sacre­ments pro­mul­gués par les Papes Paul VI et Jean-​Paul II. »

24. On note­ra ce que Mgr Lefebvre avait accep­té de signer en 1988 : il allait jus­qu’à accep­ter de recon­naître la vali­di­té du NOM, mais « avec l’in­ten­tion de faire ce que fait l’Église ». Cela est très impor­tant, car jus­te­ment le NOM ne donne plus que dou­teu­se­ment cette intention.

7) Le Nouveau Code de Droit canonique

25. Nous avons tou­jours refu­sé de res­pec­ter la dis­ci­pline intro­duite par le Nouveau Code de 1983, pré­ci­sé­ment parce que « imbu d’oe­cu­mé­nisme et de per­son­na­lisme, il pèche gra­ve­ment contre la fina­li­té même de la loi » [3]. Ce nou­veau Code véhi­cule de plus l’es­prit de la nou­velle ecclé­sio­lo­gie, démo­cra­tique et col­lé­gia­liste. Ainsi que l’a recon­nu le pape Jean-​Paul II, les ensei­gne­ments de Vatican II pré­sentent « un nou­veau visage de l’Église », qui doit ins­pi­rer à son tour la légis­la­tion cano­nique du Nouveau Code de 1983 [4].

26. Nous ne pou­vons pas nous conten­ter d’une dis­ci­pline par­ti­cu­lière pour la Fraternité ; nous refu­sons ce Nouveau Code parce qu’il est contraire au bien com­mun de toute l’Église, que nous vou­lons défendre [5]. Rappelons à cet égard la Décision repro­duite dans Cor unum de mars 1992 (n° 41) : « La récep­tion du nou­veau Code de droit cano­nique pose un réel pro­blème de conscience aux catho­liques. Car d’une part il s’é­loigne de façon impres­sion­nante dans l’en­semble comme dans le détail de la pro­tec­tion due à la foi et aux mœurs. Et d’autre part, nous tenons à ne pas mettre en péril le res­pect dû à l’au­to­ri­té légi­time. Mgr Lefebvre, mal­gré toute sa saga­ci­té n’a pas cru pou­voir tran­cher la ques­tion de la vali­di­té de la pro­mul­ga­tion de ce Code, mais son conte­nu comme les prin­cipes énon­cés dans la Lettre apos­to­lique de pro­mul­ga­tion (25 jan­vier 1983) la lui fai­saient tenir comme dou­teuse. En ce cas, selon le canon 15 (nc 14) cette légis­la­tion nou­velle n’urge pas. Dans cette situa­tion, selon le canon 23 (nc 21) le code de 1917 n’est pas pré­su­mé révo­qué mais la nou­velle légis­la­tion doit être rame­née à la pré­cé­dente et si pos­sible conci­liée avec elle [6]. » Cette Décision n’ex­prime pas ce qui ne serait qu’une dis­ci­pline par­ti­cu­lière à la Fraternité. Elle indique une mesure de pru­dence qui vaut objec­ti­ve­ment pour tout catho­lique confron­té aux graves pro­blèmes que sus­cite la nou­velle légis­la­tion, dou­teuse en elle-même.

Retour sur « l’entente doctrinale »

27. Comme nous l’a­vons expli­qué aux n° 1–5, le but que nous pour­sui­vons est que la Tradition retrouve tous ses droits à Rome. Ce but est pre­mier dans notre inten­tion et sera (comme tou­jours) der­nier dans l’exé­cu­tion. Que signi­fie ici « der­nier » ? Cela signifie-​t-​il que la fin de la crise de l’Église aura lieu tout à la fin, et donc après un accord de la Fraternité avec Rome ? Ou bien cela signifie-​t-​il que la fin de la crise de l’Église coïn­ci­de­ra avec cet accord ?

28. L’acceptation de notre part d’une recon­nais­sance cano­nique, dans les cir­cons­tances actuelles, repré­sente un acte mora­le­ment indif­fé­rent, mais avec double effet, un effet essen­tiel bon et un effet acci­den­tel mau­vais. L’effet bon est de se situer dans la nor­ma­li­té juri­dique à l’é­gard de Rome (et même, pour d’au­cuns, de béné­fi­cier d’un champ élar­gi d’a­pos­to­lat, ce qui reste à véri­fier). L’effet mau­vais est lui-​même double : pre­miè­re­ment, le risque de rela­ti­vi­ser la Tradition qui n’ap­pa­raî­trait plus que comme le bien par­ti­cu­lier et l’op­tion théo­lo­gique per­son­nelle de la Fraternité Saint Pie X ; deuxiè­me­ment le risque de tra­hir et d’a­ban­don­ner ce bien par­ti­cu­lier, en rai­son de tout le favens hære­sim, qui carac­té­rise comme telle l’Église conciliaire.

29. La solu­tion dépend tout d’a­bord de la pro­por­tion à éta­blir entre l’ef­fet bon et l’ef­fet mau­vais. Il est clair que dans l’in­ten­tion de notre Fondateur, il est plus impor­tant d’é­vi­ter le double effet mau­vais que d’ob­te­nir l’ef­fet bon. L’effet bon est ici moins bon que le bien meilleur auquel s’op­pose le double effet pire. La pro­fes­sion publique de la foi est plus impor­tante que la nor­ma­li­té cano­nique. « Ce qui nous inté­resse d’a­bord, c’est de main­te­nir la foi catho­lique. C’est cela notre com­bat. Alors la ques­tion cano­nique, pure­ment exté­rieure, publique dans l’Église, est secon­daire. Ce qui est impor­tant, c’est de res­ter dans l’Église… dans l’Église, c’est-​à-​dire dans la foi catho­lique de tou­jours et dans le vrai sacer­doce, et dans la véri­table messe, et dans les véri­tables sacre­ments, dans le caté­chisme de tou­jours, avec la Bible de tou­jours. C’est cela qui nous inté­resse. C’est cela qui est l’Église. D’être recon­nus publi­que­ment, cela est secon­daire. Alors il ne faut pas recher­cher le secon­daire en per­dant ce qui est pri­maire, ce qui est le pre­mier objet de notre com­bat [7]. »

30. La solu­tion dépend ensuite de l’é­va­lua­tion des cir­cons­tances : sont-​elles telles que l’on puisse rai­son­na­ble­ment espé­rer évi­ter le double effet mau­vais, c’està- dire le double risque ? Car il s’a­git ni plus ni moins que d’un risque. La ques­tion revient en somme à se deman­der s’il est pru­dent de se mettre sous l’au­to­ri­té des membres de la hié­rar­chie de l’Église, tels qu’ils sont dans la situa­tion pré­sente, c’est-​à-​dire encore imbus pour la plu­part de faux prin­cipes contraires à la foi catho­lique. On pour­ra sans doute citer quelques excep­tions ; mais elles ne prouvent abso­lu­ment rien contre l’é­tat d’es­prit géné­ral qui n’est que trop évident, dans sa géné­ra­li­té. Nous sommes bien obli­gés d’ap­pli­quer ici la règle sui­vant laquelle on désigne les choses d’a­près ce qui domine en elles et de conclure que les membres de la hié­rar­chie de l’Église sont actuel­le­ment des moder­nistes. Ceci dit, pour répondre à notre ques­tion, nous dis­po­sons de deux élé­ments : pre­miè­re­ment, notre propre expé­rience, puisque nous avons pu consta­ter que jus­qu’i­ci aucun de ceux qui ont accep­té une recon­nais­sance cano­nique de la part de Rome n’a pu vrai­ment évi­ter le double effet mau­vais ; deuxiè­me­ment, l’ex­pé­rience de notre Fondateur : « On ne rentre pas dans un cadre, et sous des supé­rieurs, en disant que l’on va tout bous­cu­ler lors­qu’on sera dedans, alors qu’ils ont tout en mains pour nous jugu­ler ! Ils ont toute l’au­to­ri­té [8]

Rome en marche ?

31. Dans la confé­rence de presse aérienne du 13 mai, le Pape répond à Nicolas Senèze qu’il sou­haite prendre son temps : « A me non piace affret­tare le cose. Camminare, cam­mi­nare, cam­mi­nare, e poi si vedrà. » François ne veut pas pré­ci­pi­ter les choses : pour l’ins­tant, il faut mar­cher et mar­cher encore sur le che­min… Il faut, dit-​il « che­mi­ner ensemble en cher­chant la for­mule qui per­met­tra d’a­van­cer ». Voilà qui jette une lumière inté­res­sante sur la pro­blé­ma­tique que nous évo­quions au début de notre réflexion : dans l’es­prit du Pape, la for­mu­la­tion doc­tri­nale n’est qu’un moyen. La doc­trine, avec l’u­ni­té de foi qu’elle garan­tit, ne repré­sente pas le but de la démarche. Le but serait plu­tôt d’a­van­cer vers la pleine com­mu­nion, dans un dia­logue inces­sant, et qui devrait d’ailleurs se pro­lon­ger même après l’oc­troi d’une struc­ture cano­nique [9]. Et la pleine com­mu­nion, nous dit Mgr Pozzo dans l’en­tre­tien déjà cité, c’est l’en­ri­chis­se­ment mutuel, au-​delà des diver­gences doc­tri­nales : « Les dif­fé­rents points de vue ou opi­nions que nous avons sur cer­taines ques­tions ne doivent pas néces­sai­re­ment conduire à la divi­sion, mais à un enri­chis­se­ment mutuel. » Serait-​ce donc la coha­bi­ta­tion de la véri­té et de l’er­reur, moyen­nant le prix d’une décla­ra­tion com­mune plus que commune ?…

32. Malheureusement, ces dif­fé­rents points de vue ne portent pas sur de simples opi­nions éga­le­ment pos­sibles, et les ques­tions aux­quelles ils cor­res­pondent ne sont pas des ques­tions « ouvertes », des ques­tions sur les­quelles cha­cun gar­de­rait sa liber­té de réflexion – et de che­mi­ne­ment. Ces ques­tions ont été pour la plu­part défi­ni­ti­ve­ment réso­lues par le Magistère de l’Église, bien avant Vatican II. La liber­té reli­gieuse de Dignitatis humanæ et la laï­ci­té posi­tive de Gaudium et spes sont condam­nés par Quanta cura de Pie IX. La nou­velle ecclé­sio­lo­gie œcu­mé­nique de Lumen gen­tium est condam­née par Pie XII dans Mystici cor­po­ris et Humani gene­ris, à cause de ce prin­cipe abso­lu­ment faux, qui vou­drait éta­blir une dis­tinc­tion réelle entre l’Église du Christ et l’Église catho­lique. L’œcuménisme de Unitatis redin­te­gra­tio est condam­né par Pie XI dans Mortalium ani­mos. La col­lé­gia­li­té de Lumen gen­tium, en ce qu’elle nie l’u­ni­ci­té du sujet du Primat, tombe sous la condam­na­tion du concile Vatican I.

33. En défi­ni­tive, cette « for­mule qui per­met­tra d’a­van­cer » nous ramène une fois de plus au texte fon­da­teur de la Commission Pontificale Ecclesia Dei, le motu pro­prio du 2 juillet 1988 : Jean-​Paul II y affirme que la Tradition est vivante. Le Discours de 2005 de Benoît XVI en est l’é­cho et l’in­ter­prète direct : cette vie de la Tradition, c’est le « renou­veau dans la conti­nui­té ». Renouveau évo­lu­tion­niste et moder­niste, qui entend dépas­ser la contra­dic­tion dans une impos­sible herméneutique.

34. Que conclure ? Reprenant les paroles citées au début de ce numé­ro [NDLR : voir notre enca­dré ci-​dessous] , nous dirions sim­ple­ment que « la Fraternité Saint Pie X n’a pas à négo­cier une cha­ri­table recon­nais­sance qui la sau­ve­rait d’un schisme sup­po­sé. Elle a l’im­mense hon­neur, après qua­rante années d’ex­clu­sion, de pou­voir, au Vatican, témoi­gner de la foi catho­lique ». En atten­dant que Rome se décide enfin à chas­ser du milieu des croyants le peuple impie de ces erreurs conciliaires.

Abbé Jean-​Michel Gleize, prêtre de la Fraternité Sacerdotale Saint-​Pie X

Source : Courrier de Rome n° 499 de mai 2017

René Berthod (1938–2017)

René Berthod s’est endor­mi dans le Seigneur, à l’aube du dimanche 30 avril 2017. Né en 1938, à Praz-​de- Fort, dans le Valais, il était le neveu du cha­noine Berthod, qui fut, aux côtés de Mgr Lefebvre, direc­teur du Séminaire d’Écône, lors de ses débuts.

René Berthod se consa­cra à l’en­sei­gne­ment jus­qu’en 1998. C’est ain­si qu’il com­bat­tit l’en­sei­gne­ment renou­ve­lé du fran­çais dans son livre Main basse sur l’é­cole (1981) et res­ta tou­jours fidèle à l’a­na­lyse gram­ma­ti­cale et logique clas­sique (héri­tée de Grevisse).

Conseiller com­mu­nal à Orsières, il y pré­si­dait la com­mis­sion sco­laire ; c’est en cette qua­li­té qu’il a impo­sé le main­tien du caté­chisme tra­di­tion­nel, à l’en­contre de son curé. Outre ses nom­breuses res­pon­sa­bi­li­tés admi­nis­tra­tives et poli­tiques, notam­ment comme Préfet du District d’Entremont, et mili­taires, comme com­man­dant d’un bataillon de milice puis comme offi­cier de sûre­té, il mit sa belle plume [10] au ser­vice de la Chrétienté d’hier et d’au­jourd’­hui, met­tant aus­si le doigt sur les fruits amers du concile Vatican II. En témoigne la publi­ca­tion (non signée), en 1990, de L’État pré­sent du catho­li­cisme en Valais, étude sta­tis­tique qui rend bien visible la perte de la foi dans l’un des can­tons les plus catho­liques de la Suisse. Chaque fois qu’il le fal­lut, Écône trou­va en lui un apo­lo­giste intré­pide. Car Écône, c’é­tait pour lui le lieu béni où il retrou­vait chaque dimanche la foi et les sacre­ments inchan­gés de l’u­nique Église.

On en juge­ra à la lec­ture du texte sui­vant [11], paru dans ses chro­niques, à l’au­tomne de 2009, au len­de­main des pre­miers entre­tiens doc­tri­naux qui devaient se dérou­ler pen­dant deux ans, entre les repré­sen­tants de la Fraternité Saint Pie X et ceux du Saint-​Siège. En quelques phrases simples mais denses, René Berthod avait déjà su cer­ner en pro­fon­deur ce phé­no­mène étrange qui laisse encore aujourd’­hui per­plexe plus d’un catho­lique, celui de « l’Église conci­liaire ».

Est-​il besoin de le dire ? René Berthod était un lec­teur assi­du et enthou­siaste du Courrier de Rome. L’auteur de ces lignes vou­drait ici rendre hom­mage à ce qui fut une belle ami­tié, belle, parce que fon­dée sur l’a­mour de l’en­tière Vérité.

Abbé Jean-​Michel Gleize – Mai 2017

Notes de bas de page
  1. Cf. dans les Acta syno­da­lia conci­lii Vaticani secun­di, vol. III, pars I, les obser­va­tions écrites du CARDINAL BROWNE (p. 629- 630) et celles de MGR CARLI (p. 660–661) sur le sché­ma De Ecclesia, à l’is­sue de la 3e ses­sion du Concile (été 1964).[]
  2. « Mgr Lefebvre et le Saint-​Office », Itinéraires n° 233 de mai 1979, p. 146–147.[]
  3. « Ordonnances concer­nant les pou­voirs et facul­tés dont jouissent les membres de la FSSPX » dans Documents de la Fraternité sacer­do­tale saint Pie X, p. 60A.[]
  4. JEAN-​PAUL II, Constitution apos­to­lique Sacræ dis­ci­pli­noe leges du 25 jan­vier 1983 : « Fundamentalis illa ratio novi­ta­tis, quæ, a tra­di­tione legi­fe­ra Ecclesiæ num­quam dis­ce­dens, repe­ri­tur in Concilio Vaticano II, præ­ser­tim quod spec­tat ad eius eccle­sio­lo­gi­cam doc­tri­nam, effi­ciat etiam ratio­nem novi­ta­tis in novo Codice. »[]
  5. Cf MGR LEFEBVRE, Conférences des 18 jan­vier ; 15 mars ; 19 décembre 1983.[]
  6. « Ordonnances concer­nant les pou­voirs et facul­tés dont jouissent les membres de la FSSPX » dans Documents de la Fraternité sacer­do­tale saint Pie X, p. 112D et 113A.[]
  7. MGR LEFEBVRE, Conférence spi­ri­tuelle à Écône, le 21 décembre 1984 (Cospec 112).[]
  8. IDEM, ibi­dem.[]
  9. Cf. les deux articles « À l’o­ri­gine des décla­ra­tions com­munes » et « La fin des ana­thèmes » dans le numé­ro de mars 2017 du Courrier de Rome.[]
  10. Cf. Rembarre : billets, 1978–1990, Éditions de L’Age d’Homme.[]
  11. « Lundi der­nier, la délé­ga­tion de la FSSPX a ren­con­tré au Vatican les inter­lo­cu­teurs dési­gnés pour conduire avec elle des entre­tiens por­tant sur leurs diver­gences reli­gieuses. S’il est légi­time de s’en réjouir, il faut se gar­der de prendre à leur sujet ses dési­rs pour des réa­li­tés. Patience !

    Mon pro­pos ne concerne ni les modernes endur­cis que cette cir­cons­tance inquiète, ni le tra­di­tio­na­liste sec­taire qui fait son bon­heur du seul iso­le­ment. Il s’a­dresse aux gens de bonne volon­té pour pré­ci­ser le véri­table enjeu du dia­logue entrepris.

    À vous les parois­siens obéis­sants qui souf­frez de voir ces frères fré­quen­ter d’autres cha­pelles et por­ter témoi­gnage de leur foi au pied d’au­tels non retour­nés, il ne fau­drait pas croire qu’Écône coure après une sorte d’ac­cré­di­ta­tion pon­ti­fi­cale qui vous per­met­trait de coha­bi­ter. À vous les tra­di­tio­na­listes équi­li­brés et rai­son­nables qui aspi­rez à l’u­ni­té que vos prêtres demandent tous les jours au canon de la messe à peine com­men­cé, faut-​il rap­pe­ler qu’Écône c’est l’Église visi­ble­ment main­te­nue dans sa foi inchan­gée, son ensei­gne­ment fidèle et sa prière pérenne ?

    La FSSPX n’a pas à négo­cier une cha­ri­table recon­nais­sance qui la sau­ve­rait d’un schisme sup­po­sé. Elle a l’im­mense hon­neur, après qua­rante années d’ex­clu­sion, de pou­voir, au Vatican, témoi­gner de la foi catholique.

    Serait-​ce alors à Rome de se conver­tir ? Oserais-​je affir­mer cette appa­rente énor­mi­té que tant d’entre vous n’osent pas évo­quer sans fré­mir d’in­di­gna­tion ? Si vous le vou­lez bien, n’ar­gu­men­tons pas, la place est trop menue. Mais choi­sis­sons ensemble aux vêpres de la Toussaint, cette invocation :

    « Auferte gen­tem per­fi­dam Credentium de finibus. »

    C’est-​à-​dire : Chassez le peuple impie du milieu des croyants ! ». (Billet du 1er novembre 2009) []

FSSPX

M. l’ab­bé Jean-​Michel Gleize est pro­fes­seur d’a­po­lo­gé­tique, d’ec­clé­sio­lo­gie et de dogme au Séminaire Saint-​Pie X d’Écône. Il est le prin­ci­pal contri­bu­teur du Courrier de Rome. Il a par­ti­ci­pé aux dis­cus­sions doc­tri­nales entre Rome et la FSSPX entre 2009 et 2011.